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CLAESZ (P.)
CLAESZ (P.)

CLAESZ PIETER (1597/98-1661)

Peintre hollandais de natures mortes, l’un des créateurs et des plus grands représentants, avec Willem Claesz Heda, de la nature morte monochrome à Haarlem. Né en Westphalie, mais d’origine hollandaise, Pieter Claesz est signalé comme peintre à Haarlem en 1617 (sur le registre de mariages) et, en 1661, est enterré dans la même ville: tels sont les rares faits connus concernant sa biographie. En revanche, il a laissé une assez abondante production de peintures, des natures mortes exclusivement, presque toujours signées et souvent datées. Si la première nature morte qui soit restée de lui, datée de 1621 (coll. E. C. Francis, West Monkton, Angleterre), par sa composition d’objets juxtaposés et par l’emploi de couleurs vives non harmonisées, continue la tradition archaïque du «repas servi», telle qu’elle était encore pratiquée dans les deux premières décennies du siècle, à Haarlem, par Nicolaes Gillis et Floris van Dijck et, à Anvers, par Osias Beert, elle manifeste déjà un plus grand souci d’alléger l’ensemble en ménageant autour de la table un espace vide, alors que les premiers peintres de repas servis se signalaient par leur horror vacui . Bientôt Claesz cherchera à donner une plus étroite cohésion à la composition dont les divers éléments vont se chevaucher en perspective, par l’utilisation de diagonales entrecroisées, système dont le Repas servi , signé et daté de 1622, est un premier exemple, expérimental, et qui sera mis au point au cours des années 1624 et 1627. Dès 1623, on observe une volonté de dépouillement dans le choix des objets représentés: citrons sur un plat d’étain, verre de bière, olives ou harengs fumés et l’arsenal du fumeur: brasero, pipes, blagues à tabac en cuivre (nature morte, signée et datée de 1624, du Rijksmuseum, Amsterdam), qui transforme le banquet en une frugale collation et préfigure les œuvres de la maturité. La tendance vers la simplification et la recherche de l’intimité n’excluent pas les essais, même exceptionnels, dans d’autres directions, comme la Nature morte à la dinde et au nautile , qui constitue un véritable festin, datée de 1627 (coll. du comte Lynde, Zegenwerp, Pays-Bas) où éclate le plaisir de peindre de Claesz. La Nature morte au jambon et pichet du musée de Bruxelles, datée de 1642, sera, par son caractère monumental surprenant dans l’œuvre de Claesz, un autre exemple de ce génie paradoxal. Alors que la Nature morte à la chandelle (Mauritshuis, La Haye) datée de 1627 exprime au contraire un souci de concentration et souligne l’intérêt de Claesz pour les effets luministes par lesquels il cherche un moyen de réaliser l’unité de la composition. Les œuvres des années 1630 à 1640 marquent la maturité de son style: la composition, presque toujours la même, décentrée et essentiellement formée du croisement d’une horizontale et d’une verticale, s’est simplifiée, mais surtout, tous les tons des éléments sont subordonnés à une dominante, dont le fond neutre sur lequel ils se détachent, en général, donne la clef et dont ils offrent de subtiles gradations: camaïeux de gris, de blanc, de vert froid, relevés de taches d’ocre et de brun-rouge dans la Nature morte aux pipes et au brasero (Ermitage, Saint-Pétersbourg), datée de 1636; ou, tirant sur le brun, le jaune, le lilas, dans la Nature morte au hareng et au verre de bière , de la même année (musée Boymans, Rotterdam), chef-d’œuvre de raffinement et de concision.

La simplification des motifs et la monochromie sont les caractéristiques de la peinture de l’école de Haarlem qui voit, autour des années vingt, l’essor d’un art hollandais national, lié à l’indépendance du pays gagnée presque deux générations auparavant, à l’absence de grandes commandes religieuses qu’entraîne le calvinisme et à la rareté des commandes publiques. À Haarlem, les peintres délaissent la «grande peinture» internationale, d’inspiration italianisante, et choisissent un motif, extrait de la vie courante, auquel ils se limitent, cherchant à atteindre la parfaite maîtrise dans le rendu de ce motif. Les mêmes tendances, exprimées par les natures mortes de Claesz ou de Heda, se retrouvent dans l’art du paysage chez Jan van Goyen, Esaias van de Velde, Salomon van Ruysdael, dans la peinture de genre chez Adriaen van Ostade et Pieter Codde, et dans le portrait, naturellement, avec Frans Hals, dont l’influence sur Pieter Claesz — manifeste dans la touche libre à travers les empâtements vigoureux de ce dernier — est indéniable. À partir de 1640 et jusque vers 1660, date de sa dernière œuvre signée, tout en continuant à peindre des compositions sobres et monochromes, Pieter Claesz, qui collabore parfois avec Roelof Koets, a tendance à enrichir ses natures mortes de fruits et d’enroulements de pampres qui leur confèrent un aspect plus décoratif et dénotent l’ascendant de la peinture de Jan-Davidsz de Heem.

Pieter Claesz n’a pas peint uniquement des natures mortes de déjeuners servis, mais aussi des vanités, dans des tons monochromes, comme la Vanité datée de 1630 (autrefois dans la coll. David Haltmack, Saltsjobaden, Suède), qu’il faut rattacher à celles des peintres de vanités de l’école de Leyde, ville calviniste par excellence qui encourageait une peinture à résonance morale, tels Rembrandt, Jan-Davidsz de Heem, Pieter Potter et Harmen van Steenwyck, groupés probablement autour de David Bailly.

Encyclopédie Universelle. 2012.