1. en [ ɑ̃ ] prép. I ♦ (Devant un n. sans déterm., ou avec un déterm. autre que l'art. défini) Préposition marquant en général la position à l'intérieur de limites spatiales, temporelles ou notionnelles.
1 ♦ (Lieu) ⇒ dans. Les enfants sont en classe. On l'a mis en prison. Il ne peut rester en place. Il a un compte en banque. Monter en voiture (mais dans une voiture noire), en avion [ ɑ̃navjɔ̃ ], en (ou à bicyclette). Clés en main. En dessous. « En ce monde, il se faut l'un l'autre secourir » (La Fontaine). — Aller, partir en province. ⇒ pour. REM. On observe une tendance au remplacement de diverses prép. par en : servir en salle, danser en boîte, ascension en glace, etc.— (Devant les n. de pays fém. ou les n. m. sing. commençant par une voyelle, un h muet) En Allemagne, en Russie, en Iran (mais au Pakistan, aux États-Unis). — Région. ou affecté En Avignon, en Arles. ⇒ à. (Lieu abstrait, moral) Être en bonnes mains. « Détails oubliés, impressions anciennes vous revenaient en mémoire » ( Alain-Fournier),à la mémoire. « Les hommes étaient frères en Dieu » (Saint-Exupéry). La personne en qui j'ai confiance (ou dans laquelle j'ai confiance). Il y a en lui quelque chose d'étrange. ⇒ chez.
♢ Sur. « Le magistrat l'avait reçu toque en tête » (Flaubert). Mettez un genou en terre.
2 ♦ (Extension du lieu : matière dans laquelle...) ⇒ 1. de. Un buste en marbre. Un peigne en écaille. Des chaussettes en laine. Un sac en papier.
♢ Par anal. (domaine, point de vue) Il est fort en mathématiques, docteur en droit. ⇒aussi ès. Le premier en date. C'est bien beau en théorie. En effet, en comparaison.
3 ♦ (Temps) ⇒ à, dans, 3. pendant. On laboure en automne. C'était en décembre. En quelle année ? En ce beau jour.
♢ (Espace de temps) J'ai fait ma lettre en dix minutes. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
4 ♦ (Notion : état, forme, manière) La France était en guerre. Il est en voyage. Ne vous mettez pas en colère. Je suis en faute. Être en avance, en retard. Une descente en vrille. Les arbres sont en fleurs. Du sucre en poudre ou en morceaux. Le vase est en mille morceaux. Une tragédie en cinq actes.
♢ (Introduisant un n. qui fait fonction d'attribut du sujet ou du compl.) ⇒ comme. Il parle en connaisseur. Le livre que j'ai reçu en cadeau.
5 ♦ (En corrélation avec de, pour marquer la progression) « Je vais de fleur en fleur, et d'objet en objet » (La Fontaine). De fil en aiguille. Être de plus en plus pauvre. Son état empirait d'heure en heure.
♢ (Périodicité) « De deux heures en deux heures, il faisait prendre à Olivier un bol de lait » (A. Gide). De minute en minute les cours s'effondraient.
II ♦ (Devant un indéf., un adj. neutre, un adv., pour former des loc. adv.) Cela fait en tout dix mille francs. Cela ne me concerne en rien. En général, en particulier. C'est vrai en gros. Faire les choses en grand. En vain. En avant ou en arrière. En plein dedans. De bas en haut. De mal en pis. En outre.
III ♦ (Devant le verbe au p. prés. [gérondif]) « C'est un droit qu'à la porte on achète en entrant » (Boileau). L'appétit vient en mangeant. Ronfler en dormant. La situation va (en) s'améliorant. En attendant. « On a dit beaucoup de mal de Rousseau et de ses Confessions tout en les goûtant » (Sainte-Beuve).
⊗ HOM. An, han.
en 2. en [ ɑ̃ ] pron. et adv.
♦ Pronom adverbial représentatif d'une chose, d'un énoncé, et quelquefois (sauf en fonction de complément du nom) d'une personne. De ce, de ces, de cette, de cela, de lui, d'elle. ⇒ 1. de.
I ♦ (Compl. de verbe)
1 ♦ Indique le lieu d'où l'on vient, la provenance, l'origine. « De ce lieu-ci je sortirai. Après quoi je t'en tirerai » (La Fontaine). Aller chez lui ? Mais j'en viens ! « Une bataille, parce qu'ils espéraient en voir sortir une défaite » (Madelin). Il en tirera un joli bénéfice. Qu'est-ce qu'on en fera, de cet enfant ?
♢ Fig. (cause, agent) Il vaut mieux en rire qu'en pleurer. Il en découle. ⇒ s'ensuivre. J'ai trop de soucis, je n'en dors plus. J'en ai été étonné. Vieilli Je l'aime et j'en suis aimé, je suis aimé d'elle.
2 ♦ (Objet) « Posséder un objet, c'est pouvoir en user » (Sartre). Ce voyage, je m'en souviendrai ! Il faut en parler. Passez, je vous en prie. — S'il y a encore du café, j'en reprendrai ! « J'ai déchiré bien plus de feuillets que je n'en ai gardés » (Barrès), ou gardé.
3 ♦ (Dans diverses loc. verb. : voir le verbe) On s'en ira [ ɔ̃sɑ̃nira ]. Je m'en tiens là. On n'en finit pas. Je m'en remets à vous.
II ♦ (Compl. de n., ou servant d'appui à des quantitatifs et des indéf.) « Nourri dans le sérail, j'en connais les détours » (Racine). — Les belles soles ! mettez-m'en, donnez-m'en six. « Je n'ai jamais pensé à accepter votre argent : vous n'en aurez pas trop » (Sartre). Tenez, en voilà un. « Tu en aimes un autre ! » (A. Daudet).
♢ Spécialt En être : être homosexuel.
III ♦ (Compl. d'adj.) Il ne sait plus où mettre ses livres, sa maison en est pleine. Venez me voir, j'en serai ravi. Il en est bien capable. Elle n'en est pas peu fière. Montrez-vous-en digne.
● en préposition (latin in, dans, sur, etc.) [En s'emploie devant des noms qui ne sont pas précédés des formes d'articles le, les, l' (mis à part quelques tours locutionnels, comme en l'église de…, en l'honneur de, en l'espèce) ou devant des pronoms]. Indique une localisation : Se promener en forêt ; en particulier devant des noms de pays, de provinces, d'îles susceptibles de recevoir les formes la ou l'd'articles : En Italie. En Bretagne ; devant les noms de départements formés par composition : En Saône-et-Loire ; devant les noms propres ou les pronoms : J'apprécie en Pierre une parfaite discrétion. Indique une date, une période, en particulier devant un millésime, un nom de mois, de saison (sauf " printemps ") : En janvier. En automne. Indique la durée nécessaire à l'accomplissement d'une action ou à l'intérieur de laquelle il se produit un certain nombre d'événements : Il n'a pas plu une seule fois en deux mois. Indique l'état, la manière d'être, en particulier devant un nom abstrait avec lequel en forme un syntagme équivalant souvent à un adjectif : Être en colère. Indique la structure, la composition de quelque chose, la disposition, l'aspect d'êtres ou de choses : Cent euros en monnaie. Mettez-vous en rangs ! Indique le résultat après des verbes qui expriment un changement : L'eau se transforme en glace. Indique la manière dont quelqu'un est vêtu : Un officier en uniforme. Indique la matière dont quelque chose est fait : Une montre en or. Indique l'aspect sous lequel apparaît le rôle, le comportement de quelqu'un : Vivre en parasite. Prendre quelqu'un en traître. Indique le domaine auquel s'applique la notion exprimée par l'adjectif : Une journée fertile en incidents. Indique le domaine d'exercice d'une profession : Un ingénieur en électronique. Indique un mode de locomotion : Se déplacer en voiture. Introduit le complément des verbes croire, espérer, des noms foi, espérance, confiance : Croire en Dieu. Sa confiance en la victoire. Sert à former avec le participe en-ant le gérondif : Siffler en travaillant. Sert à former de nombreuses locutions adverbiales ou prépositives : En permanence. En écho. En sourdine. En revanche. En outre. En hommage à. De… en…, forme des locutions adverbiales se rapportant à des verbes, des adjectifs, des adverbes et exprimant la répétition ou la progression : De temps en temps. De fil en aiguille. ● en adverbe et pronom personnel (latin inde, de là) [toujours placé immédiatement avant le verbe, sauf à l'impératif affirmatif]. Représentant un nom, un pronom, un adverbe, une proposition précédée de la préposition de, indique : L'origine d'un mouvement, d'un processus (= de là) : Il est toujours là-bas, il n'en a pas bougé. L'objet d'un verbe, l'agent, la circonstance, le complément d'un adjectif, d'un adverbe, d'un nom, d'un pronom : Ce médicament est dangereux, il faut en user avec précaution. Le complément partitif de certains quantitatifs : Tous les invités ne sont pas là, il en manque deux. Entre dans diverses locutions où on peut difficilement lui reconnaître une fonction propre : Je m'en tiens aux faits. J'en suis à m'interroger. ● en (difficultés) préposition (latin in, dans, sur, etc.) [En s'emploie devant des noms qui ne sont pas précédés des formes d'articles le, les, l' (mis à part quelques tours locutionnels, comme en l'église de…, en l'honneur de, en l'espèce) ou devant des pronoms]. Orthographe En haut, en bas, en dehors de, en deçà de, etc. Les locutions adverbiales ou prépositives formées avec en s'écrivent sans trait d'union. Emploi 1. En / dans, règles générales d'emploi. → dans 2. En / dans devant un nom de département français. Devant un nom composé, on emploie en principe en, sauf si le nom est au pluriel ou si son premier élément n'est pas lui-même un nom propre (de rivière, de montagne, d'île) : en Charente-Maritime, en Corse-du-Sud, en Ille-et-Vilaine, en Loire-Atlantique, en Seine-Saint-Denis. Mais : dans la Haute-Garonne, dans les Alpes-de-Haute-Provence, dans les Bouches-du-Rhône, dans les Hautes-Pyrénées, dans le Pas-de-Calais, dans le Puy-de-Dôme, dans le Territoire de Belfort. Remarque L'usage actuel tend à employer dans devant tous les noms de départements composés : dans la Loire-Atlantique ; « Conversations dans le Loir-et-Cher »(titre d'un ouvrage de P. Claudel). Devant un nom simple féminin singulier commençant par une consonne, on emploie en ou dans la : en Corrèze ou dans la Corrèze, en Gironde ou dans la Gironde, en Lozère ou dans la Lozère. Remarque L'usage tend à fixer l'emploi de l'une ou l'autre préposition, en fonction, semble-t-il, du nombre de syllabes du nom. On dit plus volontiers : en Charente, en Corrèze, en Dordogne, en Moselle, en Savoie, en Vendée (noms de deux syllabes sonores). Mais : dans la Creuse, dans la Drôme, dans la Loire, dans la Meuse, dans la Nièvre, dans la Sarthe, dans la Somme, dans la Vienne (noms d'une seule syllabe sonore). Devant un nom simple masculin, ou féminin commençant par une voyelle, ou féminin pluriel, on emploie dans : dans le Calvados, dans le Cantal ; dans l'Eure, dans l'Indre, dans l'Yonne ; dans les Landes, dans les Yvelines. 3. En / dansdevant un nom de lieu (autre qu'un nom de département français). → dans 4. En / àdevant le nom d'un moyen de transport(aller en voiture, aller à vélo). → à 5. En / àdevant un nom de pays, de ville, d'île. → à 6. En / dedevant un complément de matière. Au sens concret, le complément exprimant la matière peut être introduit par en ou par de. En est plus fréquent. Une pipe en terre, une fausse dent en or, un costume en laine. Une statue chryséléphantine est faite en or et en ivoire (ou : est faite d'or et d'ivoire). Une table de marbre. Un vase de porcelaine. Au sens abstrait ou figuré, le complément de matière est toujours introduit par de : un cœur de pierre, une santé de fer, un visage de marbre, une voix d'or. 7. Partir en / partir pour → partir. 8. En / sur. Dans certaines locutions figées, en est employé dans le sens de « sur » : se mettre en selle ; portrait en pied ; mort en croix. Avoir poten tête (= avoir le casque sur la tête ; expression archaïque). Accord 1. Accord en nombre des noms précédés de en. Le raisonnement permet le plus souvent de déterminer si le nom prend ou nom la marque du pluriel. Dans quelques cas, c'est l'usage qui a consacré l'accord en nombre du nom. Au singulier : être en discussion avec qqn, se mettre en lieu et place de qqn, preuves en main, remettre en main propre, ils y sont en personne, être en prière, se mettre en rapport ou en relation avec qqn, être en rang d'oignons, tomber en ruine. Au pluriel : être en affaires avec qqn, mettre du vin en bouteilles, se perdre en conjectures, être en flammes, fondre en larmes, être en bonnes mains, en mains sÛres, se confondre en politesses, entrer en pourparlers. Au singulier ou au pluriel : arbre en fleur ou en fleurs, être en fonction ou en fonctions. 2. En plus, en moins devant un adjectif. Les adjectifs et participes passés précédés de en plus ou de en moins restent invariables : je voudrais la même chose, mais en plus beau ; ce sont des paysages semblables aux nôtres, mais en moins grand. Construction 1. Répétition de en devant des noms, des adjectifs ou des participes présents juxtaposés ou coordonnés par et. Devant plusieurs noms juxtaposés ou coordonnés par et, la préposition en est le plus souvent répétée : des ustensiles de cuisine en fer, en bois, en étain, en plastique ; des robes en lin et en coton. Toutefois, lorsque et coordonne des adjectifs se rapportant à un même nom, en peut être omis : les passages en cours élémentaire et moyen ; les étudiants en première et deuxième année. - Dans certaines locutions figées, en n'apparaît qu'une fois : je le dis en mon âme et conscience. Devant plusieurs participes présents coordonnés par et, la préposition en est répétée : en se levant et en se couchant ; en entrant et en sortant ; il fume en regardant la télévision et en lisant, mais pas en travaillant. Toutefois, si le second participe ne fait que développer le premier, la répétition de en est facultative : en expliquant et discutant ce point de vue. - Dans la locution figée en allant et venant, en n'est pas répété. 2. En (+ participe présent). La construction en + participe présent (gérondif) n'est admise que si le participe a le même sujet que le verbe dont il dépend. On écrit : en vous remerciant par avance, je vous prie d'agréer..., et non : en vous remerciant par avance, veuillez agréer... On admet cependant que le participe présent ne renvoie pas au sujet du verbe quand il n'y a aucune ambiguïté possible, comme dans : ces choses-là se disent en souriant ; l'appétit vient en mangeant ; « En traversant la cour déserte, le bruit de ses pas l'impressionna »(A. Daudet). ● en (homonymes) préposition (latin in, dans, sur, etc.) [En s'emploie devant des noms qui ne sont pas précédés des formes d'articles le, les, l' (mis à part quelques tours locutionnels, comme en l'église de…, en l'honneur de, en l'espèce) ou devant des pronoms]. an nom masculin han adjectif invariable han interj., n. m. inv. ● en (difficultés) adverbe et pronom personnel (latin inde, de là) [toujours placé immédiatement avant le verbe, sauf à l'impératif affirmatif]. Représentant un nom, un pronom, un adverbe, une proposition précédée de la préposition de, indique : Emploi 1. Aux formes autres que l'impératif, en précède immédiatement le verbe : nous en avons déjà parlé ; il faut que j'en convienne ; si la vanne se bloque, en informer immédiatement le service de sécurité. 2. À l'impératif, en suit le verbe : donne-m'en, donne-lui-en, souvenez-vous-en, prenez-en de la graine. Si l'impératif singulier se termine par une voyelle, il reçoit un s analogique qui se fait entendre en liaison : donnes-en un peu à ton amie. 3. En / leur (j'aime leurs couleurs / j'en aime les couleurs) → leur Accord Aux formes composées, un verbe dont le complément d'objet direct est en garde son participe passé au masculin singulier, même si en représente un nom pluriel ou un nom féminin : des démarches, nous en avons entrepris plus d'une ! Quand en est complément d'un adverbe de quantité tel que combien, autant, beaucoup, moins, plus, l'usage est hésitant quant à l'accord. En général, l'accord se fait si l'adverbe de quantité précède en, mais ne se fait pas si l'adverbe le suit : et des lettres d'admirateurs, combien en as-tu reçues ? J'en ai beaucoup vu, de ces soi-disant inventeurs. ● en (homonymes) adverbe et pronom personnel (latin inde, de là) [toujours placé immédiatement avant le verbe, sauf à l'impératif affirmatif]. Représentant un nom, un pronom, un adverbe, une proposition précédée de la préposition de, indique : gens n. m. pl.ou n. f. pl. gent adjectif gent nom féminin singulier jan nom masculin camp nom masculin cent adjectif numéral cent nom masculin khan nom masculin quand adverbe interrogatif sang nom masculin sans préposition sens forme conjuguée du verbe sentir tan nom masculin tant adverbe taon nom masculin temps nom masculin dam nom masculin dans préposition dent nom féminin man nom masculin
en
Pron. adverbial.
rI./r Marquant la provenance, l'origine, l'extraction. J'en viens. Il s'en sortira.
rII./r
d1./d Représentant une chose ou un animal, une idée ou un énoncé. Cette affaire est délicate, le succès en est douteux. Cette idée lui plaît, il en parle sans cesse. Soyez-en convaincu. N'en doutez pas.
d2./d (Avec des adj. numéraux ou des adv. de quantité.) Vous parlez de mes fils, mais je n'en ai qu'un.
rIII/r Dans certains gallicismes. Ne pas s'en faire. Savoir où l'on en est. Quoi qu'il en soit. En être pour ses frais.
————————
en
Prép. (Ne s'emploie pas avec l'art. déf., sauf dans quelques locutions figées.)
rI./r Marquant:
d1./d Le lieu. Vivre en France. Aller en brousse.
— (Belgique) En rue: dans la rue.
d2./d Le temps. En hiver, en plein jour.
|| La durée. Il a fait ce travail en dix jours.
d3./d Le cheminement, la progression, la répétition, l'intervalle (de... en...). De temps en temps. De kilomètre en kilomètre.
d4./d L'état, la manière d'être. Un arbre en fleur. Un terrain en jachère. Un pays en guerre.
— (Belgique) En droit: dans son droit. En tort: dans son tort.
|| La matière. Un mur en banco.
|| La forme. Un escalier en colimaçon.
d5./d Le domaine, la spécialité, le point de vue. Docteur en médecine. Idée fondamentale en droit français.
d6./d Le changement d'état, la mutation, la transformation. Transmuer en or les métaux vils.
|| Le mode de division. Ils se séparèrent en plusieurs groupes.
d7./d La manière dont se fait l'action. S'épuiser en vains efforts.
— (Belgique) Travailler en noir: V. noir.
|| (Introduisant un nom attribut.) Se comporter en bon citoyen. Offrir un cadeau en prime.
rII./r Dans la construction du gérondif, exprimant la cause, la simultanéité, la manière. Elle travaille en chantant. Partir en courant.
rIII/r En loc.
d1./d Loc. Prép. En cas de. En dépit de. En face de. En vue de. En qualité de. En comparaison de.
d2./d Loc. conj. En sorte que. En tant que.
d3./d Loc. adv. En arrière. En avant. En hâte. En vain.
d4./d (Avec l'art. déf.) En l'occurrence. Laisser les choses en l'état, sans y rien changer.
I.
⇒EN1, prép.
I.— [Fonctionnement syntaxique]
A.— [Terme complété]
1. [Un verbe ou un déverbal] Croire en Dieu; la croyance en Dieu. Trop d'ampleur et de mise en œuvre (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 635). Elles ne croient plus en Dieu (MONTHERL., Port-Royal, 1954, p. 1009).
— En partic. [Avec un verbe construisant un attribut de l'obj.] Traiter qqn en ami; le traiter en ami. Ils vous traiteront en satellite (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 175).
2. [Un subst. ou un pron. qui le représente] Un fauteuil en rotin.
3. [Un adj.] Riche en blé. Pauvre en ressources (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 54).
B.— [Terme complément]
1. [Un subst. ou un pron. qui le représente] Une chaise en hêtre; croire en Dieu; croire en lui.
2. [Un adj. (de couleur) pris adverbialement] Peindre en rouge; dessiner en grand. Peintes en blanc (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 141).
3. [Un adv.] En dessous. L'œil en dessous (COLETTE, Entrave, 1913, p. 122).
4. [Un cardinal] En 1900. En 1726 (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 74).
5. [Un gérondif] En forgeant. Lambert hochait la tête en souriant (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 270).
C.— [Constr. du compl.]
1. [En introduit le plus souvent un mot non déterminé] En forêt; en blanc; en 1921; en dessous; en forgeant.
2. [En peut introduire un mot déterminé dans des tours lexicalisés]
a) Cour. [Par un art. indéf.] En des jours meilleurs. En un autre sens (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 141).
b) Cour. [Par un adj. dém., poss., indéf.] En chaque être; en ce jour anniversaire. En cette occasion (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 94).
c) Rare. [Par l'art. déf. le, la, les]
— [Avec les verbes ou les loc. exprimant la croyance, la transformation, l'identification] Croire en la vertu; la tragédie se transforme en l'opéra; le mariage consiste en la fusion de deux âmes. Si tu crois en le paysage (SAINT-EXUPÉRY., Citad., 1944, p. 852). La foi en l'immortalité (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 297).
— [Dans des tours lexicalisés] En l'air; en l'église; péril en la demeure. En l'honneur de la sainte trinité (MONTHERL., Port-Royal, 1954 p. 1013).
— [Dans des tours littér. ou arch.] En la sébile; en le creux d'une combe; en les localités. Car l'arbre est beau en le domaine (SAINT-EXUPÉRY., Citad., 1944 p. 709).
Rem. Une servitude gramm. fait que, théoriquement, en ne peut pas s'employer devant les formes de l'art. déf. : le, la, les. En a. fr., l'art. masc. le — primitivement lo — se combinait par enclise avec la prép. en pour donner les formes el, en, ou, puis au par confusion avec la forme née de la combinaison de la prép. à et de l'art. masc. (cf. à, t. 1, p. 22; cf. aussi la forme arch. ès < en + les). Adrian Peake, bachelier ès arts (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 135). Ainsi l'oppos. en/au représente en fr. mod. l'oppos. entre un nom sans art. et un nom déterminé par un art. En enfer, en paradis, au paradis; en été, au printemps; croire en Dieu, croire au Dieu de Jésus-Christ, croire au diable.
II.— [Analyse sém.]
A.— [En introduit un compl. circ.]
1. [Un compl. circ. de lieu]
— Cour. [En devant un nom sans art.]
♦ Vx. [Dans qq. expr. vieillies ou figée en = sur] Mitre en tête. Casquette en tête (BALZAC, Honorine, 1843, p. 368). Il entre en scène (GREEN, Journal, 1946, p. 63). Se promener en mer (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 109). Christ né de Marie et mort en croix (TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 141). Mettre en chantier (GOLDSCHMIDT, Aventure atom., 1962, p. 250) :
• 1. Si ma mémoire ne me trompe pas, T'Serstevens a publié (...) un grand article entièrement consacré à Chadenat; il a donc été le premier à parler de ce libraire extraordinaire, dont il a tracé le portrait en pied, à la manière des peintres historiques, drapant le personnage pour en faire le seul connaisseur actuel de la mer des Caraïbes...
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 332.
Rem. Dans ces expr., en possède un des sens de la prép. lat. in = sur. In aram « sur l'autel ». C'est sur ce modèle que l'on dit couramment être en selle, en croupe : Il a fait sa promenade en croupe (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 936), en bicyclette, en moto : Je pars la semaine prochaine, en moto (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 202), à côté de être à bicyclette, à moto : En auto, en carriole, à vélo, à motocyclette, à pied (ID., ibid., p. 228) constr. plus littér. bâtie sur le modèle de la loc. à cheval, ,,anciennement en cheval, refaite par contamination de à pied`` (A. Rigaud ds Vie lang., 1967, p. 595). Les loc. formées avec en sont jugées fam. par certains grammairiens (cf. DUPRÉ, 1972, pp. 814-815) à cause du sens attribué à la prép. ,,On ne peut dire : aller en bicyclette... puisque en a le sens de dans`` (M. RAT, Parlez français, Paris, Garnier, 1940, p. 2). De fait, le fonds TLF donne 120 ex. de aller à bicyclette et 34 ex. de en bicyclette, loc. pourtant la plus répandue dans la lang. orale.
♦ [En exprime un lieu à l'intérieur duquel on se trouve] ... pieux cloître Est mon cœur, et sainte fleur en paradis (MORÉAS, Sylves, 1896, p. 154). Le riz manquait déjà en ville (CAMUS, Peste, 1947, p. 1381). En classe (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 135) :
• 2. Ce sont, surtout, ces conditions de l'action dans la métropole qui m'imposèrent, au cours de cette période, de maintenir à Londres le siège du comité national. Pourtant, l'idée me vint souvent de l'établir en territoire français, par exemple à Brazzaville.
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1954, p. 238.
♦ [Devant les noms propres de pays ou de provinces fém., ou masc. à initiale vocalique ainsi que devant les noms masc. à initiale consonnantique qui désignent des provinces fr.] Tu m'as promis dix fois de rentrer avec moi en France (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 44). En Lorraine et dans le Luxembourg (DE GAULLE, Mémoires de guerre,1959, p. 27). À Shippingport en Pennsylvanie (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 95) :
• 3. « Le génie de notre époque, constate M. Grenier, souffle en faveur de Kafka... Même en URSS, on ne voit plus comparaître en cour d'assises de personnages dostoievskiens. »
SARRAUTE, L'Ère du soupçon, 1956, p. 9.
Rem. 1. Au XVIIe et au XVIIIe s., on employait à la, à l' devant le nom de pays fém. lointains à la Floride, à la Chine, à l'Amérique (cf. prép. à, ex. 86-89). 2. L'alternance en/au correspond à une vision différente. Vision étendue pour les pays proches ou connus [en] — vision ponctuelle pour les autres pays [à] — en France/au Canada, au Pérou.
♦ [En oppos. à à, à à la, devant les noms propres fém. des grandes îles proches ou lointaines] Sans doute, les Britanniques allaient-ils tenter de s'accrocher en Crète (DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1954, p. 152).
♦ [En oppos. à dans, devant les noms propres des départements composés de deux termes coordonnés par et] Cette sous-préfecture arbitrairement rejetée en Maine-et-Loire par les conventionnels (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 225). Cf. également Du temps que j'étais « propriétaire » en Calvados (GIDE, Feuillets d'automne, 1949, p. 1087).
♦ Vx ou provençal [Devant les noms de villes du Midi à initiale vocalique] Le grand jour, en Aps, c'est le lundi, le jour du marché (A. DAUDET, N. Roumestan, 1881, p. 333). Je dus rejoindre mon père putatif en Athènes (GIDE, Thésée, 1946, p. 1418). En Alger (CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 1579) :
• 4. Et si vous voulez, je suis prêt à me rendre en Arles et tant pis pour moi si les copains ne comprennent pas qu'on peut se tromper!
CENDRARS, Bourlinguer,1948, p. 279.
♦ [Devant des noms propres d'écrivains, d'artistes, lorsqu'on envisage la pers. même et non son œuvre — exprimée par dans] Ce n'est nullement la drôlerie qui me ravit en Molière, mais bien la langue, admirable entre toutes (GIDE, Ainsi soit-il, 1951, p. 1191).
— Littér. [En devant un adj. poss. ou dém.] Et te plonge en mes vers d'où tu ne peux filer (GENET, Poèmes, 1948, p. 41). Qui pourrait m'aider en ce monde? (CAMUS, Possédés, 1959, 2e part., 6e tabl., p. 1010).
♦ [En devant un art. indéf.] Ce vers est grand. Mais où le mieux sentir qu'en un coin? (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 131).
— Rare. [En devant un art. déf.]
♦ [Dans des constr. à caractère locutionnel] En la bonne ville blanche d'Angers (H. BAZIN, Vipère, 1948 p. 110). Ayant assisté en l'église Saint-Michel à l'office célébré par le cardinal Liénart (DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 18) :
• 5. Henri sourit : « c'est toi qui vois partout des arrière-pensées politiques; je disais ça en l'air... »
BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 468.
♦ [Dans des emplois arch.] Des clous en le navire (SAINT-EXUP., Citad., 1944 p. 977). Comme il advient de même en les hommes (GIDE, Thésée, 1946, p. 1431). En le cœur adorable du seigneur (BERNANOS, Dial, Carm., 1948, 4e tabl., 1, p. 1652). Vivre en la coquille peut servir de germe à un tel rêve (BACHELARD, Poét. espace, 1957 p. 120) :
• 6. J'ai d'abord contemplé le triangle. Puis j'ai cherché, en le triangle, les obligations qui régissent les lignes.
SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, p. 959.
— [En corrélation avec de; avec une idée de direction] Quand il courait à plat, l'homme tout seul, de sentier en sentier (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 24). S'avancer d'île en île (DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 488). Les singes sautent de branche en branche (SARTRE, Mots, 1964, p. 206) :
• 7. J'ai entendu le faible tremblement de l'air, sorti d'abord d'une simple poitrine, embraser mon peuple de proche en proche à la façon d'un incendie.
SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944 p. 888.
• 8. Et c'est ainsi que, d'étape en étape, sous le simple effet multipliant des générations, nous en sommes arrivés à la situation présente, de constituer ensemble une masse presque solide de substance hominisée.
TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain, 1955, p. 266.
a) [L'espace est circonscrit à une pers.]
— [La pers. même] Résidant de cœur en la reine (SAINT-EXUP., Citad., 1944 p. 800). En la personne par exemple du général Giraud (DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, p. 259) :
• 9. Jacqueline aimait tout en François, son aspect un peu massif, son courage physique, son sens de l'honneur, ses grandes crises d'enthousiasme chaque fois qu'il entreprenait quelque chose, ses défaillances soudaines à la moindre anicroche qui prouvaient qu'il prenait la vie à cœur; ...
DRUON, Les Grandes familles, t. 2, 1948, p. 42.
— [Son physique] Notre prédestination n'est point inscrite en notre chair et en notre sang (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 270). Nous avions en main ce bâton qu'on appelle « alpenstock » (GIDE, Et nunc manet, 1951, p. 1136).
— [Son psychisme] Je savais ce que tu avais en tête (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 341). Un état affectif, enclos en notre âme (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 313). En son for intérieur (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955 p. 314).
♦ En partic. [En parlant de Dieu, pour évoquer une union profonde avec lui (cf. infra croire en Dieu)] Le prince Jésus (...) remonta vers le bon Seigneur son père. « Et depuis ce temps-là tous ceux qui meurent en lui vont au ciel (...) » (FRANCE, Thaïs, 1890, p. 97).
b) P. anal. [L'espace est une chose abstr.]
— [Le compl. est un domaine abstr.] En peinture aussi bien qu'en littérature (GIDE, Journal, 1940, p. 46). En musique (...) les phénomènes périodiques (...) qui constituent le temps dans le temps dont est faite toute forme sonore (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 51).
— [Le compl. est un domaine où s'exercent]
♦ [la spécialisation de qqn ou de qqc.] Artiste peintre ou peintre en bâtiment? (CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 1647).
♦ [la capacité, la performance de qqn ou de qqc.] Il doit prouver pour la première fois ma capacité en administration (CHATEAUBR., Corresp., t. 2, 1789-1824, p. 379). En Murillo, le musée [du Louvre] est beaucoup plus riche (GAUTIER, Guide, 1872, p. 114).
Rem. Il faut observer que tous ces compl., le plus souvent indéterminés, ont gén. une valeur nom. très faible. En introduit un compl. à valeur abstr. p. oppos. au compl. plus concr. introduit par dans. Avec en l'idée d'intériorité s'est amoindrie au profit d'une sorte d'ambiance. C'est pourquoi en est propre à suggérer un état, une situation. Ainsi en l'air s'oppose à dans l'air; en classe à dans la classe comme en prison à dans la prison.
2. [En introduit un compl. circonst. de temps]
a) [Sans idée de direction]
— [Le compl. exprime le temps nécessaire à l'accomplissement de l'action]
♦ En + adj. numéral cardinal. La cérémonie à l'église fut expédiée en un quart d'heure (DRUON, Les Grandes familles, t. 2, 1948p. 191). En trois bonds, le dessinateur effrayé avait gagné la porte (GREEN, Moïra, 1950, p. 78). Je lus en deux étés les sept volumes de la bibliothèque de grand-père (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 134) :
• 10. Mais il [Jonas] se réjouissait aussi d'apprendre, en un soir, tant de choses qui ne pouvaient manquer de lui être profitables, quoique de manière invisible, dans son art.
CAMUS, Exil et Roy., 1957 p. 1635.
♦ En + adj. indéf. En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. En quelques semaines (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 908). En moins de deux (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 275). En peu de temps (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 557).
♦ En + art. déf. ou indéf. [Dans des tours figés] En un rien de temps il s'élève (GIDE, Feuillets d'automne, 1949, p. 1115). Plusieurs centaines de sous-officiers nous abandonnèrent en l'espace de quinze jours (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 287) :
• 11. ... feu, peste, tempête, tremblement de terre, déchaînements de forces morales obscures, entraînent en un instant, sans égards, ce que nous avions péniblement construit et orné avec toute notre intelligence et notre cœur.
TEILHARD DE CHARDIN, Le Milieu divin, 1955, p. 172.
— [Le compl. exprime le moment où une action se situe ou s'accomplit]
♦ Littér. ou dans des loc. figées. En + déterminatif
En + adj. dém. Le monde était riche, en ce temps-là (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 494). En ces minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies (DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, p. 308).
En + adj. poss. Elle venait aux nouvelles et m'apportait en même temps un exemplaire de son roman paru en mai et que je n'avais pas reçu en son temps (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 326).
En + art. indéf. En des temps pareils, est-il une autre sécurité que la mienne? (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 5e tabl., 8, p. 1701) :
• 12. Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux.
BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, 1857-61, p. 40.
En + art. déf. En l'année, en l'an de grâce...
♦ Courant
En + millésime. Ouvrez de remarquables brochures publiées aux États-Unis en 1950 et en 1956 (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 408).
En + nom de mois. En juin et juillet, il avait fait le tour des villages des environs (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 176).
En + nom de saison (sauf printemps). Il y a sûrement beaucoup à faire ici en été (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 989).
Rem. 1. L'oppos. en été/au printemps est souvent justifiée par la présence de l'art. déf. devant printemps, considéré comme un nom commun primum tempus « le premier temps », à la différence des autres saisons, traitées comme des noms propres (cf. à, t. 1, p. 22). Il faut remarquer cependant que cette oppos. peut se définir aussi par celle qui oppose les subst. fém. et masc. à initiale vocalique aux subst. masc. à initiale consonnantique. 2. On rencontre également à l'automne : Au printemps et à l'automne (GREEN, Moïra, p. 238 ds GREV. 1969 § 933); plus rarement à l'été, à l'hiver : Nous étions à l'hiver (MUSSET, Conf. IV, 6, ibid.). Dans une plaine que recouvrent à l'été des moissons (E. HERRIOT, Dans la forêt normande, p. 170, ibid.).
b) [En corrélation avec de]
— [Avec une idée de progression] De jour en jour. Il aurait d'année en année à changer de langage (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 752). De temps en temps, il envoyait à ma sœur un pneumatique (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 328) :
• 13. ... l'histoire et la vie nous enseignent qu'il y a des revenus dominants et des revenus dominés et qu'ils ne restent pas les mêmes d'âge en âge.
PERROUX, L'Écon. du XXe s., 1964, p. 27.
— [Pour reporter à une date future] D'aujourd'hui, de demain en huit, en quinze. Dans huit, quinze jours à compter d'aujourd'hui, de demain.
B.— [En introduit un compl. circ. de manière]
1. [Le compl. évoque un état, une situation]
a) [En parlant d'une pers.]
♦ [Sa situation] L'imagination italienne comprend mieux l'homme que la nature; elle comprend mieux l'homme en société que l'homme barbare (TAINE, Philos. art., t. 1, 1865, p. 120). Six semaines avant mon entrée en religion (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 2e tabl., 6, p. 1592). On m'a appris que vous vous trouviez ici, mais en vacances (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 115). Comme un homme en péril de mort à qui le nom de sa mère monte aux lèvres (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 191) :
• 14. C'est un S.T.O., ou je ne sais quoi, en fuite, en fuite, en perm', en convalo, je ne sais pas trop, mais qui arrive tout droit d'Allemagne, et qu'est-ce qu'il ne raconte pas des bombardements!
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 273.
Au fig. Être en veine, en chance :
• 15. Mon cher papa (...) Je n'ai presque point de dépenses à faire (...) une paire de bottes 36 fr., une paire de pistolets 48 (...). Si tu es en argent j'y ajouterais une vingtaine de volumes...
STENDHAL, Corresp., t. 1, 1800-42, p. 59.
♦ [Son état physique] L'impératrice était avant-hier en beauté, santé et animation (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Montijo, 1870, p. 25).
En partic. [Son habillement] Dame de quarante ans en lunettes à côté de son mari (TAINE, Notes Anglet., 1872, p. 6). Il était en bras de chemise (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 135) :
• 16. Quand nous marchions en rangs serrés et noirs, l'été, sous le soleil de Grenoble, et que nous croisions des filles en robes légères, je ne détournais pas, moi, les yeux, je les méprisais, j'attendais qu'elles m'offensent et elles riaient parfois.
CAMUS, L'Exil et le Royaume, 1957, p. 1578.
♦ [Son état moral] Être en liesse, en joie :
• 17. — Vous êtes triste?
— Non, dis-je, pas triste. Je suis en colère.
— En colère? Vous avez une manière bien calme d'être en colère.
— Ne vous y fiez pas.
BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 445.
b) [En parlant d'une chose] La grande voûte peinte en bleu de nuit (GREEN, Moïra, 1950, p. 48).
2. [Le compl. évoque un comportement et marque la façon dont qqn s'est comporté dans une action donnée ou dont on a traité qqn] Ils se regardent en chiens de faïence (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 128). Dites franchement... en camarade. Combien? (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 97). Comme il parle en maître! (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 77) :
• 18. — Et puis, j'en ai assez d'être traité en accusé, continua Lulu. Qu'est-ce que vous me reprochez? De m'être amusé? Quand je vous regarde tous, j'estime que j'ai rudement bien fait.
DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 198.
3. [Le compl. évoque une forme, un aspect] De la ferraille en tas (CENDRARS, Bourlinguer, 1948 p. 305). Du chocolat en poudre (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 98). Il neige sur les mots en ski (ARAGON, Rom. inach., 1956, p. 215). Nous sortions en bande (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 297) :
• 19. L'auto, un fort cabriolet huit cylindres, couleur havane, laminait sous ses larges pneus les flaques de boue, en jaillissements sales.
VAN DER MEERSCH, L'Empreinte du dieu, 1936, p. 7.
• 20. Pendant qu'Elena, armée du cure-dent, les [les escargots] chatouillait consciencieusement sous le ventre, je tendais des ficelles en l'air, d'une branchette à l'autre, en ligne droite, en diagonale, en zigzag, en rond, en étoile, ...
CENDRARS, Bourlinguer, 1948 p. 217.
• 21. La fable s'empara de lui; les colporteurs vendaient son portrait. On le vit en tabatière, en presse-papier. On le peignit au fond des plats et des assiettes.
GUÉHENNO, Jean-Jacques, Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 339.
4. [En corrélation avec de; pour évoquer le changement d'une situation dans une autre] De Charybde en Scylla, de mal en pis. Nous devrons, de crise en crise, porter notre effort tantôt sur un point, tantôt sur un autre (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 721).
Rem. Il faut remarquer que, comme à propos des circ. de lieu, tous ces compl. tendent vers une forme figée et que, parfois, il n'est guère possible de distinguer les compl. circ. des loc. (cf. infra). Dans le même sens, il faut observer que tous ces compl. supportent mal un adj. épithète, exceptés des adj. banals, gén. anticipés en totale confiance; en grande hâte; en bonne santé.
5. [En introduit un compl. circ. de matière] J'ai les intérieurs en duvet de canard (AYMÉ, Cléramb., 1950, p. 168) :
• 22. En fonte, en terre, en grès, en porcelaine, en aluminium, en étain, que de marmites, de poêles, de pot-au-feu, de fait-tout, de cassolettes, de soupières, de plats, de timbales, de passoires, de hachoirs, de moulins, de moules, de mortiers!
BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958 p. 77.
Rem. 1. En marque plus précisément la matière que de. Seul de peut s'employer dans un sens fig. un homme de fer, des chevaux de bois. On dit néanmoins un tigre en papier, un garçon en or : Ah! oui, ce qu'il était gentil, hein? et doux et pas fier. Un garçon en or, ce petit saint François (AYMÉ, op. cit., p. 199); mais dans ces expr. fig., la matière fictive prend un aspect réel. 2. En, introduisant un compl. de matière, traduit toujours une « intériorisation » : une table faite avec du bois devient une table en bois de la même manière qu',,un livre qu'on jette dans le feu ne tarde pas à être en feu`` (GUILLAUME, Le Problème de l'article et sa solution dans la langue française, Paris, Nizet, 1919, p. 188).
C.— [En introduit une forme en -ant pour former un gérondif fonctionnant comme un compl. circ.]
— [de moyen] C'est en forgeant qu'on devient forgeron.
— [de temps] Écoute, dit Dubreuilh, tout en le soignant, essaie donc de le cuisiner (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 561).
— [de manière] :
• 23. Malheureux les conscrits
Devant le stand de tir
Visant le cœur du monde
Visant leur propre cœur
Visant le cœur du monde
En éclatant de rire.
PRÉVERT, Paroles, 1946 p. 223.
Rem. 1. La présence de en (surtout de tout en, cf. supra BEAUVOIR, loc. cit.) rend plus étroit le lien des deux actions en soulignant nettement leur concomitance. 2. En ne se répète pas devant le gérondif si le second développe seulement le premier. En traversant la ville et passant devant nos postes (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 193).
D.— [En construit avec un verbe trans. indir. ou un subst. dér.]
1. [Avec des verbes, des loc. verbales ou des subst. du type : croire, espérer, avoir confiance, avec foi; en introduit un compl.]
— [Devant un pron. pers.] Dans une imagination qui croit et ne croit pas en elle-même (M. DE GUÉRIN, Journal, 1834, p. 209).
— [Devant un nom propre] J'ai foi en Dieu qui m'a fait ma part (CLAUDEL, Annonce, 1948, III, 2, p. 190) :
• 24. ... « Nous tous, ici-bas, croyons en Adolf Hitler, notre Führer... et (nous confessons) que le national-socialisme est la seule foi qui mène notre peuple au salut. »
CAMUS, L'Homme révolté, 1951, p. 227.
Rem. Croire admet les constr. croire à et croire en. Cependant, traditionnellement, on oppose, partic. dans le domaine relig., croire à qui implique une adhésion intellectuelle à croire en qui signifie une union totale et profonde (cf. supra vivre en Jésus-Christ). ,,Espérer en, croire en impliquent une sorte de don total de la personne que croire à est loin d'impliquer, ni penser à, songer à`` (GOUGENHEIM, Grammaire et psychologie, Paris, P.U.F., 1950, p. 182; cf. aussi Ch. BALLY, En été, au printemps; croire en Dieu, croire au Diable ds Festschrift für Ernst Tappolet, Basel, Benno Schawabe, 1935, pp. 9-15).
2. [Avec des verbes de changement, de transformation; en introduit un attribut du suj. (ou de l'obj.) construit indirectement pour exprimer le nouvel état de la pers. ou de la chose transformée]
a) En + subst. indéterminé La représentation crispée sur soi se transforme en spectacle (MOUNIER, Traité caract., 1946 p. 386). Un atome coupé en morceaux ne fait plus le même atome (SCHAEFFER, Mus. concr., 1952, p. 48). Chaque pierre éclatant en poussière sous le pied (CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 1610). Stépha se déguisait en barmaid (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 292) :
• 25. À ce moment une forte détonation se fait entendre, les vitres volent en éclats, les montants de la fenêtre sont arrachés.
SARTRE, Les Mains sales, 1948, 4e tabl., 4, p. 159.
b) En + pron. pers. Tel qu'en lui-même enfin l'éternité l'a changé (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 14).
c) En + subst. déterminé
— [Par un déterminé autre qu'un art. déf.] Le jeu ou la danse et je change ton acte en un autre (SAINT-EXUP., Cited., 1944, p. 844) :
• 26. Nous marchâmes longtemps dans Paris, navrées de voir le héros de notre jeunesse se métamorphoser en un bourgeois calculateur.
BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958 p. 345.
— Rare. [Par un art. déf.] :
• 27. ... il suffit d'agiter un brin le kaléidoscope pour voir le séducteur Johannès ou l'incomparable tailleur du banquet se donner bientôt l'illusion de la crainte et du tremblement et se transformer peu à peu en la poétique figure du vieil Abraham...
J. VUILLEMIN, Essai sur la signif. de la mort, 1949, p. 306.
E.— [En formateur de loc.]
1. Loc. adv. et prépositives
a) En + adv.
— Loc de lieu. En deçà (de), en dessous (de), en dedans (de), en dehors (de), en travers (de). Sous ce ciel par en-dessous (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 18).
— Loc. de manière. En trop, en plus (de).
— Loc. adv. de liaison. En outre. Le médecin légiste, qui dirigeait en outre un service à l'hôpital municipal (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 98).
b) En + subst.
— Loc. de lieu. En face, en bas, en haut. La maison d'en face (GIDE, Journal, 1941, p. 101). Tout vient d'en-haut! (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 119).
— Loc. de manière. En foule, en cachette. Il monte en tapinois l'escalier (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 950). Pierres en vrac (SAINT-EXUP., Cited., 1944 p. 781).
— Loc. adv. de liaison. En fait, en effet, en conséquence, en réalité, en revanche. En quelque sorte (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 46). Ce grotesque quelqu'un en l'occurrence le personnage ci-dessus décrit? (QUENEAU, Exerc. style, 1947, p. 176). En somme une finalité interne (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 55). Mais Tigre me doit une jeune fille maintenant, en échange (ANOUILH, Répét., 1950, IV, p. 104). Ce n'était pas par hasard qu'il avait en fait si spectaculairement échoué (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958 p. 347).
c) En + adj.
— Loc. de lieu. En long, en large. On me l'a expliqué en long et en large à la maison (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 19).
— Loc. de manière. En gros, en général, en douce, en clair, en vain, en bref. On devrait tâcher de le descendre en douce (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 947). Agir en secret (CAMUS, Dév. croix, 1953, 1re journée, p. 543).
— Loc. adv. de liaison. En particulier, en définitive.
2. Loc. conj. En ce que, en attendant que, en cas que, en sorte que. En sorte qu'au loin elles se touchaient (GREEN, Moïra, 1950, p. 24). Tu ne t'appelles Mi qu'en tant que je suis Fa! (CLAUDEL, Poésies div., 1952, p. 893). Faire en sorte que l'ennemi soit, complètement, irrémédiablement, battu (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 712).
3. Loc. verbales. Consister en, croire en, espérer en, traiter en.
4. Mots composés. En-tête, en-cas, boute-en-train, monte-en-l'air, croc-en-jambe. Après que nous eûmes pris un léger en-cas (GIDE, Thésée, 1946, p. 1430). Il arrosait la pelouse et un arc-en-ciel dansait dans le jet d'eau (BEAUVOIR, Mandarins, 1954 p. 525).
— En partic.
♦ [Dans les grades] Général-en-chef. Le commandement en chef britannique (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956 p. 62).
♦ [Dans les noms de lieu] À Grez-en-Bouère (H. BAZIN Vipère, 1948, p. 225). Devant Port-en-Bessin (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956 p. 276).
Rem. Certaines de ces expr. se sont lexicalisées cf. embonpoint, endroit, entrain...
Prononc. et Orth. :[]. Conserve sa nasalité même quand il se lie devant voyelle, ex. : en effet []. La perte de la nasalité [] est prov. notamment mérid. Ds Ac. 1694-1932. Homon. an. Étymol. et Hist. A. Introduisant un compl. de propos 842 (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie, p. 2 : in aiudha et in cadhuna cosa). B. Prép. de lieu 1. Fin du IXe s. indique le lieu où l'on est, où l'on va (Séquence de Sainte Eulalie, 6 et 19, ibid., p. 3 : en ciel; enl fou); 2. fin du Xe s. « sur » (Passion de Clermont, 8 et 45, ibid., p. 4 : en son cab.; en la cruz); 3. fin du Xe s. indique un état, une situation morale (ibid., 33 et 36 : en huna fet; en caritad); 4. a) ca 1100 fig. se fier en qqn (Roland, éd. J. Bédier, 586); b) ca 1170 (Rois, éd. E. R. Curtius, p. 118 [I Rois 3, 28] : la sapience nostre Seignur fud en li). C. Prép. de temps 1. a) 842 indique un mouvement dans le temps (Serments de Strasbourg, loc. cit. : d'ist di in avant); b) ca 1100 indique la durée (Roland, 851 : en. III. jurz); 2. fin du Xe s. indique un moment (Vie de Saint Léger, éd. J. Linskill, 80 : in eps cel di). D. Prép. de manière 1. fin du IXe s. indique la forme, l'état (Séquence de Sainte Eulalie, 25, loc. cit. : in figure de colomb); 2. ca 1100 composition, répartition (Roland, 1205 : en dous meitiez); 3. ca 1100 introduisant une sorte d'attribut de l'objet (ibid., 3950 : en ostage); 4. ca 1100 introduisant un gérondif (ibid., 2522 : en estant); 5. ca 1170 indiquant un changement d'état (CHR. DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 4191 : Si retorne lor joie en ire); 6. 1521 matière (Inv. de Phil. de Bourgogne ds GAY, s.v. terre, t. 2, p. 395b : quatorze têtes en terre cuite). Du lat. class. in, qui connut dès le b. lat. les sens et emplois du français. Bbg. ACHER (J.). Du Prétendu emploi pléonastique de la particule en ds Philomena. Z. rom. Philol. 1909, t. 33, pp. 587-589. — BRØNDAL (V.). L'Originalité des prép. du fr. mod. In : [Mél. Bally (C.)]. Genève, 1939, pp. 337-346. — COUTURE (B.). L'Emploi de en et de ds les loc. de spécialisation. Meta. 1972, t. 17, n° 4, pp. 233-237. — DANELL (K.-J.). Le Groupe subst. + prép. + subst. en fr. contemp. Stockholm, 1974. — DAUZAT (A.). En mon nom et au sien. In : [Mél. Bruneau (C.)]. Paris-Genève, 1954, pp. 1-9; En skis et non à skis; en ou à bicyclette. Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 307-308; 1946, t. 14, p. 246. — FAHLIN (C.). Ét. sur l'emploi des prép. en, à, dans au sens local. Upsal-Leipzig, 1942. — GOUGENHEIM (G.). La Prép. en devant certains compl. de matière ds la lang. au 16e s. In : [Mél. Cohen (M.)] La Haye-Paris, 1970, pp. 157-161. — OLIVIER (R.). Zum Gebrauch der Präposition en in aller, passer, monter usw. en bicyclette. Arch. St. n. Spr. 1928, t. 153, pp. 104-110. — SEELBACH (D.). Präpositionalphrasen mit de und à ds Quellen der verbundenen Pronomen en und y. (Diss. Frankfurt 1970). — SPANG-HANSSEN (E.). Les Prép. incolores du fr. mod. Copenhagen, 1963.
II.
⇒EN2, pron. atone de la 3e pers.
GÉNÉRALITÉS
1. En tant que pronom, en se construit avec un antécédent de nature substantive, qu'il s'agisse d'un subst. proprement dit ou d'un pronom qui le représente, ou d'un subst. inclus dans une loc. adv., ou enfin d'une prop. reprise en tant qu'entité globale après nominalisation implicite par en.
2. Quelle que soit sa forme, l'antécédent relève normalement de l'inanimé ou de l'animé non hum. (animaux); plus rarement en peut représenter un subst. désignant un animé hum.
3. Dans certains cas, en nombre limité, l'antécédent est sous-entendu (implicite) et se dégage de la situation en vertu de l'usage. Dans d'autres cas, il est réduit à l'emploi d'élément formateur modifiant le sens du verbe avec lequel il est construit; on présentera cet emploi en entrée distincte.
4. À l'intérieur de la prop. où il est placé, en remplit auprès des termes de cette prop. toutes les fonctions assumées par de, soit dans ses emplois de prép., soit dans ses emplois d'art. indéf. ou partitif. Lorsqu'il représente un antécédent subst. proprement dit, il peut être lui-même déterminé dans certaines limites.
5. Enfin, en tant que pronom atone, il pose des problèmes de place dans la phrase.
I.— [L'antécédent est explicite et de nature nom.]
A.— [L'antécédent est un subst., un adv. ou un pron.]
1. [L'antécédent est représenté sans être à son tour déterminé]
a) [En corresp. aux emplois de la prép. de en tant que morph. introducteur de compl. (ou à un de ses équivalents : à, sur)]
— [Dans des constr. où en a valeur de compl. circ. il exprime] :
♦ [L'éloignement d'un lieu pour représenter un groupe nom. en fonction de compl. circ. : de là, de cet endroit, de + nom de lieu] La Femme? — J'en sors La mort Dans l'âme (LAFORGUE, Poésies, 1887, p. 153) :
• 1. Les maisons du bourg sont vétustes; mais il en sort, tout à coup, nombre de filles et de garçons rieurs.
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 289.
[Employé avec certains verbes à la forme pronom., en partic. aller, avec un antécédent souvent tiré implicitement du contexte (cf. infra II B)] Les policiers s'en retournèrent bredouilles, furieux de cette expédition manquée (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 330). Le type ne répond pas, la femme crie :« Allez-vous en, sale type, sale froussard» (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 198).
[Sans idée nette de point de départ] Cf. aller ex. 60.
♦ [L'origine, la source] Les effets cumulatifs de K Wicksell et les variantes qu'on en a tirées (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 257) :
• 2. La sagesse de Dieu n'aime point à faire des présents inutiles; vous êtes, en faveur des vertus que vous en avez reçues, condamnée à en faire un exercice continuel.
GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 212.
♦ [L'éloignement dans le temps (à mesure qu'on s'éloigne ou que l'on se rapproche de cette date s'en éloigner, en sortir)] Elle n'eût pas recherché cette union (...) mais chaque jour l'en rapprochait (BARRÈS, Jardin Bérén., 1891, p. 161).
♦ [La cause (à la suite de, à cause de)] Ainsi celui-là qui anéantit son ennemi. Et il vivait de lui. Donc il en meurt (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 773). N'empêche que quand il m'a causé d'amour, j'ai eu comme un coup de langueur dans le poitrail. Encore maintenant, j'en suis toute chose (AYMÉ, Cléramb., 1950, III, 7, p. 168).
♦ [Le moyen] Le bon homme s'approcha d'elle et, ouvrant son vaste parapluie rouge, lui demanda la permission de l'en abriter (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 292). Ces jeunes gens bien intentionnés qui s'inquiétaient hier de refaire la France, qu'en feront-ils avec les misérables débris qui vont en rester? (GIDE, Journal, 1940, p. 29) :
• 3. Et celui-là s'égare à rechercher parmi les pierres ce qui n'est point de leur essence, alors qu'il pourrait en user pour en bâtir sa basilique, sa joie n'étant point à tirer d'une pierre parmi d'autres pierres mais d'un certain cérémonial des pierres, une fois la cathédrale bâtie.
SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, p. 953.
♦ [Le propos] C'est une affaire majeure pour notre commerce. Je vous en ai écrit par le dernier courrier (CHATEAUBR., Congr. Vérone, t. 2, 1838, p. 102). Cette fameuse tour de Mélusine, que nos auteurs ont rendue si célèbre par les fables qu'ils en ont racontées (DURRY, Nerval, 1956, p. 170).
Rem. En correspond parfois dans ce cas à la prép. sur.
— [Dans des constr. où en a valeur de compl. de nom marquant la possession, l'appartenance] Ma mère était à moi, personne ne m'en contestait la tranquille possession (SARTRE, Mots, 1964, p. 17) :
• 4. Le couloir était froid et nu, la salle d'attente, qu'on ne fit qu'entrevoir, banale. Du moins les sièges n'en étaient-ils pas élimés, comme chez la plupart des médecins, et n'y voyait-on pas aux murs les aquarelles habituelles.
SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, p. 121.
Rem. 1. En est gén. préféré au poss. pour représenter un inanimé. Toutefois, la règle est précaire. ,,Les portes des wagons de métro ont cette pancarte : Ne pas gêner leur fermeture`` (Gramm. Lar. 1964, § 382). 2. En est gén. employé aux dépens du poss. lorsqu'il complète : a) Le suj. d'un verbe passif. La propulsion nucléaire (...) sera (...) utilisable (...) pour les grands avions, et l'étude en a été faite, puis abandonnée (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 271). b) Le suj. d'un verbe intrans. J'ai malheureusement oublié le détail de cette épopée paternelle. Le sujet n'en changera jamais (BOSCO, Un oubli..., p. 280 ds J. PINCHON, Les Pronoms adverbiaux en et y, Genève, Droz, 1972, p. 157). c) Le suj. d'une prop. attributive. Voici un petit travail sur les antinomies de la pensée et de l'action que je vous offre, quoique la matière en soit misérable (BARRÈS, Renan, 1888, p. 175). d) Le compl. d'obj. dir. d'une forme trans. Un corps, c'est si juste, c'est même étriqué, on a envie d'en faire craquer les coutures (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 497). 3. En revanche, lorsque en détermine le suj. d'un verbe trans. c'est gén. la forme possessive qui est privilégiée : ,,Le soleil se leva : ses rayons caressèrent la cime de la montagne`` (GREV. 1969, § 429, rem). En est impossible lorsque le subst. déterminé est construit indirectement : a) Le subst. est compl. de nom. ,,Je revoyais (...) l'antique château (...), la rivière qui baignait le pied de ses murailles`` (B. CONSTANT, Adolphe, VII, ibid.). b) Le subst. est compl. circ.. ,,Si cette pièce était un tableau, comme on s'extasierait sur sa matière`` (GIDE, Journal, 1939-42, p. 132, ibid.).
— [Dans des constr. où en a valeur de compl. déterminatif]
♦ [D'un nom en constr. dir.] Il prit des mains d'Anne un verre de Martini et en but une gorgée (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 553). J'étais étourdie par toutes ces nouveautés qu'il me révélait, et j'avais un peu l'impression qu'il en était lui-même l'auteur (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 201). Le poids relativement léger de ce petit moteur en compense le coût élevé (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 272).
♦ [D'un adj.] :
• 5. Quel grand écrivain du XVIIIe siècle n'avait pas eu une meute de libellistes à ses trousses? Mais il savait en rire. Jean-Jacques en était incapable.
GUÉHENNO, Jean-Jacques, Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 199.
♦ [D'un part. employé comme adj.] Ils n'ont à me prêter que leur propre indigence, ils en sont prodigieusement satisfaits (ARAGON, Rom. inach., 1956, p. 19).
Rem. Accord de la forme adj. du verbe. Lorsque en est compl. d'obj. d'un part. passé conjugué avec avoir et qu'il le précède, le part. passé est gén. invar. On justifie l'invariabilité en disant que ,,en est un neutre partitif signifiant « de cela, une partie de cela » et qu'il est (...) complément déterminatif du nom partie (ou quantité) sous entendu`` (GREV. 1969, § 795). L'usage toutefois est indécis et en relation avec un adv. de quantité (beaucoup, combien, tant), le part. passé peut s'accorder. Combien j'en [d'hommes] ai déjà passés! combien j'en puis encore atteindre! pourquoi mon égal irait-il plus loin que moi? (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 32). Mais, là encore, la règle est imprécise et précaire. J'en ai tant vu des rois! (HUGO, Feuilles automne, III, ds GREV. 1969, § 795). Il faut noter enfin que l'arrêté du J.O. du 9 févr. 1977 admet l'un et l'autre accord.
♦ [D'un adv. de quantité] Elle avait inscrit en épigraphe deux phrases de Nietzsche (pourquoi deux? Les femmes en mettent toujours trop) (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 326) :
• 6. SEVRAIS. — Et puis, c'est vrai, si j'étais ton frère, j'en ferais moins pour toi.
SOUBRIER. — Oui, tu en fais beaucoup pour moi! — Est-ce que tu mourrais pour moi? Tiens, si je me noyais...
MONTHERLANT, La Ville dont le prince est un enfant, 1951, II, 4, p. 896.
— [Dans des constr. où en a valeur de compl. d'un verbe]
♦ [Obj. indir.] Les garçons, tu t'en moquais (AUDIBERTI, Quoat, 1946, 1er tabl., p. 42). La piste sur laquelle les défenseurs espéraient voir débarquer des renforts, c'est l'ennemi qui s'en empare (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 283).
— [Dans certaines constr., en a valeur de compl. secondaire] Cf. supra ex. 2 et PERROUX, loc. cit.; ex. 3 et GIDE, Journal, 1940, p. 29.
b) [En corresp. à l'art. partitif de le, du...] — Michel, tu en veux de cette bonne andouillette? (GIONO, Regain, 1930, p. 10). On voyait cette année-là dans les vitrines d'absurdes jupons longs et soyeux : j'en achetai (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 509) :
• 7. — Monsieur est servi, murmure-t-elle avec une touchante simplicité.
— Je n'aime pas le chien, répond mon père, j'en ai mangé en Chine et je trouve cela mauvais.
PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 43.
Rem. Il arrive que en ne reprenne pas l'antécédent dans la même extension. a) Passage de la plus grande extension à la plus petite. J'étais un homme sans honneur. Et, tout d'un coup, j'en ai eu un (Becket ds J. PINCHON, Les Pronoms adverbiaux en et y, Genève, Droz, 1972, p. 63). b) Passage de la plus petite extension à la plus grande. Je laisse ma viole à mon Seigneur. Il sait déjà presque en jouer (Anouilh, Becket ds ibid.). Je suis le tout s'il en fut [un] (LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 193).
2. [L'antécédent est repris avec une détermination propre qui ne figure pas dans l'antécédent; en corresp. à l'art. indéf.]
a) [Le déterm. est un quantificateur qui précise une partie par rapport au tout que l'antécédent est supposé représenter]
— [un numéral indéf.]
♦ En ... un autre. « Je ne peux pas vous aimer... j'en aime une autre... » (MEILHAC, HALÉVY, Grande duch. Gérolstein, 1867, II, 7, p. 255).
♦ En ... d'autres. Il ne copie jamais ses compositions, tandis qu'il y en a d'autres, et des plus cotés... (MONTHERL., Ville dont prince. 1951, I, 3, p. 870). Physiquement, si je n'ai plus tout à fait les mêmes atouts qu'autrefois, je sais que j'en ai d'autres (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 494).
♦ En ... un pareil. Vous voyez ce que peut l'attachement d'un être dévoué. Qui de vous ne serait touché d'en rencontrer un pareil en une circonstance que je suis loin de souhaiter pour vous? (LATOUCHE, L'HÉRITIER, Lettres amans, 1821, p. 34).
♦ En ... plusieurs, peu, beaucoup... Je n'y ai guère trouvé de phrases qui n'aient au moins une demi-page de longueur et il y en a beaucoup qui couvrent une page et demie (GREEN, Journal, 1946, p. 66).
— [un numéral à valeur précise] En voilà deux, tout de même, deux curés que je vois mourir ici (BERNANOS, Crime, 1935, p. 729). Sur ces treize millions, il y en a dix que j'ai perdu dans le coup des Sonchelles (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 200) :
• 8. Il y a un long silence, pendant lequel l'Archevêque compulse des papiers qui lui ont été passés par le Grand Vicaire. Il finit par en signer un. Il en donne d'autres au Lieutenant civil.
MONTHERLANT, Port-Royal, 1954, p. 1023.
b) [La détermination est de nature qualificative avec valeur d'épithète; en est gén. suivi de de]
— [avec un adj.] Vous avez vu les principales personnalités locales... Il y en a de pittoresques... Le docteur Bellamy les surclasse de beaucoup... (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 31) :
• 9. Il n'y a pas chez lui d'affaissement intellectuel, mais, selon la formule de Dugas, « confiscation de l'esprit au profit d'un sentiment fixe ». Il en est de savants, il en est de ministres. Entre le monde rigoureux du logicien et le symbolisme plastique du poète ou du mythomane, son univers de pensée se présente comme un symbolisme idéologique, tenant du premier sa rigidité formelle, du second son aptitude à rendre, sous le symbole, autre chose que ce qu'on y a d'abord placé.
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 551.
— [avec une loc. subst.] Je la range dans le placard, ma chanson, et je la retrouve quand j'en ai envie. J'en ai de toutes sortes, vous savez, et je leur laisse pas le temps de se rouiller (AYMÉ, Cléramb., 1950, I, 7, p. 54).
3. [La détermination est une prop. relative avec ou sans antécédent pronom. indéf.; les emplois sont très fréquents]
a) [Dans les tournures impersonnelles exprimant l'existence] Il y en a qui ont la vocation d'être valet de chambre (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 170). Il en est qui sont poussés au point de ne pas comprendre ce qu'ils font (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 101).
b) [Avec les présentatifs voici, voilà] Qu'on ne me parle pas de Jean Racine. En voilà un dont je ne suis pas fière! (MONTHERL., Port-Royal, 1954, p. 1030).
Rem. 1. Note sur la nature de l'antécédent de en. On a coutume de dire que le fr. mod. réserve les pron. pers. lui, elle(s), eux pour représenter des pers. et restreint l'emploi de en à la représentation des choses. En plus des ex. cités précédemment (cf. ex. 2), en s'emploie pour des pers. avec des verbes exprimant un sentiment, une sensation : Se plaindre de; avoir pitié de; être en peine de; s'éprendre de; raffoler de; être amoureux de, être fou de; être jaloux de (cf. MEILHAC, HALÉVY, loc. cit.); avec des verbes exprimant un mouvement : s'approcher de, être près de; s'éloigner de; être loin de (cf. LATOUCHE, L'HÉRITIER, loc. cit.); ainsi qu'avec d'autres verbes : parler de; dire de; obtenir de; recevoir de, tirer de, s'occuper de, faire de. Au XIIIe, Jean Sans Terre enlèvera, pour en faire sa femme, Isabelle de Lusignan (MICHELET, Chemins Europe, 1874, p. 187). 2. Note sur qq. valeurs styl. de en. a) Valeur d'insistance. Dans une constr. segmentée, en peut reprendre un antécédent postposé pour le détacher. L'antécédent est antéposé : Je passe deux séances sur le bruit des tampons. Finalement, j'en ai d'assez bons (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 20); l'antécédent est postposé : Vous en avez bien eu, là-bas, des négresses (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 240). C'est comme le boulanger, il en a, du pain (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 83). b) Valeurs pléonastiques, fam. En peut être employé avec le poss. Peut-être hésitez-vous à en demander son prix (Combat ds J. PINCHON, Les Pronoms adverbiaux en et y, Genève, Droz, 1972, p. 310). En peut être employé en liaison avec dont. Tu ne te serviras point de tous les mots, dont il en est de rares et de baroques qui tirent à eux toute l'attention (P. VALÉRY, Remerc. à l'Ac. fr., éd. Pléiade, t. 1, p. 741 ds GREV. 1969, § 560).
B.— [L'antécédent est une prop. reprise après nominalisation implicite]
1. [La prop. à reprendre est une prop. autonome] :
• 10. Aussi c'est dans ce temps où tout marche au cercueil,
Que la religion prend un habit de deuil;
Elle en est plus auguste, et sa grandeur divine
Croît encore à l'aspect de ce monde en ruine.
FONTANES, Œuvres, Le Jour des Morts dans une Campagne, 1821, p. 35.
2. [En figure dans une prop. intercalée dans la prop. qu'il est censé reprendre] Un soir, t'en souvient-il? nous voguions en silence (LAMART., Méd., 1820, p. 135).
C.— [Place du pron. en]
1. [En se place avant le verbe (avant l'auxil. à un temps composé)] On en voyait arriver au loin par les sables de la plage (ARAGON, Rom. inach., 1956, p. 42).
2. [Après un impér. positif, en suit le verbe] Pour trouver l'essence d'une philosophie du monde, cherchez-en l'adjectif (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 136).
Rem. Parce que en se réduit à un seul son vocalique et qu'il appartient, comme les pron. pers., au groupe verbal, il influe sur la désinence et sur la liaison du verbe à l'impér. — Charges-en Raoul, si ça te chante, lui dis-je (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 403).
3. [En relation avec un pron. régime de la 1re ou de la 2e pers., en se place après ce pron. pers. qui s'élide] Donne m'en, va-t'en. Va-t-en. C'est un ordre (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 305).
Rem. La forme tonique du pron. pers. est parfois conservée avec un z intercalé (fam.). Donne-moi-z-en!
II.— [Dans des loc. figées ou fam., en a un antécédent implicite]
A.— [L'antécédent est un subst. tiré de situations (très) fam. ou marquées par la pudeur]
1. [Employé seul]
a) En avoir
— (de l'argent). Être riche
— (de la virilité). Être brave. — T'y fie pas, i' n'est pas épais, mais il est mâle : il en a (BRUANT, Dict. fr.-arg., 1901, p. 74; avoir II, F, 3)
— En avoir dans l'aile (un coup). Être ivre.
b) En baver (des ronds de chapeau).
— Être très étonné (cf. baver I B 1).
— S'épuiser sur un travail pénible. Il faut qu'ils en bavent; ils n'en baveront jamais assez (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 205).
c) En découdre. Se battre :
• 11. ... quelle que fût la hâte d'en découdre qui animait Leclerc et ses troupes, leur débouché n'eut lieu que le 12 décembre, en raison d'un arrêt dans l'avance de la VIIIe armée à hauteur d'El-Agheila.
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, p. 62.
d) En être
— En être (de la classe libérée dans l'année). En être, [de la Classe], voir venir la fin de la guerre : Ha! on n'en est pas!, se dit à toute distribution de nouveautés d'habillement et d'équipement (...) : Un qui voudrait bien en être (ESN. Poilu 1919, p. 319).
— En être (des pédérastes). Car tôt ou tard il faut en être [à Biribi] (BRUANT, Dict. fr.-arg., 1901, p. 354).
— En être (d'un complot, d'une chose que l'on tient à tenir secrète). Marcel, bas à Marthe. Il en était (DELAVIGNE, Louis XI, 1832, III, 2, p. 93).
e) S'en donner (du plaisir). Nous nous en donnions à cœur joie (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 41).
f) En pincer (de la guitare). Être amoureux :
• 12. DANSE-LA-NUIT.— (...)
— La vérité toute pure est que notre charmante Strombô...
VOLPILLA. — ... en pince...
VOIX en haut en bas et de tous les côtés passant de l'aigu au grave. — Pince pince pince pince pince.
LE POËTE, éperdu. — ...
LE PRÉPO. — ... et presque sanglotant!
LE POËTE. — ... pour moi?
CLAUDEL, La Lune à la recherche d'elle-même, 1949, p. 1286.
2. En + verbe + un(e)
a) En casser une (graine, croûte). Manger.
b) En griller une (cigarette). Fumer.
c) En faire une (partie). Jouer. — Allons, dit M. le préfet (...), en prenant une queue au ratelier, allons! Peloux, nous en faisons une? M. le préfet (...) était d'une jolie force au billard (FRANCE, Orme, 1797, p. 312).
d) En écluser un, s'en jeter un (verre). Boire.
e) N'en pas rater une (sottise, gaffe). Tu ne m'en épargnes pas une (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1436).
3. En + verbe + adj. au plur.
a) En avoir de bonnes (histoires). Vous en avez de bonnes, vous, proteste vivement Balimont, retrouvant soudain son énergie (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 241). J'étais sûre qu'elle m'en aurait raconté de belles (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 207).
b) En entendre de belles, de raides. Korzakow avait le buste couvert de tatouages, c'est dire que nous en entendîmes de raides (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 75).
c) En voir de dures (des épreuves). J'espère, pour votre commun profit, que vous lui en ferez voir de dures (ABELLIO, Pacifiques, 1946 p. 51).
d) En voir de toutes les couleurs. En voilà un qui en a fait de toutes les couleurs (LABICHE, Célimare, 1863, I, 1, p. 5). C'est bizarre que vous ayez le vertige! dis-je. Vous en avez tant vu, de toutes les couleurs : je vous aurais cru plus aguerri! (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 428).
4. En + verbe + subst. déterminé.
a) En connaître un rayon.
b) En boucher un coin, une surface. ,,Interloquer`` (CARABELLI, [Lang. fam.]).
B.— [L'antécédent représente une prop. antécédente, ou une idée parfois vague tirée du cont.].
1. En = de cela.
a) [Dans des loc. fam. ou arg.] Mais toi les nuances tu t'en balances et puis dans le fond ce que je t'en dis... (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 160). Voilà quinze jours que je marche, j'en ai plein le cul, je veux me reposer (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 202).
b) En avoir le cœur net. Mon fils est un monstre et me prévenant contre une infirme appelée à jouer un grand rôle dans mon existence. Je veux en avoir le cœur net (CAMUS, Possédés, 1959, 1re part., 4e tabl., p. 976).
c) S'en tirer, s'en sortir. Mais non, soi, on ne meurt pas. Les vieux s'en tirent toujours; ce sont les fils qui paient pour eux (MONTHERL., Demain, 1949, III, p. 743). Ils furent l'un devant l'autre également embarrassés et s'en tirèrent tous deux par la pieuse comédie des larmes (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1950, p. 204).
d) En revenir, ne pas en revenir (au fig.) (Ne pas) s'étonner. Faut monter la garde, c'est tout. Oh! vous en reviendrez. Ce n'est pas spectaculaire (SARTRE, Mains sales, 1948, 3e tabl., 2, p. 80).
2. En = sur cela (qui a été dit ou va l'être).
a) En appeler à. J'en appelai à l'unité et à la fraternité « pour guérir la France blessée. » (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 274).
b) En croire qqn. Et si vous voulez m'en croire... (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 911).
c) [En relation avec un adv. de quantité] En savoir long, en apprendre davantage. Combien de journaux de captivité pourraient en dire autant? (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 115). Elle fit un mouvement pour se lever, comme si elle avait craint d'en entendre davantage (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 81).
• 13. ... les légendes locales en savaient long sur les conciliabules qu'avaient abrités ces coupoles mauresques et ces hautes voûtes noires aux suintements de cave...
GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, p. 198.
d) [En relation avec un adv. de lieu] En arriver là, en revenir là. Mais sur un signe de Rieux, on en resta là (CAMUS, Peste, 1947, p. 1242).
Rem. 1. Le pron. en s'observe sous une forme non liée avec des verbes de mouvement (princ. aller) dans des formes périphrastiques. a) S'en aller + inf. pour traduire une idée de but. Les bras de la brouette qui le porte (...) où je m'en vais buter (GIDE, Voy. Andorre, 1910, p. 312). Tu t'en iras voir les bûcherons et tu les trouveras abattant des arbres (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 764). Garric et Guéhenno s'en allèrent boire ensemble un verre dans un bistrot voisin (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 327). b) S'en aller + part. prés. pour traduire le déroulement de l'action. Un couplet qu'on s'en va chantant (Musset ds Gramm. Lar. 20e 1950, p. 333). 2. Dans plusieurs cas, en s'est soudé au verbe, devenant ainsi élément formateur (cf. en-2.). Cette tendance s'observe aujourd'hui dans la lang. où l'on peut noter la forme il s'est en allé. L'âme s'est en allée (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 126). Mon ami s'est en allé sur sa barque et la distance entre moi et lui ne cesse de s'élargir (CLAUDEL, Poés. div., 1952, p. 887). 3. On rencontre ds la docum. la loc. subst. néologique un(e) en-allé(e). a) Au fém. Action de s'en aller (cf. allée ex. 3). — En partic. [Dans le domaine psychol. ou relig., p. réf. à la croyance selon laquelle l'âme se sépare du corps pendant le sommeil et à la mort] ) [En parlant du sommeil] Cette en-allée de soi-même que donne le lit (GONCOURT, Journal, 1872, p. 998). ) [En parlant de la mort] Une en-allée de l'existence (ID., ibid., p. 668). b) Au masc. [En parlant des disparus] Armes, vibrez! mains admirables, prenez-les, Mains scélérates à défaut des admirables! Prenez-les donc et faites signe aux En-allés Dans les fables plus incertaines que les sables (VERLAINE, Poèmes divers, 1896, p. 264).
Prononc. et Orth. :[]. Comme en1 se lie sans perdre sa nasalité quand il est préposé à un mot commençant par une voyelle. Ex. J'en ai []. Dans le midi []. Il n'y a pas liaison lorsque en suit un impér. et précède un mot commençant par une voyelle. Ex. Donne m'en un []. Donne m'en aussi []. Il n'y a pas de liaison quand en est postposé. Ex. Cet enfant en abuse []. Cependant lorsque en est postposé à un mot finissant par s, z il semble que dans le lang. soutenu on puisse entendre aujourd'hui la liaison [z]. Ex. Donnez-en []. Ce qui est encore rejeté par LITTRÉ. Cette liaison est évitée dans le cas d'allitération abusive du type : Les ans en sont la cause (LA FONTAINE). Ds Ac. 1694-1932. Homon. an. Étymol. et Hist. A. 1. 842 pron. équivalent à de cela (exprimant un rapport de cause, de manière, de provenance, d'agent, d'objet) (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie, p. 2 : si io returnar non l'int pois); 2. ca 1100 partitif (Roland, éd. J. Bédier, 69 : Des plus feluns dis en ad apelez). B. Fin du Xe s. adv. de lieu (Passion de Clermont-Ferrand, éd. d'Arco Silvio Avalle, 325). Du lat. class. inde « de ce lieu; de tel fait; de qqc., de qqn ». Ces derniers sens sont attestés dès Plaute, mais deviennent fréquents surtout en b. lat. et lat. médiév. (v. J. PINCHON, Les pron. adv. en et y, pp. 11-14).
STAT. — En1 et 2. Fréq. abs. littér. :798 415. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 176 198, b) 1 135 542; XXe s. : a) 1 081 159, b) 1 133 281.
BBG. — KAMINSKA (A). La Valeur des pron. pers. en et y ds Aucassin et Nicolette. R. Ling. rom. 1965, t. 29, pp. 98-104. — OHLANDER (U.). Det franska pronominaladverbet en i partitiv användning. Moderna Språk. 1946, t. 40, pp. 266-280. — PINCHON (J.). Hist. d'une norme. Emploi des pron. lui, eux, elle(s), en, y. Lang. fr. 1972, n° 16, pp. 74-87. — RUWET (N.). Note sur la synt. du pron. en et d'autres sujets apparentés. Lang. fr. 1970, n° 6, pp. 70-83.
1. en [ɑ̃] prép.
ÉTYM. Xe; in, 842; lat. in « dans, sur ».
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I (Devant un nom sans déterminant, ou avec un déterminant autre que l'article défini). Préposition marquant en général la position à l'intérieur de limites spatiales, temporelles ou notionnelles.
1 Dans la langue littéraire contemporaine, en est de mode. On a été jusqu'à l'employer avec le et les : en les poèmes. Cet affreux barbarisme, contraire à la fois à l'usage et à la tradition, se rencontre fréquemment.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 425.
1.1 J'ai traversé de grandes landes, de vastes plaines, d'interminables étendues; même en les collines très basses, la terre à peine soulevée y semblait encore endormie.
Gide, Paludes (Journal de Tityre), in Rom., Pl., p. 108.
1 (Lieu). ⇒ Dans, sur. || Genou en terre. || Christ en croix. || Portrait en pied. || Casque en tête.
2 Le magistrat l'avait reçu debout (…) toque en tête.
Flaubert, Mme Bovary, p. 95.
♦ Dans. || Être en mer. || Partir en province. || Aller en classe. || Dîner en ville. || Au ciel ou en enfer. || Être porté en terre. || Mettre qqn en prison, qqch. en lieu sûr. || Ne pouvoir rester en place. || Être comme un oiseau en cage. || Monter en avion, en voiture, en (ou à) bicyclette, et, par ext. (moyen), voyager en avion, en train. ⇒ Par. || Avoir de l'argent en poche, en banque (→ Banque, cit. 2).
3 Le pauvre en sa cabane où le chaume le couvre.
Malherbe, Poésies, 11.
4 En ce monde, il se faut l'un l'autre secourir.
La Fontaine, Fables, VI, 16.
5 J'aime : je viens chercher Hermione en ces lieux,
La fléchir, l'enlever, ou mourir à ses yeux.
Racine, Andromaque, I, 1.
6 Berthe ouvrit le petit portail de bois, qui se décrocha et qu'elle remit en place.
J. Chardonne, l'Épithalame, II, 4.
♦ Spécialt. En (introduisant un nom propre de lieu). Devant les noms de pays, de région on emploie à avec le masculin, en avec le féminin ou un masculin commençant par une voyelle. En Allemagne et en Russie, en Iran et au Pakistan (mais on dit facultativement au, en Portugal). —Devant les noms de provinces on emploie en, en concurrence avec dans au masculin. En Alsace, en Lorraine, en ou dans le Périgord. Devant les noms de département dans s'emploie pour les noms simples masculins ou féminins, et en concurrence avec en pour les noms féminins composés. Dans l'Ain, dans le Cher, dans la Marne; dans la ou en Seine-Maritime. ⇒ Dans (cit. 4). — Devant les noms de villes commençant par une voyelle, on employait encore en pour à au XVIIe s. De nos jours en Avignon, en Arles, en Alger… sont des provençalismes ou des tournures affectées. Cependant certains écrivains les utilisent par souci de couleur locale, ou d'euphonie (→ À).
7 Et le roi et la reine entrèrent en Calais.
Froissart, Œuvres, t. V, p. 216.
8 (…) on t'emmène esclave en Alger.
Molière, les Fourberies de Scapin, II, 7.
9 Irène se transporte à grands frais en Épidaure (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 35.
10 (…) les poètes provençaux publient en Avignon un joyeux petit livre (…)
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Le curé de Cucugnan ».
11 Rose (…) s'était, depuis quelque temps, installée en Amiens.
G. Duhamel, Pesée des âmes, VII, p. 173.
12 Il eut cette chance, en Alger, de voir naître le printemps.
H. Bosco, Sites et mirages, p. 125.
13 Avec les noms de ville, en a cessé de se dire depuis le XVIIe s. En Avignon est un provençalisme dont s'amuse A. Daudet.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 425.
♦ (Lieu abstrait, moral). || Être en bonnes mains. || Avoir qqch. en tête. || Croire en Dieu. || En toutes choses, en tout cas, en l'occurrence… || La personne en qui j'ai confiance (on dit aussi : dans laquelle j'ai confiance). — Spécialt (devant un pronom personnel). || Il y a en lui le désir de réussir. || La chose en soi.
14 En toute chose il faut considérer la fin.
La Fontaine, Fables, III, 5.
15 Un cœur noble ne peut soupçonner en autrui
La bassesse et la malice
Qu'il ne sent point en lui.
Racine, Esther, III, 9.
16 L'Église, en cela dissemblable des autres mères qui mettent hors d'elles-mêmes les enfants qu'elles produisent (…)
Bossuet, Oraison funèbre du R. P. Bourgoing.
17 (…) je sens pourtant, mais confusément, quelque chose s'agiter en moi.
Flaubert, Correspondance, 28, 24 févr. 1839, t. I, p. 42.
18 Je comprends l'origine de la fraternité des hommes. Les hommes étaient frères en Dieu. On ne peut être frère qu'en quelque chose (…) Mes camarades et moi sommes frères « en » le Groupe 2/33. Les Français « en » la France.
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, XXVI, p. 225.
18.1 Tout le monde se réconcilie en de Gaulle.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 104.
♦ Vx. ou littér. (latinisme). Pour. || « Le peuple se soulève; on s'arme en ma défense… » (Voltaire, Mahomet, V, 2).
2 (Temps). Dans, pendant (un temps). || On laboure en automne. || C'était en décembre. || En quelle année ? || En ce beau jour. ⇒ aussi À. (Espace de temps). || J'ai fait ma lettre en dix minutes. || En moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
19 (…) et les chiens et les gens
Firent plus de dégât en une heure de temps
Que n'en auraient fait en cent ans
Tous les lièvres de la province.
La Fontaine, Fables, IV, 4.
20 Nous voulons qu'avec art l'action se ménage;
Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli.
Boileau, l'Art poétique, III.
21 Et en moins de deux, il nous a flanqué la fessée.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 275.
3 (Notion : état, forme, manière). Dans des syntagmes formés de en + nom sans déterminant. || La France était en guerre. || Il est en voyage. || Ne vous mettez pas en colère. || Je suis en faute. || On l'envoya en hâte. || Être en avance, en retard. || Une descente en vrille. — Un homme en veston. || Les arbres sont en fleurs. || Du sucre en poudre ou en morceaux. || De l'or en barres. || Carte postale en couleur. || Cassé en mille miettes. || Une tragédie en cinq actes.
22 Elle pleure en secret le mépris de ses charmes.
Racine, Andromaque, I, 1.
23 En habit d'amazone, au fond de mes déserts
Je te vois arriver (…)
24 (…) ils (les cheveux) allaient se confondre par derrière en un chignon abondant (…)
Flaubert, Mme Bovary, II, p. 15 (→ Cheveu, cit. 24).
25 Il faut qu'on le foute en colère.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIV, p. 216 (→ Colère, cit. 13).
♦ Fam. (avec ellipse du nom dans un syntagme nominal). || Carte postale en couleurs; agent en bourgeois, habillé en bourgeois. || Je t'en enverrai des en noir et des en couleurs. || Un en bourgeois, un en-bourgeois.
25.1 Il y en avait des en costumes de bain et des habillés.
R. Queneau, le Chiendent, p. 236.
♦ (Introduisant un nom qui fait fonction d'attribut du sujet ou du complément). ⇒ Comme. || Agir en homme. || Parler en maître. || Juger en connaisseur. || Obéissez en enfant bien élevé. || Le livre que j'ai reçu en cadeau. || En tant que…
26 Qu'il triomphe en vainqueur, et périsse en coupable (…)
Corneille, Horace, V, 2.
27 Je souffre en damné.
Molière, l'École des femmes, II, 5.
28 Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur
On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur.
Molière, le Misanthrope, I, 1.
29 Si vous avez voulu me parler en ami (…)
Voltaire, Catilina, I, 5.
♦ ☑ Locution :
30 Ils se regardent en chiens de faïence.
J. Prévert, Paroles, p. 128.
4 (Matière). Fait de… ⇒ De. || Sculpture en bois (ou de bois). || Maison en briques. || Table en acajou. || Veste en laine. || Reliure en cuir. || Chaussures en daim noir. || Sac en papier.
REM. 1. L'emploi de en pour de date du XVIe s. et a été critiqué depuis lors jusqu'à nos jours par les puristes. Cependant cet usage est bien établi.
2. En ne s'emploie jamais au figuré : un cœur de pierre.
31 Un magnifique buste en marbre (…)
Stendhal, le Rouge et le Noir.
32 Les manches des couteaux, tous en corne travaillée, représentaient des figures bizarres.
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 432.
33 (…) un peigne en écaille blonde d'une transparence rare.
Loti, Mme Chrysanthème, XLIV, p. 222.
34 (…) l'usage de cette signification est très fréquent et (…) on entend dire tous les jours une statue en marbre, une table en chêne (…)
Littré, Dict. En (rem. 1).
35 De est en concurrence avec en : une armoire en chêne. Avec les verbes, en est courant : On fera le cadre en chêne, et les panneaux en sapin; — construire en maçonnerie, en pisé. Les puristes ont prétendu que en ne devait pas rattacher le complément de matière à un nom. Mais Littré n'a pas adopté leur avis…
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 662.
36 Si le nom est qualifié ou déjà déterminé, on trouve plutôt en que de. Des bas de soie neufs, mais des bas neufs en soie; une table d'acajou, mais une table massive en acajou.
Durrieu, Parlons correctement, En, p. 152.
♦ Par anal. (Domaine, point de vue, dans le domaine de). || Il est fort en mathématiques. || Docteur en droit. || Le premier en date. || C'est bien beau en théorie.
37 (…) je suis le premier en date.
Molière, l'Avare, IV, 3 (→ Date, cit. 9).
5 (En corrélation avec de, pour marquer la progression). || Compter de dix en dix. || Courir de ville en ville. || Butiner de fleur en fleur. || S'assombrir d'année en année. || D'heure en heure. || De Charybde en Scylla : d'écueil en écueil. || Être de plus en plus pauvre. || Aller de mieux en mieux, de mal en pis. || De fil en aiguille. — (Périodicité). || Prendre un remède de trois jours en trois jours. ⇒ Tout (tous les trois jours).
38 De deux en deux heures, il faisait prendre à Olivier un bol de lait (…)
Gide, les Faux-monnayeurs, III, X, p. 397.
39 Je les vis (les singes) d'arbre en arbre sauter, comme un ramoneur surgir de chaque cocotier, se poursuivre chacun comme le dénonciateur, disparaître.
Giraudoux, Suzanne et le Pacifique, VI, p. 102.
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II Devant un indéfini, un adjectif neutre, un adverbe, pour former des locutions adverbiales. || Cela fait en tout dix mille francs. || Cela ne me concerne en rien. || En général, en particulier. || C'est vrai en gros. || Faire les choses en grand. || En vain. || En avant ou en arrière. || En plein dedans.
———
III Devant le verbe ou p. prés. (gérondif). || L'appétit vient en mangeant. || Ronfler en dormant. || Sourire en se rappelant qqch. || En entrant, il trouva sa maison en désordre. || La situation va en s'améliorant, ou va s'améliorant. || En attendant.
40 La tragédie, informe et grossière en naissant,
N'était qu'un simple chœur (…)
Boileau, l'Art poétique, III.
41 Les blanches clartés des bougies (…) passaient à travers ses boucles soyeuses en les brillantant et y faisant resplendir quelques fils d'or.
Balzac, Béatrix, Pl., t. II, p. 424.
42 On a dit beaucoup de mal de Rousseau et de ses Confessions tout en les goûtant.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 29 oct. 1849, p. 74.
43 Ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle que le gérondif a pris régulièrement en. En ancien français il était invariable, et se distinguait par là du participe, variable en nombre. Au XVIIe siècle quand le participe fut déclaré invariable, on ne se décida pas tout de suite à présenter en comme nécessaire. Vaugelas le recommandait seulement.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 668.
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COMP. En-avant, en-but, en-cas.
HOM. An, 2. en.
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2. en [ɑ̃] pron., adv.
ÉTYM. XIe; ent, Xe; lat. inde.
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♦ Pronom adverbial représentatif d'une chose, d'un énoncé, et quelquefois (sauf en fonction de compl. du nom) d'une personne. De ce, de ces, de cette, de cela, de lui, d'elle. ⇒ De.
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I (Compl. de verbe).
1 (Indique le lieu d'où l'on vient, la provenance, l'origine). || Vous allez à Paris ? J'en viens. || Il entrait dans le magasin comme j'en sortais.
1 De ce lieu-ci je sortirai.
Après quoi je t'en tirerai.
La Fontaine, Fables, III, 5.
2 Dans le sein paternel je me vis rappelée,
Un malheur inouï m'en avait exilée (…)
Voltaire, Tancrède, I, 4.
3 Pour représenter de et son complément, on se sert de en et de dont : j'en arrive; la maison dont je sors, d'où je sors (…)
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 432.
♦ Il en tirera un joli bénéfice. || On en ferait un roman. || Qu'est-ce qu'on en fera de cet enfant ?
♦ (Indique l'instrument). || Prenez cette couverture et couvrez-vous en.
4 (Elle) Se saisit du poignard, et de sa propre main
À nos yeux comme lui s'en traverse le sein (…)
Corneille, Œdipe, V, 8.
2 (Indique un objet). || « Posséder un objet, c'est pouvoir en user » (Sartre). || Ces meubles sont encombrants, il faut vous en défaire. || La leçon était cruelle, il s'en souviendra. || Dites-le, il faut en parler. || Je m'en contenterai. || Passez, je vous en prie. || N'en doutez pas, il acceptera. — S'il y a encore du rôti, j'en reprendrai ! || « J'ai déchiré bien plus de feuillets que je n'en ai gardés » (Barrès), ou gardé.
5 Monsieur, je suis mal propre à décider la chose;
Veuillez m'en dispenser.
Molière, le Misanthrope, I, 2.
6 La douleur qui se tait n'en est que plus funeste.
Racine, Andromaque, III, 3.
7 Si tu vois quelque chose qui te donne à penser, tu m'en avertiras tout doucement.
G. Sand, la Mare au diable, VI, p. 51 (→ Doucement, cit. 7).
3 Fig. (Cause, agent). || La maladie est grave, il risque d'en mourir. || J'ai trop de soucis, je n'en dors plus. || Je viens de l'apprendre, j'en ai été étonné.
8 Au complément introduit par de peut être substitué un représentant; en prend ainsi le sens d'à cause de cela : je n'en dors plus (…)
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 808.
9 Ainsi celui-ci qui anéantit son ennemi. Et il vivait de lui. Donc il en meurt.
Saint-Exupéry, Citadelle, p. 773, in T. L. F.
♦ Vieilli. || Voici un nouvel élève, occupez-vous-en; nous n'avons pas à nous en plaindre. || Il vit sans sa femme, il en est séparé depuis un an. || Il en a gardé un mauvais souvenir.
10 Peignez donc, j'y consens, les héros amoureux;
Mais ne m'en formez pas des bergers doucereux (…)
Boileau, l'Art poétique, III.
11 Heureux roi qui aime son peuple, qui en est aimé (…)
Fénelon, Télémaque, II.
12 (…) si mon prince le désirait, moi, barbier du roi et médecin, qui en approche tous les jours, je pourrais (…)
Gide, Saül, III, 2.
4 (Dans diverses locutions verbales; voir le verbe). || On s'en va. || Je m'en tiens là. || On n'en finit pas. || Je m'en remets à vous.
———
II (Compl. de nom, ou servant d'appui à des quantitatifs et des indéfinis). || Ce tissu est beau, j'en aime la couleur. || Donnez ces notes que j'en paie le montant. || Si vous connaissez cette chanson, chantez m'en le refrain. || Prenez soin de la maison, n'en abîmez pas les peintures. || C'est un bon hôtel : en voici l'adresse. || Le prix en est-il intéressant ?
13 Autre est de savoir en gros l'existence d'une chose, autre d'en connaître les particularités.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, III, I, I, éd. Levaillant, p. 16.
14 (…) ce mouvement (la danse) provient d'un instinct, un des plus puissants de notre physiologie. Pour en saisir l'origine, il faudrait remonter au delà de toute histoire (…)
Francis de Miomandre, la Danse, Introduction (→ Danse, cit. 7).
REM. Depuis le XVIIe s., il a été convenu que son, sa, ses, leur, leurs s'emploient pour les personnes, en pour les choses. Ex. : Pierre apparut : je vis sa pâleur, mais le visage de Pierre apparut : j'en vis la pâleur. Certaines règles précisent cet usage :1. En ne s'emploie que lorsque l'objet possédé est dans une autre proposition que l'objet possesseur. L'église est à droite, on en aperçoit le clocher au-dessus des toits, mais l'église dresse son clocher au-dessus des toits. — 2. On doit employer le possessif :a) Si le nom de l'objet possédé est précédé d'une préposition. Cette maison est éloignée mais j'apprécie la beauté de son site (et non j'en apprécie la beauté du site);b) Si l'objet possédé n'est pas sujet d'un verbe d'état : la maison est bien située : ses fenêtres donnent toutes sur la mer (et non les fenêtres en donnent sur la mer).— 3. On peut employer le possessif quand le possesseur est un objet personnifié, animé ou si l'on veut qu'il soit considéré comme tel : Plantez un saule au cimetière, j'aime son feuillage éploré; la pâleur m'en est douce et chère (Musset).— 4. Mais en est obligatoire lorsque la chose possédée est sujet du verbe être : lisez cette lettre; le ton en est insolent.
♦ Il y a du pain, prenez-en. || Mettez m'en pour cent francs. || En voulez-vous encore ? || Il en reste assez pour moi. || Y a-t-il des trams ? || Il y en a pour toutes les directions. || Il y en a beaucoup, plusieurs, un grand nombre, quelques-uns… || Combien avez-vous d'enfants ? || J'en ai deux. || Vient-il du monde ? || Il en vient pas mal. || En est-il parmi vous qui accepteraient ? || Avez-vous des ennuis ? || J'en ai de très graves. || Quel travail ! || En voilà pour une semaine ! || Je fais du tennis, en faites-vous ? || Ce sont des champignons comestibles ? || C'en est (pour c'en sont, par euphonie). — En avez-vous déjà cueilli ? (REM. Le p. p. est invariable avec en). — Armez-vous de patience, car il en faut.
15 (…) entre tous ceux (les divertissements) que le monde a inventés, il n'y en a point qui soit plus à craindre que la comédie.
Pascal, Pensées, XXIV, 65 (→ Dangereux, cit. 2).
16 (…) vous avez commis plus de meurtres qu'il n'en faudrait pour damner tous les saints du Paradis.
A. Jarry, Ubu Roi, III, 5.
17 Je n'ai jamais pensé à accepter votre argent : vous n'en aurez pas trop pour monter votre ménage.
Sartre, l'Âge de raison, p. 270.
♦ En être. ⇒ 1. Être (cit. 77 à 79).
17.1 Mais si, vous servez dans ce bureau, et plus qu'au front. Ce qu'il faut, c'est être utile, faire vraiment partie de la guerre, en être. Il y a ceux qui en sont, et les embusqués. Eh bien vous, vous en êtes (…)
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 768.
18 Quand il (le baron de Charlus) avait découvert qu'il « en était », il avait cru par là apprendre que son goût, comme dit Saint-Simon, n'était pas celui des femmes.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XII, p. 17.
REM. 1. En se met toujours avant le verbe, sauf à la forme affirmative de l'impératif. J'en prends, prends-en, n'en prends pas. Quand le verbe est du 1er groupe, on ajoute par euphonie un s à la 2e personne du singulier. Parle, parles-en.
2. En construit avec un pronom se met après lui : Il nous en a donné, donnez-nous-en, ne nous en donnez pas. Moi, toi se changent en m', t' devant en à l'impératif. Donnez-moi cela, donnez-m'en.
3. En peut se trouver exceptionnellement dans la même proposition que le nom qu'il remplace pour insister sur l'idée, rendre la tournure plus alerte. Ce pléonasme se rencontrait déjà au XVIIe s.; il est très employé de nos jours dans la langue familière. On s'en souviendra de cette aventure ! De l'argent, on n'en a jamais trop. J'en ai connu de ces gens-là ! Il en fait des manières ! En voilà des histoires ! Tu en as, toi, un frère ?
19 (…) il en faut de la volonté et de la tension pour ne jamais être distrait.
Camus, la Peste, p. 274.
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III (Compl. d'adjectif). || Il ne sait plus où mettre ses livres, sa maison en est pleine. || Montrez-vous en digne. || Il l'aime, il en est fou. || Nous en sommes heureux. || Venez me voir, j'en serai ravi. || Lui, faire cela ? || Il en est bien incapable. || Elle a réussi et n'en est pas peu fière (→ aussi Douleur, cit. 14).
20 (…) devenant aussi avare de regards agaçants que j'en avais jusqu'alors été prodigue.
A. R. Lesage, Gil Blas, VII, 7.
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COMP. Qu'en-dira t'on, je m'en foutisme.
HOM. An, 1. en.
Encyclopédie Universelle. 2012.