⇒ENTR(')OUVRIR, (ENTROUVRIR)verbe trans.
A.— Emploi actif. Ouvrir en écartant, en fendant. Une violente secousse entr'ouvre la galère (CHATEAUBR., Martyrs, t. 3, 1810, p. 118).
— N'ouvrir qu'incomplètement, en ne ménageant qu'une fente. On resonna. (...) j'allais entrouvrir. C'était Camille (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 319).
♦ P. métaph. :
• Or, certaines rencontres, certaines choses entr'aperçues, devinées, certains chagrins secrets, certaines perfidies du sort, qui remuent en nous tout un monde douloureux de pensées, qui entr'ouvrent devant nous brusquement la porte mystérieuse des souffrances morales, ...
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Menuet, 1882, p. 1247.
B.— Emploi pronom. S'ouvrir en s'écartant ou s'ouvrir incomplètement. Votre cœur est près de se fondre. Ne vous roidissez pas, laissez agir la nature (...) Vos bras s'entr'ouvrent, ils vont s'ouvrir, ils s'ouvrent (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 305). La douleur devint si violente que ses doigts engourdis s'entr'ouvrirent et lâchèrent l'arme (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 80).
— S'ouvrir partiellement, en ne créant qu'une fente. La porte s'entr'ouvrit doucement et dans l'entre-bâillement la tête de Cosette apparut (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 668). D'autres portes s'entrouvraient sur des salles d'attente (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 174).
— Apparaître entre. Entre l'écurie bruissante et la sévère bâtisse où règnent les laboratoires, un jardin naïf s'entr'ouvre, un espace ébloui de ciel et de végétations tendres (DUHAMEL, Combat, 1939, p. 7).
Rem. On trouve parfois ds la docum. les subst. a) Entr'ouverture pour entrebâillement. Il la poussa mollement [la porte], et passa sa tête par l'entr'ouverture (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 305). C'est le régime de l'entr'ouverture qui fait la passionnante aventure. Le caractère aléatoire d'un futur « presque » caché apparaît (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 72). b) Entr'ouvrement. Action d'entr'ouvrir. Elle lisait Malherbe, l'admirant avec un entr'ouvrement de bouche (BARB. D'AUREV., Memor. 3, 1856, introd., p. 31).
Prononc. et Orth. :[], (j')entrouvre []. Ds Ac. 1694-1932. Cf. entre-. Étymol. et Hist. Ca 1140 (Voyage de Charlemagne, éd. P. Aebischer, 621 : Vint al us de la cambre u li reis Hugue gist, Entrouvert l'ad troved). Composé de entre et de ouvrir. Fréq. abs. littér. :114.
ÉTYM. V. 1140; de entre-, et ouvrir.
❖
1 Vx. Ouvrir en disjoignant, en écartant. ⇒ Ouvrir, séparer.
1 Des mers pour eux il entr'ouvrit les eaux (…)
Racine, Athalie, I, 4.
2 Mod. Ouvrir à demi, très peu (ce qui est fait pour s'ouvrir). || Entrouvrir une porte, une fenêtre. ⇒ Entrebâiller. || Entrouvrir les yeux, la bouche (→ Caillot, cit. 1).
2 Antoine, interrompu, s'était levé. La mine hargneuse, il entr'ouvrit le battant (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 166.
♦ Par métaphore :
3 Vers midi, le soleil maussade essaie de percer la brume et entr'ouvre un œil pâle tout de suite refermé.
J. Renard, Histoires naturelles, p. 227.
4 Je parle du jour de ma libération comme si ce jour entrouvrait déjà les portes de ma prison (…)
P. Mac Orlan, la Bandera, XV, p. 180.
♦ Figuré :
5 L'ermite peut donc écouter ses voix intérieures, car il en entend comme Socrate qui lui entr'ouvrent les perspectives de son destin.
Strowski, Montaigne, p. 125.
——————
s'entrouvrir v. pron.
1 Vx. S'ouvrir en se disjoignant. ⇒ Fendre (se). || La terre s'est entrouverte pendant le séisme. || Nuage qui s'entrouvre. ⇒ Déchirer (se).
6 Le ciel brille d'éclairs, s'entr'ouvre (…)
Racine, Iphigénie, V, 6.
2 Mod. S'ouvrir à peine. || La porte s'entrouvrit tout doucement. || Fleur qui s'entrouvre.
7 Ses lèvres s'entr'ouvraient, et c'était un sourire,
Et c'était une voix (…)
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Souvenir ».
——————
entrouvert, erte p. p. adj.
1 Qui est ouvert, déchiré par endroits (→ Antique, cit. 2; boa, cit. 1).
8 Que du fond de l'abîme entr'ouvert sous ses pas (…)
Racine, Athalie, III, 5.
2 Qui est à peine ouvert. || Laisser une porte entrouverte (→ Brûlant, cit. 6; dire, cit. 4). || Fenêtre entrouverte (→ Cassis, cit. 1). || Rester la bouche entrouverte (→ Couler, cit. 7). || Il ne dort pas; ses yeux sont entrouverts. || Rose à peine entrouverte.
9 (…) ces yeux fermés et éteints, ce visage pâle et défiguré, cette bouche entr'ouverte qui semblait vouloir encore achever des paroles commencées (…)
Fénelon, Télémaque, II.
10 (…) je vis M. de Séipe pousser la porte, sans doute laissée entr'ouverte (…)
André Suarès, Trois hommes, « Pascal », p. 17.
❖
DÉR. Entrouverture.
Encyclopédie Universelle. 2012.