VIOLON
«Or les beautés et les gentillesses que l’on pratique dessus sont en si grand nombre que l’on le peut préférer à tous les autres instruments, car les coups de son archet sont parfois si ravissants, que l’on n’a point de plus grand mécontentement que d’en entendre la fin, particulièrement lorsqu’ils sont mêlés des tremblements et des flattements de la main gauche, qui contraignent les auditeurs de confesser que le violon est le roi des instruments.» Ainsi disait Mersenne, dans son Harmonie universelle , en 1636. Ces affirmations ont conservé leur valeur; irremplaçable en musique classique, ayant supplanté nombre d’instruments ethniques, adopté par le jazz et la pop music, le violon reste le «roi». Il a suscité, depuis la fin du XIXe siècle en particulier, une extraordinaire floraison d’écrits musicologiques, historiques, technologiques, scientifiques et littéraires, inspiré d’innombrables compositeurs, intrigué de savants acousticiens jusqu’à nos jours, comme aucun instrument de musique ne l’avait jamais fait.
Historique
Musicalement, le violon est caractérisé par le fait qu’il est un instrument à touche lisse (contrairement à la viole) et qu’il comporte quatre cordes accordées à la quinte. Si l’on ne retient que ces particularités fondamentales, on peut trouver au violon des ancêtres, il y a des millénaires, en Inde ou en Chine. En Europe, le mot «violon», selon H. Coutagne, est passé du provençal dans notre langue non vers 1550, comme le prétendent les partisans de la théorie en question, mais à une époque très antérieure; non seulement il est usité à Lyon en 1548, mais il figure en 1533 dans les dépenses secrètes de François Ier. Si des incertitudes subsistent quant à l’instrument désigné alors par ce vocable, on commence à trouver des documents précis dès le milieu du XVIe siècle, montrant qu’il s’agit bien du violon actuel, dans sa forme, ses dimensions et son jeu. Dès 1556, Philibert Jambe de Fer, comparant l’instrument aux violes, en parle sans ambiguïté; en 1562 est gravé le célèbre portrait de Gaspard Duiffoprugcar, luthier à Lyon, qui lève tous les doutes. Ce dernier personnage semble avoir joué un rôle absolument déterminant dans la mise au point de l’instrument tel qu’on le connaît. Fabricant de luths, de violes, de harpes, c’était un luthier raffiné, connaissant bien son métier. Ce fut lui qui eut très probablement l’idée de modifier un instrument, le rebec, fort utilisé en Europe dès le Moyen Âge, et plus particulièrement pratiqué à Lyon, alors quasiment «capitale des Gaules»... Cet instrument avait trois cordes. On rajouta une quatrième corde pour en augmenter l’étendue et lui donner un corps «noble» à la manière des violes! Il est certain que le violon fut tout de suite une réussite. Dès 1618, Praetorius le décrit, croquis coté à l’appui, de manière précise dans la forme et les dimension qui sont siennes aujourd’hui. La perfection de la conception est attestée par le fait qu’on a tenté en vain et d’innombrables fois de l’améliorer. Même si F. Savart, au début du XIXe siècle, réussit à montrer que la forme de la caisse jouait un rôle secondaire dans la sonorité de l’instrument, il n’en reste pas moins vrai qu’elle est justifiée pour des raisons de tenue dans le temps.
Le violon, à l’époque de Stradivarius, était un membre de toute une «famille»: violon, alto, ténor, basse et contrebasse. Le ténor, qui se jouait sur les genoux, disparut de bonne heure. On notera que les dimensions relatives entre les membres de la famille découlent d’expériences empiriques et sont liées aux propriétés de l’oreille humaine. Celles-ci n’étant pas «linéaires», le violon, l’alto, le violoncelle, la contrebasse ne sont pas géométriquement semblables: s’ils l’étaient, le quatuor ne serait pas de sonorité homogène.
Principes acoustiques
Prenons une «caisse» sonore quelconque et excitons-la en frappant dessus d’une manière donnée. On entend un «bruit» complexe, dont la «hauteur» varie selon les dimensions, la nature des matériaux, les épaisseurs des tables. Ce bruit, on sait actuellement l’analyser sous l’aspect d’une «courbe de réponse», qui indique les pointes de résonance propres à cette caisse. Excitons cette caisse à l’aide d’une corde. Le son produit est d’autant plus intense et plus riche que le son de la corde et ses composantes coïncident avec la courbe de réponse. On vérifie en effet qu’en tendant graduellement la corde le rendement sonore sera optimal pour une certaine tension de corde, c’est-à-dire une certaine note, les notes voisines étant encore acceptables. Avec une simple boîte, on peut exploiter une octave par exemple. Mais une octave est insuffisante pour réaliser une musique élaborée. Comment faire, alors, avec une caisse unique si l’on désire une étendue de trois ou quatre octaves ou plus? La solution du problème avait déjà été amorcée par les fabricants de rebecs. Ils posaient un pied du chevalet sur la table mince en sapin, qui était très «souple» (grand degré de liberté) et qui permettait ainsi d’amplifier correctement les sons graves de l’instrument. Le pied droit du chevalet ne s’appuyait pas sur la table, mais, par l’intermédiaire d’une petite tige de bois, l’âme, sur le «fond» de l’instrument, fait en bois très dur (olivier, érable, etc.). Le degré de liberté du fond étant très faible, on favorisait ainsi les sons aigus. Un seul instrument permettait de ce fait d’exploiter près de deux octaves.
Les dispositions du rebec furent adoptées et améliorées par l’inventeur du violon. Un perfectionnement consiste à coincer l’«âme» entre la table et le fond, ce qui évitait certainement bien des problèmes de tenue du chevalet; un autre fut de coller sous le pied gauche du chevalet, du côté des cordes graves, une petite verge de sapin, la «barre», qui, alourdissant la table, favorisait ainsi les graves. L’étendue sonore de l’instrument, moyennant quelques «extensions» du petit doigt, couvrait pratiquement deux octaves et demie. Lorsqu’on apprit à «démancher», c’est-à-dire à déplacer la main le long du manche, et lorsqu’on sut fabriquer des cordes de qualité requise, le violon dépassa rapidement l’étendue de quatre octaves. La technique de l’archet permettant de moduler les timbres à l’infini selon la façon d’attaquer les cordes, la vitesse et la place de la mèche, le violon réalisa des performances musicales qui n’ont été dépassées par aucun autre instrument, en particulier si l’on considère la simplicité des moyens mis en jeu et le faible encombrement. Des virtuoses apparurent de bonne heure, qui poussèrent la technique de jeu à un point extraordinaire, permettant à ceux qui avaient la patience d’apprendre de réaliser des combinatoires sonores d’une richesse infinie, s’adaptant sans autre rajout aux contraintes des musiques ethniques, du jazz, des musiques d’avant-garde... La hauteur des sons peut, en effet, être variée continûment; il est possible de réaliser les plus subtiles nuances d’intensité et de timbre.
Bien entendu, un violon peut être «bon» ou «mauvais». Ces termes recouvrent un grand nombre de variables. Il est évident que l’habileté du luthier y est pour beaucoup: choix des matériaux, façon de les traiter de tirer les épaisseurs, de «barrer» et de régler l’âme pour obtenir un optimum fonctionnel, favorisant à la fois le grave et l’aigu et «donnant» un timbre agréable. On a beaucoup parlé du rôle prétendument mystérieux du «vernis de Crémone» qu’utilisèrent les luthiers italiens des XVIIe et XVIIIe siècles. Toutes les expériences – et elles sont nombreuses – faites à l’abri de la suggestion et de la supercherie ont montré l’inanité de telles légendes. Un violon est une «machine» vibrante; les sons qu’il rayonne sont fonction de la nature des matériaux et de la structure de la caisse. Dans certains cas particuliers (forte imprégnation), le vernis peut influer plus ou moins notablement sur le rayonnement acoustique. Il joue, en fait, le rôle d’un «filtre acoustique»; mais, en tant que tel, il ne peut que retrancher et non ajouter des qualités aux sons! Le fonctionnement d’une machine «manuelle» dépend de toute façon beaucoup plus du talent de celui qui s’en sert. Ce sont d’habiles commerçants, en particulier depuis Jean-Baptiste Vuillaume, qui ont lancé le mythe du «vernis de Crémone» et celui de la «supériorité des Italiens». La réussite d’un instrument implique de la part du luthier un long apprentissage et beaucoup de «flair» dans le choix des matériaux et dans leur traitement. On a cependant montré que l’on pourrait actuellement obtenir à coup sûr des résultats de qualité en utilisant des méthodes de contrôle et de recherche scientifiques (mesure des modules d’élasticité et de l’amortissement des bois, études acoustiques comparatives au spectrographe acoustique, au sonographe en particulier, etc.). L’électronique et l’informatique ont apporté au chercheur des moyens d’investigation très sophistiqués. Mais en fait très peu de chercheurs s’intéressent à l’étude physique du violon, qui s’avère décevante. La raison en est à rechercher dans le fait que le violon (comme tous les autres instruments traditionnels) est une «machine à faire des sons» réalisée empiriquement par des facteurs qui apportent une solution optimale à un problème d’une complication inouïe. En effet, un instrument de musique représente une combinatoire entre un nombre considérable de variables dont beaucoup échappent largement à la physique, en particulier celles qui relèvent de la psychophysiologie auditive – une science où subsistent bien des «ombres».
Considérations esthétiques
Beaucoup d’auteurs vantent la beauté de la forme du violon. Une forme est belle lorsque les rapports entre ses diverses dimensions respectent un certain nombre de lois géométriques et perceptives. À l’époque de la création du violon, l’esthétique des proportions préoccupait nombre d’artistes. Les architectes, notamment, reprenant des idées de l’Antiquité, avaient remis en honneur diverses doctrines sur la beauté des formes, dont l’une des plus connues est celle du nombre d’or: lorsqu’on partage un segment de droite en deux parties telles que le rapport entre le tout et la plus grande partie soit égal au rapport entre la grande et la petite partie, on a réalisé la «section dorée». Si la longueur du «tout» est égale à 1, le point de partage en question se trouve à 0,618... d’une extrémité. On peut dès lors imaginer une forme dont toutes les dimensions soient reliées entre elles par le «nombre d’or» (1,618...). Cette forme présente alors une «eurythmie» particulière confirmée par les recherches des psychophysiologues (G. T. Fechner). Quoi qu’il en soit, maints chercheurs ont tenté l’analyse de la forme du violon à l’aide du nombre d’or, et l’on a même retrouvé des coïncidences qu’on peut difficilement attribuer au hasard, mais plutôt à une connaissance approfondie de certaines règles d’esthétique classique fort bien connues durant la Renaissance.
Problèmes technologiques de construction
Le fabricant de violons traditionnel, le «luthier», fait un métier difficile. Il doit d’abord acquérir les bois nécessaires, tels que l’épicéa et l’érable. Ces bois doivent présenter des qualités bien définies. Ils doivent être «nerveux» (modules d’élasticité élevés), légers (faible masse volumique ou «densité»), peu sujets à la déformation permanente. Les bons bois de lutherie viennent de Roumanie, de Hongrie, du Tyrol, de Suisse. On les laisse sécher dans certaines conditions pendant plusieurs années. Puis le luthier (cf. gravure) choisit un «modèle», généralement copié des anciens italiens de l’époque classique. Un «moule» en bois plein, ayant la forme intérieure de la caisse, lui permet de réaliser et de monter les «éclisses», sur lesquelles on collera fond et table. Le fond est tiré d’une planche d’érable modelée en forme de voûte, afin que l’instrument puisse résister à la déformation provenant de la tension des cordes (environ 25 kgf en tout). Le fond est ensuite «vidé», les épaisseurs finales étant faibles (de 2 à 5 mm environ). Tout ce travail se fait à l’aide de gouges creuses, de petits rabots à semelle bombée, de racloirs, de papier de verre, etc. Enfin, le fond est collé sur les éclisses. On enlève alors le moule intérieur et on confectionne la table en épicéa tout comme on l’a fait pour le fond. On coupe dans la table deux ouvertures en forme de f (les ouïes), puis on colle une «barre» sous le pied gauche du chevalet. La table est ensuite collée à son tour sur les éclisses. La «caisse» est terminée. Les bords sont renforcés par incrustation de «filets» (généralement deux filets noirs et un blanc). On confectionne ensuite le manche à partir d’un bloc d’érable. «Chevillier» et volute sont de vraies pièces de sculpture permettant au luthier de «personnaliser» son violon. Finalement on vernit l’instrument, chaque luthier ayant ses «secrets»... Lorsqu’on veut empêcher la pénétration trop grande du vernis, on enduit le bois d’un encollage. Les vernis peuvent être à l’alcool, aux huiles essentielles, à l’huile de lin (vernis gras); ils sont généralement colorés «dans la masse» et leur application est délicate. En facture industrielle, on utilise couramment des vernis «modernes», appliqués au pistolet, dont l’aspect est souvent moins séduisant que celui des vernis traditionnels. Finalement, on place l’âme, petite baguette d’épicéa, coincée entre la table et le fond, un peu en arrière du pied droit du chevalet, du côté des cordes aiguës. La distance âme-pied du chevalet permet de régler dans une assez large mesure le degré de liberté du pied droit, c’est-à-dire le degré d’acuité des notes aiguës. Pour le grave, régi par la barre, on ne peut malheureusement pas faire de réglage de ce genre sans ouvrir l’instrument.
Enfin on monte les cordes et l’on essaye l’instrument; on modifie le cas échéant le réglage d’âme, les dimensions du chevalet. L’instrument, soumis à des contraintes assez fortes venant de la tension relativement élevée des cordes, se déforme toujours plus ou moins au début, et la «sonorité» évolue pendant tout ce temps. Mais après quelques semaines ou quelques mois, le violon se «stabilise» et on peut alors en jouer dans de bonnes conditions pendant fort longtemps, moyennant quelques précautions (éviter les chocs, l’humidité, etc.).
La facture traditionnelle est quasi artisanale; mais il existe aussi une production industrielle. On ne peut obtenir, alors, une qualité sonore stable que si les bois sont de même qualité ou si l’on retouche chaque instrument. Le violon bien fait étant «inusable», le luthier moderne vit difficilement de son métier.
Fruit d’une heureuse initiative d’un luthier du XVIe siècle, le violon reste un instrument traditionnel exemplaire, offrant à qui veut se donner la peine d’apprendre à le maîtriser des possibilités d’expression infinies. Sa pérennité n’est pas le résultat du hasard: s’il a subsisté pendant plus de quatre siècles, pratiquement inchangé, c’est qu’il représente une réalisation optimale, un compromis entre de nombreux impératifs d’ordre matériel et acoustique.
Le violon et sa musique
Les musiciens qui ont adopté le violon dès sa naissance sont des «rebecquets»; on «en use en dancerie communément et à bonne cause [...] même en conduisant quelques noces ou mommerie» et «il se trouve peu de gens qui en usent sinon ceux qui en vivent par leur labeur» (Philibert Jambe de Fer, 1556). Le violon est donc l’instrument des «violoneux» qui jouent des musiques populaires de structure simple, dont on ne retrouve pas de littérature écrite.
Cependant les avantages «acoustiques» de l’instrument sont énormes et lui permettent de supplanter rapidement les instruments de l’époque, le luth en particulier. Mersenne (1636) précise déjà que «les sons ont plus d’effet [...] sont plus vigoureux et percent davantage [...] Et ceux qui ont entendu les vingt-quatre violons du roy ajoutent qu’ils n’ont jamais rien ouï de plus ravissant ou de plus puissant: de là vient que cet instrument est le plus propre pour faire danser, comme l’on expérimente dans les ballets et partout ailleurs».
Mersenne donne aussi la partition d’une «Fantaisie à cinq composée par le sieur Henry le Jeune», d’allure simpliste. Mais il faut se défier de cette simplicité apparente: la partition de l’époque ne représente que le «squelette» de la musique. [cf. IMPROVISATION MUSICALE]. Que savons-nous du style de jeu de Balthazar de Beaujoyeulx, dont tout le monde parlait avec admiration? Que savons-nous de la technique violonistique de ce temps-là? Autant dire rien. Les musiciens de l’époque n’étaient cependant certainement pas plus malhabiles que ceux d’aujourd’hui. Mersenne nous le dit bien: le musicien ne peut pas «toucher plus de seize fois la corde (par seconde)» et ce nombre n’est toujours pas dépassé par les plus habiles virtuoses de nos jours!
Cependant, le violon reste longtemps, du moins en France, l’affaire d’un domestique et la musique dont il est chargé est de la «musique fonctionnelle», qu’on n’écoute pas pour elle-même, mais qui sert à faire danser. Ce n’est qu’au début du XVIIe siècle qu’apparaissent des pièces de «concert» pour violon seul et des «sonates»; Torelli élabore la formule du concerto (dans le sens actuel du terme) et Corelli parfait cette formule. Dès 1607, Monteverdi, il est vrai, utilisait déjà, dans son Orfeo , des «petits violons à la française». Quoi qu’il en soit, l’instrument a probablement été inventé en Italie, où, dans ses débuts, les noms de violonistes-compositeurs y sont légion: Vivaldi, Albinoni, Vitali, Geminiani, Locatelli, Veracini, G. Tartini surtout.
En France, c’est au milieu du XVIIIe siècle que le concerto italien est admis, et encore grâce à des compositeurs de la taille d’un Couperin et à des violonistes-compositeurs du talent d’un Leclair, d’un Rebel, d’un Senallié, d’un Francœur, d’un Mondonville. Finalement vient celui qui fait entrer le violon parmi les «grands»: G.-B. Viotti.
En Allemagne, le violon a acquis très tôt ses titres de noblesse avec Bach, Telemann, Haendel, Leopold Mozart, Haydn, Mozart... puis Beethoven.
Au XIXe siècle fleurissent des œuvres dans toute l’Europe. Paganini pousse la virtuosité à un point jamais atteint. Puis viennent Baillot, Kreutzer, Spohr, Sev face="EU Caron" カik, Rode. Tous ces violonistes composent pour leur instrument, qu’ils connaissent bien et dont ils savent exploiter les possibilités. Si leur musique a vieilli, on ne peut disconvenir qu’elle est merveilleusement écrite pour l’instrument et qu’elle exige une technique sans failles. Les compositeurs les plus illustres écrivent: Mendelssohn, Brahms, Saint-Saëns. Dès le début du XXe siècle, de plus en plus, deux directions s’amorcent: musique «sérieuse» (concertos, quatuors, sonates, trios) et morceaux de genre, qui semblent souvent douteux aujourd’hui (romances, pots-pourris, variations sur des airs d’opéras, fantaisies). Cependant, des œuvres remarquables paraissent, véritables modèles pour les violonistes: la Havanaise de Saint-Saëns, la Symphonie espagnole de Lalo... Fauré, Franck, Ravel, Prokofiev écrivent aussi pour l’instrument. La technique violonistique est poussée à un point qui semble impossible à dépasser avec Sarasate, Wieniawski, Ysaýe, Enesco, Jacques Thibaud, Benedetti, Zino Francescatti. Les quatuors Capet, Calvet, Pascal, Loewenguth, Poulet, Pasquier, Juilliard, Végh, La Salle, Arditti aussi bien que les grands solistes: D. Oïstrakh, L. Kogan, I. Stern, N. Milstein, Y. Menuhin, mettent en valeur des œuvres raffinées où le violon est maître chez lui. Cependant, le développement des moyens électroacoustiques et les nouveaux modes de jeu enrichissent l’écriture violonistique telle qu’elle est mise en œuvre par L. Nono dans La lontananza nostalgica utopica futura , B. Ferneyhough dans Intermedio alla ciaccona , H. Lachenmann dans Reigenseliger Geister ou E. Nunes dans Einspielung I .
Nous assistons aussi à un retour d’intérêt pour les musiques de violon de l’époque baroque, n’exigeant pas une virtuosité aussi poussée que celle d’un Ysaýe... et qu’un amateur moyen réussit à exécuter correctement pour son plaisir. Une renaissance du violon s’amorce en divers pays du monde, du Japon aux États-Unis en passant par la France; les œuvres violonistiques du passé ressurgissent dans des interprétations authentiques. Les instruments de musique anciens, le luth, la viole, sont fabriqués à nouveau et joués. Le violon leur emboîte le pas. Car il ne semble pas qu’il puisse être surpassé, eu égard à la simplicité des moyens et à ses possibilités acoustiques. L’instrument est petit; il couvre quatre octaves et demi; ses «champs de liberté», enfin, sont quasi infinis. Champ de liberté des hauteurs: on peut jouer en continu tous les sons possibles, faire des vibratos de largeur quelconque, des glissandos, exploiter les effets attractifs, etc. Champ de liberté de l’intensité: on dispose, entre le pianissimo et le fortissimo, d’une large dynamique (quelque 40 décibels au moins). Champ de liberté des timbres: il est illimité; on peut, si l’on est habile, faire chatoyer la «pâte sonore», entre les sons veloutés, les sons tendres, les sons brillants, voire agressifs. L’ordinateur détrônera sans doute les instruments de musique traditionnel, du moins en ce qui concerne la «fabrication de la musique de consommation courante». Mais le violon subsistera sans doute longtemps encore, ne serait-ce que comme instrument «ancien», que l’homme jouera pour son plaisir. La littérature écrite, de tous niveaux violonistiques, étant d’une abondance inouïe, il ne sera même pas nécessaire de récrire des œuvres pour l’instrument: il suffira de les redécouvrir. Après un demi-millénaire d’existence, le violon continuera probablement encore à ravir nos descendants!
violon [ vjɔlɔ̃ ] n. m.
• vyolon 1500; it. violone « grosse viole, contrebasse », le mot pour « violon » étant violino
I ♦
1 ♦ Instrument de musique à quatre cordes accordées en quintes, que l'on frotte avec un archet, et qui se tient entre l'épaule et le menton. Parties du violon. ⇒ âme, chevalet, corde, crosse, éclisse, 2. manche, ouïe, sillet, table. Facteur de violons. ⇒ luthier. Violon signé Stradivarius (un Stradivarius). Mauvais violon. ⇒ crincrin. Jouer du violon; gratter, racler du violon. Joueur de violon de concert (⇒ violoniste) ; de village (⇒ ménétrier, violoneux) . « Les sanglots longs Des violons » (Verlaine). « Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige » (Baudelaire). — Sonate pour piano et violon. Les deux violons (premier et second violon), le violoncelle et l'alto du quatuor à cordes. — Par ext. Famille des violons : le violon lui-même, l'alto, le violoncelle, la contrebasse.
♢ Loc. Accorder ses violons. Fam. C'est comme si on pissait dans un violon ! — (1922) VIOLON D' I NGRES :le fait, pour un artiste, de pratiquer un art qui n'est pas le sien (comme le peintre Ingres pratiquait le violon); par ext. activité artistique exercée en dehors d'une profession. L'aquarelle est son violon d'Ingres. ⇒ hobby, passe-temps.
2 ♦ (XVIe) Musicien, musicienne qui joue du violon. ⇒ violoniste. Elle est violon dans un orchestre. Premier violon d'un orchestre, qui dirige les violons (cf. Chef de pupitre). « Je me souviens d'un premier violon, qui avait joué son solo à peu près comme on prend un purgatif » (Alain). Premier, second violon dans un quatuor : violoniste qui joue la première, la seconde partie de violon.
♢ Loc. fig. Aller plus vite que les violons : aller trop vite, précipiter les choses. — Payer les violons (du bal) : anciennt offrir un bal à une belle; fig. et mod. payer les frais sans en avoir le profit.
II ♦
1 ♦ (1790; p.-ê. par anal. des cordes et des barreaux) Prison de police, contiguë à un poste ou un corps de garde, où l'on enferme les personnes arrêtées le soir en attendant de les interroger le lendemain. Passer la nuit au violon. « je serais curieux de voir sa tête quand il se réveillera demain matin au violon » (Simenon).
2 ♦ (1872; par anal. de forme) Mar. Planche percée de larges trous que l'on met sur une table pour maintenir les verres et les bouteilles par gros temps (cf. Table à roulis).
● violon nom masculin (de viole) Instrument de musique à cordes frottées, muni d'un manche. Personne qui joue du violon dans un orchestre. Familier. Local de sûreté dépendant d'un poste de police, d'un corps de garde. ● violon (citations) nom masculin (de viole) Paul Verlaine Metz 1844-Paris 1896 Les sanglots longs Des violons De l'automne Blessent mon cœur D'une langueur Monotone. Poèmes saturniens, Chanson d'automne Messein ● violon (expressions) nom masculin (de viole) Familier. Payer les violons (du bal), faire les frais de quelque chose sans en avoir le profit. Familier. Second ou troisième violon, rôle subalterne. Violon d'Ingres, talent qu'une personne cultive en marge de son activité principale. ● violon (synonymes) nom masculin (de viole) Violon d'Ingres
Synonymes :
- dada (familier)
- hobby
- marotte (familier)
- passion
- toquade
violon
n. m.
rI./r
|| Loc. fig. Accorder ses violons: se mettre d'accord.
d2./d Personne qui joue du violon dans un ensemble musical; violoniste d'orchestre. Premier, second violon.
rII./r
d1./d (Acadie) Nom cour. du mélèze laricin.
d2./d (Québec) (Généralement au Plur.) Tête de violon (parfois queue de violon): pousse comestible de la fougère-à-l'autruche (Matteuccia struthiopteris), qu'on récolte au printemps.
⇒VIOLON, subst. masc.
A. — MUSIQUE
1. Instrument de musique à quatre cordes accordées par quintes (sol, ré, la, mi) qui se tient appuyé horizontalement sur la clavicule gauche, maintenu par le menton, et dont on joue avec un archet. Beau violon, violon ancien; jouer du violon; jouer (un air) au violon. Mon père jouait sur son fidèle violon de Crémone (je l'ai encore, ce vieux instrument au son duquel j'ai vu le jour) une contredanse de sa façon (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 72). Ce que lui-même n'aurait su dire avec des mots, le violon savait le traduire, le violon le chantait (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 69). V. âme ex. 158, archet ex. 1, 4.
♦ [Dans une compar.] Je l'imaginais, cette joie, comme un chant de violon à la fois strident et tendre, comme une flamme aiguë où le cœur d'Alissa et le mien s'épuisaient (GIDE, Porte étr., 1909, p. 506).
♦ Famille des violons. Famille d'instruments à quatre cordes. Les pays latins lui donnent pour successeurs [à la vielle] la famille des violes (...), puis celle du violon, devenue en ses quatre dimensions, violon, alto, violoncelle et contrebasse, la pierre angulaire de l'orchestre moderne (BRENET Mus. 1926, p. 206).
♦ HIST. DE LA MUS. Roi des violons. Chef de la confrérie de saint Julien des ménétriers exerçant son autorité sur les joueurs d'instruments à cordes du Moyen-Âge au XVIIIe s. Aussi tard que l'an 1742, une ordonnance du « Roi des Violons », autorisant les musiciens ambulants à jouer « d'une espèce d'instruments à 3 cordes seulement et connu sous le nom de rebec » leur refusera formellement la permission de se servir d'un violon (M. PINCHERLE, Le Violon, 1966, p. 8).
SYNT. Violon de ménétrier, de soliste, de tzigane; âme, bouton, caisse, chanterelle, chevalet, cheville, corde, coussin, crosse, éclisse, manche, mentonnière, ouïes, sillet, table, touches du violon; timbre du violon; vernis du violon; le violon chante, joue, sonne; accorder un violon, râcler du violon; boîte, étui à violon.
— [Avec un déterm. spécifiant une caractéristique de fabrication] Violon quart, violon demi, violon trois-quart. Violon de format réduit destiné aux enfants. On fabrique (...) des instruments de format réduit dits violons quart (MAUGIN, MAIGNE, Nouv. manuel luthier, 1929 [1869], p. 22). Violon d'auteur, violon de maître, violon de + nom propre. Violon exécuté par un maître luthier célèbre. Violon d'Amati. Le moyen le plus sûr de tracer un beau modèle de violon est de se procurer un beau violon d'auteur (MAUGIN, MAIGNE, Nouv. manuel luthier, 1929 [1869], p. 34). [Le musée] possède plus de 1 900 instruments, tous du plus haut intérêt, soit technique, soit historique: violons de Stradivarius, Guarnerius (Enseign. mus., 1, 1950, p. 9). HIST. DE LA MUS. Petit violon. Violon de format réduit en usage jusqu'au XVIIIe s. [Parmi les instruments composant l'orchestre de l'Orfeo de Monteverdi (1607) figurent] 2 petits violons « à la française » (BRENET Mus. 1926, p. 315). Violon de poche. Petit violon dont se servaient les maîtres à danser. Synon. pochette. Un petit Français, poudré et frisé, (...) raclait un violon de poche, et faisait danser Madelon Friquet à ces Iroquois (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 291).
— [En tant qu'instrument d'orchestre ou soliste] Accompagnement, solo de violon; duo pour deux violons, pour violon et piano, etc.; trio pour piano, violon et violoncelle. À l'étonnement général, M. de Charlus, qui ne parlait jamais des grands dons qu'il avait, accompagna, avec le style le plus pur, le dernier morceau (...) de la sonate pour piano et violon de Fauré (PROUST, Sodome, 1922, p. 953). V. concerto ex.
♦ Premier, second violon. Instrument jouant la première, la deuxième partie de violon dans un ensemble instrumental. Premier, second violon d'un quatuor à cordes, d'un orchestre. Les premiers violons morcelant le premier thème, en forment un jeu dialogué (...) avec les seconds violons (BERLIOZ, À travers chants, 1862, p. 30).
♦ Violon solo. Violon qui joue seul ou avec un accompagnement dans un ensemble instrumental. Le violon solo reprend, une dernière fois, plus tendre, son chant d'amour (ROLLAND, Beethoven, t. 2, 1937, p. 391).
— [En tant qu'art et techn. instrumentale] Violon faux; classe de violon du conservatoire, d'une école de musique; cours, exercices, jury, leçon de violon; École française de violon; aimer, apprendre le violon. À vingt ans, Narcisse Boucher est à Paris, élève au Conservatoire, et, dès son premier concours, premier prix de violon (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 36).
— Expr. et loc. fig.
♦ Sec comme un violon. Très maigre. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦ Violon d'Ingres. [P. réf. au fait que le peintre Ingres a exercé tout jeune le métier de violoniste et pratiquait cet instrument avec passion] Talent artistique, activité d'élection qu'une personne cultive en dehors de son activité principale. Synon. fam. dada1, hobby. Avoir un violon d'Ingres; la photographie est son violon d'Ingres. En chemin, — chaque explorateur ayant son violon d'Ingres — je n'étais pas fâché de songer que je pourrais examiner un peu la constitution géologique de ce plateau d'Éguéré (BENOIT, Atlant., 1919, p. 53). La philanthropie immobilière était en effet leur violon d'Ingres (CAMUS, Exil et roy., 1957, p. 1632).
♦ Accorder ses violons. S'entendre sur ce que l'on dit. Il semble d'ailleurs que Faure et Vidal ne soient jamais parvenus à accorder leurs abominables violons. Leurs contradictions (...) ont été flagrantes en Cour d'assises (L. DAUDET, Police pol., 1934, p. 194). Que nos violons, à l'Express ne soient plus toujours accordés, les gens s'en irritent, ou se scandalisent, ou font semblant (MAURIAC, Nouv. Bloc-Notes, 1958, p. 65). [En injonction] Accordez vos violons!
♦ Pop. Pisser dans un violon.
2. P. méton. Personne qui joue de cet instrument. Violon de village; engager des violons; être violon dans un orchestre, à l'Opéra. Cyrano, aux violons: Vous nous jouerez un air, messieurs les violons! (Les violons se joignent au cortège qui se forme (...)) (ROSTAND, Cyrano, 1898, I, 7, p. 59).
♦ Premier violon, violon solo d'un orchestre. Violoniste qui dirige les violons, joue les solos. Au point de vue de la direction, il y a maintenant [à la Renaissance] deux chefs: le violon solo pour les instruments, et le cymbaliste pour la partie vocale (Arts et litt., 1936, p. 60-10).
♦ Premier violon, second violon. Violoniste qui joue la première partie, la deuxième partie de violon dans le quatuor à cordes, dans l'orchestre. Ces groupements de rencontre [pour les quatuors] pouvaient être fort brillants: on se rappelle telle séance amicale, à Vienne, en 1784, où le premier violon était Joseph Haydn, le second Dittersdorf, et l'alto Mozart (M. PINCHERLE, Les Instruments du quatuor, 1970, p. 119).
♦ HIST. DE LA MUS. [Sous Louis XIV] Les (vingt-quatre) violons (du roi). Ensemble instrumental appartenant à la Chambre du roi. En France, de la domesticité qui était l'habituelle condition des violonistes, émergeaient les violons du roi et les « petits violons » de Lully (M. PINCHERLE, Le Violon, 1966, p. 61).
— Locutions
♦ Vx. Payer les violons. Offrir un bal, une sérénade à une femme. La nuit (...) il se dressait sur son séant pour écouter le tumulte du bal; c'était lui qui payait les violons (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 91). Au fig., fam. Payer les violons. Faire les frais d'une chose dont on ne tire pas profit. N'avons-nous pas assez maudit la guerre (...)? lui disait-elle; maintenant nous payons les violons de toute cette gloire impériale (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 461).
♦ Fam. Aller plus vite que les violons. Aller trop vite; précipiter les événements. Synon. aller plus vite que la musique. Tu t'en moques bien, de tes enfants. — Ne dis pas de bêtises. Je ne peux pas aller plus vite que les violons (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1937, p. 265).
B. — P. anal. (avec la disposition des cordes du violon, la forme de la caisse...)
1. Fam. Prison garnie d'une grille, attenante à un corps de garde ou à un poste de police, où sont enfermées provisoirement les personnes prises en flagrant délit. Votre Nicolas est au violon de la ville, il a presque tué le grand Jérôme du Royal-Allemand avec une cruche (ERCKM.-CHATR., Hist paysan, t. 1, 1870, p. 87). Crainquebille, dont l'arrestation fut maintenue, passa la nuit au violon et fut transféré, le matin, dans le panier à salade, au dépôt (A. FRANCE, Crainquebille, 1904, p. 21).
2. Spécialement
a) Brosse à habit dont la monture est en forme de caisse de violon. (Dict. XXe s.).
b) TECHNOL. Petit touret à main actionné à l'aide d'un archet; foret de sculpteur utilisé pour percer le marbre. Le ministre et son amie voyaient avec effroi tout autour de la chambre à coucher les vrilles percer les portes et les volets, les violons faire des trous dans les murs [pour les observer] (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 377).
♦ Tête de violon, clef de violon. Tête de vis ayant la forme des clefs de cheville et que l'on manœuvre à la main. Lorsque le fléau est muni d'une vis de sûreté à tête de violon placée sur le support au-dessus du fléau, une plus-value est prévue [à la série] (ROBINOT, Vérif., métré et prat. trav. bât., t. 3, 1928, p. 72).
♦ Planche garnie de fils de fer utilisée pour l'impression des tissus. (Dict. XIXe et XXe s.).
c) MAR. Violons (de mer). ,,Ensemble de tringles de bois dont on garnit les tables par mauvais temps pour empêcher les assiettes et les bouteilles de glisser au roulis`` (GRUSS 1978). La mer était grosse, on fut obligé de mettre les violons (Ac. 1935).
♦ Poulie à violon. Poulie à deux réas de diamètre différent. Les poulies à violon (...) portent deux réas (...) superposés dans le même plan (GALOPIN, Lang. mar., 1925, p. 44).
♦ Violon de ris. ,,Ensemble du système de prise de ris (...) composé de poulies de renvoi et de taquets coinçeurs`` (B. ROSSELOT, Vocab. mar., 1980, p. 66).
d) TYPOGR. ,,Galée longue et étroite qui sert à réunir la composition pour la mise en placards`` (PEYROUX Techn. Métiers 1985). Les galées de ce genre, réservées plutôt pour la mise en pages et autres travaux d'importance, se nomment aussi « violons » (É. LECLERC, Nouv. manuel typogr., 1897, p. 88).
REM. 1. Violonaire, subst. masc., vieilli et région. Joueur de violon dans les campagnes. Synon. ménétrier, violoneux (infra dér.). Le violonaire qui menait tout ce monde, affolé par le vent, jouait à la diable (LOTI, Pêch. Isl., 1886, p. 250). 2. Violoné, -ée, adj., ébén. [En parlant d'un dossier de fauteuil Louis XV] Qui rappelle le galbe de la caisse du violon. Fauteuil en « cabriolet », c'est-à-dire au dossier violoné, estampillé Delanois (G. BOULANGER, L'Art de reconnaître les styles, 1960, p. 60). 3. Violoneur, subst. masc., vieilli. Synon. de violonaire (supra). Quand tu auras envie d'en connaître plus long, tu iras dans les grandes villes, où les violoneurs t'apprendront le menuet et la contredanse (SAND, Maîtres sonneurs, 1853, p. 209). 4. Violonnier, subst. masc. Synon. usuel de violoneux (infra dér.). La belle (...) allait sans regarder ces violonniers qui n'étaient plus les beaux tambours de son père (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 46).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Déb. XVIe s. vyollon désigne un instrument de mus. à cordes (Le Triumphe des Vestementz ds Anc. Poés. fr., t. 13, p. 50, 36); 1537 violon [Cl. MAROT, attribution incertaine], Adieu aux Dames de Court ds Cl. MAROT, Œuvres lyriques, éd. C. A. Mayer, p. 363, 7 [cf. introd. de l'éd., pp. 46-47]; b) loc. fig. ) 1671 payer les violons du bal pour faire danser les autres « faire les frais de quelque chose sans en avoir le profit » (MOLIÈRE, La Comtesse d'Escarbagnas, scène 8 ds Œuvres, éd. R. Bray, t. 7, p. 220); 1718 payer les violons (LE ROUX); ) 1911 accorder ses violons « se mettre d'accord » (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, p. 66); 2. 1533 p. méton. vyollon « joueur de violon » (Dépenses secrètes de François Ier ds HAVARD); 3. 1792 pop. violon « petite prison » (Abbé SICARD ds J.-B. BUCHEZ et P.-C. ROUX, Hist. parlementaire de la Révolution fr., t. 18, p. 87); 4. 1907 violon d'Ingres (FARRÈRE, Homme qui assass., p. 39: Et d'ailleurs, le violon est là, le violon d'Ingres, pour tout envelopper, diplomatie et finance, d'une harmonie imprévue, plus paradoxale que tout le reste. Narcisse Boucher, c'est, d'abord, un dilettante); cf. 1899 (CLEMENCEAU, Iniquité, p. 267: M. Bourgeois est un dilettante libéral, ému de philosophie, fier de ses qualités d'action comme Ingres de son violon, ou Rossini de son tour de main dans l'art de préparer le macaroni). B. P. anal., technol. 1. 1812 « espèce de touret de bois à main, dans lequel est placé un foret qu'on fait mouvoir au moyen d'un archet » (MOZIN-BIBER); 2. mar. a) id. violons de beaupré (ibid.); b) 1859 poulie à violon (BONN.-PARIS); c) 1872 nom donné, sur les paquebots, aux cordes tendues sur les tables pour empêcher la vaisselle de tomber (LITTRÉ); 3. 1812 « ustensile de chapelier fait de plusieurs cordes tendues » (MOZIN-BIBER). Dér. de viole; suff. dimin. -on1. Cf. ant. l'hapax a. prov. violon « concert de violes » (XIIIe s. ds RAYN.). Pour des rapports éventuels avec l'ital. violino (dep. 1538 d'apr. P. BEC, Vièles ou violes? p. 363, qui att. aussi violinista en 1462 en lat. médiév. à Pérouse; av. 1565 ds CORT.-ZOLLI), passé dans les autres lang. européennes (all. Violine, angl. violin, port. violino, esp. violín), v. P. BEC, op. cit., pp. 361-366. Le sens A 3 s'explique, soit par la compar. des cordes du violon avec les barreaux de la prison, soit p. ell. de boîte à violon « prison » (cf. boîte à musique « id. »; voir K. E. M. GEORGE ds Romania t. 90, p. 543). Pour d'autres hyp., v. encore CELLARD Révol. 1989, pp. 53-54. Fréq. abs. littér.:933. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 627, b) 1 555; XXe s.: a) 2 014, b) 1 386.
DÉR. Violoneux, subst. masc., vieilli. Joueur de violon animant les fêtes de campagne, violoniste médiocre. Synon. ménétrier. Ritournelle de violoneux. Tout revivait à ses yeux, la noce qu'un jour de voyage lui avait montrée venant à lui de la montagne, le violoneux et le cithariste qui allaient devant, la mariée et son regard, le jeune mari bien découplé (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 386). — []. Att. ds Ac. 1935. — 1re attest. 1729 violoneux (MARIVAUX, L'Héritier de village, sc. XV, ds Th. complet, éd. F. Deloffre, t. 1, p. 577); 1821 violonneur (J. C. L. P. DESGRANGES, Petit Dict. du peuple, p. 91, ds GOUG. Lang. pop., p. 139); de violon, suff. -eux, -eur2. — Fréq. abs. littér.: 17.
BBG. — HERB. 1961, p. 53. — MIHAILESCU-URECHIA (V.). Nouv. phénomènes, nouv. lois. Orbis. 1973, t. 22, pp. 286-287 (s.v. violoneux). — PERSUN (J.). Orig. du mot violon. La Haye, 1937, passim. — QUEM. DDL t. 10, 12, 13, 19, 21 (s.v. violoneux).
violon [vjɔlɔ̃] n. m.
ÉTYM. 1500, vyolon; ital. violone « grosse viole, contrebasse », de viola « viole », et suff. augmentatif -one, le mot pour « violon » étant violino, diminutif.
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1 Instrument de musique à quatre cordes accordées en quintes, que l'on frotte avec un archet. || Parties du violon. ⇒ Âme (cit. 83), bouton, chevalet, cheville, corde (et bourdon, chanterelle), cordier, corps, crosse, éclisse, fond, manche, mentonnière, ouïe, queue, sillet, table (et aussi chanteau), touche. || Tout est beau, dans le violon (→ Évidement, cit. 1). || Facteur de violons. ⇒ Luthier. || Violon signé Stradivarius (⇒ Stradivarius), Amati (⇒ Amati), Guarnerius. || Violons de Crémone. || Bon violon, mauvais violon (⇒ Crin-crin). || Accorder un violon, mettre une sourdine à un violon. || Violon de poche. ⇒ Pochette. || Le violon se tient entre l'épaule et le menton. || Jouer du violon (→ Concert, cit. 14); gratter, racler (cit. 6) du violon. || Accompagner un air, un musicien au violon. || Musicien qui joue du violon en concert. ⇒ Violoniste. || Joueur de violon de village. ⇒ Ménétrier, violoneux (→ 2. Marche, cit. 28). || Racleur (cit. 1) de violon. || Jeu du violon. ⇒ Archet, corde (double corde); pizzicato, staccato, trémolo (→ Phrase, cit. 18), vibrato. || Au son des violons (→ Grill-room, cit. 1). || « Les sanglots longs Des violons » (→ Langueur, cit. 8, Verlaine). || « Le violon frémit (cit. 3) comme un cœur qu'on afflige ». — Sonate pour piano et violon (→ Graduer, cit. 2). || Les deux violons, le violoncelle et l'alto du quatuor à cordes (→ Attaquer, cit. 48). || La partie du second violon (→ Batterie, cit. 7). — Par ext. || Famille des violons : le violon (qui a le registre le plus aigu), l'alto, le violoncelle, la contrebasse (cit.). || Le rebec, violon à long manche (→ Rebab, cit.).
♦ ☑ Loc. fig. Accorder ses violons : se mettre d'accord (dans ce qu'on dit).
0.1 Que nos violons, à l'Express, ne soient plus toujours accordés, les gens s'en irritent, ou se scandalisent, ou font semblant.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 65.
♦ ☑ Fam. C'est comme si on pissait dans un violon ! : tout est inutile, il n'y a rien à faire.
♦ ☑ (XXe). Violon d'Ingres : fait, pour un artiste, de pratiquer un art qui n'est pas le sien (le peintre Ingres aurait excellé au violon); par ext., activité artistique exercée en dehors d'une profession. || Avoir un violon d'Ingres. || L'aquarelle est son violon d'Ingres.
2 (1553). Musicien, musicienne qui joue du violon. ⇒ Violoniste (→ Celliste, cit.; scander, cit. 1). || Être violon dans un orchestre (cit. 4; et → Jouer, cit. 56). || Premier violon d'un orchestre : violoniste qui dirige les violons (→ Chef de pupitre). || Premier, second violon dans un quatuor : violoniste qui joue la première, la seconde partie de violon.
1 Je me souviens d'un premier violon, qui avait joué son solo à peu près comme on prend un purgatif, et qui se levait aux applaudissements, de l'air d'un homme qui va manquer son train de minuit quinze.
Alain, Propos, 17 août 1921, L'homme au tambour.
♦ ☑ Loc. (1854, Henri Monnier, les Bourgeois de Paris, 6). Aller plus vite que les violons : aller trop vite, précipiter les choses. — ☑ Vx. Payer les violons : offrir un bal à une belle. — Fig., mod. Payer les frais sans en avoir le profit.
2 — Mais à ta place un être avec du sens,
Payant les violons, voudrait mener la danse (…)
Verlaine, Sagesse, I, III.
3 Art, jeu du violon. || Apprendre le violon. — Musique de violon. || Aimer le violon, le violon en jazz. || On entendait un violon. || Violon faux (cit. 36), aigre (→ Jouer, cit. 55).
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II (1790, Esnault; peut-être par anal. des cordes et des barreaux). Prison de police, contiguë à un poste ou un corps de garde, où l'on enferme ceux qui sont arrêtés le soir en attendant de les interroger le lendemain (→ Flagrance, cit.). || Passer la nuit au violon (→ Prison, cit. 6).
3 Il fallut créer une police nouvelle pour contenir les perturbateurs de l'ordre public. Un violon fut installé dans la maison commune, et il se peupla jour et nuit de récalcitrants.
J. Verne, le Docteur Ox, p. 76.
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III
b (1838). Planche garnie de fils métalliques (comparés à des cordes de violon), utilisée dans l'impression des tissus.
2 (Déb. XXe). Mar. (Par anal. de forme). a Cadre de bois amovible qu'on pose autour d'une table afin d'empêcher les objets de tomber en cas de roulis.
b Violon de ris : dans certains gréements, Poulie fixée sur la bôme et dans laquelle court une bosse de ris.
4 Les violons de ris reçoivent le même entretien : suif, suif, complément du marin, moyen simple de limiter l'usure et de maintenir toutes les manœuvres courantes en bon état.
Bernard Moitessier, Cap Horn à la voile, p. 203.
♦ (1872). || Poulie à violon : poulie munie de deux réas de diamètre différent.
3 Dossier de siège en violon. ⇒ Violoné. — (XXe). Brosse à habit dont la monture rappelle la forme d'un violon.
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DÉR. Violoné, violoner, violoneux, violoniste.
Encyclopédie Universelle. 2012.