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KUBELIK (R.)
KUBELIK (R.)

Rafael KUBELIK 1914-1996

Le nom de Rafael Kubelik est resté longtemps indissociable de la musique de Mahler, dont il fut le premier à enregistrer l’intégrale des symphonies. Mais c’est surtout l’image d’un grand propagateur de la culture musicale d’Europe centrale que l’on retiendra.

Fils d’un violoniste tchèque, Jan Kubelík, et d’une comtesse hongroise, il naît en Bohême, à Býchory, près de Kolín, le 29 juin 1914. Il étudie le violon avec son père et poursuit sa formation musicale (piano, violon, direction d’orchestre et composition) au Conservatoire de Prague avec Otokar Šin et Pavel D face="EU Caron" ガde face="EU Caron" カek. Le 24 janvier 1934, à Prague, il dirige son premier concert à la tête de la Philarmonie tchèque. Pendant un an, il est l’accompagnateur de son père, au piano, période qu’il considère comme la plus enrichissante de ses années de formation. Puis Vacláv Talich l’engage à ses côtés comme chef d’orchestre à la Philharmonie tchèque. D’emblée, il trouve des conditions de travail exceptionnelles: les conseils de l’un des plus grands formateurs d’orchestres de l’époque et la possibilité de diriger l’un des meilleurs ensembles d’Europe centrale. Il devient ensuite directeur musical du Théâtre national de Brno (1939-1941) puis est nommé premier chef de la Philarmonie tchèque (1941-1948). C’est l’une des périodes les plus difficiles de l’histoire de cet orchestre. Kubelik refuse de collaborer avec les autorités d’occupation nazies et, à partir de 1945, commence à reconstruire un orchestre mutilé par la guerre et la disparition des instrumentistes juifs. Il ouvre le répertoire à la musique nouvelle, notamment celle de Bohuslav Martin face="EU Caron" ヅ, dont il crée la Messe de campagne (1946) et la Symphonie no 5 (1947). Il participe à la fondation du Printemps musical de Prague. Mais lorsque les communistes prennent le pouvoir en 1948, il émigre en Occident. Il est invité à diriger en Angleterre (Don Giovanni à Glyndebourne en 1948) puis aux États-Unis, où il débute avec l’Orchestre symphonique de Chicago, le 17 novembre 1949. En 1950, il est nommé directeur musical de cet orchestre. Pendant quatre ans, il transforme les habitudes de travail, impose des normes de qualité encore insoupçonnées et ouvre le répertoire à la musique contemporaine. Ces bouleversements suscitent dans la presse des critiques extrêmement défavorables, qui l’obligent à démissionner en 1953. Mais les plus grands orchestres du monde font déjà appel à lui: Concertgebouw d’Amsterdam, Orchestres philharmoniques de Vienne et de Berlin, Société des concerts du Conservatoire à Paris.

Entre 1955 et 1958, il est directeur musical du Covent Garden de Londres. À nouveau, il n’opte pas pour la facilité: il dirige l’une des premières exécutions intégrales des Troyens de Berlioz, il révèle la version originale de Boris Godounov de Moussorgski et Jen face="EU Caron" ヅfa de Janá face="EU Caron" カek. Entre 1961 et 1979, il est à la tête de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise à Munich, avec lequel il effectue des tournées au Japon (1965) et aux États-Unis (1968). Sous sa direction, cet orchestre se hisse au niveau des meilleures formations allemandes et réalise un nombre considérable d’enregistrements pour Deutsche Grammophon, notamment l’intégrale des symphonies de Mahler et de nombreuses pages de musique tchèque. En 1960, Kubelik reçoit la médaille Gustav-Mahler. L’année suivante, il dirige la création de l’oratorio de Schönberg, L’Échelle de Jacob . Il se fixe en Suisse, près de Lucerne, avec sa seconde femme, la cantatrice australienne Elsie Morison, et reçoit la nationalité helvétique en 1967. En 1973, le Metropolitan Opera de New York crée à son intention un poste de directeur musical, et il y fait ses débuts en dirigeant Les Troyens , mais une controverse semblable à celle qui lui avait fait quitter Chicago l’amène à démissionner. Il continue de mener une carrière de chef invité en Europe occidentale et aux États-Unis, notamment à Chicago, où il devient l’un des invités réguliers. À partir de 1985, il cesse pratiquement de diriger pour raison de santé. Néanmoins, après la chute du régime communiste, il accepte de revenir inaugurer le Printemps de Prague 1990, après quarante-deux ans d’absence, en dirigeant la Philharmonie tchèque dans deux exécutions du cycle de Smetana Má Vlast («Ma Patrie»). Il meurt à Lucerne le 11 août 1996.

Avec Karel An face="EU Caron" カerl, Rafael Kubelik était considéré comme le plus grand chef d’orchestre tchèque de sa génération. L’exil ne lui a pas fait perdre la spécificité tchèque de son approche de la musique, mais celle-ci s’est enrichie au contact d’autres traditions d’interprétation. Sous sa direction, les orchestres allemands gagnaient en transparence, avec des attaques plus franches, un sens accru du rubato et du lyrisme, sans perdre de leur densité sonore. L’un des témoignages discographiques les plus intéressants à cet égard est l’intégrale des neuf symphonies de Beethoven que Kubelik enregistra au cours des années 1970 avec les principaux orchestres du monde (Londres, Amsterdam, Berlin, Israël, Boston, Paris, Vienne, Cleveland, Munich). Il savait préserver l’identité de ces formations en leur apportant son style personnel, des interprétations «marquées par une musicalité de jadis, libérée de tout sybaritisme» (Nicolas Slonimsky). Il est vrai que la rigueur exigeante qui avait été l’une des causes de son départ de Chicago avait cédé la place à une direction où l’émotion, la spontanéité et le langage du cœur occupaient une place essentielle, même si on l’a parfois accusé de privilégier l’expression aux dépens du rythme. Il a beaucoup servi la musique de son temps et a créé, en dehors de œuvres mentionnées ci-dessus, les Fresques de Piero della Francesca (1956) de Martin face="EU Caron" ヅ (dont il est le dédicataire) ainsi que des œuvres de Frank Martin et de Karl Amadeus Hartmann.

Il a composé trois Requiem, cinq opéras (notamment Veronika , 1947, et Cornelia Faroli , 1966), plusieurs symphonies, six quatuors à cordes et des mélodies.

Encyclopédie Universelle. 2012.