FUNGI IMPERFECTI
On désigne sous le nom de Fungi imperfecti l’ensemble des champignons qui ne présentent pas de fructifications sexuées [cf. CHAMPIGNONS], mais se reproduisent uniquement par voie végétative, au moyen de spores asexuées (conidies) ou par simple fragmentation du mycélium. De nombreuses espèces parasites et la plupart des moisissures banales appartiennent à ce groupe; leur rôle dans les processus naturels, biologiques et biochimiques, autant que leur importance numérique – le tiers des champignons actuellement connus, soit plus de quinze mille espèces – justifie l’intérêt théorique que leur portent les systématiciens.
Les limites du groupe
De l’ensemble précédemment défini, on convient d’exclure les Zygomycètes, par exemple les Mucorales, dont les spores asexuées sont contenues dans un sporange, même lorsque le stade sexué (zygospore) est inconnu; de même, la plupart des formes bourgeonnantes (Candida , Torulopsis ) sont ordinairement traitées avec les Levures (Ascomycètes), en tant que «levures anascosporées». En revanche, on maintient habituellement parmi les Fungi imperfecti , pour des raisons de commodité et d’usage, un certain nombre d’espèces qui sont des formes végétatives d’Ascomycètes connus, tels les Aspergillus du groupe glaucus (forme parfaite Eurotium ), une partie des Penicillium (Carpenteles , Talaromyces ), les Trichoderma (Hypocrea ), beaucoup de Fusarium (Nectriales ), etc.
Ainsi délimité, le groupe est indiscutablement artificiel. Des espèces ont été rattachées, parfois sans preuves suffisantes, à une forme parfaite qui est le plus souvent un Ascomycète; les formes imparfaites de Basidiomycètes sont moins fréquentes et moins variées: oïdies de certains coprins, collybies, pleurotes; formes Œdocephalum ou Botrytis de polypores, formes levures des trémelles. Un petit nombre de Fungi imperfecti sont des haplontes d’Ascomycètes hétérothalliques (Monilia sitophila = Neurospora ). Pour beaucoup, le cycle de reproduction est incomplètement connu plutôt qu’incomplet; la plupart sont probablement des champignons supérieurs qui ne produisent leur stade parfait (ascospores ou basidiospores) que dans des conditions particulières encore ignorées, ou dont les stades parfait et imparfait sont séparés dans le temps et selon les substrats. Mais il semble probable que certains de ces champignons (un tiers peut-être de l’ensemble) ont, au cours de l’évolution, perdu sans retour toute aptitude à la reproduction sexuée, ou qu’ils ne l’ont jamais eue. Même si des études ultérieures permettent de rattacher le plus grand nombre de formes asexuées à des classes naturelles de champignons supérieurs, le groupe des Fungi imperfecti devra être maintenu. Les systématiciens lui accordent pratiquement, sous le nom de Deutéromycètes ou Adélomycètes, le statut de classe, au même rang que les Ascomycètes ou les Basidiomycètes.
Principes de classification
En l’absence des critères naturels fournis par la reproduction sexuée, la classification des champignons imparfaits est fondée sur la morphologie de leurs appareils de multiplication végétative. Actuellement, le seul système de classification à peu près exhaustif reste celui de P. A. Saccardo (1884-1886); il accorde une importance primordiale à l’aspect du champignon et aux caractères de couleur et de septation des spores. La présence ou l’absence d’un organe de fructification défini détermine quatre ordres: les Sphœropsidales , dont les conidies se développent à l’intérieur d’un conceptacle ou pycnide ; les Mélanconiales qui produisent leurs conidies sur un réceptacle plat ou acervule ; les Hyphomycétales (= Hyphales) dont les appareils conidiens sont épars sur le mycélium; les Mycelia sterilia , représentés par un thalle dépourvu de spores. Les Sphæropsidales et les Mélanconiales, qui forment un groupe biologiquement homogène, sont parfois réunies sous la dénomination collective de Cœlomycètes . L’ordre des Hyphomycétales, de loin le plus important (plus de 600 genres), comporte quatre familles fondées sur des critères de valeur inégale, couleur du thalle et des spores, groupement des conidiophores: les Mucédinacées, de couleur claire, et les Dématiacées, noires ou de teinte sombre, ont leurs conidiophores libres; les Tuberculariacées ont des conidiophores courts groupés sur de petits stromas pustuleux ou tubercules ; les Stilbacées sont caractérisées par des faisceaux compacts de conidiophores associés en corémies ou synnemas . Les unités systématiques d’ordre inférieur sont enfin définies par le mode de septation des spores, puis par leur disposition sur les conidiophores.
Ce système se présente, avant tout, comme une clé dichotomique destinée au classement et à l’identification des champignons imparfaits; à ce titre son utilité est indéniable, en dépit des nombreuses critiques qu’on peut lui faire. Les taxinomistes modernes recherchent des bases de classification plus rationnelles, qui rendraient compte des attributs essentiels des organismes et de leurs affinités réelles. Le critère d’ordre biologique introduit par Mason (1933) met ainsi l’accent sur les mécanismes qui assurent la dispersion des spores, organes de propagation du champignon: les Xerosporae produisent des spores sèches, aisément dispersées par le vent; les Gloiosporae , des spores gluantes, transportées par l’eau ou par les insectes; toutefois, ce caractère n’est pas suffisamment stable pour déterminer des coupures taxinomiques précises.
Une notion beaucoup plus féconde fut introduite par P. Vuillemin (1910-1912); elle tend à définir les formes conidiennes par l’analyse des mécanismes de la conidiogenèse. Deux types fondamentaux de spores mitotiques sont ainsi définis (qui présentent eux-mêmes diverses modalités): les thallospores , provenant de la transformation d’éléments préexistants du mycélium végétatif, et qui, en général, ne s’en séparent pas facilement; les conidiospores , éléments néoformés, extérieurs au thalle duquel ils se détachent rapidement.
La contribution la plus importante à la taxinomie des Hyphomycètes est due à S. J. Hughes (1953). À la suite de Vuillemin, ce savant considère qu’il existe seulement un petit nombre de procédés par lesquels les conidies peuvent se développer à partir d’autres cellules; ces différents types de sporogenèse définissent des groupements naturels, à l’intérieur desquels viendront s’insérer les formes imparfaites morphologiquement comparables. Cette classification comporte huit sections fondées sur la nature et l’ontogénie des spores; sa publication a suscité une série de travaux, parmi lesquels ceux du Japonais Tubaki semblent le plus près d’aboutir à un système exhaustif et cohérent de classification.
Rôle biologique et importance économique
Le sol constitue un réservoir inépuisable de champignons imparfaits. Certaines espèces sont de véritables champignons saprophytes du sol, où ils accomplissent tout leur cycle de développement; ils jouent un rôle important dans la décomposition des débris organiques. D’autres sont des parasites facultatifs des plantes supérieures, susceptibles de végéter pour un temps dans le sol; ils constituent un foyer d’infection pour les jeunes pousses, et imposent la pratique de l’assolement. D’autres enfin sont des champignons des litières, localisés dans la couche humique du sol; on y rencontre en particulier des espèces prédatrices (Arthrobotrys , Dactylaria ), remarquablement adaptées à la capture des nématodes ou des rotifères. La mycoflore du sol est le siège de compétitions et d’antagonismes, manifestés par la sécrétion de toxines ou par le mycoparasitisme, qui tendent à l’éviction des espèces parasites et contribuent à l’équilibre de la biocénose.
Beaucoup de spores de champignons se retrouvent, à l’état viable, dans l’atmosphère ; elles peuvent être à l’origine de réactions allergiques.
Les champignons du sol et de l’air sont les principales sources de contamination par les moisissures ; les dégradations causées par ces micromycètes aux biens de consommation, produits alimentaires, matériaux et objets fabriqués font subir de graves préjudices à l’économie.
Beaucoup de champignons parasites des plantes cultivées appartiennent aux diverses classes de Fungi imperfecti : Sphæropsidales (septorioses, rot blanc de la vigne); Mélanconiales (anthracnoses ou pourritures sèches des fruits et légumes, maladie criblée des arbres fruitiers); Hyphomycétales (cercosporioses, alternarioses, fusarioses, et de nombreux parasites secondaires ou de faiblesse). Les parasites appartenant à d’autres groupes (Ascomycètes) ont souvent une phase conidienne très active qui assure la dispersion locale du champignon pendant la période de végétation.
Certains Deutéromycètes provoquent chez l’homme des maladies, surtout répandues dans les régions tropicales (blastomycoses, histoplasmose), pour lesquelles on ne connaît pas toujours de traitement efficace; les dermatophytes (Trichophyton , Microsporon ) provoquent des affections cutanées généralement bénignes, mais très fréquentes. Aspergillus fumigatus , habituellement saprophyte, peut être à l’origine de graves aspergilloses pulmonaires, chez l’homme comme chez les oiseaux. Les insectes sont aussi sujets à des maladies d’origine fongique (muscardines à Beauveria et Metarrhizium ), qui sont nuisibles à l’économie quand elles affectent le ver à soie, mais qui ont pu être utilisées dans la lutte contre le ver blanc du hanneton.
Les possibilités biochimiques des moisissures sont extrêmement riches et variées. Les recherches sur les enzymes d’origine fongique, sur les mycotoxines (aflatoxine des Aspergillus flavus ) et sur les antibiotiques (pénicilline, griséofulvine, céphalosporine) sont poursuivies activement; cependant, le pouvoir de synthèse de ces champignons et les produits qu’ils sont susceptibles de fournir sont encore loin d’avoir été inventoriés et exploités complètement.
● fungi imperfecti nom masculin pluriel (mots latins signifiant champignons imparfaits) Autre nom des deutéromycètes.
Encyclopédie Universelle. 2012.