JACQUERIE
JACQUERIE
Révolte paysanne qui affecta en 1358 la région parisienne et principalement l’Île-de-France, le Beauvaisis et la Brie; la première manifestation eut lieu le 28 mai à Saint-Leu-d’Esserent. Principalement dirigé contre les nobles, le mouvement fut extraordinairement violent: des seigneurs furent massacrés, des femmes violées, un enfant rôti vif. Surtout, les châteaux brûlèrent, les récoltes furent saccagées, le cheptel tué. La révolte fut cependant aussi brève que brutale. L’alliance de la bourgeoisie parisienne (Étienne Marcel, prévôt des marchands) ne procura aux jacques, dirigés par Guillaume Carle ou Karle, qu’un soutien épisodique. Les Parisiens subirent à Meaux un échec cuisant, cependant que la noblesse réformatrice (menée par le roi de Navarre, Charles II le Mauvais) préférait obéir à ses intérêts et se dressait contre les paysans: les jacques furent écrasés le 9 juin à Mello. Les bourgeois se détachèrent rapidement des paysans et se rangèrent aux côtés du roi (assassinat d’Étienne Marcel, 31 juillet).
Née d’une dépression économique amorcée depuis la fin du siècle précédant, la jacquerie fut à certains égards une révolte de la misère et une conséquence de la guerre de Cent Ans et de la peste noire. Mais elle fut surtout la contestation, par les petits possesseurs — et non par le prolétariat rural —, d’un système seigneurial de moins en moins adapté aux nécessités de l’exploitation, alors qu’une longue stagnation des prix céréaliers privait le tenancier de ses profits et incitait le propriétaire noble ou bourgeois à renforcer ses exigences. Le mécontentement général contre la noblesse, consécutif à la défaite de Poitiers (1356), ne fit évidemment qu’aggraver le malaise au sein duquel éclata la jacquerie. L’échec rapide de celle-ci fut en grande partie le fruit de l’inorganisation, de l’incohérence des mouvements et de l’absence de chef véritable.
jacquerie [ ʒakri ] n. f.
• v. 1370; de Jacques
1 ♦ Hist. Soulèvement des paysans français contre les seigneurs en 1358. La Jacquerie du Beauvaisis.
2 ♦ (1821) Révolte paysanne. « la jacquerie arme les laboureurs de leurs fourches et de leurs faux » (Zola).
● jacquerie nom féminin (de Jacques) Révolte des paysans français contre les nobles, pendant la captivité de Jean II le Bon. (Partie du Beauvaisis en mai 1358, elle se répandit en Picardie, dans le nord de l'Île-de-France et en Champagne, mais fut réprimée par Charles le Mauvais en juin.) [avec une majuscule] Toute révolte paysanne.
jacquerie
n. f. Soulèvement de paysans.
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jacquerie
(la) insurrection rurale due à la misère, qui éclata en France, dans la rég. de Beauvais (Oise), en mai 1358: les jacques (paysans) ravagèrent le pays. En juin, leur chef, Guillaume Karle, fut capturé et les insurgés furent massacrés. Par la suite, on nomma jacqueries des révoltes analogues. SAINTS Jacques (saint), dit le Majeur (? - 44 apr. J.-C.) un des douze apôtres, frère de saint Jean l'évangéliste. Il est vénéré à Compostelle (Espagne).
⇒JACQUERIE, subst. fém.
A. — HIST. DE FRANCE. [Au sing., précédé de l'art. déf. et le plus souvent avec une majuscule] Soulèvement des paysans contre les seigneurs pendant la captivité de Jean le Bon, en 1358. La jacquerie fut promptement réprimée (Ac. 1878). On oublie les templiers brûlés sous Philippe le Bel; les triomphes des Anglais sous les Valois; la guerre de la Jacquerie (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 17). Tant que l'aristocratie est puissante, toute tentative contre la Monarchie échouera; Marcel pourra agiter les communes, la Jacquerie soulever les campagnes (MICHELET, Introd. Hist. univ., 1831, p. 456) :
• 1. ... les Jacques, auxquels il [Étienne Marcel] prêtait la main, furent battus, presque par hasard, à Meaux (...). Avec la Jacquerie, Étienne Marcel perdait un grand espoir.
BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 100.
B. — P. ext. Insurrection populaire, notamment paysanne. J'ai reçu une lettre lamentable de Mme Sand. Il y a une telle misère dans son pays, qu'elle redoute une jacquerie (FLAUB., Corresp., 1870, p. 136). Les émeutes serviles, les jacqueries, les guerres des gueux, les révoltes des rustauds (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 139) :
• 2. ... quand il souffrait trop, Jacques Bonhomme se révoltait. (...) la jacquerie arme les laboureurs de leurs fourches et de leurs faux, quand il ne leur reste qu'à mourir (...). Après quatre cents ans, le cri de douleur et de colère des Jacques, passant encore à travers les champs dévastés, va faire trembler les maîtres, au fond des châteaux.
ZOLA, Terre, 1887, p. 80.
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1878. CATACH-GOLF. Orth. Lexicogr. 1971 proposent jaquerie. Étymol. et Hist. 1369-72 jaquerie « soulèvement des paysans contre la noblesse en 1358 » (Chronique normande du XIVe s., éd. A. et E. Molinier, p. 130). Dér. de Jacques; suff. -erie; ,,c'est le prénom Jacques qui, appliqué comme sobriquet pendant le cours de la 1re moitié du XIVe s. aux vilains et gens de campagne, donna presque aussitôt naissance (...) au mot jacquerie qui n'a pas cessé dep. lors d'être synon. d'insurrection rustique`` (S. LUCE, Hist. de la jacquerie, pp. 5-6). Fréq. abs. littér. : 40.
jacquerie [ʒakʀi] n. f.
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1 Hist. Soulèvement des paysans français contre les seigneurs en 1358. — Littér. || La Jacquerie (1828), scènes historiques de Mérimée.
2 (1821). Révolte sanglante des classes pauvres de la paysannerie. ⇒ Guerre (des gueux), insurrection, sédition, soulèvement; → Émeute, cit. 5.1. || Une terrible jacquerie.
0 Toujours, de siècle en siècle, la même exaspération éclate, la jacquerie arme les laboureurs de leurs fourches et de leurs faux, quand il ne leur reste qu'à mourir. Ils ont été les Bagaudes chrétiens de la Gaule, les Pastoureaux du temps des Croisades, plus tard les Croquants et les Nu-pieds courant sus aux nobles et aux soldats du roi. Après quatre cents ans, le cri de douleur et de colère des Jacques, passant encore à travers les champs dévastés, va faire trembler les maîtres, au fond des châteaux.
Zola, la Terre, I, V.
Encyclopédie Universelle. 2012.