ACROPOLE
ACROPOLE
Dans le monde grec, l’acropole (akropolis , «ville haute»), groupement de bâtiments installés sur une éminence, n’apparaît pratiquement qu’à l’époque mycénienne — la Crète ne semble pas avoir systématiquement isolé ses villes sur des hauteurs. On associe généralement l’apparition des acropoles à un climat historique devenu plus incertain: les invasions, les razzias forment l’arrière-plan des récits homériques. Il semble donc qu’à un moment donné, vers le \ACROPOLE XIVe ou le \ACROPOLE XIIIe siècle, les populations qui habitaient la Grèce durent, pour des raisons de sécurité, s’organiser différemment en réunissant sur une hauteur les éléments principaux de la vie civique (palais, magasins, temple) et une aire non construite où les paysans du territoire pouvaient venir se réfugier aux instants de danger. Dans de nombreuses cités, ce groupement d’édifices fut alors fortifié; on citera les acropoles de Tirynthe, Mycènes, Argos, Lerne, Glâ.
L’acropole fortifiée mycénienne se présente comme un îlot, entouré ou non d’eau, occupant une surface réduite, suffisante pour englober le bourg. La situation de ces hauteurs permet aux cités de commander les routes de mer ou de terre. Il s’agit, en fait, de fortifications ponctuelles associées à un pouvoir politique, puissance centralisée qui, à l’origine, ne défendait qu’un palais (avant le \ACROPOLE XIVe s.).
À l’époque archaïque, le système d’établissement sur une hauteur, plus facile à défendre, se généralisera dans les nouvelles fondations des colonies: à l’ouest, Sélinonte, Morgantina, Vélia, etc.; en Grèce propre, les sites de Thasos, de Corinthe, etc. Il s’agit alors d’un promontoire aux fortifications limitées, enfermant les éléments essentiels de la polis .
À partir de la seconde moitié du \ACROPOLE VIe siècle, le rempart conserve sa valeur défensive, mais se pare en plus d’une valeur politique, correspondant à l’état d’une cité. Les murs de fortification deviennent alors le symbole de la puissance et de la richesse économique.
Au \ACROPOLE Ve siècle, les acropoles prendront leur plein sens civique: l’Acropole d’Athènes enferme les temples des dieux fondateurs et protecteurs de la cité, tandis que la ville s’étend en contrebas; mais aucune innovation n’interviendra dans le système des fortifications.
Au \ACROPOLE IVe siècle, les hauteurs se protègent derrière des murs encore plus inaccessibles: à l’ouest, à cause des luttes contre les Carthaginois; en Grèce propre, avec l’instauration des guerres de siège à l’époque macédonienne.
Au cours des nombreuses attaques que subirent les villes grecques, leurs murailles furent souvent démantelées, mais toujours reconstruites; symbole de l’impossible accès des envahisseurs au cœur de la cité, elles se portaient garantes de sa personnalité.
acropole [ akrɔpɔl ] n. f.
• 1751; acropolis 1552; gr. akropolis « ville haute »
♦ Ville haute des anciennes cités grecques, comportant des fortifications et des sanctuaires. « Les acropoles inspirent souvent un recueillement orgueilleux et comblé » (Malraux). Absolt L'Acropole : l'acropole d'Athènes, citadelle ornée au V e siècle av. J.-C. de temples illustres.
● acropole nom féminin (grec akropolis, ville haute) Hauteur fortifiée des anciennes cités grecques abritant le palais royal (Mycènes) puis le siège de la vie politique (la Cadmée de Thèbes) ou religieuse (Athènes). Toute cité protohistorique fortifiée sur une hauteur.
acropole
n. f. Partie la plus élevée des cités grecques de l'Antiquité, comportant une citadelle et des lieux de culte. L'Acropole: l'acropole d'Athènes.
— Par ext. Ville antique fortifiée située sur une hauteur. L'acropole du Grand Zimbabwe.
⇒ACROPOLE, ACROPOLIS, subst. fém.
A.— ANTIQ. Partie la plus élevée d'une cité, servant de citadelle et ordinairement couronnée de sanctuaires. (Empl. absol., le mot désigne l'acropole d'Athènes) :
• 1. Du côté de la ville, je vois monter par la voie Sacrée, taillée dans le flanc même de l'Acropolis, la population religieuse d'Athènes, qui vient implorer Minerve et faire fumer l'encens de toutes ces divinités domestiques à la place même où je suis assis maintenant, et où je respire la poussière seule de ces temples.
A. DE LAMARTINE, Voyage en Orient, t. 1, 1835, p. 142.
• 2. Un intervalle de ruines désertes, mais moins importantes, sépare la colline des grands temples, ou l'Acropolis de Balbek, de la nouvelle Balbek, habitée par les Arabes.
A. DE LAMARTINE, Voyage en Orient, t. 2, 1835, p. 192.
• 3. Les vents ont dispersé les personnages de l'Europe, de l'Asie, de l'Afrique, au milieu desquels j'ai paru, et dont je viens de vous parler : l'un est tombé de l'Acropolis d'Athènes, l'autre du rivage de Chio; celui-ci s'est précipité de la montagne de Sion, celui-là ne sortira plus des flots du Nil ou des citernes de Carthage.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 241.
• 4. À quoi servait cette colonne? Je n'en sais rien. Le rhéteur Aphthonius dit qu'elle s'élevait au milieu de la citadelle d'Alexandrie (qui, comme l'Acropole d'Athènes, contenait des temples, la bibliothèque, etc.) et qu'elle servait de point de repère au milieu des portiques, des galeries, des couloirs, des cours et des bâtiments qui l'entouraient.
M. DU CAMP, Le Nil, Égypte et Nubie, 1854, p. 13-14.
• 5. L'image de la cité projetée, désirée, l'espoir de se créer une sûre forteresse, une noble et solide acropole, avait soutenu de longues années ces fermes citoyens.
J. MICHELET, L'Insecte, introd., 1857, p. XXI.
• 6. La colline de l'acropole, au centre de Byrsa, disparaissait sous un désordre de monuments. C'étaient des temples à colonnes torses avec des chapiteaux de bronze et des chaînes de métal, des cônes en pierres sèches à bandes d'azur, des coupoles de cuivre, des architraves de marbre, des contreforts babyloniens, des obélisques posant sur leur pointe comme des flambeaux renversés.
G. FLAUBERT, Salammbô, t. 1, 1863, p. 57.
• 7. Quand cette voix se tut, à Pise, près de là,
Du haut d'une acropole une autre voix parla : ...
V. HUGO, La Légende des siècles, Les Sept merveilles du monde, t. 4, 1877, p. 511.
• 8. Voici les îles d'Égine, de Salamine, et puis, dans une échancrure que forment deux belles montagnes, un rocher apparaît qui porte quelques colonnes et le triangle d'un fronton, le cœur hésite; le doigt, le regard interrogent. Cette petite chose?... C'est l'Acropole, semblable à un autel, et qui nous présente, avec la plus étonnante simplicité, le Parthénon.
Vue à trois lieues depuis la mer, au fond d'un golfe pur, resserrée entre les montagnes et sans défense, l'Acropole émeut comme un autel abandonné.
M. BARRÈS, Le Voyage de Sparte, 1906, p. 30.
• 9. L'acropole hellénique, l'oppidum italiote, le bordj arabe, la casbah berbère ont un air de famille; elles procèdent des mêmes matériaux, affectent sur les cimes rocheuses les mêmes positions dominantes. On voit sur les côtes de Ligurie ou de Provence leurs murs croulants posés en nids d'aigles pour surveiller au loin l'horizon.
P. VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géographie humaine, 1921, p. 157.
• 10. ...jamais Cézanne le latin n'a été plus près de l'âme grecque; la montagne s'érige ainsi qu'une acropole, où la fermeté de Rome s'unirait au raffinement d'Athènes; ...
R. HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 94.
B.— P. anal. littér. Lieu, souvent remarquable par sa hauteur, et possédant les caractéristiques ou la valeur symbolique d'un lieu fortifié ou sacré.
1. Lieu fortifié :
• 11. ... Sisyphe avait jeté là son rocher et Job son tesson. En somme, terrible. C'était l'acropole des va-nu-pieds. Des charrettes renversées accidentaient le talus; un immense haquet y était étalé en travers, l'essieu vers le ciel, et semblait une balafre sur cette façade tumultueuse; ...
V. HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 410.
• 12. La maison! elle est, dans mon souvenir, comme un donjon, comme une citadelle, notre acropole :pierre de taille par devant, rocailleuse meulière sur les hauts flancs aveugles.
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Notaire du Havre, 1933, p. 50.
— Au fig. :
• 13. L'idée stoïcienne d'une acropole inexpugnable, d'une imprenable et invincible citadelle du libre choix retrouve ici un sens assez plausible.
V. JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, p. 258.
2. Lieu sacré :
• 14. Cette colline [de Sion], ce centre de la Lorraine, où étaient établis les Baillard, formait de toute éternité une acropole nationale et religieuse, un lieu saint, un lieu tout saturé de puissances mystiques.
M. BARRÈS, Mes cahiers, t. 10, 1er janv. 1913-3 avr. 1913, p. 29.
• 15. L'après-midi, le soleil frappera de biais ce spectacle jusqu'au soir; du moins il ne quittera guère les toits multicolores; et je crois bien que dès le matin il s'installera sur la menue acropole que forme le cimetière et dans les feuillages des plus hauts arbres; ce qui ne m'empêchera pas de l'avoir chez moi une bonne partie de la journée.
J. ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, p. 47.
— Au fig. :
• 16. L'école, c'est une petite chose qui change, mais l'église voilà l'acropole de nos sentiments et de nos idées.
M. BARRÈS, Mes cahiers, t. 8, 1909-1911, p. 180.
3. P. ext. [En parlant de lieux ou de constr. élevés, réels ou imaginaires, appelant une évocation hist., exotique, etc.] :
• 17. ... soudain tout l'Orient éclata en musique. C'était plein d'incandescences et de laves qui de seconde en seconde allaient chacune attisant sa couleur, brillant en brillant, sombre en sombre, et cela restituait des acropoles de Titans, des querelles de dieux au-dessus d'Iliades, de fabuleux passages de mer Rouge, avec dans le fond, par derrière ces nuées barbares, des cités d'orangers qui descendaient. Puis tout s'apaisa. Alors le soleil vint dehors, blanc et net comme une hostie ou comme une perle et il roula sur la route à la façon d'un avion qui roule avant de s'enlever; enfin se détacha et monta,...
H. DE MONTHERLANT, Le Songe, 1922, p. 102.
• 18. J'aperçois devant moi, de biais, un temple grec qui se découpe en sombre sur l'acropole coupante, profilée, d'un gratte-ciel : c'est le Subtreasury, l'ancienne douane, jadis Federal Hall, où Washington dont voici la statue, fut élu premier président des États-Unis.
P. MORAND, New-York, 1930, p. 53.
Rem. 1. Dans ce dernier emploi, il est probable que les aut. ont procédé à une analyse étymol. du mot. 2. Certains aut. du XIXe s. font de acropole un masc. (cf. étymol.) :
• 19. ... c'est un brouillard sillonné d'éclairs, noyant dans une vapeur azurée et dorée les arbres de l'avenue, les maisons des deux côtés, la barricade; un brouillard, dans lequel s'étagent les bâtisses et la colonne de l'horizon, dans l'apparence vague d'un acropole.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, avr. 1871, p. 760.
Prononc. — 1. Forme phon. :[]. 2. Dér. et composés : acropolien (-enne), acropolite.
Étymol. ET HIST. — 1552 hist. anc. (RABELAIS, Œuvres, éd. Marty-Laveaux, II, Quart Livre, 49, p. 441 : En Acropolis de Athenes iadis tomba du Ciel empiré la statue de Minerue); 1835 Acropole, subst. fém. ou Acropolis, subst. masc. (Ac. Suppl.); 1842 Acropole, subst. fém. (Ac. Compl.).
Empr. au gr. « ville haute, citadelle » composé de « le plus haut » et de « ville » (Odyssée, 8, 494 ds BAILLY s.v.); le mot est toujours fém. en gr.; il est probable que c'est en pensant au temple d'Athéna que l'on a fait parfois le mot fr. du genre masc.
STAT. — Fréq. abs. litt. :172.
BBG. — BÉL. 1957. — CHABAT t. 1 1875. — DAINV. 1964. — VILLE 1967.
acropole [akʀɔpɔl] n. f.
ÉTYM. 1751; acropolis, 1552; du grec akropolis « ville haute ».
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♦ Didactique.
1 Ville haute des anciennes cités grecques, comportant des fortifications et des sanctuaires. || L'acropole d'Athènes et le temple du Parthénon. — Absolt. || L'Acropole, l'acropole d'Athènes, citadelle ornée au Ve siècle de temples illustres. || Les propylées de l'Acropole.
1 Quand je vis l'Acropole, j'eus la révélation du divin (…)
Renan, Souvenirs d'enfance…, II, Prière sur l'Acropole.
2 Littér. Lieu élevé qui possède les caractéristiques d'un lieu fortifié ou sacré, qui peut servir de refuge.
1.1 L'acropole officielle outre les conceptions de la barbarie moderne les plus colossales (…) On a reproduit dans un goût d'énormité singulier toutes les merveilles classiques de l'architecture.
Rimbaud, les Illuminations, « Villes ».
2 Il n'est pas d'acropole que le flot de barbarie ne puisse atteindre, pas d'arche qu'il ne vienne à bout d'engloutir.
Gide, Pages de journal, 10 sept. 1939.
3 Les acropoles inspirent souvent un recueillement orgueilleux et comblé, même la citadelle du Caire au-dessus de sa ville des morts, même la forteresse d'Alep avec ses jets d'eau taris; par sa proche domination du remous humain, toute acropole devient haut lieu.
Malraux, la Métamorphose des dieux, p. 81.
REM. Les Goncourt emploient le dér. acropolien, ienne [akʀɔpɔljɛ̃, jɛn] adj.
Encyclopédie Universelle. 2012.