IMMUNOLOGIE
L’immunologie est une science biologique qui étudie l’immunité. Le terme immunité provient du latin immunis qui désignait une exemption de charges, telles que services, impôts, etc. Elle doit son nom au fait que les premiers phénomènes immunitaires ont été observés par des bactériologistes qui constataient des effets de protection contre des infections. On a longtemps considéré et enseigné l’immunologie comme une branche de la bactériologie. Mais le développement rapide de nos connaissances, depuis la fin des années cinquante, et le fait que les phénomènes immunitaires n’ont pas nécessairement des effets protecteurs ont amené à considérer l’immunologie comme une branche scientifique indépendante.
La fin du XXe siècle a vu naître une conception nouvelle de la fonction immunitaire: celle-ci garantit, au niveau moléculaire, l’identité biologique par ailleurs forgée par l’équipement génétique individuel.
1. Le phénomène d’immunisation
Depuis fort longtemps on savait qu’une personne guérie de certaines maladies était protégée contre la répétition de ces maladies et, déjà avant notre ère, on pratiquait en Chine la variolisation pour prévenir la variole en inoculant à des personnes saines des produits de pustules de malades ayant une variole bénigne. Au milieu du XIXe siècle, en Afrique centrale, on protégeait contre les morsures de serpents en inoculant un broyat de têtes de serpents et d’œufs de fourmis. On peut citer aussi le cas du roi grec Mithridate qui, afin de se protéger contre les poisons, en absorbait de petites quantités. En 1721, lady M. Wortley Montagu, femme de l’ambassadeur anglais en Turquie, ayant vu pratiquer la variolisation en Asie Mineure, l’a introduite en Angleterre. Mais cette méthode de protection n’était pas sans danger et pouvait provoquer des infections graves. Le médecin anglais Jenner (1749-1823) avait observé que les personnes ayant été atteintes par la variole bovine étaient protégées contre la variole humaine. En 1796, il a introduit la vaccination en inoculant des prélèvements de pustules de bovins. Ce procédé, plusieurs fois amélioré, a été utilisé contre la variole. D’après l’Organisation mondiale de la santé, cette maladie aurait actuellement disparu dans le monde entier, grâce à des vaccinations de masse. La vaccination est restée longtemps assez empirique, et ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que des études et des observations immunologiques scientifiques ont été faites. C’est en 1878 que Pasteur (1822-1895) constata qu’en inoculant à des poules une vieille culture de Pasteurella ayant perdu sa virulence, elles étaient protégées contre l’inoculation d’une culture virulente. L’idée que des souches atténuées peuvent servir à la protection a été confirmée par Pasteur en 1881 avec ses études sur la maladie du charbon chez le mouton. Il a ainsi introduit l’emploi de souches atténuées pour induire une protection contre des infections microbiennes ou virales, et il a conservé le terme vaccination en l’honneur de Jenner pour toutes ses immunisations. Les résultats obtenus par Pasteur, bien que parfois très fortement critiqués, ont provoqué un développement de recherches sur l’immunité. Ainsi, par exemple, en 1888, Richet et Héricourt, en recherchant le mécanisme induit par l’injection de staphylocoques, ont constaté que le sang des animaux traités avait un certain effet protecteur. L’année suivante, Charrin et Roger ont observé que le sérum d’un animal ayant été immunisé par l’injection d’un microbe agglutine une suspension de ce microbe. La même année, Pfeiffer a montré la spécificité de l’effet protecteur: il n’agit que contre le microbe vis-à-vis duquel l’animal a été immunisé.
2. La réactivité défensive
Un autre aspect des phénomènes immunologiques est né en 1881 lorsque un zoologiste russe, E. Metchnikoff (1845-1916), travaillant à Messine (Italie), a montré que les cellules mobiles des larves d’étoiles de mer entourent en peu de temps un objet étranger (il s’agissait d’épines de roses). C’était la première expérience montrant la participation de cellules dans un mécanisme de protection. En examinant au microscope des daphnies, qui sont transparentes, Metchnikoff a constaté que leurs cellules mobiles tuent les spores d’un champignon qui peuvent être mortelles pour ces êtres. Des faits analogues ont été observés ensuite avec des leucocytes humains ou de lapins, et Metchnikoff a donné le nom de phagocytose au phénomène d’absorption de micro-organismes par les cellules blanches du sang. Ces résultats lui ont fait admettre que la défense de l’organisme est due à des cellules (des cellules mobiles, macrophages et polynucléaires, et des cellules fixes; il les a appelées phagocytes) et il a formulé sa théorie de l’immunité cellulaire. En 1887, sur l’invitation de Pasteur, Metchnikoff est venu travailler à l’Institut Pasteur où il est resté jusqu’à sa mort en 1916. Sa théorie, admise par beaucoup, a aussi été réfutée, en particulier par des pathologistes qui admettaient que les réactions inflammatoires étaient dues à des lésions locales permettant aux cellules mobiles du sang de pénétrer dans les tissus, tandis que Metchnikoff postulait qu’elles pouvaient traverser les parois des tissus et que les macrophages ont des activités enzymatiques envers les produits phagocytés. Des objections à la théorie de l’immunité cellulaire sont apparues en constatant que des actions immunitaires pouvaient se produire en absence de cellules. En 1886, Fodor a constaté une action directe d’un immunsérum spécifique sur des bactéries charbonneuses. Les résultats les plus nets ont été obtenus en 1890 par Emil von Behring et Kitasato: la neutralisation des toxines diphtérique et tétanique par des immunsérums correspondants, donc une immunité humorale. En 1894, Calmette a constaté aussi une activité neutralisante envers des venins de serpents des immunsérums antivenins. Ces faits importants ont très rapidement amené à la sérothérapie et, dès 1893, on a préparé chez des chevaux des immunsérums antitoxines à usage thérapeutique. Une autre activité humorale a été démontrée par Pfeiffer et Isaeff en 1894, l’agglutination et même la lyse de vibrions cholériques en absence de cellules lorsqu’on les injecte dans le péritoine de cobayes préalablement immunisés. Ces faits ont fourni des arguments contre la théorie de l’immunité cellulaire de Metchnikoff. Or, à cette époque, Jules Bordet (1870-1961), qui travaillait chez ce dernier, a démontré que la bactériolyse observée par Pfeiffer ou l’hémolyse des érythrocytes nécessitent deux facteurs sériques: un constituant thermolabile présent dans tous les sérums et un constituant thermostable et spécifique présent dans les immunsérums correspondants. Divers termes ont été utilisés pour désigner le facteur thermolabile: alexine, cytose, complément. C’est finalement ce dernier nom qui a été retenu. Bordet a admis que ce facteur est formé par plusieurs constituants et qu’il comprend des actions enzymatiques, ce qui a été démontré seulement bien plus tard. Les observations de Bordet étaient en contradiction avec les idées de Metchnikoff. Mais elles ont abouti à faire admettre que les deux mécanismes, cellulaire et humoral, peuvent participer à la défense de l’organisme. Depuis, on a vérifié que les deux branches de l’immunité se rejoignent, car les produits humoraux sont synthétisés par des cellules du système lymphoïde.
À l’époque, on désignait les facteurs actifs présents dans le sérum sanguin par divers noms d’après leurs activités: précipitines, agglutinines, sensibilisatrices, etc., mais progressivement on les a remplacés par le terme général d’anticorps, c’est-à-dire les substances qui réagissent spécifiquement avec des antigènes. En 1897, Kraus a observé la réaction de précipitation spécifique du sérum d’un animal immunisé contre des cultures microbiennes avec des surnageants de mêmes cultures, et, en 1899, Tchistovitch a décrit la précipitation spécifique du sérum d’un animal immunisé contre le sérum d’un autre animal par le sérum de ce dernier. Comme conséquence de ces observations, Wassermann et Uhlenhuth ont introduit l’utilisation de ces réactions en médecine légale. En 1900, Bordet a établi la réaction dite de fixation (ou déviation) du complément (alexine). Il a utilisé des vibrions cholériques, l’immunsérum homologue, préalablement chauffé, et un sérum frais normal comme source de complément. Ce dernier, en se fixant sur le complexe formé par l’immunsérum et les vibrions, était épuisé, et on constatait cet épuisement par une deuxième réaction qui était une réaction d’hémolyse d’érythrocytes par un sérum spécifique de ces derniers qui ne pouvait avoir lieu qu’en présence du complément. En 1901, avec Gengou, il a établi le principe général de cette réaction de fixation du complément, et c’est en 1906 que Wassermann, Neisser et Brack ont appliqué ce principe pour le diagnostic de la syphilis. Cette méthode, qui a subi progressivement des perfectionnements, est encore utilisée de nos jours. La méthode de diagnostic de la fièvre typhoïde, fondée sur l’agglutination des microbes typhoïdiques par le sérum des malades, a été élaborée en 1896 par Widal en France et par Durham en Allemagne, puis en Angleterre. Une méthode de diagnostic de la pneumonie pneumococcique basée sur le gonflement de la capsule des pneumocoques par le sérum des malades a été décrite en 1902 par Neufeld.
En 1895, Denys et Leclef ont observé la fixation sur les microbes d’anticorps qu’ils désignaient par bactériotropines. En étudiant ce phénomène et le fait décrit par Metchnikoff que la phagocytose est facilitée par le sérum d’un animal immunisé, Wright et Douglas ont constaté que la substance qui se fixe sur les microbes n’est pas éliminée par des lavages. Ils ont désigné cette substance sous le nom d’opsonine et le phénomène par le terme d’opsonisation qui facilite la phagocytose. C’est la première fois qu’un lien direct entre les immunités humorale et cellulaire était établi expérimentalement.
3. La réactivité nocive
Jusqu’en 1902, tous les phénomènes immunologiques observés étaient considérés comme faisant partie d’un mécanisme général de défense de l’organisme. Mais, cette année-là, Richet et Portier ont observé un fait inattendu en étudiant l’action toxique d’extraits des tentacules de Actinaria . Une seconde injection de ces extraits n’induisait pas une augmentation de la protection d’un animal, mais au contraire provoquait un choc violent, parfois mortel. Ils ont désigné ce phénomène par anaphylaxie. L’apparition d’une nécrose locale chez un animal déjà immunisé par une injection antérieure du même antigène a été décrite en 1903 par Arthus (phénomène d’Arthus). En 1905, von Pirquet et Schick ont observé une réaction immédiate provoquée par une réinjection du sérum antistreptococcique. Ils l’ont nommée «réaction d’hypersensibilité» et ont admis qu’elle était due à la présence d’anticorps antisérum. En étudiant des réactions analogues avec la tuberculine, von Pirquet a établi l’épreuve de scarification cutanée comme moyen de diagnostic. En 1906, il a proposé le terme «allergie» pour désigner une modification de la réactivité immunitaire. Maintenant, ce terme est employé pour désigner tous les phénomènes de sensibilisation, tandis que le terme plus adéquat d’anaphylaxie n’est utilisé que pour désigner le choc anaphylactique. La contraction d’un muscle lisse d’un animal sensibilisé par une injection de l’antigène qui a été utilisé pour la sensibilisation a été montrée par Schultz et Dale (réaction de Schultz-Dale).
Le rhume des foins a été décrit en 1830 par Blackley. On admettait qu’il s’agissait de constituants toxiques dans le pollen. Des essais de désensibilisation ont été proposés par Besredka, en 1907, et par Noon et Freeman, en 1911. Quelque temps après, on a envisagé qu’il s’agissait d’une hypersensibilité et, en 1921, Prausnitz et Kustner ont prouvé l’exactitude de cette supposition. On appelle réaction de Prausnitz-Kustner l’épreuve de transfert passif d’une réaction cutanée de sensibilisation à la substance sensibilisante qu’on appelle «allergène». Une réaction cutanée analogue permettant une évaluation quantitative des anticorps dans un immunsérum a été élaborée vingt-huit ans plus tard par Biozzi, Mene et Ovary. La similitude des réactions anaphylactiques et de l’action de l’histamine a été démontrée par Dale et Laidlow en 1910, puis en 1927 par Lewis. Maintenant, grâce aux travaux de Bovet et A.-M. Staub (1939), on utilise des substances antihistaminiques pour éviter des réactions allergiques.
La possibilité d’effectuer des transplantations de tissus a déjà été envisagée au début du siècle. On a constaté que le rejet des greffes est un phénomène immunologique, et des études sur les constituants antigéniques des divers tissus ont été entreprises. Ainsi, Metchnikoff et Besredka, en 1902, ont préparé des immunsérums antileucocytes qui avaient un effet cytotoxique sur ces cellules, mais qui provoquaient au contraire une prolifération de ces cellules si on injectait de très petites doses. Bien plus tard, Bogomoletz a préparé des immunsérums antitissus lymphoïdes et il a essayé de les employer pour provoquer une telle prolifération, tandis que les sérums antilymphocytes ont été et sont encore parfois utilisés pour inhiber les rejets de greffes (Woodruff, Starzl). Dans les deux cas, les résultats ont été irréguliers, ce qui s’explique par le grand nombre d’antigènes utilisés et par conséquent par l’hétérogénéité des anticorps présents dans les immunsérums utilisés.
4. L’immunologie moléculaire
En 1892, P. Ehrlich a élaboré une théorie sur l’apparition des anticorps qu’on désigne par «théorie des chaînes latérales». Les cellules formant les anticorps comporteraient des constituants membranaires capables de fixer spécifiquement des antigènes. Ces chaînes seraient ensuite libérées dans la circulation et seraient les anticorps. Pour expliquer la spécificité de cette fixation, il l’a comparée à l’adaptation d’une clef (antigène) à la serrure (anticorps), et il a admis qu’il s’agirait d’une réaction chimique. L’existence de récepteurs membranaires pour les antigènes devait être démontrée ultérieurement.
L. Landois, qui étudiait les transfusions sanguines, a constaté en 1875 qu’il fallait utiliser le sang de la même espèce. En 1898, Bordet a introduit les termes d’isoanticorps et d’isohémagglutination en constatant que les sérums des lapins immunisés avec les globules rouges d’un animal d’une autre espèce agglutinaient ces derniers, mais non ceux de lapin. Cependant, en 1902, Landsteiner a démontré l’existence d’hémagglutinines dans des sérums humains pour des érythrocytes d’autres humains, et il a établi l’existence des groupes sanguins A, B et O. Plus tard, c’est aussi lui qui a découvert le facteur rhésus en utilisant le sang de singes rhésus. Ces constatations sont le point de départ des transfusions sanguines contrôlées, et elles ont permis d’éviter des accidents transfusionnels. Il a été aussi démontré que les groupes sanguins sont héréditaires.
Au cours des trois décennies 1910-1940, l’introduction de nouvelles méthodes, en particulier chimiques, a permis un développement important des connaissances, ainsi que des applications pratiques: vaccinations, méthodes de diagnostic. En 1921, Calmette et Guérin ont établi la vaccination antituberculeuse par une souche bovine atténuée (vaccin B.C.G.). Dans plusieurs laboratoires, on avait essayé de neutraliser les toxines diphtérique et tétanique pour l’immunisation. C’est en 1924 que Ramon a mis au point un procédé de neutralisation convenable en supprimant la toxicité par une formolisation. Il désigna ces préparations atoxiques par anatoxines, tandis que les anglophones les appellent toxoïdes, comme l’avait proposé Ehrlich. Pour augmenter l’efficacité des vaccins, Le Moignic et Pinay ont introduit l’emploi de lipides comme adjuvants (1916). Ramon (1935) a essayé d’autres substances, mais elles provoquaient parfois des lésions aux endroits des injections. Actuellement, certains vaccins contiennent des substances adjuvantes inoffensives, et dans les immunisations expérimentales d’animaux on utilise l’adjuvant de Freund (1947) ou des produits extraits du B.C.G., par exemple, pour augmenter l’immunogénicité des antigènes.
En 1904, Arrhenius a introduit le terme d’immunochimie, et Ehrlich et Bordet ont admis que les réactions immunologiques ont une base chimique, mais c’est surtout grâce aux travaux de Landsteiner et de ses collaborateurs que l’emploi de méthodes chimiques s’est développé. À partir de 1914, Landsteiner a étudié, à l’aide de réactions sérologiques, la spécificité des antigènes en fixant par voie chimique (en particulier par diazotation) divers groupements simples sur des antigènes protéiques: il donna le nom de «haptènes» à ces groupements, incapables à l’état libre d’induire la formation d’anticorps, mais caractéristiques pour la spécificité des réactions immunologiques. En 1933, Landsteiner a publié une monographie sur la spécificité des réactions sérologiques qui a eu une grande influence sur le développement des études immunologiques, de même que le livre de Wells (1925), traduit en français par L. Boez en 1928 (Les Aspects chimiques de l’immunité ), et la monographie de Marrack, The Chemistry of Antigens and Antibodies (1935).
Les premiers essais de purification d’anticorps ont été réalisés par Felton qui a trouvé que la fraction dite «euglobulines» des immunsérums antipneumococciques de cheval sont riches en anticorps. Heidelberger et Kendall (1936) ont isolé des anticorps purs de ces sérums en dissociant, par de fortes concentrations en sels, les complexes antigène-anticorps insolubles. Par des études à l’aide de l’ultracentrifugation (Heidelberger et Pedersen, 1937) et de l’électrophorèse (Tisélius et Kabat, 1938), il a été démontré que les anticorps appartiennent aux globulines du sérum de masse moléculaire de 180 000 et de 900 000 et à la fraction qui migre lentement dans un champ électrique (on les désignait par 塚-globulines).
5. L’immunologie technique
Comme dans d’autres branches scientifiques, l’apparition en immunologie de nouveaux appareils ou de nouvelles techniques a permis l’acquisition de connaissances importantes. Ainsi les perfectionnements du microscope par Loewenhoek ont-ils ouvert la voie aux travaux de Pasteur et de Metchnikoff. La méthode de diazotation a facilité à Landsteiner ses études sur la spécificité antigénique. L’ultracentrifugation (Svedberg et Pedersen, 1930), l’ultrafiltration sur des membranes de porosité déterminée (Elford, Grabar, 1930-1935), l’électrophorèse en veine liquide (Tiselius, 1937), les colonnes absorbantes Sephadex (Porath, 1950) ont permis et permettent encore l’obtention de renseignements très importants sur des substances participant à des phénomènes immunologiques. Les méthodes immunologiques qui sont spécifiques et très sensibles se développent et se perfectionnent constamment. L’agglutination des microbes et la précipitation spécifique des antigènes par les anticorps ont été à la base des découvertes immunologiques à la fin du siècle dernier. La fixation du complément (Bordet et Gengou, 1901), l’hémagglutination passive (Boyden, 1951), la formation des rosettes d’érythrocytes par des cellules immunocompétentes (Jerne, Henry et Nordin, 1963), l’emploi d’antigènes ou d’anticorps marqués par des colorants fluorescents (Coons, 1942), des éléments radioactifs (Yallow et Berson, 1960) ou des enzymes (Avrameas et Uriel, 1966), diverses méthodes d’agglutination de micro-organismes ou de suspensions de particules sensibilisées par des antigènes, ainsi que les méthodes de précipitation en milieu gélifié (diffusion simple Oudin, 1946-1948; double diffusion Ouchterlony, Elek, 1948) et l’analyse immunoélectrophorétique (Grabar et Williams, 1953), ainsi que sa modification quantitative (Ressler, 1960; Laurell, 1967) sont encore utilisés couramment et ont permis l’obtention de résultats très importants non seulement dans des études immunologiques, mais souvent aussi dans d’autres branches de la science telles que l’embryologie, la biochimie, la physiologie et la systématique des animaux et des plantes, l’endocrinologie (cf IMMUNOCHIMIE)...
Les immunologistes utilisent aussi des méthodes de culture de cellules ou de tissus et maintenant des méthodes du génie génétique qui réalisent un transfert de gènes d’une cellule à une autre. Ces techniques ont permis, entre autres, l’obtention de cellules synthétisant des anticorps monoclonaux qui sont strictement spécifiques et peuvent fournir des résultats fort importants. Enfin, l’utilisation d’animaux de lignées génétiques pures, ainsi que d’animaux axéniques (élevés en milieu stérile) ou au moins exempts d’agents pathogènes présente souvent un avantage considérable.
6. La notion de système immunitaire
Le fonctionnement et le maintien de l’intégrité (homéostasie) de nombreux systèmes physiologiques vitaux, nerveux, immunitaire, endocrinien, etc., et, plus généralement, des organismes eux-mêmes chez les animaux pluricellulaires (Métazoaires), mettent en jeu des ensembles cellulaires et moléculaires de complexité variable intégrés et régulés. Il s’agit de véritables circuits de communications intercellulaires et d’interactions moléculaires très élaborés et interconnectés au sein de chaque système et entre différents systèmes de l’organisme régis par une dynamique de type cybernétique (cf. CYBERNÉTIQUE: cybernétique et biologie, et SYSTÈMES DE TRANSFORMATION). Ces réseaux biologiques de transfert d’information impliquent l’émission, la réception, la transmission et l’amplification de signaux de nature physique et (ou) chimique par l’intermédiaire d’une série d’effecteurs cellulaires et de médiateurs moléculaires (transmetteurs), spécifiques et non spécifiques des systèmes concernés [cf. RÉCEPTEURS MEMBRANAIRES].
Dans le cas du système immunitaire (S.I.), les signaux, les effecteurs et les médiateurs impliqués dans son ontogenèse et son fonctionnement sont exclusivement chimiques. L’opérateur fondamental du S.I., ou si l’on préfère l’agent qui en déclenche le programme d’action majeur, c’est-à-dire la réaction immunitaire, est l’entité moléculaire désignée par le terme générique d’antigène dont une définition précise est donnée plus loin. Cette réaction est un processus complexe dont l’étape initiale est la captation (fixation) de l’antigène par des cellules spécialisées capables de le reconnaître sélectivement (sans ambiguïté) grâce à des structures moléculaires appropriées fonctionnant comme des antennes spécifiques de l’antigène à la surface de ces cellules. Cette captation est suivie d’une cascade d’événements impliquant notamment la multiplication des cellules réceptrices et la production par celles-ci d’effecteurs moléculaires (produits de la réaction) dont la propriété est de se combiner spécifiquement avec l’antigène qui en a suscité la synthèse.
La réaction immunitaire permet à l’organisme de reconnaître tout antigène parmi les millions d’antigènes potentiels qui viendrait à pénétrer dans le «milieu intérieur» (au sens de Claude Bernard) et contre lesquels il pourra réagir en vue de préserver son intégrité, en particulier contre l’agression des micro-organismes infectieux (immunité acquise ou spécifique par opposition à l’immunité naturelle ou non spécifique de l’antigène, cf. INFECTION).
Les effecteurs cellulaires et moléculaires de la réaction immunitaire et de la reconnaissance des antigènes (cf. IMMUNITÉ et SYSTÈME IMMUNITAIRE) sont nettement plus complexes et diversifiés chez les organismes appartenant au subphylum des Vertébrés, tout particulièrement chez les Mammifères, que ceux des autres phylums (embranchements) des Métazoaires.
Chez ces organismes, les cellules qui reconnaissent les antigènes et élaborent les produits de la réaction immunitaire sont constituées par la population de leucocytes mononucléés appelés lymphocytes B et T. Les récepteurs de l’antigène présents à la surface de ces deux types de lymphocytes sont respectivement les immunoglobulines (Ig) et les récepteurs T (TcR pour T cell receptor ). Les Ig sont des glycoprotéines, dont la forme soluble sécrétée par des plasmocytes (lymphocytes B différenciées) constitue les anticorps. Les récepteurs T sont constitués par deux chaînes polypeptidiques distinctes (hétérodimères) dont deux variétés 見 廓 et 塚 嗀 sont connues, étroitement associées à un ensemble d’au moins quatre protéines distinctes constituant le complexe moléculaire CD3 nécessaire au fonctionnement correct des TcR.
Sur le plan fonctionnel de leur interaction avec les récepteurs lymphocytaires, chaque molécule d’antigène se comporte comme un ensemble (mosaïque) de motifs structuraux de dimensions limitées, distincts les uns des autres, parfois identiques (motifs répétitifs) ou partiellement similaires. Ces motifs appelés déterminants (sites) antigéniques ou épitopes selon la terminologie proposée par l’immunologiste Niels Jerne diffèrent en totalité ou en partie d’un antigène à l’autre. Cette différence épitopique constitue le fondement du concept de spécificité antigénique. Le nombre de structures moléculaires épitopiques (ensemble des épitopes concevables) est pratiquement illimité. On admet, et cela est établi, que le S.I. des Vertébrés est capable de reconnaître dans les conditions appropriées n’importe quelle configuration moléculaire (épitope) comprise entre 0,5 nm (5 Å) et 3,4 nm (34 Å).
Chaque épitope d’un antigène est reconnu séparément par un récepteur lymphocytaire spécifique de cet épitope, c’est-à-dire possédant, au niveau du domaine V (partie variable) de la chaîne polypeptidique du récepteur approprié (Ig ou TcR), une configuration moléculaire stéréospécifiquement complémentaire de celle de l’épitope. Cette reconnaissance réciproque permet la formation d’un complexe épitope-récepteur ayant une constante d’association (affinité thermodynamique) suffisante pour en assurer la stabilité. Ce processus nécessite dans la plupart des cas la coopération d’autres populations leucocytaires (cf. infra ), tout particulièrement les macrophages tissulaires et leurs formes sanguines les monocytes, qui constituent le système phagocytaire mononuclée appelé antérieurement système réticulo-endothélial (cf. système PHAGOCYTAI- RE). Les récepteurs T, mais non les Ig, ne reconnaissent les épitopes qu’à la condition que ces derniers soient associés à des molécules présentes à la surface de cellules «présentatrices» de l’antigène codées par des gènes du complexe majeur d’histocompatibilité (cf. IMMUNITÉ et SYSTÈME IMMUNITAIRE). Grâce à la réaction immunitaire spécifique vis-à-vis d’agresseurs externes ou internes (propres à l’individu), ceux-ci seront neutralisés puis éliminés consécutivement à l’interaction des épitopes constitutifs de leurs antigènes avec les anticorps et/ou avec les récepteurs T spécifiques de ces épitopes.
Un lymphocyte donné n’exprime qu’un type de récepteur (Ig ou TcR) spécifique d’un seul épitope. Il en existe environ 105 par lymphocyte B ou T au repos (avant activation par l’antigène). Cette spécificité unique génétiquement programmée et indépendante du contact avec les antigènes sera la même (domaine V identique) pour tous les lymphocytes B ou T d’un même clone, mais différente d’un clone à l’autre, un clone étant un ensemble de cellules identiques descendantes d’une même cellule initiale. De ce fait, il existe autant de clones B et T différents que de sites antigéniques potentiels (au moins 108 structures épitopiques distinctes). Le terme de répertoire B ou T désigne l’ensemble des molécules d’immunoglobulines ou de récepteurs T qu’un organisme est capable d’exprimer à un moment donné à la surface de ses lymphocytes. Ce concept est à la base de la théorie de la sélection clonale formulée en 1956 par M. F. Burnett (cf. Universalia 1986, p. 535) et maintes fois vérifiée expérimentalement. Elle est actuellement le fondement des théories du fonctionnement du système immunitaire, notamment le phénomène de la tolérance immunitaire, du réseau idiotypique et de la génération de la diversité des anticorps et des récepteurs T.
Les progrès réalisés depuis les années quatre-vingt dans la compréhension des mécanismes de la reconnaissance des antigènes et plus largement de la réaction immunitaire et des opérateurs majeurs du S.I. (Ig, TcR, antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité) ainsi que de leur déterminisme génétique résultent des apports technologiques et conceptuels considérables de l’immunologie, de la biologie cellulaire et de la génétique moléculaire. Les grands jalons de ces progrès ont été notamment la maîtrise des techniques de culture et de clonage des immunocytes (lymphocytes, monocytes) et de leurs lignées immortalisées, l’obtention d’hybridomes et la production d’anticorps monoclonaux, le tri cellulaire par cytométrie en flux, la découverte et la compréhension – qui est loin d’être complète – des fonctions des cytokines, véritables hormones de communication, et d’action du S.I., émises par certaines cellules immunitaires mais aussi non immunitaires, et reçues par d’autres [cf. CYTOKINES].
immunologie [ imynɔlɔʒi ] n. f.
• 1924; de immuno- et -logie
♦ Biol., méd. Étude de l'immunité (apparition, développement, conséquences d'ordre prophylactique et thérapeutique). Importance de l'immunologie en pathologie, dans le domaine des transplantations d'organes (réactions de « rejet »).— Adj. IMMUNOLOGIQUE , 1928 .
● immunologie nom féminin Spécialité biologique et médicale qui étudie l'ensemble des mécanismes de défense de l'organisme contre les antigènes (agents pathogènes extérieurs). ● immunologie (expressions) nom féminin Radio-immunologie, technique de laboratoire utilisant des composés radioactifs (radio-analyse) conjugués à des antigènes pour doser des anticorps.
immunologie
n. f. MED, BIOL Partie de la médecine et de la biologie qui étudie l'immunité, sa pathologie et les moyens artificiels (vaccination, sérothérapie, etc.) de provoquer ou de renforcer les réactions immunitaires.
⇒IMMUNOLOGIE, subst. fém.
Branche de la médecine qui étudie les réactions immunitaires de l'organisme et en tire des applications d'ordre prophylactique et thérapeutique. Laboratoires de recherches destinés à faire progresser la physiologie, l'immunologie, la chimie de la nutrition (CARREL, L'Homme, 1935, p. 349). Un procédé préventif, encore empirique, certes, mais dont la base devait se nommer plus tard l'immunologie (P. MORAND, Confins vie, 1955, p. 14).
Prononc. : [im(m)]. Étymol. et Hist. 1924 (ROUSSY ds Nouv. Traité Méd., fasc. 5, 2, p. 615). Composé des élém. immuno- et -logie.
DÉR. 1. Immunologique, adj. a) Synon. de immunitaire. Réaction immunologique. b) Qui étudie l'immunologie. L'école immunologique de Garches, qu'a fondée Ramon et qu'il dirige, a une réputation qui s'étend au loin (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p. 46). — [im(m)]. — 1re attest. 1928 (Nouv. Traité Méd., fasc. 2, p. 653); de immunologie, suff. -ique. 2. Immunologiste, adj. et subst. Spécialiste en immunologie. La méthode de titrage par floculation des toxines et des sérums antitoxiques (...) qui est maintenant universellement adoptée par les immunologistes (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p. 41). — [im(m)]. — 1re attest. 1946 id.; de immunologie, suff. -iste.
BBG. — QUEM. DDL t. 14.
immunologie [i(m)mynɔlɔʒi] n. f.
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♦ Didact. (biol., méd.). Étude de l'immunité (II.), apparition, développement, conséquences d'ordre prophylactique et thérapeutique. ⇒ aussi Immunogénétique. || Importance de l'immunologie en pathologie, dans le domaine des transplantations d'organes (réactions de « rejet »). || « L'allergie (cit. 2), branche de l'immunologie ». ⇒ Allergologie.
0 Même quand triomphèrent les dogmes de l'organicisme intégral et de la spécificité étiologique, même à l'époque des découvertes (…) bactériologiques de Pasteur, la théorie des tempéraments et des diathèses gardait des défenseurs obstinés, devenus beaucoup plus nombreux avec les progrès de l'endocrinologie, de l'immunologie, de la génétique (…)
Jean Delay, Introduction à la médecine psychosomatique, p. 5.
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DÉR. et COMP. Immunologique, immunologiste. Radio-immunologie.
Encyclopédie Universelle. 2012.