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ahah

⇒AH, AHA, AHAH, interj. et subst. masc.
I.— Interjection
A.— Interjection qui, dans la langue parlée et dans le discours écrit qui la reflète, sert à marquer, avec l'aide d'intonations appropriées (que l'écriture note uniformément par un point d'exclamation), divers mouvements affectifs très vifs.
1. La douleur, l'indignation, l'impatience :
1. Ah! c'est atroce, Mon Dieu!
G. FLAUBERT, Madame Bovary, t. 2, 1857, p. 171.
2. « ... Ah!... pauvre enfant!... » La malheureuse femme accompagnait de ce cri toujours plus poignant chaque détail du récit que lui faisait le secrétaire de la mairie.
L.-É. DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, p. 343.
3. Parti comme cela, sans m'attendre! ah! quel mufle!
H. DE MONTHERLANT, Un Incompris, 1944, 2, p. 412.
2. Le bonheur, le plaisir, la joie :
4. Ah! quel bonheur!
E. DE GUÉRIN, Lettres, 1838, p. 204.
5. « Ah! que l'amour est agréable! »
H. MURGER, Scènes de la vie de bohème, 1851, p. 242.
6. ... « Ah, que c'était beau! »
A. GIDE, Journal, 1913, p. 390.
3. La surprise, l'admiration, l'enthousiasme :
7. — Vous ne savez pas danser!... fit le bonhomme. Ah! ciel! c'est prodigieux... mais moi, j'ai su danser avant de savoir lire.
H. MURGER, Scènes de la vie de jeunesse, 1851, p. 143.
8. Dans la cour, un groupe d'amis. Dans la salle, la mère, Marguerite Audoux (ah! que la qualité de sa douleur me paraît belle!)...
A. GIDE, Journal, La Mort de Charles-Louis Philippe, 1909, p. 282.
9. Je m'assis en face d'un couple. Entre l'homme et la femme, l'enfant, tant bien que mal, avait fait son creux, et il dormait. Mais il se retourna dans le sommeil, et son visage m'apparut sous la veilleuse. Ah! quel adorable visage! il était né de ce couple-là une sorte de fruit doré.
A. DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, p. 260.
B.— Interjection qui ne sert souvent qu'à donner un tour plus énergique à la phrase ou à introduire une idée nouvelle :
10. Ah! tu veux plaisanter encore, dit-elle; ...
M. DU CAMP, Mémoires d'un suicidé, 1853, p. 190.
11. ... Ah! je comprends tout maintenant : tu es la fausse Corilla!... à ton âge, mon enfant, tu entames un vilain métier!
G. DE NERVAL, Les Filles du feu, Corilla, 1854, p. 677.
C.— Interjection qui, redoublée, exprime la surprise, l'ironie, la satisfaction (cf. aha) :
12. Ah! ah! bel ermite! tu ne le sauras pas! tu ne le sauras pas!
G. FLAUBERT, La Tentation de saint Antoine, 1874, p. 33.
13. Ruprecht, un grand gaillard au teint rose et superbe, qui tenait en laisse un énorme dogue d'Ulm, tapait sur l'épaule de Roche : — Ah! ah, policeman français!
M. VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 190.
Rem. Dans la forme redoublée, on rencontre fréquemment les graphies aha et ahah :
14. Ah! ben, on voit que Monsieur ne connaît pas Monsieur! mais je lui confierais ma femme, Monsieur!
MONGICOURT. — Aha! vous êtes marié!
ÉTIENNE. — Moi? Ah! non, alors! ... mais c'est une façon de parler! ... pour dire que s'il n'y a pas plus noceur que Monsieur ...!
G. FEYDEAU, La Dame de chez Maxim's, 1914, I, 1, p. 4.
15. Le Général, au mot de « Madame », poussant à l'intention de Petypon une petite exclamation de triomphe. — Aha!
G. FEYDEAU, La Dame de chez Maxim's, I, 12 1914, p. 18.
16. Le médecin d'accourir : aha! s'écria-t-il en se frottant les mains avec un air de jubilation, nous ne nous y laisserons plus prendre!
J.-R. BLOCH, Destin du Siècle, 1931, p. 181.
D.— Loc. exclam., fam. ou pop.
Ah bah (exprime l'insouciance) :
17. — Tais-toi donc, eh! farceur, y a du bon.
Du coup, Croquebol se tut. Calmé net, il dégringola de son « plumard ».
Ah bah! demanda-t-il, y a du bon? Et en quoi f'sant qu'y a du bon?
G. COURTELINE, Le Train de 8 h 47, 1888, première part., 6, p. 66.
Ah bien (exprime l'étonnement, la protestation, etc.) :
18. Ah bien, non, ah bien, non, là je trouve que tu exagères.
R. QUENEAU, Pierrot mon ami, 1942, p. 34.
Ah bon (exprime l'accord, etc.) :
19. « Hahaha! » « quoi? Voilà l'atout, il vient de le jouer. » « Je ne sais pas, je n'ai pas vu... » « Si, maintenant je viens de jouer atout. » « Ah bon, alors atout cœur. »
J.-P. SARTRE, La Nausée, 1938, p. 36.
Ah çà (exprime le mécontentement, l'agacement, l'impatience) :
20. MICHEL. — Maman voulait appeler la police, me faire arrêter.
MADELEINE, stupéfaite. — La police? pourquoi?
MICHEL. — Ah çà! c'est le style de maman, le style de la chambre de maman ...
MADELEINE. — C'est ...
MICHEL et MADELEINE, ensemble. — In-cro-yable!
J. COCTEAU, Les Parents terribles, 1938, II, 1, pp. 230-231.
Ah là là (exprime l'agacement) :
21. On le repousse avec horreur, avec haine, avec ironie. ou, ce qui est pire, avec ennui, en bâillant, d'un geste excédé et mou. Ce n'est même pas la peine de discuter. Ah, là là! quand est-ce qu'il aura fini! en v'là assez! nous en avons assez de toutes ces histoires! la barbe! qu'il nous laisse tranquille!
P. CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix, 1938, p. 272.
Ah mais (exprime la protestation, l'opposition, le refus) :
22. Elle finit par avouer son inquiétude.
Ah! mais, je vais retourner voir l'abbé Maurois.
— Mais enfin, monsieur l'abbé, vous ne m'aviez pas dit ça, s'écria-t-elle dès l'entrée, en mordant sa joue.
P. DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, p. 36.
Ah misère (exprime le dépit, etc.) :
23. — L'oiseau s'est envolé, dit-il. Sacrée nouvelle!
— Envolé? mais ses habits sont sous clef, ses chaussures, tout. Il est en pyjama, pieds nus. Ah! misère!
G. BERNANOS, Monsieur Ouine, 1943, p. 1512.
Ah mon Dieu ou ah Dieu (exprime l'effroi, l'affliction, etc.) :
24. Il prend facilement en pitié le bonheur des autres. Il dit, ou semble dire : « Ah! Dieu! comment pouvez-vous faire du bonheur avec ça? À votre place, je... », et au lieu de plaindre, il conseille.
A. GIDE, Journal, 1906, p. 200.
25. Je les vois, (...) les familles rivales éparses et déchargées les unes dans les autres, s'agiter et se dire : ah! mon Dieu, voici Électre. Nous étions si tranquilles!
J. GIRAUDOUX, Électre, 1937, I, 2, pp. 34-35.
Ah nom de Dieu ou ah bon Dieu (pop., exprime la protestation, la colère, etc.) :
26. Il faut introduire les moyens de l'art dans la vie, mon b'bon, non pour en faire de l'art, ah! bon Dieu non! mais pour en faire davantage de la vie. Pas un mot!
A. MALRAUX, La Condition humaine, 1933, p. 399.
Ah non, ah oui (appuie une négation, une affirmation) :
27. ... nous dire que cet homme est soumis à des supplices atroces pour que nous puissions exister, que c'est là une condition fondamentale de l'existence en général, ah non! plutôt accepter que plus rien n'existe!
H. BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932, p. 76.
28. — Peinture?... ah oui!... mais... Le monsieur regardait Wazemmes. Évidemment, s'il s'agissait d'un atelier d'artistes-peintres, cette façon bohème de prendre les choses ne l'étonnait plus.
J. ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Le 6 octobre 1932, p. 238.
Ah voilà (exprime la compréhension, souvent p. iron.) :
29. — Je croyais que vous n'aimiez que les femmes faciles. — J'aime les femmes qui ont beaucoup de tenue, et qui en même temps sont faciles. — Ah, voilà!
H. DE MONTHERLANT, Pitié pour les femmes, 1936, p. 1120.
II.— Subst. masc. inv. Ce qui exprime des sentiments divers (douleur, joie, etc.) Pousser des ah! ou pousser des oh! et des ah! :
30. Puis il allait à l'orchestre la voir danser et, quand elle faisait un petit ah! de douleur, il se disait : « je sais ce que c'est. »
E. et J. DE GONCOURT, Journal, mars 1865, p. 139.
31. La voix d'Alexandre Dumas se fait entendre. Aussitôt, c'est un recueillement religieux; puis bientôt, de petits rires bienveillants, des applaudissements caressants, des ah! pâmés.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, févr. 1875, p. 1041.
32. Les copains sifflent et fument. Jusserand se plaint des guêpes. L'amoureux de la grandeur pousse des oh! oh! et des ah! ah! Il esquisse de ronflantes colères vocales. Quand on a une belle voix, il faut s'en servir.
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Désert de Bièvres, 1937, p. 190.
Rem. Ds BARB.-CAD. 1963, on trouve ahah subst. avec le sens de ,,ouverture exécutée dans un mur de clôture pour prolongement d'une perspective ou dégagement d'une vue``, pour lequel il n'a pas été possible de trouver une réf. étymol.
Prononc. — 1. Ah :[] pour la majorité des dict. Exception DUB., qui écrit : [a]. PASSY 1914 ajoute une demi-longueur : []. WARN. 1968 signale, en ce qui concerne le mot précédent : ,,absence de liaison et d'élision``. GRAMMONT Prononc. 1958 signale pour les interj. l'attaque dure, par un coup de glotte, de la voyelle initiale. 2. Aha : [] (PASSY 1914).
Étymol. ET HIST.
A.— Interj. 1. Exprimant différents sentiments; a) la douleur, mil. XIe s. (Alex., éd. Paris et Pannier, 79 ds T.-L. : A las pechables); b) l'admiration, 1177 (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier au Lyon, éd. Fœrster, 3128, ibid. : Ha, dame, or dites vos mout bien); c) la surprise, 1177-1179 (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier de la Charrette); d) l'indignation (redoublé), 1217 (G. DE COINCY, Seinte Léocade, 1516-18 ds Fabl. et Contes, éd. Barbazan-Méon, I, p. 320 : Begin, ce dient, se derive. Et vient à benignitate. Ha! Ha! larron quel barat, é!); 2. sert à donner plus de force à la phrase, 1667 (RACINE, Andr., I, 2 ds LITTRÉ : Ah! si du fils d'Hector la perte était jurée).
B.— Subst. 1666 (MOLIÈRE, Misanthr., III, 1, v. 795-96 : Et faire du fracas À tous les beaux endroits qui demandent des ahs).
Du lat. ah (ou a) attesté dep. Plaute, à l'emploi A 2 (Most., 577 ds TLL s.v., 1441, 51 : ah, gere morem mihi); également ds Plaute pour les divers emplois de A 1 voir TLL, 1441, 67, sqq. La forme lat. aha est attestée dep. Plaute, de même sens que ah (PLAUTE, Trinummus, 649 ds TLL s.v., 1443, 30 : credis posse obtegere errata? aha, non itast).
BBG. — BARB.-CAD. 1963. — BÉL. 1957. — BOISS.8. — Canada 1930. — DEM. 1802. — FÉR. 1768. — LAV. Diffic. 1846. — Synon. 1818. — THOMAS 1956. — TIMM. 1892.

Encyclopédie Universelle. 2012.