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AUTOMATE
AUTOMATE

Un automate (du grec 見羽精礼猪見精礼益) est une machine imitant les mouvements, les fonctions ou les actes d’un corps animé.

Des origines jusqu’à nos jours, la création des figures animées, d’une complexité de plus en plus grande à mesure que se développent les sciences et les techniques, paraît avoir été – que le but en fût magique, religieux, scientifique ou récréatif – un des besoins élémentaires de l’humanité.

Dès l’origine, l’homme semble avoir cherché à reproduire l’apparence et le mouvement des êtres de son milieu vital. Animer le monde qui l’entoure pour s’en rendre maître va être une des premières recherches d’une humanité qui attribuait aux images et à la parole une force magique. Dans l’univers du primitif où tout a une âme et où l’outil ne peut s’animer et agir qu’avec la permission d’une puissance surnaturelle, l’action devient une participation à la vie cosmique par un jeu de symboles et de signes: le masque, animé ou non, sera pour le sorcier l’expression même d’une nouvelle personnalité qu’il endosse. «L’être humain, semblable parodiquement au dieu de la Genèse, n’a-t-il pas créé l’automate à son image... Pour se reconnaître en lui!»

Dans toutes les pratiques cérémonielles et magiques: initiations, rites funéraires, danses totémiques, le masque articulé a sa place. On le retrouve aussi bien en Afrique (masque de danse Onéré au musée de l’Homme) qu’en Asie (tête de crocodile articulée, provenant de Ceylan, conservée au musée de Bâle). L’on connaît aussi un masque articulé de l’Anubis égyptien, au corps d’homme et à la tête de chacal: sa mâchoire, mue par des fils cachés, paraissait prononcer les ordres que dictaient les prêtres. L’automate était ici l’auxiliaire du merveilleux. Hérodote, Lucien, Diodore de Sicile font état de statues animées dont les oracles étaient prononcés selon les injonctions de la caste sacerdotale. D’Égypte également nous viennent des statuettes articulées, Boulanger pétrissant sa pâte au Louvre, Paysan au travail , à New York. Les âmes des morts, dans leurs pérégrinations, peuvent habiter ces figurines qui reproduisent les mouvements quotidiens. Ces premiers automates ne mettaient en action que des mécanismes élémentaires: leviers, poulies, treuils, vis, coins, tuyaux, en œuvre dans les machineries monumentales de l’époque. Il appartiendra aux Grecs et aux Alexandrins, héritiers des Milésiens et des thaumaturges d’Orient, de les compliquer de diverses inventions: ressorts, cames et dispositifs hydrauliques simples.

1. L’automate dans l’Antiquité grecque et byzantine

Aux temps archaïques dont parle Homère, quand le souvenir des «accointances magiques» n’était pas totalement effacé, la pensée technique venue d’Orient avait, semble-t-il, connu un certain essor. Homère parle d’instruments animés et d’ouvrages vivants; mais c’est chez lui davantage une ironique révérence envers des mythes déjà édulcorés que l’expression véritable de la pensée technique contemporaine.

Cependant des constructeurs d’automates engageaient leur réputation dans la production des thaumata les plus propres à frapper d’étonnement.

L’intense vie technique que paraît avoir ainsi connue surtout la Grèce d’Asie jusqu’au VIIe siècle aurait pu laisser prévoir de riches développements, mais le blocage en Grèce continentale de la pensée technique par les valeurs et formes de la vie sociale bloqua du même coup l’art des thaumaturges au niveau de l’organon .

Seuls un esprit nouveau et une neuve maîtrise des forces motrices pouvaient en effet permettre aux mécaniciens de développer le comportement des automates et de doter ces mécaniques d’un peu d’autonomie.

Dès sa naissance, Alexandrie s’ouvre aux vents de l’esprit qui vont modifier l’image cosmique des Grecs. La culture égyptienne, qui s’était déjà assimilé l’héritage perse, se frotte alors intensément à la pensée grecque au moment précis où le positivisme ionien y fait retour et à une période où le souvenir d’Alexandre ne fait pas oublier les services et la science de ses ingénieurs; le nouveau stoïcisme va donner des ailes à l’esprit et la force à l’action.

À partir de ce moment, on voit à Alexandrie comme en Grande Grèce des hommes, que l’on appelle 猪兀﨑見益礼神礼晴礼晴, constructeurs de machines, mais qui sont aussi médecins et mathématiciens, combiner autant par nécessité que par plaisir les mécanismes connus, en inventer d’autres, construire des instruments et des machines, créer des effets nouveaux, expérimenter avec le feu, l’eau, la terre et l’air, accroître la connaissance et préparer modestement une physique méthodique.

Un vent nouveau – Empédocle en Sicile et Épicure à Alexandrie en attendant Posidonius – souffle sur des terres où les mathématiques s’allièrent, très souvent par nécessité (Denys le Tyran), avec la science des machines. Il est significatif que la tradition ait vu en Archytas, général plusieurs fois victorieux (438-365 av. J.-C.), un homme qui inventa le moufle, construisit une colombe volante qui se mouvait «par l’air qui était enfermé et caché», mais encore un novateur qui le premier traita de mécanique «en se servant de principes géométriques»: un siècle après lui, Archimède (287-212 av. J.-C.) calcule 神, mais invente aussi la came, le ressort et la fameuse vis qui porte son nom!

Constatation qui exige toutefois un correctif. Sans doute, ces effets et ces machines nouvelles eussent été impossibles sans de nouvelles combinaisons de mécanismes, mais il est bon de se rappeler qu’à toutes les périodes d’innovation les dates retenues renvoient à des attitudes neuves, plutôt qu’elles ne ponctualisent une invention technique au sens propre: la valve attribuée à Ktésibios (IIIe siècle av. J.-C.) était certainement connue depuis plus d’un siècle, puisque Philistion de Locres, médecin de Denys le Tyran, exerçant en Sicile vers 365, connaissait les valvules sigmoïdes et illustrait leur fonctionnement «en étudiant l’action d’une colonne d’eau sur ces valvules».

Si le piston, le siphon, la roue dentée, la came et le ressort n’ont peut-être pas été inventés dans le même milieu, il est assuré toutefois que, dans les trois derniers siècles de l’Antiquité, trois grands ingénieurs alexandrins – Ktésibios, Philon de Byzance, Héron d’Alexandrie – surent admirablement combiner, au moins «sur le papier», tous ces mécanismes et en tirer de merveilleux automates.

Ktésibios, barbier qui vivait à Alexandrie au IIIe siècle avant notre ère, perfectionna pour la rendre exacte la clepsydre, ou horloge hydraulique, y adjoignant des oiseaux chanteurs pour lesquels l’orgue hydraulique fut utilisé pour la première fois. Il semble avoir été le premier à remplacer la corne par le fer dans la fabrication des ressorts. En perçant des diaphragmes dans l’or ou les pierres précieuses pour éviter l’oxydation, il donna à ses instruments une précision encore jamais atteinte. Ses horloges à cadran furent si précises que le tambour-cadran faisait exactement un tour par année solaire.

Philon de Byzance (230 av. J.-C.), en maîtrisant les techniques de son époque, orgues hydrauliques, vases communicants, siphons, récipients à niveaux constants, invente des dispositifs complexes tels que son lavabo automatique comportant un robinet en forme de bec d’oiseau avec une main artificielle présentant une pierre ponce: la main s’efface une fois la pierre prise, l’eau coule pour l’humecter, le débit augmente; puis l’eau cesse de couler, la main réapparaît, offrant une nouvelle pierre.

Héron d’Alexandrie (125 av. J.-C.) indiqua les procédés de construction d’un grand nombre d’automates. Il y a lieu de noter une de ses machines ludiques: l’eau d’une vasque coule dans un piédestal creux, cependant que des oiseaux posés au bord de la vasque chantent jusqu’à ce que le piédestal soit plein. Un siphon le vide alors dans un seau suspendu à une corde avec poulie et contrepoids. Les oiseaux reprennent leur chant. Le seau plein descend en faisant tourner le perchoir d’un hibou, qui reprend, une fois le seau siphonné, sa position première: ses déplacements semblent commander le chant des oiseaux. Héron est connu pour ses machineries scéniques notées dans son Traité des pneumatiques .

Avec Héron, l’automate atteint à un grand degré de perfectionnement:

1. Les mécanismes agissent en vertu de leur structure interne.

2. L’action relève d’un aménagement des forces motrices, naturelles avec la pesanteur (matières pondéreuses, eau), artificielles avec la vapeur ou l’air comprimé.

3. Les plus perfectionnés sont mobiles, l’ensemble pouvant se déplacer seul (trépieds de Vulcain).

On ignore si ces automates furent construits. C’est avec beaucoup de réserve qu’il faut retenir les prétentions de Héron.

L’activité des mécaniciens alexandrins n’eut qu’un temps et le goût des automates passa chez les Grecs de Byzance. Pendant près d’un millénaire leurs techniques resteront presque stationnaires: Vitruve en rend vraisemblablement compte et elles furent transmises par des savants arabes, comme Avicenne ou al-Djazari, avec les perfectionnements qu’ils y apportèrent.

Au IXe siècle, chez les califes de Bagdad comme chez les empereurs byzantins, les voyageurs s’émerveillent de machines ingénieuses et d’oiseaux mécaniques chantant dans des arbres de métal précieux. En 948, l’évêque Liutprand s’étonnera du trône de Constantin Porphyrogénète qui paraissait s’élever dans les airs par une simple application de principes éprouvés par les automatistes grecs. Le Traité des automates de l’Arabe al-Djazari, commencé en 577 de l’hégire, reproduit certaines machines décrites par Ktésibios et notamment une Fontaine au paon dans laquelle un système combiné de flotteurs et de plans inclinés permet à une poupée de présenter du savon quand l’eau de la fontaine coule. De même dans la Fête princière où le son est produit par un orgue hydraulique. Fait nouveau, l’eau en s’écoulant actionne une petite turbine à auges qui anime les musiciens par l’intermédiaire d’un système bielle-manivelle assez rudimentaire.

2. L’héritage byzantin et arabe en Occident

Le double héritage arabe et byzantin sera reçu par les savants espagnols et palermitains: Roger II de Sicile (1130-1154) et surtout Frédéric II (1194-1254) accueillent savants et mécaniciens chrétiens, juifs, musulmans et leur font construire les admirables jardins à automates qui enchanteront Robert d’Artois de passage en Sicile (1270).

Le goût des automates se répand en Occident avec les récits embellis des merveilles de Byzance. Par une coïncidence non fortuite, la réputation des chefs-d’œuvre byzantins et la construction de «feinctes» pour le château de Hesdin de Robert d’Artois (1295) sont contemporaines de l’époque qui voit naître l’horlogerie.

L’important héritage du XIIIe siècle s’enrichira encore. L’assemblage des moteurs actionnés par l’eau ou le vent avec les mécanismes passifs déjà connus procure de rudimentaires machineries industrielles, tandis que des horloges monumentales apparaissent, souvent dotées de jacquemarts (Saint-Paul à Londres, 1286, Beauvais, 1320, Paris, w1370). À Strasbourg (1373), les rois mages venaient s’incliner devant la Vierge pendant que le chant d’un coq battant des ailes répondait au cantique égrené par le carillon. À la même époque, à Hesdin, une équipe de spécialistes n’a cessé, pendant la guerre de Cent Ans, d’entretenir, dans les jardins des ducs de Bourgogne, les jeux d’eau et les automates que les enlumineurs ont reproduits dans leurs miniatures.

Les automates androïdes sont plus récents: le dominicain Albert le Grand (mort à Cologne en 1280) aurait construit un homme artificiel de métal, bois, cire et cuir. Le franciscain Roger Bacon aurait, lui aussi, réalisé un «homme de fer»; on l’accusa de magie. Mais John Müller, dit Regiomontanus, s’en tiendra à un aigle artificiel qui aurait volé à la rencontre de Maximilien Ier lors de son entrée à Nuremberg.

3. Les «automations» de la Renaissance

La curiosité de la Renaissance tire parti du nouvel essor des techniques (vulgarisation du système bielle-manivelle, miniaturisation des mécanismes d’horlogerie). Si Léonard de Vinci (1452-1519), dans ses dessins anatomiques, décompose les mouvements des membres dans un jeu de fils associés à des leviers osseux, Rabelais (1494-1563), à qui l’on doit sans doute le mot automate , assimile le corps à un groupement de leviers, de poulies, de cordons et de filtres. Le grand anatomiste Vésale décrit la «fabrique» du corps humain comme «un agencement mécanique effectuant les travaux pour lesquels il a été construit et dont les parties ne méritent pas d’intérêt si on les sépare de l’ensemble». C’est l’époque où la passion pour les automates redouble: Vinci construit un lion animé qui se présente au-devant de Louis XII lors de son entrée à Milan (1499), s’arrête devant le roi et découvre les fleurs de lys qu’il portait à la place du cœur.

La mode des jeux d’eau et des automates dans les jardins princiers se généralise. Montaigne visite, à Tivoli, les jardins du cardinal de Ferrare où «la musique des orgues... se fait par le moyen de l’eau... (qui), poussant une roue (avec) certaines dents... fait battre le clavier des orgues». À remarquer cette mention d’un orgue actionné par un tambour hydraulique à picots, premier essai reconnu de programmation complexe. Plus loin, réminiscence d’Héron d’Alexandrie, des oiseaux chanteurs; et «par autres ressorts on fait remuer un hibou qui fait soudain cesser cette harmonie». La vogue des automates à jeux d’eau va passer en France avec Burgi, horloger de Cassel, Ramelli et surtout Thomas Francini (1572-1651), pendant que l’horlogerie fait, dans le même temps, d’immenses progrès avec Pierre de La Ramée et Jérôme Cardan. C’est ainsi que l’on pouvait voir, dans les grottes de Saint-Germain, «une femme assise devant un orgue qu’elle touchait avec ses doigts... joignant sa voix au son de son instrument (et) battant la mesure... de sa tête». Dans une autre salle, Orphée jouait de sa lyre pendant que «des ours, des tigres, des loups paraissant vivants s’arrêtaient aux sons si harmonieux qu’ils entendaient».

À la même époque, c’est à l’ingénieur français Salomon de Caus (1576-1625), au service de l’Électeur palatin, que nous devons la description des premières machines à programme, étape capitale dans l’histoire des techniques; ces dispositifs permettaient la commande automatique par tambour d’un flux d’air et d’eau. Descartes, qui visite, en 1630, les jardins de nos rois, pense que le corps n’est qu’une machine où Dieu met tout exprès «les pièces requises pour qu’il marche, mange, respire et imite toutes nos fonctions». Les nerfs seront comparés aux tuyaux d’une machine, les muscles «aux divers engins qui servent à (la) mouvoir», la respiration et les autres fonctions «aux mouvements d’une horloge ou d’un moulin»... Une théorie cohérente réduit donc les éléments du corps de l’homme et des animaux aux pièces d’une machine qu’il va falloir reconstruire. Descartes dessinera «une perdrix artificielle» qu’un épagneul fait lever, et imaginera une femme automate, Francine, qui ne sera jamais construite.

Le Créateur devient aux yeux du père Mersenne un dieu mécanicien. Cet ami de Descartes avoue qu’il donnerait tous les trésors du monde «pour acheter les ressorts» d’un moucheron et s’applique à imaginer un «modèle» pour expliquer la phonation. Le père Athanase Kircher (1601-1680), inventeur d’une machine à écrire, ira plus loin et réalisera une tête automate qui profère des sons. À la même époque, Hans Slotthein et Achille Langenbuscher, horlogers d’Augsbourg, fabriquent des instruments de musique jouant seuls.

De tels mécanismes supposaient la mise en œuvre de tambours et la maîtrise des notions de programme et de commande.

4. Vaucanson et le biomécanisme. Les successeurs

C’est le Dauphinois Jacques Vaucanson, né à Grenoble en 1709 dans une famille de gantiers venue de Toulouse, qui allait être le véritable héritier des mécanistes du XVIIe siècle et le réalisateur de leurs rêves. Après des études d’anatomie et de mécanique, il entrevit, dès 1732, conseillé sans doute par le chirurgien de l’hôtel-Dieu de Rouen, J.-B. Le Cat (1700-1768), la possibilité de construire des anatomies mouvantes reproduisant les principales fonctions de la vie, respiration, digestion, circulation. Contraint d’abandonner ce grand projet, Vaucanson va construire, durant les années suivantes, des automates qui, pour la première fois, réaliseront non pas une «simulation d’effets recherchée à des fins de jeu ou de mystification» mais une «reproduction de moyens en vue d’obtenir l’intelligence expérimentale d’un mécanisme biologique». Le joueur de flûte (1738), androïde assis de 1,50 m posé sur un socle de même dimension, exécutait rigoureusement les mêmes opérations qu’un joueur de flûte vivant. L’air actionnant l’instrument sortait de la bouche de l’automate, les lèvres le modulaient, les doigts, en bouchant ou en dégageant les trous de l’instrument, produisaient effectivement les sons, en un mot «le mécanisme employé imitait à la fois les effets et les moyens de la nature avec exactitude et perfection». Le flûteur jouait douze airs, lents ou rapides, avec justesse et précision, parmi lesquels Le Rossignol de Blavet. Fils et chaînes d’acier, partant du piédestal où se trouvait le moteur, un tambour à poids, montaient dans l’avant-bras, se pliaient au coude, parvenaient jusqu’au poignet et formaient le mouvement des doigts, de la même manière que dans l’homme vivant. Un arbre à cames agissait sur six soufflets pour obtenir les flux d’air nécessaires aux différentes notes et un mécanisme à quatre effets imitait le jeu combiné des mâchoires et des lèvres.

Présenté à l’hôtel de Longueville, le flûteur eut un immense succès, contrarié par les discussions de Vaucanson avec un de ses bailleurs de fonds, Jean Marguin. Un an plus tard (1739), Vaucanson exhibe deux autres automates, un Joueur de tambourin et de flageolet et un Canard digérateur, sans doute construits dès 1734 pour le compte d’un autre commanditaire, l’abbé Colvée. Le canard, recouvert de cuivre doré évidé, battait des ailes, mangeait du grain et le rendait digéré. Si le mouvement des ailes était un chef-d’œuvre de simulation anatomique, la digestion n’était qu’une habile supercherie grâce à laquelle Vaucanson semblait prendre parti pour une théorie iatrochimique.

L’idée d’un homme artificiel ne fut pas abandonnée par Vaucanson, puisqu’en 1741 il présente, à l’Académie de Lyon, le projet d’une «figure automate qui imitera dans ses mouvements les opérations animales... et pourra servir à faire des démonstrations dans un cours d’anatomie». Le chirurgien Le Cat décrit, en 1744, à l’Académie de Rouen «un homme artificiel ou automate où il espère faire voir toutes les opérations de l’homme vivant». Plus tard, Vaucanson construira, avec l’appui de Louis XV, un automate à circulation du sang pour lequel il fera préparer au chimiste Macquer des tubes de caoutchouc, et un automate parleur, auquel s’intéressera le ministre Bertin.

Vaucanson, inventeur par ailleurs du premier métier automatique (1746) et du premier système de régulation d’une machine en mouvement (1750), sera difficilement dépassé dans l’art de faire des automates. Il aura un grand nombre d’imitateurs, Steiner et son Joueur de trompette (1748), Defrance et ses bergers (1766), et, plus tard (1838), Jean Rechteiner, qui construisit deux canards, souvent confondus avec celui de Vaucanson.

Cependant, la seconde moitié du XVIIIe siècle va voir paraître bon nombre d’excellents automatistes. Frederik von Klaus (1724-1789) construira en Autriche plusieurs écrivains, dont le plus célèbre (1760) est conservé à Vienne: sur un piédestal repose un globe métallique renfermant le mécanisme au-dessus duquel est assise une figurine capable d’écrire 107 mots. L’emploi d’un mouvement à ressort, d’un crochet à double cliquet, d’un cylindre à trous programmant, d’un changement de ligne automatique montre l’utilisation de techniques plus modernes que celles qui furent utilisées par Vaucanson. Pierre-Jacques Droz (1721-1790) et son fils Henri (1752-1791) tirent parti des progrès de l’industrie horlogère suisse pour construire des automates remarquables, notamment un petit écrivain dont le mécanisme est dissimulé dans le corps de l’enfant: deux mouvements à pesée l’animent, dont l’un transmet au poignet les mouvements nécessaires, et l’autre permet la translation; en modifiant les réglages, on peut faire inscrire un certain nombre de textes assez courts. Les Droz exécutèrent aussi un dessinateur, une musicienne dont le remarquable jeu de mains est actionné par deux barillets à picots. Et, presque au terme de ce grand mouvement d’invention, il y a lieu de citer les tentatives d’automatistes phonéticiens avec les Têtes parlantes de l’abbé Mical (1780) et surtout la machine à parler du baron de Kempelen (1779). Ses essais pour produire artificiellement des voyelles sont plus intéressants que son Joueur d’échecs (1770). Promené en Amérique par Léonard Mäelzel, frère de Johan, constructeur du Panharmonikan et d’un des premiers métronomes, ce faux automate éveilla la curiosité d’Edgar Poe qui dévoila la supercherie.

La veine des chefs-d’œuvre de l’automatisme s’épuise bientôt. Sans doute Johann Kaufmann et son fils Friedrich réaliseront bien, vers 1800, une trompette d’une qualité comparable à celle de la Joueuse de tympanon , remarquable automate fabriqué par Roentgen et Kintzing pour la reine Marie-Antoinette. Mais, en dépit des progrès de l’horlogerie au XIXe siècle, on ne trouve plus guère désormais que de banales poupées animées, des oiseaux chanteurs, de simples serinettes, des magiciens acrobates, des théâtres mécaniques, des bijoux articulés, sans oublier les clowns et les fumeurs de cigarettes. À part l’extraordinaire et exceptionnel «componium» de T. N. Winkel (1821), seules boîtes à musique et horloges à personnages utilisent les perfectionnements de la technique pour l’amusement des potentats exotiques. De cette médiocrité émerge à peine J.-E. Robert, dit Robert Houdin, illusionniste et mécanicien qui présente à Paris (1844) Sosie, écrivain dessinateur, Antonio Diavola, trapéziste, et un pâtissier italien. Son principal mérite reste d’avoir découvert la supercherie de la digestion du Canard de Vaucanson.

5. Le robot, la cybernétique et les calculateurs

À la place des «êtres de rêve» ou de leurs enfants dégénérés, c’est le robot hideux qui surgit avec ses lourdes machineries d’acier et ses gestes gauches. Comme le train qui s’entête, dès sa naissance, à singer la diligence, le robot, marqué des pouvoirs nouveaux de l’électricité, de l’asservissement mécanique et de l’électromagnétisme, s’entête à son tour à parodier tristement la nature humaine: l’Américain R. J. Wensley construit à Pittsburgh un automate de forme grossière, le «televox», capable de recevoir et d’exécuter, sur des ordres téléphonés, quelques mouvements; un épouvantable robot est montré à l’exposition radiographique de Londres (1932) et Saboc IV (1938), du Suisse Huber, qui pèse 200 kg, marche, enregistre quelques ordres simples et les exécute par l’intermédiaire d’ondes courtes envoyées à faible distance.

Cependant, la pensée des ingénieurs et des mécaniciens se détache des simples simulations pour privilégier actions et fonctions. Une nouvelle génération d’automates va surgir: ce sera, à terme, la cybernétique, théorie de l’action et des automates. L’automate le plus célèbre de la génération électromécanique, antérieure à l’électronique, est le Joueur d’échecs de l’Espagnol Torres y Quevedo: la partie apparente de cet automate est un échiquier où les blancs (que joue la machine) ont le roi et une tour. L’homme joue avec le roi noir seulement; quand il le déplace, le roi blanc et la tour se meuvent automatiquement pour réaliser l’échec en le plus petit nombre de coups. En fait, le roi noir, métallique, placé sur une case, établit un circuit et met en route une série de moteurs, d’engrenages différentiels et de vis entraînant un électro-aimant obligeant les pièces métalliques blanches à se déplacer suivant un plan prédéterminé. L’automate gagne toujours.

De 1940 à nos jours, l’invention de la calculatrice électronique à numération binaire, la possibilité de stocker indéfiniment les informations, la programmation par carte perforée, la commande à très grande distance par ondes ultra-courtes, la miniaturisation presque infinie des circuits ouvrent un champ pratiquement illimité à la construction d’automates. Mais l’ère des androïdes est révolue et remplacée par celle des grands ordinateurs qui permettent la gestion des entreprises, la conduite des opérations de guerre, la prévision du temps, le guidage des engins spatiaux, des missiles, etc. Parallèlement, le stockage des informations, l’établissement de programmes et de modèles permettront la fabrication en grande série d’objets très complexes sans intervention humaine, à l’aide de machines transferts. Mais il ne s’agit plus ici à proprement parler d’automate mais d’automatisation, sinon d’automation.

Cependant quelques ingénieurs, pour figurer et vulgariser la méthodologie cybernétique, créent quelques automates dits justement cybernétiques. Les premiers en date seront les «tortues» du neurologue anglais Grey Walter: Elsie et Elmer (electromecanical robot) sont de petits tricycles automoteurs équipés d’une cellule photo-électrique dont l’amplificateur agit sur un moteur de guidage. Quand la cellule est frappée par un rayon lumineux, la tortue se dirigera vers la source. S’il y a baisse de tension de l’accumulateur, la tortue se dirigera d’elle-même vers le dispositif de recharge. Mais ce qui rend cette machine cybernétique est une «sensibilité de contact» qui communique à la tortue une «impulsion de désorganisation», c’est-à-dire un système libre de rétroaction qui laisse une certaine indétermination aux «actes» de la tortue.

L’ingénieur français Ducrocq a construit également une série d’animaux cybernétiques parmi lesquels Miso et surtout Job (1953): il possède trois moteurs – pour la marche, pour la recharge et pour les effets de rétroaction –, deux cellules photo-électriques et un microphone. Job réagit aux obstacles et une mémoire à bandes magnétiques lui permet d’enregistrer une série de «sensations» liées à des stimuli et d’acquérir ainsi une certaine «expérience».

L’homéostat d’Ashby, s’il n’est pas à proprement parler un automate, a le mérite d’être une machine cybernétique presque parfaite: une série de galvanomètres à aimant mobile composent une machine non programmée, mais dont le but est de trouver une position d’équilibre entre différentes excitations contradictoires. Elle compose un système auto-équilibré à rétroactions multiples et à interactions, dont l’enchaînement peu prévisible paraît comparable aux systèmes d’adaptation des organismes biologiques.

6. La liaison science-technique et l’automatisme

Jamais chez les grands automatistes de tous les temps la pensée technique n’a été coupée du savoir théorique. On peut se demander si Descartes ne fut pas redevable aux mécaniciens et aux savants passionnés d’automates d’avoir discerné l’identité entre l’intelligence «décomposant une équation en ses facteurs», en comprenant «la structure et la composition», et l’intelligence «décomposant et recomposant une machine» et comprenant «l’agencement ainsi que la structure et le fonctionnement». Physique, mathématiques et philosophie sont impliquées et mêlées intimement dans la conception de l’automate. Dès le début de ses Pneumatiques , Héron s’oppose au cosmos d’Aristote et à sa conception de la forme: l’espace n’est pas limité par la forme des objets, prétendait-il, sinon comment le feu qui échauffe pénétrerait-il la pierre, comment l’eau et le vin pourraient-ils se mélanger? N’est-ce pas la preuve de l’existence dans les corps d’une quantité infinie de petits vides? Et, fait significatif, il note dans le Baroulkos que la difficulté en physique c’est que l’on ne peut voir les forces qui agissent, ni la façon dont elles se divisent. Chez Héron comme chez les pionniers et les continuateurs de l’horlogerie monumentale, l’automate, avec ou sans personnage, n’est qu’un ensemble de mécanique, de mathématiques et de philosophie injecté et informé dans le fer et le laiton, qui relève d’une physique universelle. La richesse et la fécondité de ces rapports «interdisciplinaires» éclateront à la Renaissance qu’anime un esprit combinatoire débordant en mécanique bien entendu, mais aussi en musique, en poésie. Le rôle de la philosophie est ici de mettre en parallèle les horloges, qui forment les modèles d’un nouveau cosmos avec la physique du ciel et celle de la terre. Dans leurs rouages de métal, elles proposent l’image de la chiquenaude divine et du primum mobile .

Même quand les automates envahirent les foires et descendirent dans la rue, ils ne furent jamais tout à fait étrangers à ces noces secrètes. Beaucoup de mécaniciens, à la fois ingénieurs, architectes, peintres, sculpteurs et quelque peu géomètres, scellèrent eux aussi en Italie, surtout au XVe siècle, cette union de l’action et de la spéculation théorique. Pour Léonard et de nombreux pionniers du XVIe siècle, construire un automate est, au même titre qu’une expérience physique, une insertion de la théorie dans l’action: la publication en 1580 de Heron mechanicus, seu De mechanicis artibus palladium atque disciplinis par Konrad Dasipodius, mathématicien et rénovateur de l’horloge astronomique de Strasbourg, consacre, en attendant Galilée et Descartes, ce retour à Archimède et lui donne ses lettres de noblesse.

Quelles qu’aient été leurs fins, les automates ont donc beaucoup reçu et beaucoup donné: mécanismes nouveaux (roues à crans, roues à chaperon qui n’en est qu’un avatar, tambours à picots fixes ou mobiles, engrenages hypocycloïdaux, engrenages différentiels), progression des structures, préfiguration de techniques modernes (aviation, phonographe, orthopédie, machine à calculer, machine à coudre), illusions même (motivation de Cartwright avant qu’il réinvente sa machine à tisser).

7. L’automatisme et les mythes littéraires

Toutes ces accointances remontant si loin n’ont pas été sans susciter chez les écrivains et les philosophes enchantement ou frayeur, suivant les époques et les hommes.

Les témoignages les plus lointains de la littérature en apportent les échos: Héphaïstos moulant dans la glaise un corps de vierge; Vulcain créant des trépieds ambulants; Aphrodite animant la statue de Pygmalion; Athéna apprenant aux Rhodiens à fabriquer des statues mobiles; Dédale donnant le regard et tant de mouvement à ses œuvres qu’on doit les enchaîner! Au moment du grand réveil du Moyen Âge, les romans de la Table ronde et le cycle du Graal se font les échos des splendeurs de Byzance et des califats, chantent l’amour et le courage, mais rapportent aussi les exploits de chevaliers de bronze.

En 1584, quand l’Espagne voue, plus que d’autres, un véritable culte aux «sublimes jouets» et quand Juliano Turriano met la dernière main à une horloge extraordinaire où tous les mécanismes sont exposés, sous une cloche de cristal, Cervantès donne une Galatéa , mythe éternel et ambigu que ni la littérature ni les arts ne vont plus quitter. Siècle par excellence de l’automatisme, de la galanterie et de l’ambivalence, le XVIIIe siècle cisèlera à son tour le mythe avec un art consommé de la subtilité. Ce thème de la machine et de l’éternel féminin si poétiquement traité dans les Églogues de Virgile devient alors sous la plume de Deslandes (1741) une défense et illustration du panthéisme, tandis que, chez de grands écrivains du XIXe siècle, la peur de l’automate ou ses insuffisances en feront une charge contre la machine: Hoffmann avec Coppélia , Villiers de l’Isle-Adam avec son Ève future (son androïde femelle illustre un doute philosophique dans une œuvre de science-fiction). Au-delà des «monstres dérisoires» des vieux mécaniciens, Hadaly, automate du savant Edison «aux phonographes d’or», à la chair faite d’«albumine solidifiée», se voit donner l’apparence physique et tout ce que ne possède pas la belle Alicia. Lord Ewald, trouvant en elle la noblesse d’âme et de sentiments unie à la beauté, devient éperdument amoureux de cette «fleur de science et de génie» et, en dépit de toutes les objections, l’enlève. Hadaly, comme la Francine de Descartes, sombrera dans l’Atlantique et son amant inconsolable «prendra le deuil de cette ombre». Ainsi, comme le dit François Ribadeau-Dumas, «l’automate sort de l’humain parce que, justement, il nous en fait sortir». Ignorant la douleur qui prévient l’homme du danger ou de l’erreur, il suscite chez les âmes craintives la peur d’être dévorées par lui et la hantise de le contrôler ou de le soumettre.

L’automate devient alors le robot comme dans le drame de Karel Capek (1920), à qui l’on doit le terme: un inventeur fabriquera en série des hommes-machines qui peu à peu remplaceront les hommes. Incapables de se reproduire, les robots ne «profiteront» pas de leur victoire. L’amour sauvera l’homme par la création d’un nouveau couple qui repeuplera le monde.

À l’heure où l’on peut faire poser sur Vénus une sonde téléguidée, la peur des robots semble aussi dérisoire que les inquiétudes des philosophes. Nous savons aujourd’hui que «sans l’homme le robot n’est rien» et que s’il exerce quelque domination, elle sera plus subtile que celle que les romanciers ont imaginée.

8. L’automatisme ambulatoire

En 1888, à l’hôpital de la Salpêtrière, l’automate gagne une nouvelle métamorphose. Présentant des vagabonds à ses «leçons du mardi», Charcot crée pour eux le terme d’automate ambulatoire. Cette maladie mentale se définit comme «une impulsion à partir et aller devant soi, dans un état variable d’obnubilation de la conscience et sans but défini. Il se présente surtout chez les névropathes: hystériques, neurasthéniques, épileptiques» (Dr Marie-Meunier, Les Vagabonds , 1908). De fait, cette étrange notion engage d’importantes questions concernant l’histoire des sciences de la vie, les méthodes des sciences de l’homme naissantes et l’application de toutes ces disciplines à la société industrielle.

Sur le plan biologique, l’automatisme ambulatoire manifeste la résurgence du thème de l’homme-machine qui, au-delà des polémiques des XVIIe et XVIIIe siècles, trouve une nouvelle expression dans la neurologie de l’époque (théorie de l’arc-réflexe, conceptions de Jackson...). L’automatisme ambulatoire sera développé par Meige, disciple de Charcot, qui l’applique au Juif errant, par Pitres, Régis à Bordeaux, Pagnier et de nombreux médecins de ce temps. En 1889, Pierre Janet écrit L’Automatisme psychologique et oppose l’habitude à la volonté qui doit diriger nos comportements. Dubourdieu, en 1894, définit la «dromomanie des dégénérés». L’automatisme ambulatoire relie le vieux modèle mécaniste cartésien à cette nosologie psychiatrique qui converge sur le problème de l’hystérie – à partir duquel s’élabore la notion freudienne d’inconscient. L’automate ambulatoire est un vivant-machine qui part n’importe où, n’importe quand, et marche, agit de manière monotone et somnambulique jusqu’à l’épuisement final; un vagabond considéré jusqu’à Freud comme un être régressif, sauvage, dégénéré (Freud échappe-t-il d’ailleurs totalement à cette image lorsqu’il introduit plus tard l’idée de «pulsion de mort»?).

Ce malade mental que l’on soigne par l’hypnose et le bromure qualifie également un pathologique social que l’on veut supprimer. Entre 1890 et 1910, juges, policiers, éducateurs participent à cette chasse à l’errant où s’incarne la mission hygiéniste de tous ceux qui doivent surveiller, régulariser une population ouvrière flottante, désorganisée. L’automatisme ambulatoire s’applique aussi, à des degrés divers, au célibataire, à la prostituée, au chômeur... à tous les déchets sociaux dont on prône l’épuration pour conférer à la ville-usine, à l’utopie industrielle la propreté physique et morale souhaitée. Après 1910, le problème du vagabond perd de son urgence sociale et la notion disparaît. Mais une question demeure: à l’époque où ce modèle mécaniste synthétise une pathologie ouvrière et sociale, les usines s’automatisent, Taylor institue ses normes, le travail à la chaîne se répand. Contradiction? La réponse est simple: il y a de bons et de mauvais automates comme il y a de bons et de mauvais pauvres. La sophistique de la doctrine industrielle, son «inhumanité» si l’on veut, trouvent avec cet épisode une de leurs meilleures formules.

automate [ ɔtɔmat ] n. m.
• 1532 adj.; gr. automatos « qui se meut de soi-même »
1Vx Toute machine animée par un mécanisme intérieur. « Une montre ou autre automate, c'est-à-dire machine qui se meut de soi-même » (Descartes).
2(de l'angl.) Inform. Structure mathématique constituée d'un ensemble de règles ( grammaire) définissant les états et les transitions d'un processus abstrait ou concret. Automat. Automate programmable : dispositif programmable, à base de microprocesseurs, destiné au contrôle d'automatismes industriels.
3Cour. Appareil mû par un mécanisme intérieur et imitant les mouvements d'un être vivant. robot. Les automates de Vaucanson. « Gestes d'automate : te lever, te laver, te raser, te vêtir » (Perec).
4Fig. Personne qui agit comme une machine, sans liberté. machine; fantoche, jouet, marionnette, pantin, robot. « Le sot est automate, il est machine, il est ressort » (La Bruyère).

automate nom masculin (grec automatos, qui se meut de soi-même) Machine qui, par le moyen de dispositifs mécaniques, pneumatiques, hydrauliques, électriques ou électroniques, est capable d'actes imitant ceux des corps animés. (Pris souvent dans le sens d'androïde.) Personne qui agit comme une machine, d'une manière inconsciente ou sous l'impulsion d'une force extérieure. (S'emploie parfois en ce sens au féminin) Machine et mécanisme automatiques, utilisés par exemple pour la peinture et le soudage dans l'industrie automobile. En Suisse, distributeur automatique. ● automate (citations) nom masculin (grec automatos, qui se meut de soi-même) Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Ô combien l'homme qui pense le plus est encore automate ! Discours sur la poésie dramatique François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Automates pensants, mus par des mains divines. Sept Discours en vers sur l'homme, Sur la vraie vertu automate (expressions) nom masculin (grec automatos, qui se meut de soi-même) Automate programmable, type de processeur programmable destiné à des applications industrielles. ● automate (synonymes) nom masculin (grec automatos, qui se meut de soi-même) Personne qui agit comme une machine, d'une manière inconsciente ou...
Synonymes :
- machine
- marionnette
- pantin

automate
n. m.
d1./d Appareil présentant l'aspect d'un être animé et capable d'en imiter les gestes.
|| Fig. Personne dénuée d'initiative, de réflexion.
d2./d TECH Appareil équipé de dispositifs qui permettent l'exécution de certaines tâches sans intervention humaine.
d3./d (Luxembourg, Suisse.) Distributeur automatique.

⇒AUTOMATE, adj. et subst.
A.— Subst. Appareil renfermant divers dispositifs mécaniques ou électriques qui lui permettent d'exécuter un programme déterminé d'opérations :
1. ... jamais le plus ingénieux machiniste ne remplacera par un automate, par un système d'engins et de rouages, le chien du chasseur...
COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances, 1851, p. 327.
En partic. Machine qui reproduit le mouvement, les attitudes d'un être vivant :
2. Cette poupée à présent paraissait affreuse; j'étais gêné jusqu'à l'angoisse par son air de prétentieuse stupidité; on l'eût dit immobile, mais, tandis que je la regardais fixement, je la voyais lentement pencher de côté, pencher de côté... elle allait chavirer, quand Mlle Olympe, s'élançant de l'autre extrémité du salon, se courba jusqu'à terre, souleva la housse du fauteuil et remonta je ne sais quel rouage qui faisait un grincement bizarre et remettait le mannequin d'aplomb en communiquant à ses bras une grotesque gesticulation d'automate.
GIDE, Isabelle, 1911, p. 648.
3. Il vendait aux Chinois la pacotille des bazars d'Europe et, surtout, possédait des petits automates : oiseaux chanteurs, ballerines, chat-botté, qu'une pièce de monnaie mettait en mouvement, et dont il vivait.
MALRAUX, Les Conquérants, 1928, p. 23.
Emploi adj., peu usité. Engin, jouet, flûteur automate.
B. P. anal.
1. Subst. Personne qui agit mécaniquement, soit d'une manière inconsciente, soit sous l'impulsion d'une volonté extérieure :
4. Dans cette vie commune où tout est réglé par prévision, où le cerveau, taillé comme un jardin à la française, voit ébrancher toute idée qui sort de la régularité d'une harmonie préconçue, l'homme disparaît et devient, pour ainsi dire, un automate dont les ressorts montés d'avance le font fonctionner sans qu'il ait conscience de soi.
DU CAMP, En Hollande, 1859, p. 248.
5. « Je ne suis qu'une machine, dit un malade à Jaspers, qu'un automate. Ce n'est pas moi qui sens, parle et mange. Ce n'est pas moi qui souffre et qui dors. Je n'existe plus du tout. Je suis mort. »
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 577.
SYNT. Agir, obéir, marcher comme un automate ou en automate; avec un mouvement, une précision d'automate; d'un geste, d'un pas, d'une voix d'automate.
Rem. On trouve, plus rarement, automate au fém. :
6. « Je suis anéantie. Je ne sais plus ce que je fais. Je ne sais plus ce que je dis. Je pars travailler comme une automate. »
DRUON, Les Grandes familles, t. 2, 1948, p. 188.
2. Adj., rare. Qui a un comportement d'automate :
7. Comme on grattait à la porte, le commandant cria d'ouvrir, et un homme, un de leurs soldats automates, apparut dans l'ouverture, disant par sa seule présence que le déjeuner était prêt.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Mademoiselle Fifi, 1881, p. 155.
PRONONC. :[] ou [-]. PASSY 1914 note [-], DUB. [oto-]. Enq. :/otomat/.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1534 adj. « qui semble se mouvoir de soi-même, en obéissant à un mécanisme caché » (RAB., Gargant., ch. XXIV ds GDF. Compl. : Bastissoient plusieurs petitz engins automates, c'est à dire soy mouvans eulx mesmes), attest. isolée; 1751 (M. d'Alembert ds Encycl. : Le flûteur automate); 2. 1611 subst. « tout ce qui est mû par un mécanisme intérieur et imitant les mouvements d'un être vivant (en partic. en parlant d'une machine ou d'un appareil) » (COTGR.); 1669 fig. « homme qui agit comme une machine » (PASCAL, Pensées ds Dict. hist. Ac. fr. : Il ne faut pas se méconnoître, nous sommes automate autant qu'esprit).
Empr. au gr. « qui se meut de soi-même » (Iliade 5, 749 ds BAILLY).
STAT. — Fréq. abs. littér. :215. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 179, b) 246; XXe s. : a) 367, b) 408.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — BOUILLET 1859. — CHESN. 1857. — Électron. 1959. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — GALIANA Déc. sc. 1968. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 90. — GUILB. Aviat. 1965. — LAL. 1968. — Lar. comm. 1930. — LHOSTE-PÈPE 1964. — NYSTEN 1814. — PRIVAT-FOC. 1870. — SPR. 1967. — ST-EDME t. 2 1825. — TEZ. 1968.

automate [otomat; ɔtɔmat] n. m. et adj.
ÉTYM. 1532, adj.; grec automatos « qui se meut de soi-même »; de auto- (I.), et grec memona « être passionné; désirer; avoir l'intention de »; rad. indo-européen matta « pensée » cf. lat. mens « esprit ».
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I N. m.
1 Vx ou didact. (hist. sc.). Machine animée par un mécanisme intérieur. || Une horloge est un automate (Académie).
1 Le corps d'un homme vivant diffère autant de celui d'un homme mort que fait une montre ou autre automate (c'est-à-dire autre machine qui se meut de soi-même), lorsqu'elle est montée et qu'elle a en soi le principe corporel des mouvements pour lesquels elle est instituée (…)
Descartes, les Passions de l'âme, I, 6.
2 (…) combien de divers automates, ou machines mouvantes, l'industrie des hommes peut faire sans y employer que fort peu de pièces, à comparaison de la grande multitude des os, des muscles, des nerfs, des artères, des veines et de toutes les autres parties qui sont dans le corps de chaque animal (…)
Descartes, Discours de la méthode (→ Animal, cit. 17.)
Mod. (Inform.). Dispositif réalisant des algorithmes, des opérations automatiquement enchaînées.
2 (1611). Cour. Appareil mû par un mécanisme intérieur et imitant les mouvements d'un être vivant. || Les automates de Vaucanson. || Automate à forme humaine. Androïde, robot. || Collection d'automates. || Fabricant d'automates. Automatiste (vx).
Par comparaison :
3 Si on osait penser ici, on serait accablé de cette pensée; mais on les rejette et on en est comme un automate.
Mme de Sévigné, Lettres, 1040, 27 sept. 1687.
3 (1669). Par compar. (cit. 6), fig. Personne qui agit comme une machine, sans liberté. Machine; fantoche, jouet, marionnette, pantin, robot (fig.).
4 Le sot est automate, il est machine, il est ressort; le poids l'emporte, le fait mouvoir (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 142.
5 Automates pensants, mus par des mains divines.
Voltaire, Sept Discours en vers sur l'homme, 2e discours.
6 (…) je marchai comme un automate.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, III, 5.
7 On reproche traditionnellement au machinisme : 1o de substituer des automates à des êtres conscients qui deviennent superflus; 2o de faire servir ces automates par des êtres conscients; 3o de transformer à la longue ces derniers en automates.
Marsal, in Lalande, Voc. de la philosophie.
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II Adj. Vx.
1 Mû par un mécanisme. || Machine automate.
2 Fig. Qui agit machinalement, par automatisme, par routine. || « L'industriel automate » (C. Koechlin, in D. D. L.).
DÉR. Automatique, automatisme.

Encyclopédie Universelle. 2012.