séparé, ée [ separe ] adj.
• 1314; de séparer
1 ♦ Qui est à part, distinct. « des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites » (Durkheim). « Mille sons séparés et distincts » (Duhamel).
2 ♦ (Personnes) Dans l'état de séparation. « Nous ne pouvions vivre un instant séparés » (Rousseau). Des époux séparés.
⊗ CONTR. Lié.
séparé, ée
adj.
d1./d Différent, distinct. Chambres séparées.
d2./d Se dit de personnes qui ne vivent plus ensemble. époux séparés.
⇒SÉPARÉ, -ÉE, part. passé et adj.
I. — Part. passé de séparer.
II. — Adjectif
A. — [Corresp. à séparer 1re Section II A]
1. a) [En parlant de choses concr.; avec subst. au plur.] Écartés les uns des autres; espacés les uns par rapport aux autres. Anton. rapprochés.
♦ [Dans l'espace] Lorsque cette maladie commence, il s'élève sur la peau de petites pustules rouges, qui démangent plus ou moins, quelquefois séparées, souvent ramassées en plaques et presque imperceptibles (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 439):
• 1. Les villages peuvent présenter des types analogues à ceux de l'Europe, village carré du Japon, village ordonné de l'Inde où chaque rue groupait une caste déterminée (...), villages à maisons séparées, isolées dans leurs jardins rappelant les villages nébuleux du pays de Caux, sur les bourrelets alluviaux du delta du Tonkin...
MEYNIER, Paysages agraires, 1958, p. 62.
♦ [Dans le temps] Tac! Tac! Tan! Les coups de fusil, la canonnade. Au-dessus de nous, partout, ça crépite ou ça roule, par longues rafales ou par coups séparés (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 11).
b) [En parlant de choses concr. ou abstr.; avec subst. au plur.]
) Dissociés, disjoints les uns des autres. Anton. associés, assemblés, combinés. Bien que n'importe quel objet ou service puisse être utilisé à usage de cadeau dans les relations interpersonnelles, certains objets sont privilégiés en fait dans ce rôle: rares, nouveaux, dispendieux, superflus — étant entendu que ces caractéristiques peuvent se rencontrer jointes ou séparées (Traité sociol., 1968, p. 346). V. monotype III ex. de Gouriou.
) Employés l'un après l'autre. Il faut travailler mains séparées d'abord, puis réunies (SELVA, Techn. piano, t. 1, 1908, p. 40).
) [En parlant de signes d'écriture] Anton. de liés. [En imitant la capitale grecque] on courut (...) la chance d'avoir, dès l'origine, une écriture grecque d'imprimerie autonome, avec lettres séparées. Mais le prestige du livre manuscrit était tel que l'imprimerie dut imiter le manuscrit, et dans l'écriture et dans la présentation. On en revint au groupement de lettres de type minuscule, avec des ligatures (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 548).
2. [En parlant de pers.]
a) ) À une certaine distance, à quelques pas l'un de l'autre. L'on va par la plaine de quarante arpents à la queue leu leu, sans paroles, par petits groupes (...) la femme et le mari séparés. À un vous de la femme, le mari, comprenant qu'il y a quelque chose de grave, se rapproche (GONCOURT, Journal, 1860, p. 759).
) Éloignés, tenus éloignés l'un de l'autre/les uns des autres. Si le mois de juillet 1830 eut ses héros, il eut en vous ses martyrs, ô mes braves compagnons! — Vous voilà tous à présent séparés et dispersés (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 129). Nous écoutons un long cri contenu qui est celui des cœurs séparés (CAMUS, État de siège, 1948, 2e part., p. 249). [Le déterminé est un coll.] Le monde n'est plus peuplé que de couples séparés, d'amour déchiré, déchirant... (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 49).
♦ [P. méton.] Francesco et Lucrèce passent leurs nuits séparées à rêver ensemble le bonheur futur de l'union (DURRY, Nerval, 1956, p. 117).
) En partic.
— Vivre séparé de qqn/qqc. Vivre à l'écart de, coupé de, sans lien, sans rapport avec. Nos législateurs ont eu foi (...) dans le caractère moralisateur de l'emprisonnement cellulaire (...). Ils ont cru, par un aveuglement dont il y a peu d'exemples, que l'homme pouvait s'élever au sentiment de ses devoirs envers ses semblables, à force de vivre séparé d'eux (L. BLANC, Organ. trav., 1845, p. 37). Le second peuple qui entra en Australie fut celui des aborigènes australiens, qui arrivèrent par la voie du détroit de Torrès et se répandirent sur le continent, puis furent isolés par la formation du détroit de Torrès. Pendant plusieurs siècles (...) [les aborigènes] vécurent séparés du reste du monde (PAGE, Dern. peuples primit., 1941, p. 42).
♦ [P. méton.] On oppose l'Europe à l'Asie, l'Occident à l'Orient, le Nord au Midi. La vie séparée et stagnante (en apparence) qu'ont longtemps menée la Chine, le Japon et l'Inde, a contribué à ancrer l'idée que les démarches intellectuelles des Asiatiques sont irréductibles aux nôtres (Arts et litt., 1936, p. 56-10).
— Être séparés dans le temps et dans l'espace. N'être ni de la même époque, ni de la même culture. L'art est un lieu de rencontre entre individus appartenant par ailleurs à des classes très variées; il est aussi un lien entre des individus séparés dans le temps et l'espace (Traité sociol., 1968, p. 292).
b) ) [En parlant de deux conjoints ou de l'un d'entre eux p. réf. à l'autre] Qui a/qui ont cessé de mener la vie commune. Voici bientôt six semaines que je vis séparée de mon mari (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 440).
) DR., cour.
♦ Séparé de corps, ou absol., séparé (gén. en parlant de la femme). Autorisé par décision de justice à ne plus mener la vie commune. Pour sa fille dont elle ne voulait pas faire l'enfant d'une femme séparée, Mme d'Arlot évita tout éclat, garda les apparences d'un intérieur uni (A. DAUDET, Évangéliste, 1883, p. 130). [Pour emprunter] les mineurs et les femmes mariées doivent être munis d'un pouvoir émané du tuteur ou du mari. Cette disposition ne s'applique pas toutefois aux femmes séparées de corps, depuis la loi du 6 février 1893, ni aux femmes séparées de biens (DUMONT, Organ. Monts-de-Piété, 1905, p. 34). V. présentation B 1 b ex. de Goncourt.
♦ Séparé de biens. Dont les biens personnels n'entrent pas dans la communauté, soit en vertu du contrat de mariage, soit à la suite d'une décision de justice. Cependant, la maison, les meubles étaient à elle, il logeait en garni chez elle, n'ayant à lui que ses effets, une malle qu'il aurait pu emporter sur un fiacre, séparé de biens depuis qu'il vivait du jeu (ZOLA, Argent, 1891, p. 107).
— P. métaph. Pendant qu'elle mange debout, elle a avec moi des paroles mystérieuses sur Popelin, comme si elle ne le voyait pour ainsi dire plus et comme si elle en était tout à fait séparée de cœur (GONCOURT, Journal, 1888, p. 852).
) P. ext. [En parlant d'un homme et d'une femme, d'un mari et de sa femme] Qui n'ont pas d'intimité physique. Jean se croyait l'unique coupable; elle se haïssait de n'être pas une épouse selon Dieu. Jamais ils n'échangèrent un reproche même muet, mais d'un regard se demandaient l'un à l'autre pardon. Ils décidèrent de réciter ensemble leur prière; ennemis dans la chair, ils s'unissaient dans cette imploration du soir; leurs voix au moins pouvaient se confondre; côte à côte et séparés, ils se rejoignaient dans l'infini (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 177).
3. [En parlant de pers. ou de choses]
a) ) Qui forme une unité distincte, avec ses caractères propres, sans relation, sans lien de dépendance avec autre chose. À Moissac, l'abbaye a déterminé l'apparition de la ville, mais c'étaient deux petits mondes voisins, entièrement séparés (P. LAVEDAN, Urban., 1926, p. 48). Je ne suis pas un innocent, je connais le mal. À l'âge où les enfants ne sont que jeux, rires et chansons, j'avais déjà senti que nul ne compose avec lui, que la justice et l'injustice sont deux univers séparés (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1468).
♦ [Avec subst. au sing. ou au plur.] C'est en effet ce qu'est l'adagio: non un morceau séparé, complet en soi, mais une introduction au dernier morceau, une transition d'esprit, — mais dont le sens est profond (ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1937, p. 128).
[P. méton.] Protestation contre l'idée séparée que l'on se fait de la culture, comme s'il y avait la culture d'un côté et la vie de l'autre; et comme si la vraie culture n'était pas un moyen raffiné de comprendre et d'« exercer » la vie (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 14).
— [Avec adv. ou compl. prép. désignant les circonstances ou le domaine de l'action] Que gouvernement et parlement collaborent mais demeurent séparés quant à leurs responsabilités et qu'aucun membre de l'un ne puisse, en même temps, être membre de l'autre. Telle est la structure équilibrée que doit revêtir le pouvoir (Constitution de 1958 ds Doc. hist. contemp., p. 203). L'entreprise peut être le résultat d'un processus de création et de développement unique, ou résulter de la fusion de plusieurs entreprises initialement séparées (Traité sociol., 1967, p. 267).
— [En oppos. avec distinct, pour mettre l'accent sur l'absence de relation] Il ne faut pas confondre ces deux choses, être distinct et être séparé de l'expérience. La raison est distincte en soi de l'expérience, elle n'en est point séparée (COUSIN, Philos. Kant, 1857, p. 154). [Lessing] ne conçoit plus qu'un dieu transcendant ne soit pas étranger au monde. Distinct de l'univers et séparé de l'univers sont pour lui expressions synonymes (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 1261). V. distinct A 2 ex. de Tr. Bernard.
) En partic.
— Dans le domaine relig. ou mystique. Qui (s') est détaché d'un substrat corporel ou autre; qui en est dépourvu. Intellect séparé. Ces créatures (...) détachées de la matière, c'est-à-dire, les anges bons et mauvais, et les âmes séparées (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 249).
— PHILOS. [En parlant d'un attribut de l'être] Qui est (considéré comme) sans lien avec un autre attribut de l'être. Rejetant la distinction réelle de l'essence et de l'existence dans les êtres finis, (...) [Averroès] ne pouvait pas y recourir pour résoudre le problème de la simplicité divine, et la fameuse question des attributs séparés (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 1219). V. essence1 ex. 3.
b) [En parlant d'une pers. ou d'un groupe]
) Qui (s')est exclu d'une communauté politique ou religieuse; qui n'en fait plus partie en raison de divergences d'idées ou de situation; qui forme une unité distincte de la première. Je crois que les libéraux séparés verraient plus juste, s'ils pouvaient comprendre qu'elle est, entre nous, la cause de la séparation [une conception différente de la liberté] (VEUILLOT, Odeurs de Paris, 1866, p. 12):
• 2. Ces Français [dont nous parlons tout au long de l'histoire de France], ne devrions-nous pas, à toutes les époques, nous soucier de dire qui ils étaient — de préciser ce que nous nommons Français à une certaine date, et ce que nous excluons de la France, et quels étaient, sur les points importants qui nous retiennent, les sentiments des exclus, des Français séparés?
L. FEBVRE, Entre Benda et Seignobos, [1933] ds Combats, 1953, p. 98.
) Qui ne fait pas partie d'un groupe en raison de sa vision personnelle des choses. L'œuvre de Mallarmé, exigeant de chacun une interprétation assez personnelle, n'appelait, n'attachait à soi que des intelligences séparées, conquises une à une, et de celles qui fuient vivement l'unanimité (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 13).
) [P. réf. à l'unité primordiale] Qui n'est pas fondu dans le tout. Ici s'insèrent, dans cette philosophie, les méditations sur l'unité primordiale et la multiplicité des êtres séparés, par lesquelles doit s'expliquer l'état actuel de la nature et de l'humanité. (...) la donnée primitive [pour les mystiques de tous les temps] est l'unité divine, d'où ils se sentent exclus et où ils aspirent à rentrer par la voie de l'union mystique (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 68).
4. [P. méton.]
a) Qui concerne, qui est réservé à un seul des éléments d'un ensemble. Synon. distinct, particulier, propre, spécifique; anton. commun.
) Particulier, propre à une personne ou à une collectivité. Chacun [des don Juan] avait autrefois sa légende séparée. Avec le temps, toutes se sont fondues en une seule (MÉRIMÉE, Âmes purg., 1837, p. 298). [L']admission [des élèves étrangers] est soumise aux mêmes conditions d'âge et d'examen que les candidats français, mais ils font l'objet d'un classement séparé (Encyclop. éduc., 1960, p. 174).
) Particulier, propre à une chose. La « copie de travail » ou première épreuve positive du film (...) est constituée par deux bandes séparées dont l'une porte l'image et l'autre le son (Arts et litt., 1936, p. 88-12). Il y a une grande bibliothèque, et des services séparés qui fournissent aux députés les publications françaises et étrangères les plus récentes (LIDDERDALE, Parlement fr., 1954, p. 116).
b) Qui implique l'action disjointe des divers membres d'un groupe ou de certains d'entre eux. Les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la majorité absolue des voix (...) de déclarer qu'il y a lieu de reviser les lois constitutionnelles (Lois constitutionnelles, 1875 ds Doc. hist. contemp., p. 38). Je n'hésite pas à le dire: est-ce qu'une action commune serait bien souhaitable? Certes, il faut agir; il faut qu'on les retrouve [ces enfants]; mais est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux que nos recherches fussent séparées? (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 599).
— En partic. Négociation séparée. Négociation conduite par ou avec une seule partie. Les taux des conventions ne déterminent pas les salaires. Mais ils les influencent. Chaque département guette Paris — et si l'on signe à Paris en dernier lieu pour éviter l'effet de diffusion, un autre prend sa place. Les négociations séparées sont donc rattachées les unes aux autres par des liens de fait, sinon par des liens de droit (REYNAUD, Syndic. en Fr., 1963, p. 172).
♦ Paix séparée. V. paix I B déf. et ex. de Sartre.
B. — [Corresp. à séparer 1re Section II B; en parlant des élém. d'un ensemble hétérogène] Que l'on extrait d'un ensemble pour le regrouper éventuellement dans un sous-ensemble avec les éléments de même nature. Son logis d'hiver serait (...) une anfractuosité de roc bien nettoyée, soigneusement matelassée de mousse et de feuilles sèches, distribuée en compartiments égaux, en greniers distincts où s'entasseraient côte à côte et séparées ses provisions diverses (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 137).
— Détaché d'un tout. J'ai des raisons de penser que, tout en déclinant notre concours sous forme d'une grande unité, ils pourraient être amenés à nous le demander bientôt sous forme d'éléments séparés. Ils solliciteraient, par exemple, le renfort de la légion étrangère, ou bien celui de nos chars, ou bien celui d'un groupe d'artillerie (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 636).
C. — [Corresp. à séparer 1re Section II C; en parlant de fractions contiguës d'espace] Délimités par l'interposition entre eux d'un élément matériel. Chaque rangée consiste en un long banc, garni de velours rouge, dont le dos forme pupitre pour les occupants de la rangée supérieure. Elle est divisée en places séparées et numérotées, chaque député ayant son propre siège et son propre pupitre (LIDDERDALE, Parlement fr., 1954, p. 138).
Encyclopédie Universelle. 2012.