essence [ esɑ̃s ] n. f.
• 1130; lat. philos. essentia
I ♦ Philos. Ce qui constitue la nature d'un être.
1 ♦ Philos. (opposé à accident) Fond de l'être, nature intime des choses. ⇒ nature, substance. L'essence des choses. L'essence humaine. « Nous ne connaissons que des rapports, ou des formes; la fin et l'essence des êtres resteront impénétrables » (Senancour). — (Opposé à existence) Nature d'un être opposée au fait d'être. ⇒ quiddité. Dans la théorie platonicienne, l'essence précède l'existence. ⇒ essentialisme. « Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifie que l'homme existe d'abord [...] et qu'il se définit après » (Sartre).
2 ♦ Cour. Ce qui fait qu'une chose est ce qu'elle est et ce sans quoi elle ne serait pas; ensemble des caractères constitutifs et invariables. L'essence de l'homme réside en la pensée. La logique est l'essence du raisonnement. « Il était sur le point d'avouer à Madame de Rênal l'ambition qui jusqu'alors avait été l'essence de son existence » (Stendhal). Dans son essence : dans sa nature.
♢ Loc. adv. (littér.) PAR ESSENCE. Par sa nature même. ⇒ essentiellement (cf. Par définition). L'homme moral « condamne par essence tout usage de la force » (Benda).
3 ♦ Type idéal. Se croire d'une essence supérieure, supérieur à ses semblables.
II ♦ (1690) Espèce (d'un arbre). Essences forestières. Essences feuillues, résineuses. Essences d'ombre, de lumière. « Les essences tendres qu'on plantait près de l'entrée, pour le repos du soir, les tilleuls, les marronniers » (Bergounioux).
III ♦ (1676) Extrait concentré (de certaines substances).
1 ♦ Alchim. Anciennt Substance la plus pure que l'on tirait de certains corps. ⇒ élixir, quintessence.
2 ♦ Substance aromatique, volatile, élaborée par les poils, papilles ou canaux de certains angiospermes et séparée par distillation (cf. Huile essentielle). Essences employées en pharmacie, parfumerie, confiserie. Essence de lavande, de bergamote, de violette. — Essences synthétiques. — Essence de térébenthine, obtenue par la distillation de la gomme ou résine de pin.
3 ♦ Extrait concentré (d'aliments). ⇒ extrait. Essence de gibier, de légumes. Essence de café.
4 ♦ (1864; de essence [2 o] minérale) Hydrocarbure, produit de la distillation du pétrole brut (⇒ pétrole), liquide très volatil, odorant, inflammable (dens. 0,73). Briquet à essence. L'essence est employée comme carburant et comme solvant (⇒ white-spirit) . Spécialt Ce liquide, comme carburant des moteurs à explosion. Essence sans plomb. Indice d'octane d'une essence. Pompe à essence, distributeur d'essence. Réservoir d'essence. Bidon d'essence. ⇒ jerrycan, nourrice. Prendre de l'essence, faire le plein à un poste d'essence. Voiture en panne d'essence. « Une essence qui encrasse les bougies au bout de trente kilomètres » (Romains). — Spécialt (opposé à gazole) Je n'ai que de l'essence, je ne sers pas les diesels.
⊗ CONTR. (de I) Accident, apparence, existence.
● essence nom féminin (latin essentia, de esse, être) Nature propre à une chose, à un être, ce qui les constitue fondamentalement : On touche là à l'essence même de l'homme. Littéraire. Principe, contenu fondamental de quelque chose : Cette phrase contient toute l'essence de sa pensée. ● essence (citations) nom féminin (latin essentia, de esse, être) Gabriel Marcel Paris 1889-Paris 1973 L'essence de l'homme ne serait-elle pas d'être qui peut témoigner ? Être et avoir Aubier Johann Scheffler, dit Angelus Silesius Breslau 1624-Breslau 1677 Homme, deviens essentiel : quand le monde passera, Ce qui est du hasard tombera ; l'essence restera. Mensch, werde wesentlich : denn wann die Welt vergeht, So fällt der Zufall weg ; das Wesen, das besteht. Le Pèlerin chérubinique ● essence (expressions) nom féminin (latin essentia, de esse, être) Littéraire. Par essence, par définition, de par sa nature même : Un postulat est, par essence, indémontrable. ● essence nom féminin (de essence) Synonyme de espèce, en parlant des arbres forestiers. ● essence nom féminin (de essence) Principe volatil et aromatique contenu dans certains végétaux. Produit concentré utilisé en cuisine pour aromatiser. ● essence nom féminin (de essence) Distillat de pétrole raffiné dont l'intervalle de distillation se situe entre 40 et 220 °C. Nom donné à d'autres produits dont l'intervalle de distillation est compris dans les limites ci-dessus. ● essence (synonymes) nom féminin (de essence)
Synonymes :
- espèce
● essence (expressions)
nom féminin
(de essence)
Essence d'Orient, matière nacrée servant à la fabrication des fausses perles.
● essence (synonymes)
nom féminin
(de essence)
Principe volatil et aromatique contenu dans certains végétaux.
Synonymes :
● essence (expressions)
nom féminin
(de essence)
Essence pour auto, mélange d'hydrocarbures d'origine minérale ou de synthèse destiné à l'alimentation des moteurs thermiques à allumage commandé. (Il en existe deux qualités, le carburant ordinaire et le supercarburant, qui se distinguent par des indices d'octane différents.)
Essence d'aviation, essence de qualité supérieure, utilisée comme carburant pour les moteurs d'avion du type à pistons.
Essence à détacher, essence spéciale, utilisée en teinturerie ou pour les usages domestiques et destinée à nettoyer ou à dégraisser les vêtements.
Essence deux-temps, essence à laquelle a été incorporée une dose d'huile lubrifiante, utilisée comme carburant pour les moteurs à deux temps de motocyclettes, cyclomoteurs, etc.
Essence naturelle, produit pétrolier à bas point d'ébullition extrait du gaz naturel.
Essence sans plomb, carburant ne contenant pas d'additif au plomb.
Essence spéciale, essence dont les caractéristiques sont adaptées à un usage industriel ou domestique particulier, par des limites de distillation très serrées et par la nature des hydrocarbures qui la composent.
Essence synthétique, essence formée d'hydrocarbures obtenus par synthèse.
● essence (synonymes)
nom féminin
(de essence)
Essence naturelle
Synonymes :
- gazoline
essence
n. f.
rI./r PHILO
d1./d Ce qui constitue la nature d'une substance, sans tenir compte des modifications superficielles (accidents) pouvant l'affecter.
d2./d Nature d'un être (par oppos. à existence).
|| Par essence: par nature.
rII./r Espèce, pour les arbres. Une forêt aux essences variées.
rIII/r
d1./d Composé liquide volatil et odorant extrait d'une plante. Essence de girofle.
d2./d Essence minérale ou essence de pétrole ou, par abrév., essence: mélange d'hydrocarbures provenant de la distillation et du raffinage du pétrole, employé comme carburant, comme solvant ou pour divers usages industriels. Pompe à essence. Essence sans plomb.
I.
⇒ESSENCE1, subst. fém.
A.— PHILOS. Ce qu'un être est.
1. [P. oppos. à accident, attribut] Fond de l'être, de nature idéale, conceptuelle ou divine. Essence éternelle, universelle; pénétrer l'essence des choses :
• 1. ... il semble que ce philosophe [Spinoza] ait cherché à établir entre l'éternité et ce qui dure la même différence que faisait Aristote entre l'essence et les accidents...
BERGSON, Évol. créatr., 1907, p. 352.
— Essence première. Celle qui est la cause : Dieu. Leur [ces fils] venue en ce monde n'a dépendu que de Dieu, de l'essence première, dont ils étaient des parties, et à laquelle ils peuvent par conséquent retourner comme ils en sont descendus (P. LEROUX, Humanité, t. 2, 1840, p. 441).Essence seconde ou dérivée : créature.
2. [P. oppos. à existence] L'être idéal.
— P. ext. [P. oppos. à la réalité vécue] L'être comme concept. L'apparence ne cache pas l'essence, elle la révèle; elle est l'essence (SARTRE, Être et Néant, 1943, p. 12) :
• 2. L'idée-limite clairement posée serait ici celle d'un individu qui ne serait pas l'individuation secondaire d'une forme, d'un type, d'une essence primaire, mais celle d'un individu qui « s'individue » lui-même en choisissant à chaque instant son existence; selon la formule contemporaine : l'existence prime l'essence.
RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 166.
— PHÉNOMÉNOLOGIE (en partic. chez Husserl). Idées, structures universelles de la conscience en acte :
• 3. Les essences de Husserl doivent ramener avec elles tous les rapports vivants de l'expérience, comme le filet ramène du fond de la mer les poissons et les algues palpitants. Il ne faut donc pas dire avec J. Wahl que « Husserl sépare les essences de l'existence ». Les essences séparées sont celles du langage. C'est la fonction du langage de faire exister les essences dans une séparation qui, à vrai dire, n'est qu'apparente, puisque par lui elles reposent encore sur la vie antéprédicative de la conscience.
MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. X.
B.— Cour. Caractère ou qualité propre et nécessaire d'un être; ensemble des caractères constitutifs de quelque chose.
1. [En parlant d'une chose] Ce qui n'est pas loi, est hors de l'essence du gouvernement (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 334). La contradiction est l'essence des choses humaines (RENAN, Drames philos., Eau jouvence, 1881, V, 3, p. 508) :
• 4. L'amour se fane dans une atmosphère de contrainte. Son essence est la liberté.
MAUROIS, Ariel, 1923, p. 17.
2. [En parlant d'une pers.] Son essence étant la bonté, elle [Claire] ne peut cesser de faire le bien qu'en cessant de vivre (COTTIN, C. d'Albe, 1799, p. 201) :
• 5. Clément était d'essence aérienne. Il ne savait pas marcher; il avançait par petits bonds, en se jetant de côté, et semblait le jouet des vents.
FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 257.
SYNT. Il est de (dans) l'essence de qqc. ou qqn, de + inf., que; l'essence de qqc. est dans + subst., de + inf.; les éléments qui constituent font l'essence de qqc.; être l'essence de qqc.; avoir qqc. pour essence; c'est là son essence! Examiner qqc. en son essence; être transformé dans son essence; épuiser, réaliser l'essence de qqc.; réduire qqc. à son essence; être de telle façon de, dans, en, par son essence.
— Loc. adv. Par essence. Par définition, par nature. L'ambitieux est par essence mécontent de tout ce qu'il possède (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 164). L'histoire narrative est inexacte par essence (FRANCE, Vie littér., 1890, p. 124).
3. P. ext.
a) Ce qu'il y a de plus important. Contenir l'essence de qqc., dégager l'essence de qqc. Synon. essentiel. Telle pensée qui contient l'essence d'un livre tout entier (JOUBERT, Pensées, t. 2, 1824, p. 147) :
• 6. J'aurais voulu d'un tel livre [les Éblouissements de la comtesse de Noailles] (...) essayer de dégager d'abord l'essence et l'esprit.
PROUST, Chron., 1922, p. 187.
b) Ce qu'il y a de plus pur, de plus original. J'ouvris quelques-uns de ces livres, c'étaient de plats romans de 1780 mais pour moi c'était l'essence de la volupté (STENDHAL, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 197) :
• 7. Quel étrange contraste! Gavarni, — ce Gavarni que la postérité se figurera comme le maître et l'essence de l'élégance, lui qui a chiffonné dans ses dessins tant de soie, tant de luxe, le dessus du panier de Paris...
GONCOURT, Journal, 1863, p. 1361.
c) Expr. [Le plus souvent en parlant d'une pers.] Être, se croire d'une essence autre, différente, supérieure. Nous te regardions comme fait d'une autre essence que nous (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 289) :
• 8. Il [un lieutenant] était sûr de soi, satisfait, gras, et puis, officier français, petit bourgeois à la tête d'une compagnie de la Légion étrangère, il se croyait d'une essence supérieure...
CENDRARS, Main coupée, 1946, p. 101.
Rem. On rencontre ds ROB. Suppl. 1970 le verbe trans. essentialiser, qui signifie en philos. « tirer une essence d'une existence ». Le propre de l'existence, c'est de se donner à elle-même une essence, c'est-à-dire de retrouver un accès vers cet être qui est le lieu même de l'essence. Ce n'est pas à l'essence qu'il appartient de s'existentialiser. C'est plutôt à l'existence qu'il convient de s'essentialiser (L. LAVELLE, Introduction à l'ontologie, Paris, P.U.F., 1947, p. 83).
Prononc. et Orth. :[]. Prononc. [(s)] ds FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 2 1787, LAND. 1834 [ss], NOD. 1844, BESCH. 1845 [ss], LITTRÉ [ss], DG [ss], BARBEAU-RODHE 1930 /. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. V. essence3.
II.
⇒ESSENCE2, subst. fém.
SYLVICULTURE
A.— Espèce ou variété d'arbres poussant en forêt, en plantations ou en haie. Essence forestière, fruitière; essence de lumière :
• 1. [Le sapin pectiné] essence d'ombre caractérisée, ses jeunes semis s'installent en abondance sous le couvert même assez dense et s'y maintiennent de nombreuses années. Ils se développent vigoureusement ensuite dès qu'ils ont un peu de lumière.
COCHET, Bois, 1963, p. 37.
SYNT. Un bois d'essence de charme, de chêne, de hêtre; essence résineuse; essence à feuilles caduques; essence principale (p. oppos. à essence auxiliaire ou secondaire); essence disséminée (p. oppos. à essence grégaire ou sociale).
B.— INDUSTR. DU BOIS Qualité de bois déterminée. La plupart des essences commercialisées au cours des vingt dernières années ne peuvent pratiquement plus être exportées (La Forêt fr., 1955, p. 6) :
• 2. ... il avait, (...) pour les nécessités de sa charpenterie, quantité de membrures emmagasinées et appareillées selon les formes, les dimensions et les essences...
HUGO, Travail. mer, 1866, p. 288.
Prononc. et Orth. : Cf. essence1. Étymol. et Hist. V. essence3.
III.
⇒ESSENCE3, subst. fém.
Produit concentré extrait de certaines substances, végétales, minérales ou animales.
A.— ALCHIM. Substance la plus pure extraite de certains corps, le plus souvent par distillation.
— Au fig. :
• 1. Le charme n'est pas le sens du poème, mais il est plutôt le sens de son sens, et la quintessence de son essence : la musique révèle le sens du sens, qui est charme, en le soustrayant.
JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 44.
— [P. réf. à la qualité que se donnait Rabelais dans le titre de Pantagruel] Je la tiens de certain abstracteur de quinte essence du nom de Jean Marras (VILLIERS DE L'I.-A., Corresp., 1880, p. 285).
B.— Liquide volatil, peu ou non gras, très odorant, extrait des végétaux, le plus souvent par distillation. Essence naturelle; essence de lavande, de pin; essence de bergamote, de girofle; essence de térébenthine :
• 2. ... cette huile [l'huile céphalique], qui s'oppose à l'exfoliation des pellicules, qui exhale une odeur suave, et qui, par les substances dont elle est composée, dans lesquelles entre comme principal élément l'essence de noisette, empêche toute action de l'air extérieur sur les têtes, prévient ainsi les rhumes, le coryza, et toutes les affections douloureuses de l'encéphale en lui laissant sa température intérieure.
BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 181.
— Spéc., ART CULIN. Produit obtenu par distillation, par réduction, par macération ou infusion. Il [Frère] se faisait fabriquer des sucs de viande, des essences de légumes (GONCOURT, Journal, 1872, p. 918) :
• 3. Sous la lumière dansante des bougies, on attaqua tout d'abord d'aimables bagatelles : essence de Charolais en tasse, puis truffes du Périgord...
Combat, 19-20 janv. 1952, p. 3, col. 2.
SYNT. Essence de citron; essence de poisson, de champignon, de gibier, de légumes; essence d'oignon, de truffe.
♦ Essence de feu. Eau-de-vie. J'ai enivré vos bourreaux avec de l'essence de feu (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 205). Une bouteille de vieux vin de Chypre, une hure de sanglier et un flacon d'essence de feu! (CRÉMIEUX, Orphée, 1858, I, 4, p. 38).
— P. anal. Essence synthétique ou artificielle. Mélange de plusieurs substances dans de l'alcool à très haut degré, rappelant l'arôme ou le parfum de l'essence naturelle :
• 4. La benzine traitée à froid par l'acide nitrique donne de la nitrobenzine. C'est un produit huileux qui a l'odeur de l'essence d'amandes amères; employé en parfumerie et dans la fabrication des liqueurs, il est vendu dans le commerce, sous le nom d'essence de mirbane.
QUÉRET, Industr. gaz, 1923, p. 278.
— P. métaph. Nous avons un colonel qui passe pour une bouteille qui contient de l'essence de chenapan (BALZAC, Corresp., 1822, p. 131).
C.— Essence minérale ou absol. essence. Produit obtenu par distillation du pétrole brut ou cracking des pétroles et huiles lourdes ou polymérisation. Pompe à essence, réservoir d'essence. La fractionnement des essences légères ou des huiles (E. SCHNEIDER, Charbon, 1945, p. 320) :
• 5. Entretien des lavabos. — I en faïence, porcelaine ou grès-porcelaine : laver au savon noir ou à l'essence minérale et rincer à l'eau claire.
Lar. mén. 1926, p. 1169.
• 6. Le raffinage a pour but d'éliminer de l'essence et du kérosène les corps nuisibles par leur odeur, par leur couleur ou par les produits auxquels ils donnent naissance au cours de l'emploi. Il enlève aussi les carbures non saturés et les composés oxygénés, sulfurés et azotés. Il comprend des lavages à l'acide sulfurique, à la soude et à l'eau. Parfois il s'effectue selon des procédés différents.
CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 84.
SYNT. Bidon, jauge d'essence; dépôt, poste d'essence; faire le plein d'essence; tomber en panne d'essence; ravitaillement en essence; vapeurs d'essence; moteur, voiture à essence; briquet, lampe à essence; fumeron d'essence; un mélange riche en essence.
D.— TECHNOL. Essence d'Orient. Préparation obtenue à partir des écailles d'ablette (ou plus rarement de vessies natatoires, de peaux) et qui sert à garnir les fausses perles (cf. COUPIN, Animaux de nos pays, 1909, p. 211).
Rem. On rencontre ds la docum. a) Le verbe trans. essencer. Couvrir, imbiber d'essence. La pâte adhérant (...) facilement au métal du cachet ou de la molette (...) on peut les essencer (AL. BRONGNIART, Arts céram., 1844, p. 163). La planche vernie et enfumée que l'on essence pour continuer (M. LALANNE, Gravure eau-forte, 1866, p. 79). b) L'adj. et subst. essencié, ée. Qui contient de l'essence. L'huile provenant de grès de l'oligocène et du miocène plissé (anticlinaux), est essenciée et paraffineuse dans les couches supérieures, et lourde et non paraffineuse dans les couches inférieures (CHARTROU, op. cit., p. 165).
Prononc. et Orth. Cf. essence3. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 « nature de quelque chose » (Moralités sur Job, 338, 35 ds T.-L. : essence de la diviniteit); 2. a) 1563 « extrait de substance » (B. PALISSY, Recepte, p. 28 ds IGLF : ceux qui tirent les essences des herbes et espiceries); b) 1888 essence de pétrole (L'Aéronaute, janv., 16 ds GUILB.); 3. 1690 « espèce d'arbre » (FUR.). Empr. au lat. class. essentia « nature d'une chose ».
STAT. — Essence1, 2 et 3. Fréq. abs. littér. :2 884. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 2 855, b) 2 127; XXe s. : a) 2 820, b) 6 994.
BBG. — QUEM. DDL t. 5.
essence [esɑ̃s] n. f.
ÉTYM. 1130; lat. philos. essentia, dér. de esse « être ».
❖
———
A Philos. Ce qui constitue la nature d'un être.
1 Nature intime (des choses, de ce qui est). ⇒ Entité, nature, substrat. || L'essence et les accidents. || L'essence divine. || Amour d'essence divine, qui participe de Dieu (→ Décomposé, cit. 9). || L'essence humaine. || Chercher à connaître, à pénétrer l'essence des choses.
1 (…) En ce monde envoya son cher unique enfant,
Éternel comme lui et de la même essence (…)
Ronsard, Réponse aux injures et calomnies.
2 Lorsqu'on s'obstine à disputer sur les essences, il arrive qu'on ne sait plus ce que les choses sont.
Condillac, l'Art d'écrire, IV, 5.
3 Nous ne connaissons que des rapports, ou des formes; la fin et l'essence des êtres resteront impénétrables.
É. de Senancour, De l'amour, p. 5.
4 L'essence des choses devant nous rester toujours ignorée, nous ne pouvons connaître que les relations de ces choses, et les phénomènes ne sont que des résultats de ces relations.
Claude Bernard, Introd. à l'étude de la médecine expérimentale, p. 109.
5 Mais qu'un bruit déjà entendu, qu'une odeur respirée jadis, le soient de nouveau, à la fois dans le présent et dans le passé, réels sans être actuels, idéaux sans être abstraits, aussitôt l'essence permanente et habituellement cachée des choses se trouve libérée et notre vrai moi qui, parfois depuis longtemps, semblait mort, mais ne l'était pas autrement, s'éveille, s'anime en recevant la céleste nourriture qui lui est apportée.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XV, p. 15.
♦ Par ext. L'être considéré dans ce qui fait sa nature même. || La divine essence. ⇒ Dieu (→ Bassesse, cit. 7). || Dieu est essence première (⇒ Principe), les créatures essences secondes.
6 Car ils sauront qu'à la divine essence
Seule appartient règne et magnificence (…)
Clément Marot, Psaumes de David, XVIII.
7 Auteur de toute chose, essence en trois unique.
Racine, Poésies diverses, « Le vendredi ».
2 (Opposé à existence). Nature (d'un être) distincte du fait d'être. ⇒ Quiddité. || Théorie philosophique dans laquelle l'existence précède l'essence (⇒ Existentialisme), dans laquelle l'essence précède l'existence (⇒ Essentialisme).
8 Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir.
Sartre, L'existentialisme est un humanisme, p. 21.
3 Log. et cour. Ce qui fait qu'une chose est ce qu'elle est et ce sans quoi elle ne serait pas; ensemble des caractères constitutifs et invariables, qualité propre et nécessaire d'un être, d'une chose. ⇒ Caractère; essentiel, quiddité (vx). || La définition, selon Aristote, doit exprimer l'essence. || L'essence d'un triangle est d'avoir trois côtés et trois angles. || L'essence de l'homme réside en la pensée (→ Âme, cit. 41). || La logique est l'essence même du raisonnement. || L'interprétation du monde est l'essence de l'œuvre d'art. || L'essence d'un projet. ⇒ Substance. — Dans… essence. || Le conservatisme est dans son essence différent du patriotisme (→ Compter, cit. 5). — De… essence. Vx. || Être de l'essence de…, essentiel à… || Le travail et le talent sont-ils d'essence collective ? (→ Convertir, cit. 12). — De l'essence du rire, œuvre de Baudelaire.
9 (…) cent choses qu'il faut savoir (…) et qui sont de l'essence d'un bel esprit.
Molière, les Précieuses ridicules, 9.
10 De cette confusion arrive que l'un dit que l'essence de la justice est l'autorité du législateur, l'autre la commodité du souverain, l'autre la coutume présente (…)
Pascal, Pensées, V, 294.
11 (…) dans l'état social, le bien de l'un fait nécessairement le mal de l'autre. Ce rapport est dans l'essence de la chose; et rien ne saurait le changer.
Rousseau, Émile, II.
12 (…) il était sur le point d'avouer à Madame de Rênal l'ambition qui jusqu'alors avait été l'essence même de son existence.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XVII.
13 L'essence de la critique est de savoir comprendre des états très différents de celui où nous vivons.
Renan, Souvenirs d'enfance…, II, II.
14 Les signes extérieurs de l'amitié sont l'essence même de l'amitié : ils suffisent à la créer.
A. Maurois, les Discours du Dr O'Grady, XXI, p. 230.
15 (…) ce qu'elle (l'Église) leur a recommandé (aux privilégiés), c'est au contraire d'éteindre, par-dessous cette vie de privilège, toute croyance à une particularité d'essence de leur personne (…)
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 169.
♦ ☑ Loc. adv. (Littér.). Par essence : par sa nature même. ⇒ Définition (par), essentiellement. || L'homme est par essence un être faillible. || L'homme moral condamne par essence tout usage de la force (→ Condamner, cit. 21). || Le capitalisme est par essence individuel (→ Créer, cit. 16).
16 La politique, c'est, par essence, le domaine des choses concrètes.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 199 (→ Domaine, cit. 6).
4 Type idéal (auquel appartient qqn). || Se croire d'une essence supérieure, supérieur à ses semblables. || Il prétend être d'une autre essence que ses contemporains.
B (1690). Espèce (d'un arbre). || Les différentes essences. || Essences à feuilles caduques; essences à feuilles persistantes. || Le chêne-liège est une essence répandue dans les terrains siliceux.
17 À cause de la pauvreté du sol et de la maigreur des essences, les coupes y étaient rares (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XI, p. 144 (→ 2. Coupe, cit. 2).
———
II
A Extrait concentré.
1 Alchim., anciennt. Substance la plus pure que l'on tirait de certains corps. ⇒ Élixir, quintessence.
2 Substance odorante volatile produite par certaines plantes et pouvant être extraite sous forme de liquide. ⇒ Huile (essentielle). || Les essences existent dans la plante entière, ou plus particulièrement dans les feuilles, les fleurs, les fruits, la racine, le bois, les sucs résineux. || Principe odorant des essences. ⇒ Arôme, parfum. || Extraction industrielle des essences par enfleurage, distillation, macération ou expression. || Essences utilisées en parfumerie, en confiserie, en pharmacie. || Essence d'ananas, d'angélique, d'anis, de bergamote, de cannelle, de cédrat (→ Confiserie, cit. 1), de citron, de coriandre, de cumin, de genévrier, de girofle, de lavande, de mandarine, de menthe, de moutarde, de fleur d'oranger, de rose, de rose blanche (nizeré), de santal, de violette, de wintergreen (se reporter à ces substantifs). || Essence de térébenthine, obtenue par la distillation de la gomme ou résine de pin. || Vernis à l'essence de térébenthine. || Essence de térébenthine employée dans la peinture à l'huile.
18 Quelle distillation nous donnera l'essence, toujours la même, à laquelle tant de produits divers empruntent ou leur indiscrète odeur ou leur parfum délicat.
H. Bergson, le Rire, p. 1.
19 Ainsi ceux qui aiment un parfum jusqu'à partir pour le Liban en respirer l'essence, et ne trouvent que son bois d'origine tout juste odorant si on le frotte avec son nez.
Giraudoux, Siegfried et le Limousin, p. 191.
♦ Essences synthétiques : composés chimiques rappelant les essences naturelles. || Essence de fraise, de framboise. || Essence de mirbane (nitrobenzine).
➪ tableau Vocabulaire de la chimie.
3 Extrait concentré (d'aliments). ⇒ Extrait. || Essence de gibier, de légumes. || Essence de café.
4 Techn. || Essence d'Orient : matière nacrée tirée des écailles de l'ablette, et dont on garnit l'intérieur de perles en verre pour imiter l'orient des perles vraies.
5 Vx. || Essence minérale. Voir ci-dessous, B.
B (1864, Rev. des cours sc., t. I, p. 445; probablt pour essence [II., A.] de pétrole). Très cour. Hydrocarbure, produit de la distillation du pétrole brut (⇒ Pétrole), liquide très volatil, odorant, inflammable (dens. 0,73). || Le point d'ébullition de l'essence se situe entre 70 °C et 150 °C. || Essence obtenue par hydrogénation de la houille ou des lignites (essence synthétique). || Adoucir l'essence par un procédé de raffinage. || L'essence est employée pour le chauffage, l'éclairage, comme carburant pour les moteurs à explosion. || Essence commerciale : mélange d'essence, d'alcool et de benzol, dont l'indice d'octane est fixé officiellement. ⇒ Carburant; essence-alcool. || Essence raffinée. || Essence d'avion, essence de voiture. || Essence sans plomb. — Spécialt (dans le contexte de l'automobile). || L'essence du carburateur arrive mélangée à l'air (→ Mélange riche, pauvre) dans les cylindres, grâce aux gicleurs. || Réservoir d'essence. ⇒ Nourrice, réservoir. || Bidon d'essence. || Prendre de l'essence, faire le plein d'essence. || Voiture en panne d'essence. — (Autres contextes). || Réchaud à essence. || Briquet à essence. || Nettoyage de vêtements à l'essence. || Enflammer, incendier qqch. en arrosant d'essence.
20 L'arrosage d'essence avançait, tous les miliciens déchaînés dans le claquement de l'eau sur les murs, le grésillement de vapeur et la toux d'enfer des hommes pris à la gorge par l'âcre odeur de pétrole et l'atroce chuintement mou de la lance. La gerbe d'essence crépitante avançait pas à pas, et la frénésie des miliciens était multipliée par ses flammes bleuâtres et convulsives qui envoyaient gigoter sur les murs des grappes d'ombres affolées (…)
Malraux, l'Espoir, p. 527.
21 Un petit silence, à peine troublé par le bruit des six cylindres. Nous sommes en pleine campagne et, pourtant, le vent lui-même, le libre vent des plaines, fleure l'essence mal raffinée.
G. Duhamel, Scènes de la vie future, VI, p. 93.
22 (…) le préfet prit des mesures concernant la circulation des véhicules et le ravitaillement. Le ravitaillement fut limité et l'essence rationnée.
Camus, la Peste, p. 94.
23 Les salauds vous foutent une essence qui encrasse les bougies au bout de trente kilomètres.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXVII, p. 288.
♦ Pompe à essence. ⇒ 2. Pompe (infra cit. 3.1), pompiste. || Distributeur d'essence. — Poste d'essence, poste à essence : lieu comportant un ou plusieurs distributeurs d'essence et éventuellement divers services destinés aux automobilistes. || Station d'essence (même sens, mais impliquant un aménagement et des services plus importants). ⇒ Station-service.
24 Plus loin, Besson passa devant un poste à essence. Sur une sorte de tour en ciment, il y avait un grand panneau où était écrit :
azurEn dessous de la tour, l'édifice s'étalait, tout blanc, beau comme une église. Partout des pancartes pendillaient dans le vent, avec des dessins rouges et bleus en forme d'étoile. Des géraniums vivaient dans des pots, et un chien-loup dormait (…) à l'entrée du garage. Sous une véranda en béton, quatre pompes à essence trônaient. Carrées, bleues et rouges, portant au sommet une lucarne où s'inscrivaient les chiffres, le tube de caoutchouc replié, elles étaient là, inutiles (…) Sur le sol lavé à grande eau, l'odeur de l'essence et de l'huile rampait doucement, et le soleil frappait les surfaces blanches de son étoile blanche.
J.-M. G. Le Clézio, le Déluge, p. 238.
❖
Encyclopédie Universelle. 2012.