GISANT
GISA
Effigie funéraire en haut relief d’un personnage représenté couché sur une tombe. Ordinairement couché à plat-dos, le gisant, qui a les yeux soit ouverts soit fermés, est, en fait, conçu comme une statue qui serait placée debout. Généralement sculptés dans la pierre, les gisants sont exécutés à partir du XIIIe siècle dans des matériaux plus précieux: bronze, cuivre doré ou émaillé. Seuls les gisants des chevaliers anglais des XIIIe et XIVe siècles sont représentés «en mouvement»: couchés sur le flanc, les jambes croisées, ils dégainent leur épée dans un suprême effort. Le type du gisant, création de l’art funéraire du Moyen Âge chrétien, évoluera à la fin du XIIIe siècle (il était auparavant figuré idéalement jeune et beau) où l’on assiste à une recherche de vraisemblance physique dans la représentation du défunt: cela se remarque déjà dans l’effigie funéraire du roi Philippe III le Hardi, mort en 1285 et enseveli en l’église abbatiale de Saint-Denis, mais plus encore dans celle du connétable du Guesclin, mort en 1380, dont la petitesse et la laideur légendaires furent reproduites fidèlement. Les gisants sont souvent accompagnés d’éléments annexes: repose-tête, animaux symboliques ou familiers couchés sous leurs pieds, et ils font des gestes divers: les mains sont jointes pour prier ou elles tiennent un livre ouvert (gisant d’Aliénor d’Aquitaine à l’abbaye de Fontevrault) ou un sceptre royal (la plupart des gisants royaux de Saint-Denis). Au cours du dernier tiers du XIVe siècle, cette représentation conventionnelle du gisant cède la place à la figuration du «transi», c’est-à-dire du corps à l’état de décomposition (transi du cardinal Jean de Lagrange Saint-Martial, à Avignon). Hormis quelques exemples de transis datant du XVIe siècle, tels ceux d’Henri II et de Catherine de Médicis à Saint-Denis, la Renaissance et les siècles suivants préféreront représenter le défunt agenouillé et en prière: le priant.
gisant, ante [ ʒizɑ̃, ɑ̃t ] adj. et n. m.
• 1260; p. prés. de gésir
1 ♦ Littér. Qui gît, est étendu immobile. « ces masses inertes qui restaient gisantes comme des cadavres » (Michelet).
2 ♦ N. m. (1911) Statue représentant un mort étendu (opposé à orant). « une tombe de pierre sur laquelle étaient sculptés des “Gisants”, un seigneur et sa dame » (Maurois).
● gisant nom masculin Effigie, statue funéraire d'un personnage couché. ● gisant (difficultés) nom masculin → gésir ● gisant, gisante adjectif (de gésir) Qui est couché, étendu sans mouvement : Les corps gisants des victimes du bombardement.
gisant, ante
adj. et n. m.
d1./d adj. Litt. Qui gît. Un blessé gisant sur la route.
d2./d n. m. BX-A Effigie couchée, sculptée sur un tombeau.
⇒GISANT, -ANTE, part. prés., adj. et subst.
I. — Part. prés. de gésir.
II. — Emploi adj.
A. — [Correspond à gésir A 1; en parlant d'un animé vivant ou mort] Littér. Qui est étendu, couché, sans pouvoir se mouvoir (par suite d'un malaise, d'une maladie, d'une blessure ou de la mort). On l'a trouvée gisante, étalée sur son seuil, la poitrine trouée par une balle (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 188). On n'a aucune peine à s'imaginer mort, gisant, bien au sec sous la dalle (GUÉHENNO, Journal « Révol. », 1937, p. 57). Des images de la femme gisante dans son hamac ou dans la position obstétricale indigène (LÉVI-STRAUSS, Anthropol. struct., 1958, p. 213).
♦ P. métaph. C'était une chanson si accablée et si gisante qu'on craignait que les mouches ne s'y missent (BARRÈS, Voy. Sparte, 1906, p. 178).
— Emploi subst. Ils virent un homme tout long dans l'ornière (...). Le gisant relevait la tête, avec des plaintes (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 53) :
• 1. La vache piquée roula et resta inerte. « Ils l'ont tuée », pensa-t-il. Les hommes avaient mis pied à terre et entouraient la gisante, qui s'était dans sa chute fiché une corne dans le sol, et littéralement clouée.
MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 409.
♦ ARCHÉOL., au masc. Statue funéraire représentant un personnage mort, couché. Les tranquilles gisants de pierre qui dorment côte à côte dans les cryptes (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 576) :
• 2. À même le pré, un gisant de pierre, armé, accoté sur le coude droit, dans une attitude de guet, de vigilance, d'anxiété, de menace, le visage râpé par les intempéries, réduit à un ovale nu de pierre blanche, garde l'entrée d'un souterrain perdu dans les herbes.
J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 48.
Rem. Ac. 1932 enregistre dans cet emploi la forme féminine.
B. — [Correspond à gésir A 2; en parlant d'une chose]
1. [En parlant d'une chose abandonnée, détériorée] Littér. Qui est tombé, dispersé çà et là sur le sol. Le champ bientôt fut plein d'armes gisantes, d'une tristesse raidie d'abandon (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 32). J'ai vu la statue abattue de Notre-Dame, gisante la face contre terre sous la neige (CLAUDEL, Gdes odes, 1910, p. 288). C'était un gros village (...) près d'une grande ville morte, dont on voyait encore les pierres gisantes sur le sol (THARAUD, Fez, 1930, p. 2).
♦ Navire gisant (LITTRÉ, DG, Lar. Lang. fr.). Navire échoué.
2. TECHNOL. Qui est en position horizontale.
♦ ,,Meule gisante`` (Ac. 1878-1932). ,,Meule inférieure d'un moulin, sur laquelle tourne la meule supérieure`` (Ac. 1878-1932).
— Emploi subst. masc. ,,Le gisant d'un chariot`` (Ac. 1932). ,,La partie du brancard qui porte directement sur l'essieu`` (Ac. 1932).
3. Qui se trouve enfoui (v. gîte1, gisement II B). La nappe d'eau, gisante à une assez grande profondeur souterraine (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 527).
Prononc. et Orth. : [], fém. [-]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. V. gésir. Fréq. abs. littér. : 199.
gisant, ante [ʒizɑ̃, ɑ̃t] p. prés., adj. et n. m.
ÉTYM. 1260; p. prés. de gésir.
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1 Qui gît (⇒ Gésir), est étendu immobile. || Cadavre gisant (→ Enjamber, cit. 1). || Bois gisant, coupé et tombé à terre. || Ruine gisante dans l'herbe (→ Équarrir, cit. 2).
1 Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie.
La Fontaine, Fables, V, 20.
2 (…) ces masses inertes, qui restaient gisantes comme des cadavres, sans force pour se relever.
Michelet, Hist. de France, I, III.
3 Il devait y avoir des Français devant nous, quelques débris de tout ce qui avait été brisé et balayé par la première vague allemande et qui devaient être gisants à l'extrémité de cette vague, elle-même épuisée et étale.
Drieu La Rochelle, la Comédie de Charleroi, p. 148.
2 N. Personne qui gît (→ Aïeul, cit. 6).
♦ N. m. (Arts). Statue représentant un mort étendu (par oppos. à orant, priant). || Gisants sculptés sur les tombeaux du Moyen Âge.
4 Les religieuses, assoupies, semblables à deux allégories drapées de noir, encadraient le gisant, dont l'immobilité conférait à cette mise en scène une majesté authentique.
R. Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 194.
5 Et je pensais aussi (…) à ces malades, depuis des années mourants, qui ne se lèvent plus, ne bougent plus, et, même au milieu de l'assiduité frivole de visiteurs attirés par une curiosité de touristes ou une confiance de pèlerins, les yeux clos, tenant leur chapelet, rejetant à demi leur drap déjà mortuaire, sont pareils à des gisants que le mal a sculptés jusqu'au squelette dans une chair rigide et blanche comme le marbre, et étendus sur leur tombeau.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 943.
6 Un jour, en visitant la chapelle d'un château voisin, Claire vit une tombe de pierre sur laquelle étaient sculptés des « Gisants », un seigneur et sa dame, couchés sur le dos, une épée entre eux.
Maurois, Terre promise, VII.
7 Les siècles ont passé sur les grands gisants de Castille et depuis le roi cruel et madame Blanche endormie, ah qu'il en a coulé des larmes (…)
Aragon, le Nouveau Crève-cœur, p. 45.
8 (…) les tranquilles gisants de pierre qui dorment côte à côte dans les cryptes, et ces époux enlacés sur leurs urnes funéraires !
S. de Beauvoir, les Mandarins, p. 576.
Encyclopédie Universelle. 2012.