DIANE
DIANE
À Rome, Diane n’a pas été, à l’origine, tenue pour une déesse indigène; son premier sanctuaire est érigé sur l’Aventin, donc sans doute à l’extérieur du pomoerium primitif, et Varron la fait figurer dans une liste de dieux qu’aurait, postérieurement à la fondation, introduits le Sabin Titus Tatius. Elle ne vient pourtant pas de loin. Son nom, Diana , est assurément latin: formé sur l’adjectif dius — qu’on retrouve à Rome accolé à plusieurs noms divins: Dius Fidius (qui n’est peut-être autre que Jupiter; en tout cas, dieu des serments et de l’éclair), Dea Dia (à qui était consacré le bois sacré des Frères Arvales) — ou sur le substantif (?) dium , signifiant l’«espace céleste».
Son culte le plus important, antérieur à celui de l’Aventin, se situe à Aricie, dans un bois sacré (nemus , d’où appellation de Diana nemorensis ), près d’un lac (miroir de la déesse), sur le territoire d’Albe-la-Longue, ancienne cité dirigeante de la Ligue latine. Le prêtre du culte d’Aricie porte le titre de roi, rex nemorensis (à Rome, de la même façon, on parle du rex sacrorum , «roi des cérémonies»); sa succession demeure perpétuellement ouverte: qui aspire à le remplacer n’a qu’à le tuer en se servant d’un rameau cueilli sur un arbre déterminé du bois sacré; à basse époque, on ne trouve plus que des esclaves ou des pauvres pour assumer cette fonction. Diane d’Aricie est une déesse des fonctions génératrices et de l’enfantement (lors des fouilles d’Aricie, on a retrouvé de multiples figurations d’organes génitaux masculins ou féminins). Dans le bois de la déesse séjourne une nymphe nommée Egeria (c’est-à-dire «fin de la gestation»): on lui sacrifie pour obtenir des accouchements aisés. Le sanctuaire ne dépend pas directement d’Albe: parce que fédéral, bien commun de toutes les cités latines, il jouit d’un privilège d’exterritorialité, d’un droit d’asile; sa présence enclavée dans le territoire albain justifie pourtant, dans la Ligue, la prééminence albaine. Ces différents traits joints à des éléments fournis par la comparaison avec d’autres divinités indo-européennes ont permis à Georges Dumézil de voir en Diane une déesse de l’espace céleste, de la souveraineté et de son attribution, et une patronne des naissances.
Le culte de l’Aventin à Rome copie manifestement celui d’Aricie; son installation doit coïncider avec l’affirmation par Rome de son rôle dirigeant dans le Latium. Le jour de fête (13 août) y est le même qu’à Aricie. Diane y a toujours dans ses attributions la fécondité et la suprématie. Les femmes lui rendent un culte (elles coiffent leur chevelure en son honneur le 13 août); une anecdote légendaire rapportée par Tite-Live veut qu’un Sabin, ayant eu connaissance d’un oracle assurant la souveraineté au peuple du premier qui sacrifierait à Diane de l’Aventin une vache, vint au temple à cette fin: le prêtre romain l’envoya se purifier dans le Tibre et se pressa de sacrifier l’animal durant ce temps. On ignore de quand date le culte de l’Aventin. Le second roi de Rome, Numa, aurait eu pour conseillère une nymphe Égérie qui n’est évidemment pas différente de l’Égérie d’Aricie, et qui aurait suivi Diane à Rome; mais tout cela est légendaire. L’est peut-être également la tradition rapportée par Denys d’Halicarnasse selon laquelle le fondateur du culte serait le roi Servius Tullius. Comme par ailleurs le 13 août, anniversaire du temple, est aussi dit «fête des esclaves» (servi ), il peut s’agir d’un simple rapprochement entre le nom de l’esclave et celui du roi (pour les mêmes raisons on a imaginé que celui-ci avait été lui-même esclave); en effet la prépondérance de Rome sur la Ligue latine paraît plus tardive. En sens inverse, le droit d’asile que Servius aurait institué selon la même tradition et qui aurait alors permis de faire du sanctuaire un lieu d’échanges commerciaux internationaux s’expliquerait fort bien à cette date par d’autres exemples du monde méditerranéen; la protection que ce droit d’asile apportait aux esclaves pourrait rendre compte de leurs liens avec la déesse. Il se peut aussi, si cette tradition est fondée, que Diane, déesse, comme Cérès, de l’Aventin, ait été par la suite dépouillée par celle-ci d’une partie de ses fonctions; qu’elle soit à l’origine, elle aussi, liée à la plèbe et que l’immunité des tribuns soit une extension de l’asylie de son sanctuaire. C’est dans ce dernier qu’en \DIANE 121 le tribun Caïus Gracchus cherchera refuge; jusqu’à la fin de l’Empire, Diane sera invoquée comme protectrice par les paysans et les gens de métier. Est-ce sous l’influence du culte important qu’on rendait à Diane sur le mont Tifata, près de Capoue, en Campanie (région tôt hellénisée)? Diane se trouve fort tôt assimilée à Artémis, la déesse grecque: elle en reçoit la virginité, le goût de la chasse, l’association avec son frère Apollon, les attributions lunaires. À la suite d’épidémies, dès \DIANE 399, on décide un lectisterne où apparaissent sur trois lits Apollon et Latone, sa mère, Hercule et Diane, Mercure et Neptune: la Diane qui figure dans ce rite étrusco-grec est évidemment Artémis, responsable dans les épidémies des morts féminines comme son frère l’est des morts masculines. Sous l’Empire, Diane Artémis bénéficiera de l’importance nouvelle donnée par Auguste au culte d’Apollon: en \DIANE 17, le troisième jour des jeux Séculaires est consacré à Apollon Palatin et à sa sœur Diane; le chant choral composé pour cette occasion par Horace ne fait allusion qu’aux mythes grecs de la déesse.
diane [ djan ] n. f. ♦ Vx ou littér. Batterie de tambour, sonnerie de clairon ou de trompette pour réveiller les soldats, les marins. ⇒ 1. réveil. Battre, sonner la diane. « La diane chantait dans les cours des casernes » (Baudelaire).
● diane nom féminin (italien diana) Autrefois, batterie ou sonnerie pour annoncer le réveil. ● diane nom féminin (de Diane, nom propre) Singe cercopithèque d'Afrique tropicale, à sourcils, barbe et plastron blancs.
Diane
divinité italique de la Nature sauvage, assimilée par les Romains à l'Artémis grecque; fille de Jupiter et de Latone, soeur d'Apollon, Diane est la déesse de la Chasse.
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Diane
n. f. Anc. Batterie de tambour ou sonnerie de clairon pour éveiller les soldats. Sonner la diane.
I.
⇒DIANE1, subst. fém.
VIE MILIT., vx ou littér. Batterie de tambour, sonnerie de clairon ou de trompette exécutée à la pointe du jour pour réveiller les soldats, les marins. Battre, sonner la diane; être réveillé par la diane. Synon. réveil (en fanfare, en campagne). La hardiesse de la diane, à l'aube, dans les camps (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 91) :
• Le lendemain il [Sigismond] se réveilla, comme toujours, à la diane sonnant dans les forts; car la petite maison, entourée de casernes, réglait toute sa vie sur les sonneries militaires.
A DAUDET, Fromont jeune et Risler aîné, 1874, p. 378.
♦ Au plur., rare. Je dormais trop bien pour entendre l'orage, pas plus que les dianes de toutes ces villes en guerre (SAND, Corresp., t. 5, 1812-76, p. 323).
— P. métaph. Ce clairon [du Jugement Dernier] Sonnera la diane effrayante des morts (HUGO, Légende, t. 2, 1859, p. 857). La phrase sacramentelle de l'islam éclate dans la sonorité matinale (...) Diane lugubre, triste réveil à nos nuits blanches (LOTI, Aziyadé, 1879, p. 218). Depuis vingt ans, je ne cesse de donner la diane et d'inviter au travail (CAMUS, Possédés, 1959, p. 935).
— P. méton. Moment où l'on sonne ou bat la diane. Mesdames, dit le prince de Cadigan (...) il m'est revenu que plusieurs d'entre vous avaient l'intention de chasser demain (...) or (...) si vous tenez à faire les Dianes, vous aurez à vous lever à la diane, c'est à dire au jour (BALZAC, Modeste Mignon, 1844, p. 292).
Prononc. et Orth. :[djan]. FÉR. 1768 et FÉR. t. 1 1787 soulignent expressément l'existence d'une prononc. [dj-], p. oppos. à la prononc. [di-] donnée comme normale. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1555 (RONSARD, Meslanges ds Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, t. VI, p. 210, 108 : Qui ne sait quel mot c'est que cargue, camisade, Sentinelle, Diane, escarmoche, embuscade). Empr. à l'ital. diana attesté au sens de « roulement de tambour servant à réveiller la troupe » dep. 1585 (Garzoni ds BATT.), d'abord « première heure du jour » et « étoile qui apparaît le matin à l'orient », empr. au lat. Diana « Diane », propr. « la lumineuse » (v. ERN.-MEILLET; cf. à l'appui de cette étymol. les autres mots cités supra 1555 et empr. à l'ital.). L'esp. diana, proposé comme étymon par la plupart des dict. étymol., n'est attesté que dep. 1605 (Quijote d'apr. AL.). Fréq. abs. littér. :25. Bbg. LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 357. — RUPP. 1915, p. 57.
II.
⇒DIANE2, subst. fém.
A.— Littér. [Désignant une pers. p. réf. à la déesse latine de la chasse]. Jeune fille vierge. (Quasi-)synon. nymphe. Et, le soir, les rameaux sèment Les sylphes sur les gazons; On voit de pâles dianes Dans la lueur des chemins (HUGO, Chans. rues et bois, 1865, p. 90).
B.— ZOOL. Grand singe d'Afrique. Lorsque la diane, espèce de quadrumane, voit caresser un enfant, elle témoigne le désir d'en faire autant (BOUCHER DE P., Création, t. 4, 1838-41, p. 98).
Prononc. et Orth. Cf. diane1. Étymol. et Hist. 1838 « singe d'Afrique du genre des guenons » (Ac. Compl. 1842). Issu p. métaph. de Diane, nom de la déesse de la chasse (cf. diane1). Fréq. abs. littér. :15.
1. diane [djan] n. f.
ÉTYM. 1555; ital. diana (attesté seulement en 1585; l'esp. diana est encore postérieur); rac. dia « jour ».
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♦ Vx ou littér. Batterie de tambour, sonnerie de clairon ou de trompette qui se fait à la pointe du jour pour réveiller les soldats, les marins. ⇒ Réveil. || Battre, sonner la diane.
1 La diane chantait dans les cours des casernes.
Baudelaire, les Fleurs du mal, Tableaux parisiens, CIII.
2 La diane des clairons turcs dans le voisinage me tire d'un inquiet sommeil matinal.
Loti, Jérusalem, XIX, p. 215.
3 Enfin, perlée, cristalline, égrenée note à note, la diane m'arrivait du fort des Hautes-Perches.
G. Duhamel, Biographie de mes fantômes, VIII, p. 123.
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2. diane [djan] n. f.
ÉTYM. Attesté XIXe (1865, Hugo, in T. L. F.); du nom de la déesse.
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♦ Littér. et rare. Fille vierge. || Une jeune diane.
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3. diane [djan] n. f.
ÉTYM. 1830; orig. obscure, la métaphore du nom de la déesse Diane convenant mal.
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0 (…) on peut citer encore les jolis Diane (…) à la face blanche, prolongée chez le mâle par une barbiche pointue de Méphisto, et dont le pelage montre de riches couleurs gris ardoise, blanc, jaune sur les cuisses, rouge pourpre intense sur le dos.
René Thévenin, les Fourrures, p. 75.
Encyclopédie Universelle. 2012.