ASSOMPTION
ASSOMPTION
Le 1er novembre 1950, l’«Assomption au ciel» de la Vierge Marie fait l’objet d’un dogme catholique proclamé par le pape Pie XII dans la constitution apostolique Munificentissimus Deus . Ce document déclare que l’Assomption est un «dogme divinement révélé». Il en précise la signification et le contenu dans ces termes: «L’Immaculée Mère de Dieu, Marie toujours vierge, une fois achevé le cours de sa vie terrestre a été assumée (élevée) corps et âme à la gloire céleste.» Dès 1946, Pie XII avait demandé par lettre à l’épiscopat du monde entier s’il était souhaitable de procéder à la définition de ce dogme. La réponse ayant été affirmative, presque à l’unanimité, le pape se dispensa de réunir un concile et annonça qu’il confirmait de lui-même «l’enseignement unanime du magistère ordinaire de l’Église et la croyance unanime du peuple chrétien».
Les théologiens admettent pourtant que ce dogme n’a pas de base directe et formelle dans l’Écriture. Les textes qu’on pourrait invoquer (dans la Genèse, le Cantique des cantiques, l’Apocalypse, l’Évangile de Matthieu ou dans la Ire Épître aux Corinthiens) ont tous un autre sens. La tradition des Pères ou des Docteurs est elle-même incertaine: les uns sont pour l’Assomption corporelle de Marie, d’autres sont contre, les autres — les plus nombreux — n’en disent rien.
Tout est issu, semble-t-il, de récits apocryphes (Ve s.), puis d’une fête de la Dormition (Orient, VIe s.; Rome, VIIe s.), qui célébrait la mort de Marie et qui, aux VIIIe et IXe siècles, se mit à célébrer son Assomption, c’est-à-dire son entrée au ciel, à l’instant même de sa mort et dans l’intégrité de sa personne, âme et corps unis (on notera qu’il n’est pas parlé de résurrection, car l’Assomption coïncide avec la mort elle-même; on notera aussi qu’il s’agit d’assomption, non d’ascension, car assomption est un terme passif: Marie ne s’élève pas au ciel d’elle-même; elle y est élevée, assumée).
L’idée d’un tel dogme a jailli du sentiment chrétien: la mère du Sauveur, la «Pleine de grâce», l’«Immaculée», n’avait pu connaître la pourriture du tombeau. Mais ce sont des raisonnements théologiques qui ont fortifié cette vue. Exemption du péché, maternité divine, virginité perpétuelle, participation hors de pair à l’œuvre rédemptrice, c’était là un ensemble d’attributs exceptionnels, privilégiés, avec lesquels un sort commun, une condition commune semblaient peu compatibles (le dogme atteste une certaine volonté de cohérence sur des points précis: si la mort, comme destruction ou décomposition, est le «salaire du péché», Marie, qui échappe au péché, doit échapper aux conséquences de la mort physique; si l’Homme-Dieu confère l’immortalité, il la confère par priorité à celle dont il est la chair de la chair, etc.).
Isolée du reste de la dogmatique chrétienne, cette croyance apparaît toute mythique. Réintégrée dans la masse des données, elle prend un rang subalterne, mais prescrit par l’ordre total. En outre, elle manifeste ce qu’est, en religion, un «travail de piété», une élaboration de représentations secondaires: l’intuition est d’abord affective, à base de respect et d’amour, indifférente aux catégories du réel; puis elle se raisonne, elle se change en déduction du détail; et parfois il faut vingt siècles pour que l’autorité sanctionne comme officielle une mise au point qui laisse voir sa double origine: mi-scolaire et mi-populaire.
assomption [ asɔ̃psjɔ̃ ] n. f.
1 ♦ Cathol. Enlèvement miraculeux de la Sainte Vierge au ciel par les anges. La dormition et l'assomption de la Vierge.
♢ L'Assomption : jour où l'Église célèbre cette fête (15 août).
2 ♦ Philos. Action d'assumer, de prendre en charge. L'assomption d'un risque. — Anglic. Action de prendre comme hypothèse. L'assomption d'une proposition. La proposition assumée. ⇒ hypothèse.
♢ Log. Seconde proposition d'un syllogisme. ⇒ 1. mineur.
● Assomption nom féminin (même étym. que le précéd.) Élévation et présence corporelle de la Vierge Marie au ciel après sa mort. (L'Assomption est un dogme de l'Église catholique, défini par Pie XII le 1er novembre 1950. Elle est célébrée le 15 août.) Œuvre d'art représentant l'entrée de la Vierge dans la gloire céleste.
Assomption
V. Asunción.
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Assomption
n. f. RELIG CATHOL (Avec une majuscule.)
d1./d Montée au ciel de la Vierge Marie.
d2./d Jour où est fêté ce miracle (15 août).
⇒ASSOMPTION, subst. fém.
I.— PHILOSOPHIE
A.— Acte d'assumer, de prendre à son compte avec toutes ses implications. Assomption d'un risque :
• 1. Nous posons, en outre, que l'assomption du risque n'est pas une activité productive par elle-même; c'est le risque surmonté, éliminé, qui permet un accroissement des valeurs ajoutées dans la firme et du produit réel dans l'économie nationale.
PERROUX, L'Écon. du XXe s., 1964, p. 630.
— En partic., philos. existentialiste. Acceptation lucide de ce que l'on est, de ce que l'on désire, etc.; acte de la liberté en tant qu'elle assume lucidement la nécessité, la finitude, etc. :
• 2. Mon arrachement à Autrui, c'est-à-dire mon Moi-même, est par structure essentielle assomption comme mien de ce moi qu'autrui refuse; il n'est même que cela.
SARTRE, L'Être et le Néant, 1943, p. 345.
• 3. ... dans une vie authentiquement morale, il y a libre assomption du désir et du plaisir...
S. DE BEAUVOIR, Le Deuxième sexe, t. 2, 1949, p. 216.
B.— LOGIQUE
1. Acte d'assumer, ,,de faire sienne une proposition, principalement à titre d'hypothèse servant de départ à une opération déductive``; p. ext. ,,la proposition assumée ou admise`` (FOULQ.-ST-JEAN 1962) :
• 4. Cette pensée réfléchie caractéristique de l'adolescent prend naissance dès 11-12 ans, à partir du moment où le sujet devient capable de raisonner de manière hypothético-déductive, c'est-à-dire sur de simples assomptions sans relation nécessaire avec la réalité.
J. PIAGET, Psychol. de l'intelligence, p. 177 (FOULQ.-ST-JEAN 1962).
2. Chez les stoïciens. Proposition fondamentale, considérée comme universellement accordée d'avance.
3. ,,La seconde proposition d'un syllogisme, plus ordinairement appelée la mineure. Cette assomption n'est pas exacte`` (Ac. 1835, 1878).
II.— RELIGION
A.— Assomption de la Vierge Marie. Croyance chrétienne, proclamée dogme de la religion catholique depuis le 1er novembre 1950, suivant laquelle la Vierge Marie a été enlevée corps et âme au ciel; fête célébrée en cet honneur le 15 août selon une très ancienne tradition. Dormition et assomption de la Sainte Vierge :
• 5. Je communiai le lendemain, jour de l'Assomption, 15 août.
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 3, 1855, p. 195.
— B.-A. Œuvre d'art figurant l'Assomption :
• 6. La plus belle harmonie de couleurs, avec la Descente de croix, c'est peut-être le tableau du maître-autel, l'Assomption, si harmonieux, si bien fondu, si éclatant et pourtant si doux, d'une lumière attendrissante, suave et tendre à faire pleurer.
MICHELET, Journal, 1840, p. 345.
B.— P. ext. Toute forme d'élévation ou d'ascension de l'esprit ou de l'âme qui assume et transfigure la réalité, les valeurs :
• 7. Ce mariage fut, pour la jeune paysanne, comme une assomption. La belle Adeline passa sans transition des boues de son village dans le paradis de la cour impériale.
BALZAC, La Cousine Bette, 1846, p. 22.
• 8. Selon qu'il fait plus ou moins clair en nous, ce sont toujours les mêmes chutes ou les mêmes assomptions. On est ange ou bête, jamais homme.
GUÉHENNO, Journal d'une « Révolution », 1938, p. 127.
Rem. On rencontre dans la docum. le néol. assompter, verbe intrans. [En parlant de la Vierge] S'élever dans le ciel (CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 346; texte définitif : s'élève); du rad. de assomption étymol. 2, dés. -er (cf. RHEIMS 1969).
PRONONC. :[]. BARBEAU-RODHE 1930 note une durée mi-longue pour la 2e syll. du mot. Pour une durée longue, cf. FÉR. 1768 et FÉR. Crit. t. 1 1787. Pour la prononc. de [p] dans les mots terminés en -mption : ademption, exemption, péremption, rédemption, consomption, présomption, résumption, Assomption (et Assomptionniste), cf. FOUCHÉ Prononc. 1959, p. 354 (cf. aussi GRAMMONT, Prononc. 1958, p. 82).
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1119 « ascension de Jésus-Christ » (PH. DE THAON, Comput, 929 ds GDF. Compl. : Pur çol di, c'est la sume, De l'achaisun de l'hume Que en cele saisun Fist Deus s'asumpciun) — XIVe s., ibid.; d'où 1572 « élévation à une haute dignité » (Lett. de Ch. IX au pape, Arch. Nat., Litt. Princ., XXXIV, f° 21, ibid. : Nous n'avons voulu faillir de nous conjoyr avec Votre saincteté de ceste sienne divine et tres heureuse assumption et promotion) — XVIe s. ds HUG.; 2. a) fin XIIe -début XIIIe s. « fête anniversaire de l'enlèvement miraculeux de la Vierge au ciel » (Recit première Croisade, éd. P. Meyer, VI, 4 ds T.-L. : une feste sacree, Asumption l'apele la gent qui sunt letree); XIIIe s. « enlèvement miraculeux de la Vierge au ciel » (RUTEBEUF, II, 18 ds LITTRÉ : La nuevme [joie] fut t'asompsions. Quant en arme [âme] et en cors assise Fus sur tote creacion); b) 1680 peint. (RICH. : Assomption. Image qui représente le mystère de l'Assomption); 3. a) 1576 log. « mineure, ou seconde proposition d'un syllogisme » (RAMUS, Dialectique, II, 7 ds HUG. : Syllogisme a trois parties; Proposition, Assumption, Conclusion); b) 1801 philos. « notion accordée d'avance » (VILLERS, Kant, p. 92 ds LITTRÉ : Les Stoïciens appelaient ces principes [originairement contenus dans l'âme] notions communes, prolepses, c'est-à-dire des assomptions fondamentales ou ce qu'on prend pour accordé par avance).
Empr. au lat. assumptio au sens de « action de prendre, d'ajouter, d'assumer » dep. Rhet. Her., 2, 13, 19 ds TLL s.v., 934, 82; 3 a [corresp. au gr. ] « mineure d'un syllogisme » (CICÉRON, Inv., 1, 59, ibid., 935, 34); au sens 1 lat. chrét. (IRÉNÉE, 3, 12, 5, ibid., 935, 55); 2 [corresp. au gr. et désignant d'abord l'Ascension de Jésus-Christ] id. av. IXe s. Missale Gothicum c. 244C ds BLAISE; cf. XIIe s. (ABSALOM, Serm., 44 p., 255e ds Mittellat. W. s.v., 1095, 46).
STAT. — Fréq. abs. littér. : Assomption. 155. Assompter. 1.
BBG. — Archéol. chrét. 1924. — BACH.-DEZ. 1882. — Bible 1912. — Bible Suppl. t. 1 1928. — BOUYER 1963. — CHASS. 1970. — DUCH. 1967, § 48. — Foi t. 1 1968. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — GUYOT 1953. — LAL. 1968. — MARCEL 1938. — Mots rares 1965. — RHEIMS 1969 (s.v. assompter). — Théol. cath. 1909.
assomption [asɔ̃psjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1680; asumption, fin XIIe-début XIIIe, asumpciun, 1119; du lat. assumptio « action de prendre, d'ajouter, d'assumer ».
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1 Relig. cathol. Enlèvement miraculeux de la Sainte Vierge au ciel par les anges. || Dormition et assomption de la Sainte Vierge. || L'ascension du Christ et l'assomption de la Vierge.
♦ Par ext. || L'Assomption (avec la majuscule) : le jour où cette fête a lieu (15 août).
♦ Arts. Œuvre représentant l'Assomption. || L'Assomption de la Vierge, tableau du Greco. || Une assomption baroque, maniériste.
♦ Par ext. (littér. et rare). Élévation de l'esprit qui transfigure les valeurs, la réalité.
1 Elle s'éveillait à une conscience nouvelle d'elle-même, comme si elle eût rompu avec un âge de sa vie pour entrer soudainement dans un autre, comme si le voile de son âme d'enfant commençait à se déchirer dans une première assomption des sens moraux de la femme et du caractère de son sexe.
Ed. et J. de Goncourt, Sœur Philomène, p. 40.
2 Didact. Action d'assumer, de prendre en charge, à son compte. || L'assomption d'un risque. || L'assomption de la souffrance. || « L'assomption d'un peu de réel » (Barthes, Fragments d'un discours amoureux).
2 C'est bien cette assomption par le sujet de son histoire, en tant qu'elle est constituée par la parole adressée à l'autre, qui fait le fond de la nouvelle méthode à quoi Freud donne le nom de psychanalyse (…)
Jacques Lacan, Écrits, p. 257.
♦ Philos. Acceptation de ce que l'on est, de ce que l'on désire (dans l'existentialisme).
3 Log. a (1576; lat. assumptio). Seconde proposition d'un syllogisme. ⇒ Mineure. || Cette assomption est fausse.
b (Anglic.). Action de prendre comme hypothèse. || L'assomption d'une proposition. — La proposition assumée. ⇒ Hypothèse.
3 Cette pensée réfléchie caractéristique de l'adolescent prend naissance dès 11-12 ans, à partir du moment où le sujet devient capable de raisonner de manière hypothético-déductive, c'est-à-dire sur de simples assomptions sans relation nécessaire avec la réalité.
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DÉR. (Du sens 1). Assomptionniste.
Encyclopédie Universelle. 2012.