DIEU
LE TERME «Dieu» (au singulier et avec une majuscule) renvoie dans notre culture pénétrée de christianisme à l’affirmation monothéiste de l’Ancien et du Nouveau Testament (la Bible juive, plus les premiers écrits chrétiens que les Églises tiennent pour normatifs). Il désigne à la fois le Créateur, l’auteur de toutes choses, et un absolu de bonté, un principe de salut, qui opère dans l’histoire. Si l’on distingue ces deux fonctions (création, dispensation du salut), on parle du Dieu de la nature et du Dieu de la grâce. Mais il reste entendu, pour la foi chrétienne comme pour la foi judaïque, que c’est le même Dieu qui tire le monde du néant et qui se révèle dans le temps, par l’entremise de témoins privilégiés. Simultanément on professe qu’il est transcendant, mystérieux, et qu’il devient connaissable par ses œuvres (la création) ou par sa révélation historique: l’expérience religieuse d’Isräel, à laquelle les chrétiens ajoutent celle de Jésus, reconnu comme Christ-Messie, Verbe incarné, homme-Dieu, etc. L’ensemble des attributs divins se déduit soit d’une analyse de la notion de cause (de cause créatrice), soit d’une analyse de la révélation positive. La première analyse est souvent confiée, dans les écoles d’Occident, à la recherche philosophique, qui profite alors largement des leçons de la spéculation grecque; la seconde est plutôt confiée à une élaboration proprement théologique, bien qu’une exégèse scientifique puisse également s’y appliquer.
Ressaisie dans le contexte judéo-chrétien, l’idée de Dieu est déjà un produit de maturité; elle peut garder des traces d’archaïsme, mais la hauteur de vue à laquelle elle s’élève – surtout quand le monothéisme est pensé en intensité qualitative – donne suffisamment à entendre qu’un très long passé la précède. D’où l’intérêt qu’il y a à étudier même les formes les plus rudimentaires du sacré, même les représentations les plus diffuses, les moins concentrées, du divin (cf. ci-après l’article de Mircea Eliade, DIEUX ET DÉESSES). Il semble que les paganismes ont multiplié les hiérophanies parce qu’à leurs yeux tout peut être révélateur des puissances de vie qui animent l’homme ou la nature, tandis que le judaïsme (puis le christianisme) s’est efforcé de viser le mystère à travers une exigence morale: Dieu de justice, Dieu de sainteté, Dieu comme pur vouloir appréhendé par une volonté droite, par une volonté qui s’éprouve et s’épure dans l’action désintéressée. On trouverait dans l’œuvre philosophique d’Emmanuel Levinas comme dans l’œuvre de Karl Barth de quoi confirmer cette interprétation.
Sur un sujet sans limites, la difficulté est de se limiter. On aurait pu inviter un représentant de chaque culte monothéiste à rendre témoignage ou à rendre raison de sa foi. Également, on aurait pu inviter des historiens à survoler l’immense champ culturel où se sont affrontés, où s’affrontent encore théistes, déistes, athées, agnostiques. Mais pareille méthode eût cédé au vice de l’extension indéfinie; en outre, elle aurait provoqué des recoupements fâcheux avec les articles spécialisés qui concernent les principales doctrines religieuses. Nous avons préféré consulter deux théologiens et trois philosophes.
Aux théologiens (C. Geffré, O. Clément), il a été demandé de montrer comment la croyance en Dieu donne lieu, dans l’ordre théorique, à une problématique originale (l’un de ces théologiens appartient au christianisme occidental, l’autre au christianisme oriental). Le premier des trois philosophes (J. Colette) décrit quelle a été la problématique de la pensée sur Dieu, le deuxième (J. Delhomme) explique comment se motive la négation de Dieu, le troisième (H. Duméry) fait le point, en observateur, sur trois courants de pensée qui paraissent devoir, à l’heure actuelle, transformer le conflit classique du théisme et de l’athéisme.
Ces différentes contributions ne sont que des échantillons et ne font qu’indiquer quelques réactions possibles, quelques réactions parmi de nombreuses autres, en face du même problème. Mais peut-être le lecteur sera-t-il sensible à l’esprit de recherche et d’ouverture, à l’absence de dogmatisme qui les caractérisent. La mise en culture de l’idée de Dieu ne se fait plus sur le mode agressif, ni chez les partisans ni chez les opposants. Pour une encyclopédie qui veut rendre compte à la fois du devenir des concepts et de l’évolution des sentiments qui s’y rattachent, ce phénomène ne devait pas être noté simplement en passant; il devait être manifesté sur pièces, et s’imposer ainsi à l’attention générale.
dieu [ djø ] n. m. ♦ Principe d'explication de l'existence du monde, conçu comme un être personnel, selon des modalités particulières aux croyances, aux religions. I ♦ Dans le monothéisme A ♦
1 ♦ Être éternel, unique, tout-puissant et miséricordieux, créateur et juge, des révélations biblique et islamique. Étude de l'existence et de la nature de Dieu. ⇒ 1. métaphysique, théologie. La Parole de Dieu est consignée dans la Bible et dans le Coran. Transcendance de Dieu. Personne qui parle au nom de Dieu. ⇒ prophète.
2 ♦ Dieu personnel unique de la tradition judéo-chrétienne. « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » ( BIBLE ). Noms donnés à Dieu dans la Bible : Yahvé (Jéhovah), le Roi des rois, l'Éternel, le Très-Haut, etc. Les dix commandements de Dieu. ⇒ décalogue. L'alliance de Dieu avec les hommes. L'envoyé de Dieu. ⇒ messie.
B ♦
1 ♦ Dans la doctrine chrét. ⇒ père, seigneur. Dieu en trois personnes (Dieu le Père; Fils; Saint-Esprit ⇒ esprit ). ⇒ trinité. Le fils de Dieu : le Christ. La mère de Dieu : la Vierge. Le royaume de Dieu. ⇒ ciel, paradis. Les voies de Dieu. Le doigt, le bras, la main de Dieu : l'intervention de Dieu dans les affaires du monde. Jugement de Dieu. ⇒ ordalie (cf. Épreuves judiciaires). Accomplir la volonté de Dieu. — Croyance en Dieu. ⇒ foi. Ne pas croire en Dieu. Culte que l'on doit réserver à Dieu. ⇒ latrie. Implorer, invoquer, prier Dieu. « Pour que Dieu nous réponde, adressons-nous à lui. Il est juste, il est bon; sans doute il nous pardonne » (Musset). Recommander son âme à Dieu : se préparer à mourir. Par euphém. Être rappelé à Dieu : mourir. Un homme de Dieu : personne consacrée à Dieu; saint homme, pieux, dévot. Le capitaine, seul maître à bord après Dieu. — Ni Dieu ni maître. Ne croire ni à Dieu ni à diable : être incrédule. Se prendre pour Dieu le père : se croire tout-puissant. Il vaut mieux s'adresser à Dieu qu'à ses saints. Allus. hist. Dieu reconnaîtra les siens. PROV. L'homme propose, Dieu dispose. Ce que femme veut, Dieu le veut. Qui donne aux pauvres prête à Dieu. Chacun pour soi et Dieu pour tous. « Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer » (Voltaire).
2 ♦ (Avec l'article) L'Être suprême unique. Le Dieu de la Bible, d'Abraham, d'Israël. Allah, le Dieu des musulmans. « Le Dieu des chrétiens est un Dieu qui fait sentir à l'âme qu'il est son unique bien » (Pascal). Le vrai Dieu.
♢ LE BON D IEU, expression familière et affective. Prier le bon Dieu. Recevoir le bon Dieu. ⇒ communier; eucharistie. Le bon Dieu vous le rendra. Je ne suis pas le bon Dieu. « Le Diable et le Bon Dieu », pièce de Sartre. Mais qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu ? se dit face à une situation si difficile qu'elle est comparée à un châtiment de Dieu. Fam. Y a pas de bon Dieu ! la vie est injuste (cf. ci-dessous, 4o). — Loc. fig. On lui donnerait le bon Dieu sans confession. C'est la maison du bon Dieu. Une bête à bon Dieu (coccinelle).
♢ Le dieu de Platon, des anciens. ⇒ démiurge, logos. Croire en un dieu.
3 ♦ Loc. D IEU SAIT... Pour appuyer une affirmation ou une négation. Dieu sait si je l'avais mis en garde. Pour exprimer l'incertitude. Dieu sait ce que nous ferons demain. Dieu seul le sait ! Dieu sait quelle histoire : je ne sais quelle histoire. Dieu sait comme. Dieu sait quoi. — Chaque jour, tous les jours que Dieu fait. — Dieu m'est témoin que. — Devant Dieu et devant les hommes (formule de serment).
♢ Expressions par lesquelles la personne qui parle fait intervenir Dieu ou souhaite qu'il intervienne. À la grâce de Dieu. Avec l'aide de Dieu. Dieu aidant. Si Dieu le veut. Dieu vous aide ! Dieu vous bénisse ! Dieu vous garde ! Dieu vous entende ! Que Dieu vous le rende ! Dieu le veuille ! (Que) Dieu ait son âme ! à l'égard d'une personne décédée. Si Dieu me prête vie. Dieu m'en garde ! Dieu me pardonne ! Grâce à Dieu ! Dieu merci ! Dieu soit loué ! Plût à Dieu ! S'il plaît à Dieu. À Dieu ne plaise. Fam. C'est pas Dieu possible ! — À Dieu vat ! ⇒ à-Dieu-va(t).
4 ♦ Interj. Dieu ! Ah, mon Dieu ! Pour l'amour de Dieu ! Grand Dieu ! Dieu du ciel ! Tonnerre de Dieu ! — Jurons Nom de Dieu ! Bon Dieu ! Bon Dieu de bon Dieu ! Dieu(x) de dieu(x) ! Vingt dieux ! ⇒aussi morbleu, palsambleu, sacrebleu, scrogneugneu, tudieu, ventrebleu, vertubleu. Vulg. Bordel de Dieu !
II ♦ (XIIe) Dans le polythéisme UN DIEU, LES DIEUX : être(s) supérieur(s), doué(s) d'un pouvoir sur l'homme et d'attributs particuliers.
1 ♦ Dans les grandes relig. ant. ⇒ divinité; déesse, démon, esprit, 2. être, génie, principe. Histoire des dieux. ⇒ mythologie; théogonie. Ensemble des dieux d'une religion. ⇒ panthéon. Les dieux égyptiens, assyriens, celtiques, scandinaves, germaniques. Le dieu Wotan. Toutatis, dieu gaulois. Les dieux de la Grèce. Les dieux de l'Olympe. Mars, dieu de la guerre. Les dieux de la famille, protecteurs du foyer domestique. ⇒ lare, mânes, pénates. Les dieux et les héros. ⇒ demi-dieu. Invoquer les dieux. Faire des offrandes, des sacrifices aux dieux. Mettre au rang des dieux. ⇒ déifier, diviniser.
2 ♦ Force impersonnelle (⇒ animisme, chamanisme, fétichisme). Le dieu tribal du mana.
3 ♦ Image d'un dieu ou d'une force divinisée. ⇒ idole.
4 ♦ Loc. fig. Un dieu tutélaire : un protecteur. — Être aimé, béni des dieux : avoir des atouts, de la chance. Il chante comme un dieu, admirablement bien. Il est beau comme un dieu (grec), très beau. Jurer ses grands dieux.
5 ♦ Fig. Personne (ou chose) divinisée. Les dieux de la terre : les rois, les souverains, les puissants de la terre. Être dans le secret des dieux. Les dieux du stade : les athlètes célèbres. « Pour tout le XVII e siècle, Descartes a été vraiment un dieu » (Faguet). — Faire de qqn, de qqch. son dieu, en faire l'objet d'un culte. « Le Dieu du monde, C'est le Plaisir » (Nerval). C'est son dieu. ⇒ idole.
● Dieu nom masculin (latin deus) Dans les religions monothéistes, être suprême, transcendant, unique et universel créateur et auteur de toutes choses, principe de salut pour l'humanité, qui se révèle dans le déroulement de l'histoire (avec majuscule, considéré comme un nom propre). ● Dieu (difficultés) nom masculin (latin deus) Orthographe 1. Avec une majuscule en tant que Dieu unique d'une religion monothéiste : croire en Dieu ; le bon Dieu (ou : le Bon Dieu) ; il est allé Dieu sait où ; Dieu sait quand il reviendra. À Dieu vat ! → aller. 2. Avec une minuscule en tant que divinité d'une religion polythéiste : Mars, dieu romain de la Guerre ; les dieux de l'Olympe. ● Dieu (expressions) nom masculin (latin deus) À Dieu va ! ou À Dieu vat !, ancien commandement pour virer de bord vent devant, manœuvre particulièrement hasardeuse (on dit aujourd'hui envoyez) ! ; advienne que pourra. À la grâce de Dieu, advienne que pourra. Au nom de Dieu, expression utilisée pour renforcer une demande plus pressante. Chaque jour que (le bon) Dieu fait, chaque jour de la vie. Dieu !, grand Dieu !, mon Dieu !, exclamations de surprise, d'indignation, etc. Dieu ait son âme, souhait relatif à une personne décédée. Dieu de Dieu !, bon Dieu !, nom de Dieu !, sacré bon Dieu !, bon Dieu de bon Dieu !, bon Dieu de !, jurons traduisant la colère, l'indignation, etc. Dieu merci, grâce(s) à Dieu, Dieu soit loué, exclamations traduisant le soulagement, ou la satisfaction. Dieu le veuille !, plaise à Dieu !, plût à Dieu !, Dieu vous entende !, expriment le regret ou l'espoir que l'on a d'une chose. Dieu m'en préserve !, à Dieu ne plaise !, expriment combien on est éloigné de faire une chose ou combien on la redoute. Dieu me pardonne, s'emploie pour s'excuser ou pour exprimer la surprise, l'indignation. Dieu sait que, si, pourquoi, renforcent une affirmation, ou marque l'incertitude. Dieu vous bénisse !, Dieu vous assiste !, Dieu vous soit en aide !, expression de remerciement ou de souhait à l'égard de quelqu'un. Dieu vous garde !, souhait que l'on adresse à quelqu'un en le quittant. Dieu vous le rendra, se dit pour remercier quelqu'un d'un bienfait. Homme de Dieu, homme qui s'est voué au service de Dieu ; homme pieux et saint. Populaire. Il n'y a pas de bon Dieu, se dit pour indiquer qu'on n'a pas eu de chance. Le bon Dieu, expression familière pour désigner Dieu. Main de Dieu, bras de Dieu, puissance divine, aide ou colère divine. Maître, après Dieu, chef suprême. Mère de Dieu, nom donné par l'Église à la Vierge Marie, mère de Jésus. Ne craindre ni Dieu ni diable, ne connaître aucune loi, ne rien redouter. Ne croire ni en (à) Dieu ni au diable, être incrédule. Ni Dieu ni maître, maxime d'Auguste Blanqui, devenue la devise des anarchistes. Paraître devant Dieu, être mort, mourir. Se prendre pour Dieu le Père, se croire tout permis, se considérer comme disposant de tous et de tout à sa guise. S'il plaît à Dieu, avec l'aide de Dieu, si Dieu (le) veut, si rien ne s'y oppose. Voix de Dieu, la volonté divine. ###● Dieu (citations) nom masculin (latin deus) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 C'est la foi même qui est Dieu. Éléments de philosophie Gallimard Alphonse Allais Honfleur 1854-Paris 1905 Avant de prendre congé de ses hôtes, Dieu convint, de la meilleure grâce du monde, qu'il n'existait pas. Le Courrier français La Table Ronde Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 […] Avec Dieu, ce qu'il y a de terrible, c'est qu'on ne sait jamais si ce n'est pas un coup du diable… L'Alouette, l'archevêque La Table Ronde Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 Quand une fille dit deux mots de bon sens et qu'on l'écoute, c'est que Dieu est là. L'Alouette, Jeanne La Table Ronde Agnès Arnauld Mère Agnès Notre Dieu est au ciel qui fait tout ce qu'il veut par le moyen de ceux-là mêmes qui ne font pas sa volonté. Lettre à M. Arnauld Raymond Aron Paris 1905-Paris 1983 Je ne sais si je crois en Dieu. Mais, tout au moins suis-je sûr, grâce à l'histoire qui me recueille, de croire en ceux qui de tout temps et partout ont cru en Lui. Ce que je crois Grasset Raymond Aron Paris 1905-Paris 1983 Dieu qu'il faut retrouver sans cesse et dont les silences apparents naissent alternativement de la distraction ou de l'exigence des hommes. Ce que je crois Grasset Théodore Agrippa d'Aubigné près de Pons, Saintonge, 1552-Genève 1630 Mes sens n'ont plus de sens, l'esprit de moi s'envole, Le cœur ravi se tait, ma bouche est sans parole : Tout meurt, l'âme s'enfuit, et reprenant son lieu Extatique se pâme au giron de son Dieu. Les Tragiques Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 [Le désert,] c'est Dieu sans les hommes. Une passion dans le désert Henri Barbusse Asnières 1873-Moscou 1935 Où est donc Dieu ? L'Enfer Librairie Mondiale Georges Bataille Billom 1897-Paris 1962 Dieu est pire ou plus loin que le mal, [c']est l'innocence du mal. Le Petit Pauvert Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 Dieu est le seul être qui, pour régner, n'ait même pas besoin d'exister. Choix de maximes consolantes sur l'amour Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 Faire son devoir tous les jours, et se fier à Dieu pour le lendemain. Fusées Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan. Mon cœur mis à nu Simone de Beauvoir Paris 1908-Paris 1986 […] Je me passais très bien de Dieu et si j'utilisais son nom, c'était pour désigner un vide qui avait à mes yeux l'éclat de la plénitude. Mémoires d'une jeune fille rangée Gallimard Georges Bernanos Paris 1888-Neuilly-sur-Seine 1948 Ce que nous appelons hasard, c'est peut-être la logique de Dieu. Dialogues des carmélites Le Seuil Georges Bernanos Paris 1888-Neuilly-sur-Seine 1948 Chacun de nous vaut le sang de Dieu. Journal d'un curé de campagne Plon Paul, dit Tristan Bernard Besançon 1866-Paris 1947 C'est Dieu qui a créé le monde, mais c'est le Diable qui le fait vivre. Contes, Répliques et Bons Mots Livre-Club du Libraire Léon Bloy Périgueux 1846-Bourg-la-Reine 1917 Plus on approche de Dieu, plus on est seul. C'est l'infini de la solitude. Méditations d'un solitaire en 1916 Mercure de France Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 Dieu n'est pas un tout qui se partage. Discours sur l'histoire universelle Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 Dieu est celui en qui le non-être n'a pas de lieu. Élévations à Dieu sur tous les mystères de la religion chrétienne Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 Considérez, Messieurs, ces grandes puissances que nous regardons de si bas ; pendant que nous tremblons sous leur main, Dieu les frappe pour nous avertir. Oraison funèbre d'Henriette-Anne d'Angleterre, duchesse d'Orléans Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et terribles leçons. Oraison funèbre d'Henriette Marie de France, reine de la Grande-Bretagne Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 […] Le bien de Dieu, c'est lui-même ; et tout le bien qui est hors de lui vient de lui seul. Traité du libre arbitre Joë Bousquet Narbonne 1897-Carcassonne 1950 Si tu ne trouves pas Dieu en toi, laisse-le où il se trouve… Langage entier Rougerie Roger de Rabutin, comte de Bussy, connu sous le nom de Bussy-Rabutin Épiry, Nièvre, 1618-Autun 1693 Académie française, 1665 Dieu est d'ordinaire pour les gros escadrons contre les petits. Lettres, au comte de Limoges, 18 octobre 1677 Commentaire Mot repris par Voltaire. Jean Calvin, de son vrai nom Cauvin Noyon, Oise, 1509-Genève 1564 C'est quasi le propre de la parole de Dieu, que jamais elle ne vient en avant, que Satan ne s'esveille et escarmouche. Institution de la religion chrétienne Jean Calvin, de son vrai nom Cauvin Noyon, Oise, 1509-Genève 1564 La majesté de Dieu est trop haute pour dire que les hommes mortels y puissent parvenir, vu qu'ils ne font que ramper sur la terre comme petits vers. Institution de la religion chrétienne Jean Calvin, de son vrai nom Cauvin Noyon, Oise, 1509-Genève 1564 Car les oiselets chantant chantaient Dieu, les bêtes le réclamaient, les éléments le redoutaient, les montagnes le résonnaient, les fleuves et fontaines lui jetaient œillades, les herbes et les fleurs lui riaient. Préface à la Bible d'Olivetan Jean Calvin, de son vrai nom Cauvin Noyon, Oise, 1509-Genève 1564 C'est la ruse ordinaire de Satan de corrompre et abâtardir par tous moyens qu'il peut la bonne semence de Dieu, afin qu'elle ne mûrisse point pour apporter fruit. Traité des scandales Jean Calvin, de son vrai nom Cauvin Noyon, Oise, 1509-Genève 1564 Il faut que nous ayons un cœur bien dompté, devant que pouvoir profiter en l'école de Dieu. Traité des scandales Jean Calvin, de son vrai nom Cauvin Noyon, Oise, 1509-Genève 1564 Sachons que Dieu nous met devant les yeux autant de miroirs de sa vengeance pour nous faire priser la dignité et excellence de son Évangile. Traité des scandales Albert Camus Mondovi, aujourd'hui Deraan, Algérie, 1913-Villeblevin, Yonne, 1960 Imaginer Dieu sans les prisons. Quelle solitude ! Les Justes Gallimard Sébastien Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort près de Clermont-Ferrand 1740-Paris 1794 Académie française, 1781 M. de Brissac, ivre de gentilhommerie, désignait souvent Dieu par cette phrase : « Le gentilhomme d'en-haut ». Caractères et anecdotes Anonyme Il réussit celui que Dieu protège. Mult ben espleitet qui Damnesdeus aiuet. Chanson de Roland Jean Chapelain Paris 1595-Paris 1674 Dans le centre caché d'une clarté profonde, Dieu repose en lui-même […]. La Pucelle Alphonse de Brédenbec de Châteaubriant Rennes 1877-Kitzbühel, Autriche, 1951 Sois semblable à Dieu est le commandement de l'humilité. La Réponse du Seigneur La Mappemonde Malcolm de Chazal Vacoas 1902-Port-Louis 1981 L'Art, c'est la nature accélérée et Dieu au ralenti. Sens plastique Gallimard Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 Je voudrais que l'intelligence fût reprise au démon et rendue à Dieu. Lettre à Jacques Maritain Stock Jean Commerson Paris 1802-Paris 1879 Demandez à Napoléon Landais ce que c'est que Dieu. Il vous répondra que c'est une diphtongue. Pensées d'un emballeur lexicographe et grammairien (1803-1852) Auguste Comte Montpellier 1798-Paris 1857 Dieu n'est pas plus nécessaire au fond pour aimer et pour pleurer que pour juger et pour penser. Lettre à Mme Austin, 4 avril 1844 René Crevel Paris 1900-Paris 1935 Dieu, tant qu'il n'aura pas été chassé comme une bête puante de l'Univers, ne cessera de donner à désespérer de tout. Le Clavecin de Diderot Pauvert François de Curel Metz 1854-Paris 1928 Académie française, 1918 Je ne crois pas en Dieu, mais je meurs comme si je croyais en lui. La Nouvelle Idole Stock Henri Petiot, dit Daniel-Rops Épinal 1901-Chambéry 1965 Académie française, 1955 Si tu n'as rien d'autre à offrir au Seigneur, offre-lui seulement tes fardeaux et tes peines. Missa est Fayard René Daumal Boulzicourt, Ardennes, 1908-Paris 1944 Dieu est nommé pour le seul être que l'on puisse adorer en soi sans être enchaîné par l'orgueil. Lettres à ses amis Gallimard René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Je suis comme un milieu entre Dieu et le néant. Méditations Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Le Dieu des chrétiens est un père qui fait grand cas de ses pommes et fort peu de ses enfants. Addition aux Pensées philosophiques Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 L'idée qu'il n'y a pas de Dieu ne fait trembler personne ; on tremble plutôt qu'il y en ait un. Pensées philosophiques Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Il y a des gens dont il ne faut pas dire qu'ils craignent Dieu mais bien qu'ils en ont peur. Pensées philosophiques Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 La superstition est plus injurieuse à Dieu que l'athéisme. Pensées philosophiques Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 Si j'étais Dieu, je ne souffrirais pas les arrivistes du Ciel. Cécile parmi nous Mercure de France Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 Le passant qui vous arrête et qui vous demande du feu, laissez-le seulement parler : au bout de dix minutes, il vous demandera Dieu. Défense des lettres Mercure de France Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 Dans un monde aussi incohérent, l'existence de Dieu ne serait pas une chose plus folle que la non-existence de Dieu. Le Désert de Bièvres Mercure de France Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 Je respecte trop l'idée de Dieu pour la rendre responsable d'un monde aussi absurde. Le Désert de Bièvres Mercure de France Alexandre Dumas, dit Dumas fils Paris 1824-Marly-le-Roi 1895 Si Dieu pouvait tout à coup être condamné à vivre de la vie qu'il inflige à l'homme, il se tuerait. Pensée d'album Élie Faure Sainte-Foy-la-Grande 1873-Paris 1937 Dieu est un enfant qui s'amuse. L'Esprit des formes Pauvert Nicolas Fontaine Paris 1625-Melun 1709 Les hommes ont leurs pensées et Dieu a les siennes. Mémoires pour servir à l'histoire de Port-Royal Xavier Forneret Beaune 1809-Beaune 1884 Dieu punit l'homme de ses fautes en le laissant vivre. Sans titre, par un homme noir, blanc de visage saint François de Sales château de Sales, près de Thorens, Savoie, 1567-Lyon 1622 Ô mon âme, tu es capable de Dieu, malheur à toi si tu te contentes de moins que de Dieu ! Introduction à la vie dévote abbé Ferdinando Galiani Chieti 1728-Naples 1787 S'il y avait un seul être libre dans l'Univers, il n'y aurait plus de Dieu. Lettre à Mme d'Épinay André Gide Paris 1869-Paris 1951 Les rapports de l'homme avec Dieu m'ont de tout temps paru beaucoup plus importants et intéressants que les rapports des hommes entre eux. Ainsi soit-il Gallimard André Gide Paris 1869-Paris 1951 La cruauté, c'est le premier des attributs de Dieu. Les Faux-Monnayeurs Gallimard André Gide Paris 1869-Paris 1951 C'est par nous que Dieu s'obtient. Journal Gallimard André Gide Paris 1869-Paris 1951 Dès l'instant que j'eus compris que Dieu n'était pas encore mais qu'il devenait, et qu'il dépendait de chacun de nous qu'il devînt, la morale en moi fut restaurée. Journal Gallimard André Gide Paris 1869-Paris 1951 Ne distingue pas Dieu du bonheur et place tout ton bonheur dans l'instant. Les Nourritures terrestres Gallimard Jean Giraudoux Bellac 1882-Paris 1944 Dieu n'a pas encore trouvé d'autre moyen de choisir un peuple ou un être que de le maudire. Judith, II, 7, Judith Grasset Jean Giraudoux Bellac 1882-Paris 1944 Dieu ne parvient que par sa pitié à distinguer le sacrifice du suicide. Sodome et Gomorrhe, I, Prélude, l'archange Grasset Joseph Arthur, comte de Gobineau Ville-d'Avray 1816-Turin 1882 Gloire à Dieu qui a voulu, pour des raisons que nous ne connaissons pas, que la méchanceté et la bêtise conduisent l'univers ! Nouvelles asiatiques Vincent Van Gogh Groot Zundert, Brabant, 1853-Auvers-sur-Oise 1890 […] Il ne faut pas juger le bon Dieu sur ce monde-ci, car c'est une étude de lui qui est mal venue. Lettres de Vincent à son frère Théo Grasset Jean Grenier Paris 1898-Dreux 1971 L'homme essaie de justifier le Dieu auquel il croit. L'Existence malheureuse Gallimard Jean Grosjean Paris 1912 Le dieu doute et ne se survit même que par son doute. La Gloire Gallimard Paul Henri Thiry, baron d'Holbach Edesheim, Palatinat, 1723-Paris 1789 Chaque homme veut un Dieu pour lui seul. Système de la nature Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 La conscience de l'homme c'est la pensée de Dieu. Les Châtiments, Préface Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Car le mot, c'est le Verbe, et le Verbe, c'est Dieu. Les Contemplations, Suite, I, 8 Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure. Vous qui souffrez, venez à lui car il guérit. Vous qui tremblez, venez à lui car il sourit. Vous qui passez, venez à lui, car il demeure. Les Contemplations, Écrit au bas d'un crucifix, III, 4 Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Les sciences sont des fouilles faites dans Dieu. Fragments Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Un roi c'est de la guerre, un dieu c'est de la nuit. La Légende des siècles, le Satyre Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Au fond, Dieu veut que l'homme désobéisse. Désobéir c'est chercher. Tas de pierres Éditions Milieu du monde Alfred Jarry Laval 1873-Paris 1907 Dieu est le plus court chemin de zéro à l'infini, dans un sens ou dans l'autre. Gestes et opinions du Dr. Faustroll, pataphysicien Fasquelle Étienne Jodelle Paris 1532-Paris 1573 Plus de Dieu l'on dispute, et moins l'on en fait croire. Contre les ministres de la nouvelle opinion Joseph Joubert Montignac, Corrèze, 1754-Villeneuve-sur-Yonne 1824 L'espace est la stature de Dieu. Carnets Joseph Joubert Montignac, Corrèze, 1754-Villeneuve-sur-Yonne 1824 Dieu est le lieu où je ne me souviens pas du reste. Pensées Marcel Jouhandeau Guéret 1888-Rueil-Malmaison 1979 Qui sait si Dieu ne sera pas sensible toujours plus à son Enfer qu'à son Ciel ? Celui qui aime songe au rien qu'on lui refuse, quand on lui a déjà presque tout donné. Algèbre des valeurs morales Gallimard Pierre Jean Jouve Arras 1887-Paris 1976 En ce siècle, Dieu s'est pour ainsi dire élargi, il a quitté la terre et les humains ; ou plutôt nous avons donné à Dieu des possibilités infinies. Paulina 1880 Mercure de France Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Il devint gros et gras : Dieu prodigue ses biens À ceux qui font vœu d'être siens. Fables, Le Rat qui s'est retiré du monde Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Un bloc de marbre était si beau Qu'un statuaire en fit l'emplette. Qu'en fera, dit-il, mon ciseau ? Sera-t-il dieu, table ou cuvette ? Fables, le Statuaire et la Statue de Jupiter Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Dieu n'est qu'un mot rêvé pour expliquer le monde. Harmonies poétiques et religieuses Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 L'homme est Dieu par la pensée. Les Méditations, préface Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Borné dans sa nature, infini dans ses vœux L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. Premières Méditations poétiques, l'Homme Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 J'ai vu partout un Dieu sans jamais le comprendre. Premières Méditations poétiques, l'Homme Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Que Dieu serait cruel s'il n'était pas si grand ! Premières Méditations poétiques, les Oiseaux Julien Offray de La Mettrie Saint-Malo 1709-Berlin 1751 Il est égal […] pour notre repos, que la matière soit éternelle ou qu'elle ait été créée, qu'il y ait un Dieu ou qu'il n'y en ait pas. L'Homme machine André Malraux Paris 1901-Créteil 1976 Dieu n'est pas fait pour être mis dans le jeu des hommes comme un ciboire dans une poche de voleur. L'Espoir Gallimard Gabriel Marcel Paris 1889-Paris 1973 Ce dont l'existence pourrait être démontrée ne serait pas et ne pourrait pas être Dieu. Journal métaphysique Gallimard Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux Paris 1688-Paris 1763 On aime tant Dieu, quand on a besoin de lui ! Le Paysan parvenu Blaise de Lasseran de Massencome, seigneur de Monluc Saint-Puy, Gers, vers 1502-Estillac, Lot-et-Garonne, 1577 Dieu nous ferme les yeux quand il nous veut châtier. Commentaires, VII Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 Si les triangles faisaient un dieu, ils lui donneraient trois côtés. Lettres persanes Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 Je n'aime point Dieu parce que je ne le connais pas, ni le prochain parce que je le connais. Mes pensées Henry Millon de Montherlant Paris 1895-Paris 1972 Académie française, 1960 Dieu ne nous remplit qu'autant que nous sommes vides. Port-Royal, la sœur Angélique Gallimard Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval Paris 1808-Paris 1855 Les âmes sont les idées de Dieu. Paradoxe et vérité Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval Paris 1808-Paris 1855 Nous sommes tous parents de Dieu, et la terre a besoin qu'aucun de nous ne souffre ; car ce sont les imprécations des malheureux qui s'amassent et causent des désastres. Sur un carnet Germain Nouveau Pourrières 1851-Pourrières 1920 On est bien forcé de croire au doigt de Dieu, quand on voit comme il se l'est mis dans l'œil. Album Richepin Cailler Commentaire L'Album Richepin a été écrit en collaboration avec Jean Richepin et ses amis du groupe des Vivants : Ponchon, Bourget et Mercier. Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison. Pensées, 278 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Console-toi, tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais trouvé. Pensées, 553 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Je ne puis pardonner à Descartes : il aurait bien voulu dans toute sa philosophie, se pouvoir passer de Dieu ; mais il n'a pu s'empêcher de lui faire donner une chiquenaude pour mettre le monde en mouvement ; après cela, il n'a plus que faire de Dieu. Pensées, 77 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Suite de l'article ###● Dieu[1] (citations) (suite) Retour au début de l'article Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Qu'il y a loin de la connaissance de Dieu à l'aimer ! Pensées, 280 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Jean Pellerin Pontcharra, Isère, 1895-Le Châtelard 1921 Le dieu nous parle à voix trop basse : On ne l'entend jamais. Le Bouquet inutile Gallimard Odilon Jean Périer Bruxelles 1901-Bruxelles 1928 […] Tel, un poète où Dieu s'engage Et reste pris. Poèmes Gallimard Henri Petit 1900-1978 À force d'interroger l'homme, on attend la réponse de Dieu. Le Bonheur Grasset Georges Poulet Chênée 1902-Bruxelles 1991 Dieu est garant qu'on le choisira toujours. Études sur le temps humain, le Songe de Descartes Plon Georges Poulet Chênée 1902-Bruxelles 1991 Dieu n'est pas trouvé. Il se trouve. Études sur le temps humain, Pascal Plon Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 Si beau que soit l'ostensoir, ce n'est qu'au moment où on ferme les yeux qu'on sent passer Dieu. Jean Santeuil Gallimard Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Dieu des Juifs, tu l'emportes ! Athalie, V, 6, Athalie Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Et comptez-vous pour rien Dieu qui combat pour nous ? Athalie, I, 2, Joad Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte. Athalie, I, 1, Joad Henri de Régnier Honfleur 1864-Paris 1936 Académie française, 1911 L'homme n'est pas digne de Dieu. « Donc… » Kra Jules Renard Châlons, Mayenne, 1864-Paris 1910 Ce que Dieu, qui voit tout, doit s'amuser ! Journal, 28 janvier 1901 Gallimard Jules Romains, pseudonyme littéraire devenu ensuite le nom légal de Louis Farigoule Saint-Julien-Chapteuil, Haute-Loire, 1885-Paris 1972 Académie française, 1946 Comme on serait content si l'on avait un Dieu ! La Vie unanime Gallimard Jean Rostand Paris 1894-Ville-d'Avray 1977 Académie française, 1959 Dieu, ce dépotoir de nos rêves. Carnet d'un biologiste Stock Donatien Alphonse François, comte de Sade, dit le marquis de Sade Paris 1740-Charenton 1814 L'idée de Dieu est, je l'avoue, le seul tort que je ne puisse pardonner à l'homme. Juliette Antoine de Saint-Exupéry Lyon 1900-disparu en mission aérienne en 1944 Que m'importe que Dieu n'existe pas. Dieu donne à l'homme de la divinité. Carnets Gallimard Marie-René Alexis Saint-Leger Leger, dit, en diplomatie, Alexis Leger, et, en littérature Saint-John Perse Pointe-à-Pitre 1887-Giens, Var, 1975 Dieu l'épars nous rejoint dans la diversité. Chant pour un équinoxe Gallimard Louis Claude de Saint-Martin Amboise 1743-Aulnay-sous-Bois 1803 L'homme est un être chargé de continuer Dieu là où Dieu ne se fait plus connaître par lui-même. Le Ministère de l'homme-esprit Jean-Paul Sartre Paris 1905-Paris 1980 L'absence c'est Dieu. Dieu, c'est la solitude des hommes. Le Diable et le Bon Dieu Gallimard Jean-Paul Sartre Paris 1905-Paris 1980 Il n'y a que Dieu. L'homme, c'est une illusion d'optique. Le Diable et le Bon Dieu Gallimard Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné Paris 1626-Grignan 1696 Mon père disait qu'il aimait Dieu quand il était bien aise ; il me semble que je suis sa fille. Correspondance, à Mme de Grignan, 11 septembre 1680 Jules Supervielle Montevideo, Uruguay, 1884-Paris 1960 Il faut pourtant accepter ce que le Bon Dieu ne vous envoie pas. Le Voleur d'enfants Gallimard Boris Vian Ville-d'Avray 1920-Paris 1959 Supprimez le conditionnel et vous aurez détruit Dieu. En verve P. Horay Alfred, comte de Vigny Loches 1797-Paris 1863 Il se courbe à genoux, le front contre la terre ; Puis regarde le ciel en appelant « Mon Père ! » Mais le ciel reste noir et Dieu ne répond pas. Les Destinées, le Mont des oliviers Jésus François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Dieu ne doit point pâtir des sottises du prêtre. Épîtres, À l'auteur du « Livre des trois imposteurs » François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Si l'homme était parfait, il serait Dieu. Lettres philosophiques, XXV François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien rendu. Le Sottisier Simone Weil Paris 1909-Londres 1943 Nous ne possédons rien au monde — car le hasard peut tout nous ôter — sinon le pouvoir de dire je. C'est cela qu'il faut donner à Dieu, c'est-à-dire détruire. La Pesanteur et la Grâce Plon Geert Groote, dit Gérard le Grand Deventer 1340-Deventer 1384 Tout ce qui n'est pas Dieu n'est rien, et doit n'être compté pour rien. Et quidquid Deus non est, nihil est, et pro nihilo computari debet. Imitation de Jésus-Christ, III, 31, 11 Commentaire Geert Groote est un des auteurs possibles, avec Thomas a Kempis, de l'Imitation de Jésus-Christ. saint Ignace de Loyola château de Loyola, près d'Azpeitia, 1491-Rome 1556 Ne rien vouloir et ne rien chercher d'autre, sinon, en toutes choses et par tous les moyens, une plus grande louange et gloire de Dieu Notre Seigneur. Non volendo neque quaerendo quidquam aliud, nisi in omnibus et per omnia majorem laudem et gloriam Dei Domini Nostri. Exercices spirituels, 89 Commentaire On reconnaît une devise des Jésuites : « Ad majorem Dei gloriam » : pour une plus grande gloire de Dieu. Baruch Spinoza Amsterdam 1632-La Haye 1677 Notre âme en tant qu'elle perçoit les choses d'une façon vraie, est une partie de l'intelligence infinie de Dieu. Mens nostra quatenus res vere percipit, pars est infiniti Dei intellectus. L'Éthique, Livre II Baruch Spinoza Amsterdam 1632-La Haye 1677 Nul ne peut avoir Dieu en haine. Nemo potest Deum odio habere. L'Éthique, Livre V Baruch Spinoza Amsterdam 1632-La Haye 1677 Le bien suprême de l'âme est la connaissance de Dieu ; et la vertu suprême de l'âme, c'est connaître Dieu. Summum Mentis bonum est Dei cognitio, et summa Mentis virtus Deum cognoscere. L'Éthique, Livre III Agathon Ve s. avant J.-C. Sur un seul point la puissance de Dieu est en défaut : il ne peut faire que ce qui a été réalisé ne le soit pas. Fragment cité par Aristote, Éthique à Nicomaque (VII, 2, 6) Empédocle Agrigente Ve s. avant J.-C.-dans le Péloponnèse Quant à moi, je marche parmi vous en Dieu incorruptible, affranchi de la mort à jamais. Purifications, 112, 4 (traduction J. Zafiropulo) Épictète Hiérapolis, Phrygie, vers 50-Nicopolis, Épire, vers 130 après J.-C. Ne désire rien de plus que ce que Dieu désire. Entretiens, II, 17, 22 (traduction Souilhé) Épictète Hiérapolis, Phrygie, vers 50-Nicopolis, Épire, vers 130 après J.-C. Si j'étais rossignol, j'accomplirais l'œuvre du rossignol ; si j'étais un cygne, celle du cygne. Mais je suis un être raisonnable, je dois chanter Dieu. Entretiens, I, 6, 20-21 (traduction Souilhé) Bible Tu aimeras Yahvé, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. Ancien Testament, DeutéronomeVI, 5 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Celui qui craint le Seigneur n'a peur de rien ; il ne tremble pas, car Dieu est son espérance. Ancien Testament, EcclésiastiqueXXXIV, 14 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Car moi, Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haïssent, mais qui fais grâce à des milliers pour ceux qui m'aiment et gardent mes commandements. Ancien Testament, Exode XX, 5-6 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Dieu dit alors à Moïse : « Je suis celui qui suis. » Et il ajouta : « Voici en quels termes tu t'adresseras aux enfants d'Israël : Je suis m'a envoyé vers vous. ». Ancien Testament, Exode III, 14 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. Ancien Testament, Genèse I, 27 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Les cieux racontent la gloire de Dieu et l'œuvre de ses mains, le firmament l'annonce. Ancien Testament, Psaumes XIX, 1 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Il n'a point méprisé ni dédaigné la pauvreté du pauvre, ni caché de lui sa face. Ancien Testament, Psaumes XXII, 25 l'Éternel Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Oui, Dieu a créé l'homme incorruptible, il en a fait une image de sa propre nature. Ancien Testament, Livre de la Sagesse II, 23 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Nous savons que nous sommes de Dieu Et que le monde entier gît au pouvoir du Mauvais. Épîtres de saint Jean, Ire, V, 19 Bible Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l'esprit de Dieu habite en vous ? Saint Paul, Épître aux Corinthiens, Ire, III, 16 Bible Ne vous y trompez pas ; on ne se moque pas de Dieu. Saint Paul, Épître aux Galates, VI, 7 Bible Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Saint Paul, Épître aux Romains, VIII, 31 Bible Car c'est une grâce que de supporter, par égard pour Dieu, des peines que l'on souffre injustement. Épîtres de saint Pierre, Ire, II, 19 Bible Au commencement le Verbe était et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. Évangile selon saint Jean, I, 1 Bible Laissez venir à moi les petits enfants ; ne les empêchez pas, car c'est à leurs pareils qu'appartient le royaume de Dieu. Évangile selon saint Marc, X, 14 Bible Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Évangile selon saint Matthieu, V, 9 Bible Nul ne peut servir deux maîtres. Ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent. Évangile selon saint Matthieu, VI, 24 Coran Dieu sait et vous ne savez pas. Coran, II, 213 Coran Où que vous vous tourniez, c'est face à Dieu. Coran, II, 109 Talmud Tout dépend de Dieu, excepté la crainte de Dieu. Talmud, 33b Talmud Si quelqu'un veut se souiller par le péché, Dieu lui en facilite les moyens, de même il aide celui qui veut marcher dans la bonne voie. Talmud, Shabbat, 104a Arnaud Amalric vers le milieu du XIIe s.-1225 Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. Commentaire Cri du légat pontifical Arnaud Amalric, abbé de Cîteaux, au sac de Béziers, où plus de 30 000 personnes périrent sous le fer des soldats de la croisade albigeoise (1209). Authenticité contestée… Anonyme Au Dieu inconnu. Commentaire Saint Paul, prêchant l'évangile à Athènes, lut sur un autel l'inscription « Au Dieu inconnu » ; il déclara aux Grecs que le Dieu des chrétiens était précisément celui-là (Actes des Apôtres, XVII, 23-24). Anonyme De par le Roi, défense à Dieu De faire miracle en ce lieu. Commentaire Par ordre du roi Louis XV, le 27 janvier 1732, on fit fermer le cimetière de l'église Saint-Médard à Paris, où avait été enterré un diacre janséniste, Pâris. Bientôt, la rumeur s'étant répandue que des miracles s'étaient produits sur la tombe de ce dernier, le cimetière fut envahi et des scènes d'exaltation collective y eurent lieu, qui motivèrent la fermeture du cimetière. Le lendemain un inconnu écrivit cette épigramme sur la porte du cimetière. Louis Auguste Blanqui Puget-Théniers 1805-Paris 1881 Ni Dieu ni maître. Commentaire Maxime d'Auguste Blanqui, socialiste et révolutionnaire français, partisan des idées communistes. Il en fit le titre d'un journal qu'il créa après la Commune. Clovis Ier (en français Louis), roi des Francs vers 465-Paris 511 Dieu de Clotilde, si tu me donnes la victoire, je me ferai chrétien. Commentaire Ce mot est sans doute légendaire. Clovis se convertit néanmoins après la victoire de Tolbiac, en 496. sainte Jeanne d'Arc, dite la Pucelle d'Orléans Domrémy 1412-Rouen 1431 Dieu premier servi. Commentaire Devise de Jeanne d'Arc. Sarah Adams 1805-1848 Plus près de toi, mon Dieu, Plus près de toi ! Même si c'est une croix Qui m'élève vers toi. Nearer, my God, to thee, Nearer to thee ! E'en though it be a cross That raiseth me Nearer to thee. Hymn Commentaire Hymne chantée par les passagers du Titanic, paquebot de luxe qui coula le 14 avril 1912, après avoir heurté un iceberg. Robert Burton Lindley, Leicestershire, 1577-Oxford 1640 Là où Dieu a un temple, le diable aura une chapelle. Where God hath a temple, the Devil will have a chapel. The Anatomy of Melancholy, III Chihab al-Din Hafs Umar al-Suhrawardi mort en 1234 Pourquoi Dieu a-t-il créé ses créatures ? Pour pouvoir converser avec elles en secret. Abraham Cowley Londres 1618-Chertsey 1667 Dieu fit le premier jardin et Caïn la première cité. God the first garden made, and the first city Cain. The Garden William Cowper Great Berkhampstead, Hertfordshire, 1731-East Dereham, Norfolk, 1800 Dieu fit la campagne et l'homme fit la ville. God made the country, and man made the town. The Task, I Mihály Csokonai Vitéz Debrecen 1773-Debrecen 1805 Espoir aveugle et vain Qui émane des cieux Pour duper les humains De sa forme de Dieu ! À l'espoir Félix Rubén García Sarmiento, dit Rubén Darío Metapa, aujourd'hui Ciudad-Darío, 1867-León 1916 Tours de Dieu ! Poètes ! ¡ Torres de Dios ! ¡ Poetas ! Cantos de vida y esperanza Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski Moscou 1821-Saint-Pétersbourg 1881 L'homme n'a inventé Dieu qu'afin de pouvoir vivre sans se tuer. Les Possédés Ralph Waldo Emerson Boston 1803-Concord, Massachusetts, 1882 La plus sublime révélation, c'est que Dieu est en chaque homme. The highest revelation is that God is in every man. Journals, 8 septembre 1833 Johan Falkberget Glåmos 1879-Røros 1967 Dieu juge selon l'amour, les hommes avec malice. La Quatrième Veille Luis de Góngora y Argote Cordoue 1561-Cordoue 1627 La distance est plus immense de Dieu à l'homme que de l'homme à la mort. Hay distancia más inmensa de Dios a hombre, que de hombre a muerte. Sonetos, 265, Al nacimiento de Cristo, nuestro señor Friedrich Hölderlin Lauffen, Wurtemberg, 1770-Tübingen 1843 Tout proche Et difficile à saisir, Dieu ! Nah ist Und schwer zu fassen der Gott. Patmos Heinrich von Kleist Francfort-sur-l'Oder 1777-Wannsee, près de Berlin, 1811 Nous avons beaucoup d'écrits au style mordant, où l'on se refuse à convenir qu'il existe un dieu. Mais nul athée, autant que je sache, n'a réfuté de façon probante l'existence du diable. Man hat viel beißend abgefaßte Schriften, Die, daß ein Gott sei, nicht gestehen wollen ; Jedoch den Teufel hat, soviel ich weiß, Kein Atheist noch bündig wegbewiesen. La Cruche cassée William Hurrell Mallock 1849-1923 Quel que puisse être l'avenir de Dieu, nous ne pouvons pas oublier son passé. Whatever may be God's future, we cannot forget His past. Is Life Worth Living ? Friedrich Nietzsche Röcken, près de Lützen, 1844-Weimar 1900 Je ne pourrais croire qu'en un Dieu qui saurait danser. Ich würde nur an einem Gott glauben, der zu tanzen verstünde. Ainsi parlait Zarathoustra Edgar Allan Poe Boston 1809-Baltimore 1849 Il n'est pas esprit, car il existe. He is not spirit, for he exists. Tales of the Grotesque and Arabesque, Mesmeric Revelation Dieu William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 C'est insane idolâtrie qu'un culte l'emporte en grandeur sur le dieu. 'Tis mad idolatry To make the service greater than the god. Troïlus and Cressida, II, 2, Hector Oswald Spengler Blankenburg, Harz, 1880-Munich 1936 On a senti le diable dans la machine et on n'a pas tort. Elle signifie, aux yeux d'un croyant, que Dieu est détrôné. Man hat die Maschine als teufliche empfunden und mit Recht. Sie bedeutet in den Augen eines Glaubigen die Absetzung Gottes. Le Déclin de l'Occident Edmund Spenser Londres 1552-Londres 1599 Que nul n'attribue à soi-même les victoires qu'il doit à la grâce. Nous n'avons de force que pour le mal : tout le bien vient de Dieu en acte ou en volonté. Ne let the man ascribe it to his skill That through grace hath gained victory If any strength we have, it is to ill But all the good is Gods, both power and eke will. La Reine des fées, I, 10
dieu
n. m.
d1./d L'être suprême, créateur et conservateur de l'univers, adoré dans les diverses religions monothéistes (en ce sens, s'écrit avec une majuscule, et n'a pas de pluriel). La crainte de Dieu. Le bon Dieu.
|| Loc. Fam. On lui donnerait le bon Dieu (la communion) sans confession: se dit d'une personne d'apparence trompeusement innocente.
|| Loc. Dieu m'en garde! à Dieu ne plaise!: puisse cela ne pas m'arriver, se produire.
— (Appuyant une demande, une prière instante.) Faites-le, pour l'amour de Dieu, au nom de Dieu.
— (Appuyant ce qu'on affirme ou ce qu'on nie.) Dieu sait si nous avons souhaité ce moment! Dieu sait que j'y suis opposé!
— (Exprimant l'incertitude, le doute.) Il arrivera Dieu sait quand.
|| (Exclamatif) Dieu! Mon Dieu! Grand Dieu!
— (Afr. subsah.) Dieu est grand!: il faut s'en remettre à Dieu (expression fréquente dans les régions islamisées).
— (Jurons) Nom de Dieu! Mais bon Dieu! faites donc attention!
d2./d être surhumain adoré dans les religions polythéistes et supposé présider à certaines catégories de phénomènes (en ce sens, s'écrit avec une minuscule, et possède un pluriel: dieux). Les dieux de l'Olympe. Mars, dieu de la Guerre.
|| Fig., Fam. Jurer ses grands dieux.
|| Faire son dieu de qqn, lui vouer une vénération profonde.
|| être beau comme un dieu, très beau. Danser comme un dieu, à la perfection.
⇒DIEU, subst. masc.
1re Section. [Le mot Dieu désignant la divinité comme entité relig. ou philos.]
I.— [La divinité comme entité relig.]
A.— [Dans une perspective polythéiste] Au sing. ou au plur., gén. avec minuscule; fém. déesse.
1. [Princ. dans les relig. antiques grecque et romaine] Être appartenant au monde supérieur ou inférieur, doué de qualités de transcendance qui le font coexister avec des êtres de même rang et doté d'attributs, notamment anthropomorphes, se manifestant dans ses missions auprès des hommes, avec lesquels il entre en relation pour orienter leur existence ou pour satisfaire son besoin de communication et dont il reçoit l'hommage cultuel. Les dieux du Panthéon grec, les dieux du ciel, de l'enfer. On a cru qu'il pouvait y avoir (...) des dieux bons et méchans (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 93). Les dieux sont censés se partager l'univers. (...). Les Grecs partagent le monde entre Zeus, Dieu du ciel et de la terre, Poséidon, dieu des mers, et Hadès, auquel appartient le royaume infernal (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 202). À côté des dieux et déesses, il existe d'autres figures religieuses, qui parfois jouissent d'un prestige égal ou même supérieur : les héros civilisateurs, les ancêtres mythiques, les âmes des morts (les mânes), les esprits de la nature, etc. En certains cas se produit une coalescence de ces derniers — surtout les héros civilisateurs, les ancêtres mythiques, les esprits de la nature — et des dieux et déesses; ou bien ils empruntent les prestiges et les symboles des divinités (Encyclop. univ., 1972, p. 588) :
• 1. Il faut voir quelle place la religion occupe dans la vie d'un Romain (...). C'est un dieu que son foyer; les murs, les portes, le seuil sont des dieux; les bornes qui entourent son champ sont encore des dieux. Le tombeau est un autel, et ses ancêtres sont des êtres divins.
FUSTEL DE COULANGES, La Cité antique, 1864, p. 269.
• 2. Le concept grec de la divinité est essentiellement polythéiste — il y a beaucoup de dieux : c'est la cité, la famille des dieux. Mais cette conception est enclose dans la représentation d'un dieu suprême, père des dieux et des hommes. Les nombreux dieux signifient la plénitude de la vie divine : le Dieu unique, ce serait tout juste un appauvrissement du divin (cf. Platon, Nom. X, 899 b).
FRIES t. 1, 1965, pp. 339-340.
• 3. Les grands dieux vivent loin des hommes, les uns dans le ciel, les autres dans les profondeurs de la mer ou du sol. Entre l'homme et le dieu, il n'est plus question de communion, mais de relations de bon voisinage; au lieu d'une participation pathétique aux drames divins, des rapports contractuels s'établissent sur une base de réciprocité, les prières et les sacrifices appelant en retour faveurs et bénédictions.
Hist. des relig., 1970, t. 1, p. 503 (encyclop. de la Pléiade).
SYNT. Dieux de la patrie, de la cité, du foyer; dieux de l'Olympe; dieu du jour, de la lumière, du printemps, des eaux, des moissons, des orages, de l'ouragan, des morts, de l'amour, de la poésie, de la guerre; cosmogonies, histoire, pluralité, attributs des dieux; culte, adoration, prêtre(sse), oracle des dieux; séjour, résidence des dieux (de l'Olympe); assemblée des dieux et des déesses; volontés, faveur, clémence, caprice, malveillance, colère, courroux, ressentiment, cruauté, punition, crainte des dieux; honorer les dieux, prier les dieux et les déesses; célébrer, chanter, encenser, consulter, contenter, remercier, insulter, offenser, outrager les dieux; apaiser les dieux irrités; plaire aux dieux; faire des oblations, des offrandes aux dieux; bâtir des temples, offrir des sacrifices, être immolé aux dieux, sacrifier aux dieux; rendre grâce aux dieux de + inf.; appeler la protection des dieux, implorer le secours des dieux, être protégé des dieux; attirer, conjurer, apaiser la colère des dieux, redouter la vengeance des dieux; rendre un culte à un dieu, consacrer qqc. à un dieu; renier ses dieux.
Dieu majeur, supérieur, principal; grand dieu; roi, maître, chef, dieu des dieux... P. oppos. Dieu(x) secondaire(s), mineur(s), subalterne(s), inférieur(s)...
Les dieux de la Fable. Les dieux de la mythologie gréco-romaine :
• 4. ... c'est pour notre commodité que nous définissons et classons ainsi les dieux de la Fable. Aucune loi n'a présidé à leur naissance, non plus qu'à leur développement; l'humanité a laissé ici libre jeu à son instinct de fabulation.
BERGSON, Les Deux sources de la mor. et de la relig., 1932, p. 204.
♦ [Ces dieux en tant qu'ils sont représentés] Pour loger le dieu qui s'incarne en une image de pierre, il faut une maison, et cette maison, c'est le temple (Encyclop. univ., 1971, p. 1055) :
• 5. Le soin de figurer les images et les statues des dieux en Égypte n'était point abandonné aux artistes ordinaires. Les prêtres en donnaient les dessins, et c'était sur des sphères, c'est-à-dire, d'après l'inspection du ciel et de ses images astronomiques, qu'ils en déterminaient les formes.
DUPUIS, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 36.
♦ [Les dieux de la mythol. gréco-romaine pressentis par les poètes] Les dieux sont muets, et la vie est triste (DIERX, Poèmes, 1864, p. 45). Car la même clameur que pousse encor la mer, Monte de l'homme aux Dieux, vainement éternelle (HEREDIA, Trophées, 1893, p. 147). C'est déjà, sourdement sous l'herbe et dans les bois L'impétueux réveil des dieux chauds et vivaces (NOAILLES, Ombre jours, 1902, p. 48). Cette ombre des dieux qui tient tout le ciel, qui marche avec l'ombre des nuages (GIONO, Eau vive, 1943, p. 29) :
• 6. Tout à l'heure, avec la première étoile, la nuit tombera sur la scène du monde. Les dieux éclatants du jour retourneront à leur mort quotidienne. Mais d'autres dieux viendront. Et pour être plus sombres, leurs faces ravagées seront nées cependant dans le cœur de la terre.
CAMUS, Noces, 1938, p. 25.
♦ [Dans d'autres relig., notamment dans certaines relig. orientales ainsi que dans certaines croyances primitives]
[Dans l'Égypte antique] Dieu solaire. Dès l'époque ancienne le dieu Soleil avait absorbé diverses divinités telles qu'Atum, Horus et le scarabée Khipri (Encyclop. univ., 1972, p. 591) :
• 7. Créés par le démiurge, les dieux ne peuvent évidemment avoir qu'un pouvoir inférieur au sien, limité à une sphère particulière comme il convient à des manifestations de forces naturelles le plus souvent locales. Cependant, les diverses théologies cherchent à démontrer la prééminence du dieu local dans l'ensemble de la création, de sorte qu'il ne saurait être question de vouloir préciser la compétence d'une divinité égyptienne comme on l'a fait pour les dieux grecs ou romains, ...
Hist. des relig., t. 1, 1970, pp. 84-85 (encyclop. de la Pléiade).
[En Asie, en partic. dans l'Hindouisme] Les habitans de l'île Formose ne connaissaient point d'autres dieux que le soleil et la lune, qu'ils regardaient comme deux divinités ou causes suprêmes; idée absolument semblable à celle que les Égyptiens et les Phéniciens avaient de ces deux astres (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 24) :
• 8. ... au milieu de la multitude des dieux, trois grandes figures s'imposent : , Visnu et Siva. Assez tardivement on a désigné le groupe par l'expression , les « trois formes » du divin. (...). La , en tant que telle, ne reçoit pas de culte particulier, mais chacun de ses membres peut devenir le Dieu suprême.
Hist. des relig., t. 1, 1970, pp. 1006-1007 (encyclop. de la Pléiade).
[Chez les Celtes, les Germains, les Slaves, etc., et dans certaines croyances primitives d'Asie centrale, d'Afrique, d'Amérique centrale, d'Australie] Le dieu champion Thôrr. Chez les peuples pasteurs de l'Asie centrale, les dieux célestes présentent un caractère nouveau : la souveraineté (Encyclop. univ., 1972, p. 590) :
• 9. Les habitants de l'isthme de Panama, et de tout ce qu'on appelle terre-ferme, croyaient qu'il y a un dieu au ciel, et que ce dieu était le soleil, mari de la lune; ils adoraient ces deux astres comme les deux causes suprêmes qui régissent le monde.
DUPUIS, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 34.
— Spéc. Homme (en particulier empereur ou pharaon) divinisé. [Dans la relig. égyptienne] Animal divinisé. Lorsqu'un roi montait sur le trône, il donnait ordre de tailler son tombeau. (...). Tant que le roi vivait, on creusait sans repos et sans trêve; le jour où il mourait et prenait rang parmi les dieux, le travail cessait (DU CAMP, Nil, 1854, p. 253) :
• 10. Nous voulons parler du culte des animaux, (...) certains l'ont considéré comme plus naturel encore que l'adoration des dieux à forme humaine. Nous le voyons se conserver, vivace et tenace, là même où l'homme se représente déjà des dieux à son image. C'est ainsi qu'il subsista jusqu'au bout dans l'ancienne Égypte. Parfois le dieu qui a émergé de la forme animale refuse de l'abandonner tout à fait; à son corps d'homme il superposera une tête d'animal.
BERGSON, Les Deux sources de la mor. et de la relig., 1932, pp. 190-191.
— [P. réf. aux Actes des Apôtres XVII, 22-23] Au/à un dieu inconnu (en lat. Deo ignoto). Inscription figurant sur un temple d'Athènes, interprétée par saint Paul ,,comme le pressentiment de l'existence d'un Dieu unique, bon et transcendant`` (Symboles 1969). Il [Mario Meunier] m'a entretenu de l'autel au dieu inconnaissable, que saint Paul appelle le dieu inconnu, et il admire le sens métaphysique de ceux qui ont élevé cet autel (GREEN, Journal, 1932, p. 85).
— Loc., exclam. dans les traductions de textes antiques, dans les œuvres mettant en scène des personnages de l'Antiquité, ou dans la lang. poétique.
♦ [Pour exprimer un regret] Plût aux dieux (que + subj.). Plût aux dieux que je ne fusse jamais né!... (BALZAC, Corresp., 1821, p. 111).
♦ [Pour exprimer une prière, un souhait] (Que) les dieux te protègent! Que les dieux immortels nous assistent! Danse-La-Nuit. — La réponse est ici; entre! Le Poëte. — J'entrerai donc! Que tous les dieux me soient en aide! (CLAUDEL, Endormie, 1883, p. 16). Je ferai selon ton désir, et que les dieux soient avec nous! (CLAUDEL, Choéphores, 1920, p. 936).
♦ [Pour accompagner l'expression d'une prière] Dieux! Ô dieux justes! Ô dieux protecteurs! Ô dieux hospitaliers! Ô dieux cruels! Ô dieux farouches! Ô dieux inexorables! Ô justes dieux, grands dieux! Secourez ma faiblesse. Je t'implore, ô mon père, ô Zeus! (LECONTE DE LISLE, Poèmes ant., Hélène, 1845, p. 72).
♦ [Pour renforcer une affirmation, une promesse, un serment] À quelque extrémité que mon héros m'entraîne, Je jure par les dieux que je cède à regret (BOUILHET, Melaenis, 1857, p. 50) :
• 11. PÂRIS. —
(...),
Et tu seras à moi, noble femme que j'aime!
Les dieux me l'ont promis; nous trompent-ils jamais?
HÉLÈNE.
— Les dieux m'en sont témoins, étranger, je te hais.
Ta voix m'est odieuse et ton aspect me blesse.
LECONTE DE LISLE, Poèmes ant., Hélène, 1845, p. 72.
— P. méton., au plur. [Pour désigner les relig.] Dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts (RENAN, Prière sur l'Acropole ds Souv. enf.).
Rem. Le mot dieu apparaît dans le titre de nombreuses œuvres littér. ou mus. : Les Dieux (Alain), Le Crépuscule des dieux (E. Bourges,) les Dieux ont soif (A. France), Le Dieu des corps (J. Romains); Le Crépuscule des dieux, drame de Richard Wagner constituant la quatrième partie de la Tétralogie inspirée de la mythologie scandinave.
2. [Dans les croyances primitives] Force impersonnelle, extérieure et supérieure à l'homme désireux de se concilier sa bienveillance et, selon les cas, assimilée à un phénomène physique ou considérée comme s'incarnant dans un animal ou habitant une plante, ou une chose :
• 12. Les croyances anciennes qui se dégagent des études historiques donnent à la religion primitive du Japon un caractère de panthéisme et d'animisme universel. Les dieux ou esprits supérieurs (Kami) peuplent tous les lieux et habitent toutes choses. Le vent, la pluie, la mer, les plantes, les animaux sont des dieux au même titre que les instruments de la vie domestique : marmite, théière ou braseros.
Philos., Relig., 1957, p. 5412.
— En partic. Cette force en tant qu'objet d'un culte. Culte des dieux fétiches (CONSTANT, Journaux, 1804, p. 110). Les dieux cabires étaient adorés sous la forme de vases au large ventre (MICHELET, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 20) :
• 13. Les nègres de Juida ont aussi leurs fétiches. Ils s'adressent à certains grands arbres pour obtenir la guérison de leurs maladies, et en conséquence ils font des offrandes de pâte de millet, de maïs et de riz; car tout culte est un véritable échange entre l'homme et ses dieux, dont le prêtre est l'entremetteur.
DUPUIS, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 437.
B.— [Dans une perspective monothéiste] Au sing.
1. [Dans une perspective relig. mais en dehors des relig. hist. constituées] Gén. avec minusc. et avec l'article déf. Être suprême considéré en général (cf. divinité). Je sens qu'un dieu est en moi. Quel dieu? Je ne sais pas. Mais c'est pour l'avènement de ce dieu que je veux vivre (ARLAND, Ordre, 1929, p. 44). La certitude d'un dieu qui donnerait son sens à la vie surpasse de beaucoup en attrait le pouvoir impuni de mal faire (CAMUS, Sisyphe, 1942, p. 94) :
• 14. C'est au sentiment de l'existence d'un dieu que l'homme doit celui de l'infini, de l'universalité, de la gloire, de l'immortalité, (...). C'est à cet instinct de la divinité qu'il doit celui de la vertu, qui règle ses innombrables désirs vers le bonheur de ses semblables, dans la crainte ou l'espérance que lui inspire le sentiment d'un être suprême, vengeur et rémunérateur.
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 276.
2. [Dans les relig. hist., princ. dans la tradition judéo-chrétienne]. Gén. avec maj. parce que assimilé à un nom propre. (L') Être éternel, créateur de tout ce qui existe (animé et inanimé) et providence de l'univers créé, à qui les hommes doivent un culte. Dieu créa l'homme à son image; Dieu est infini (Ac. 1932). Invoquer Dieu, rendre gloire à Dieu :
• 15. Dieu est l'unité et la multiplicité; (...). Or, de même que Dieu est à la fois un et plusieurs, chaque créature de Dieu est à la fois une et multiple. (...). Donc de même que Moïse appelle Dieu Aelohim, de même il appelle tous les hommes Adam. Aelohim veut dire Lui-des-Dieux, c'est-à-dire l'Être des Êtres. Adam veut dire l'homme universel, l'humanité, le genre humain, c'est-à-dire l'homme qui est en même temps les hommes, comme Dieu ou l'Être est en même temps les Êtres.
P. LEROUX, De l'Humanité, de son principe et de son avenir, t. 2, 1840, pp. 986-987.
• 16. C'est la toute-puissance de Dieu, manifestée par ses œuvres, qui l'autorise à promulguer ce qui restera jusque dans l'Évangile le premier et le plus grand commandement : Tu aimeras le seigneur ton Dieu, et tu le serviras de tout ton cœur et de toute ton âme.
GILSON, L'Esprit de la philos. médiév., 1931, p. 156.
♦ [Avec l'article déf., précisant l'idée ou l'image que, parmi plusieurs possibles, on se forme du Dieu unique] Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; le seul vrai Dieu, le Dieu vivant. Le Dieu de Sinaï est un Dieu jaloux, un Dieu qui veut être aimé de préférence (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 388). Le christianisme, considéré comme pensée seulement humaine, veut mettre fin aux horreurs de la Bible et au terrible règne du Dieu des armées (ALAIN, Propos, 1935, p. 1275) :
• 17. Vos victoires cachées font la gloire de l'Être-Suprême. Insensés qui vous reposez sur l'idée de sa bonté infinie; (...) : il est surtout le dieu terrible, le dieu vengeur, le dieu exterminateur; et ce qui doit redoubler vos précautions, votre zèle, votre amour, il est souvent le dieu tentateur.
SENANCOUR, Rêveries sur la nature primitive de l'homme, 1799, p. 128.
♦ [Avec l'article indéf., pour indiquer que le Dieu unique se substitue aux dieux du polythéisme] Il [Mahomet] appelle à la foi en un Dieu unique, Allâh, seul créateur des hommes et de l'univers (Hist. des relig., t. 2, 1972, pp. 661-662 [encyclop. de la Pléiade]) :
• 18. ... il [le christianisme] contient une solution du monde extrêmement simple et étonnamment hardie. Au centre, (...) l'affirmation intransigeante d'un Dieu personnel : Dieu-providence, menant l'univers avec sollicitude et Dieu-révélateur, se communiquant à l'homme sur le plan et par les voies de l'intelligence.
TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain, 1955, p. 326.
• 19. La tradition et l'histoire, l'habitude et l'éducation favorisent la convergence, ou l'identification, de l'idée d'un Dieu et de l'idée de Dieu, seul vrai Dieu, toujours vainqueur comparé à d'autres dieux.
Encyclop. univ., 1972, p. 582.
a) [Dieu considéré dans sa nature divine] :
• 20. ... même après la révélation, l'essence de Dieu demeure au-delà de ce qu'on peut en connaître : il est le Dieu caché. (...). Le théologien protestant suisse Karl Barth a suspecté les Pères grecs d'avoir compromis le thème biblique du Dieu caché avec celui du Dieu inconnu du néo-platonisme. Si Dieu est en effet déclaré inaccessible, ce n'est pas en vertu d'une réflexion sur les limites de notre pouvoir de connaître, mais c'est parce qu'il se révèle comme le Dieu caché et que la grâce seule établit le rapport entre lui et nous.
Encyclop. univ., 1972 p. 579.
SYNT. Le Dieu suprême, unique, éternel, saint, tout puissant; le Dieu de lumière, de majesté; le Dieu de l'Écriture, de l'Évangile, des croyants, des chrétiens, des hébreux, des juifs; la gloire, le royaume de Dieu.
— Pop. ou fam. [Avec l'adj. bon, synon. affectif de vrai] Le bon Dieu. Dieu absolument bon et miséricordieux. Les œuvres du bon Dieu; aimer, prier, offenser le bon Dieu; demander qqc. au bon Dieu, remercier le bon Dieu. — Le bon Dieu, il est au ciel. — Sur la terre aussi, un petit peu. — Mais là en dessous, il y a plus de bon Dieu (AYMÉ, Jument, 1933, p. 281). Les enfants se demandaient si leur jeu de l'autre jour n'avait pas attiré la punition du bon Dieu (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 122). En partic. [Le suj. désigne un enfant] Écrire au bon Dieu. (Subst. désignant une pers. ou un aspect de la pers.) + du bon Dieu. (Subst.) propre aux êtres naïvement et entièrement voués à Dieu. Garçon de la pâte du bon Dieu, au demeurant, fidèle, bon compagnon (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 57). Dire que j'étais aussi couillon que lui d'avoir attiré ces trois vies du bon Dieu sur ce sacré putin de chemin, droit comme une ligne de mire! (GIONO, Baumugnes, 1929, p. 213) :
• 21. Il faut mourir
Entre les bras de celui qui l'aime, et est-ce qu'elle se doute, la pauvre innocente du bon Dieu,
Rien du tout! Ce qu'il y a en elle et ce qui en va sortir!
CLAUDEL, Partage de midi, 1949, I, p. 1083.
[P. réf. à Dieu en tant qu'il est le créateur et le dispensateur de toutes choses] Chaque jour du bon Dieu. Chaque jour qui est et que l'on vit (parce que Dieu l'a bien voulu), chaque jour sans exception. Tous les jours que le bon Dieu fait.
♦ P. méton. [Au sing. gén. avec l'article indéf., ou au plur., pour désigner une représentation de Dieu] Fam., volontiers péj. Un bon dieu/Dieu; un marchand de bons dieux. Un petit bon Dieu de missel (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 35). Dites, dans un bon Dieu de bois, est-ce l'image Que vous voyez et vers qui vos vœux vont monter (VERLAINE, Œuvres compl., t. 1, Jadis, 1884, p. 399). Rare. Un Dieu-le-Père. Il y a là-bas dans l'égrugeoir un très bon Dieu-le-Père en pierre que nous avons volé à Saint-Pierre-aux-Bœufs (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 103).
— En partic. [Dans la dogmatique chrét.] Une des trois personnes de la Trinité (généralement précisée par un terme adjoint).
♦ Dieu le Père ou le Dieu-Père. Première personne de la Trinité. Révélation du Dieu-Père en Jésus-Christ. V. par ailleurs HUGO, loc. cit. Enfin, le Dieu-Époux est en même temps le Dieu-Père, et il y a même osmose entre les deux figures : Dieu est autre chose qu'un géniteur et l'amour pour ses fils l'emporte sur la sévérité (Encyclop. univ., 1972, p. 578).
♦ Dieu le Fils ou le Fils de Dieu. Deuxième personne de la Trinité. [P. réf. au mystère de l'Incarnation] Le Dieu nouveau-né, l'enfant-Dieu, l'Homme-Dieu, le Dieu fait homme, le Verbe de Dieu incarné, un Dieu descendu du ciel/descendu sur la terre, un dieu réparateur, le Dieu agneau, le (grand) Dieu(-)sauveur. Le Christ. La Mère de Dieu. La Vierge. C'est un Dieu-homme que l'on nous a donné à regarder. C'est un Dieu qui se prépare à mourir sous nos yeux (CLAUDEL, Poète regarde Croix, 1938, p. 149) :
• 22. De la Noël, je voudrais parler avec la même révérence et la même gentillesse que ce berger, qui, dans un mystère du Moyen Âge, invité à saluer le Dieu nouveau-né, déclare vouloir emporter son flûtiau pour en jouer et « consoler le petit enfant qui est Dieu et Seigneur du monde ». J'ai le sentiment que cet Enfant-Dieu, pour peu qu'il nous regarde en ce moment, a bien besoin d'être consolé.
GUÉHENNO, Journal d'une « Révolution », 1937, p. 92.
♦ Dieu le Saint Esprit ou Dieu Esprit. Troisième personne de la Trinité. Le Nouveau Testament ne révèle pas seulement que le Dieu trois fois saint de l'Ancien Testament est en lui-même mystère d'amour, c'est-à-dire mystère de paternité et de filiation, mais aussi que le lieu d'échange de cet amour est l'Esprit; il révèle le Dieu Esprit (Encyclop. univ., 1972, p. 579).
Rem. Les trois personnes de la Trinité sont aussi désignées par des expr. synon. a) Première personne : Le Créateur (du ciel et de la terre/de toutes choses, l'Auteur de l'Univers, le Très-Haut, le Tout-Puissant, l'Éternel, le Père éternel/céleste, le Saint (des saints/ d'Israël), le souverain Juge, le Maître du monde, le Roi du ciel et de la terre/des siècles/des rois); cf. « Notre Père qui êtes aux cieux... » Début de la prière, s'adressant à Dieu, que Jésus a enseignée aux apôtres (cf. Matth. VI, 9-13). b) Deuxième personne : le Verbe. c) Troisième personne : le Saint Esprit.
b) [Dieu considéré dans ses relations avec les hommes dans l'Ancien et/ou le Nouveau Testament] À la guerre, elle [notre destinée] nous échappe; alors nous pensons à un Dieu entre les mains de qui repose notre sort (BARRÈS, Cahiers, t. 12, 1920, p. 264). Lorsqu'il plaît au Dieu tout-puissant d'intervenir plus activement dans notre prière (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 536). Si c'est une faiblesse, que Dieu me la pardonne et que tout aille selon son vouloir (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 174) :
• 23. Des fautes qui sont vraiment péchés et dont nous sommes un peu là pour répondre,
Un Dieu qui s'est fait un homme pour nous et qui est capable d'écouter et de répondre,
Toutes les possibilités du cœur entre lui et nous, vivant, celui qui nous a aimés plus que lui-même, sauveur ami, médecin, conseiller, enfant, frère, père, époux!
CLAUDEL, La Messe là-bas, 1919, p. 493.
• 24. Dans l'Ancien Testament, le Dieu d'Israël n'est pas d'abord le Dieu cosmique, auteur de la nature, (...) il est le Dieu tourné vers-nous, le Dieu proche. Ce mouvement de communication (...) ne trouvera son aboutissement plénier et définitif que dans le Nouveau Testament où Dieu se révèle en Jésus-Christ comme amour et comme père.
Encyclop. univ., 1972, p. 577.
) [Dieu en tant que providence et que juge] Le Dieu miséricordieux, le Dieu de bonté; le jugement de Dieu.
SYNT. Le bon Dieu (et les loc. attenantes), le Dieu rémunérateur, juste, très bon; Dieu de justice, de miséricorde; bonté, miséricorde, grâce, justice, loi de Dieu; inspiration, intervention, protection, don de Dieu; tribunal, arrêts, colère, pardon de Dieu; le Dieu des humbles, des âmes simples; Dieu, le Consolateur des affligés (ROB.); promesse faite à Dieu; au nom du Dieu souverainement bon; prier Dieu de + inf., placer son espérance en Dieu; Dieu puissant, secourez-nous; remercier Dieu, rendre grâce à Dieu de qqc.; Dieu sonde les cœurs, protège les hommes (Ac.). PARAD. La (divine/sainte) Providence, le souverain Juge.
♦ [À partir de l'expr. le bon Dieu, cf. supra] Le bon Dieu nous bénisse, que le bon Dieu nous entende, le bon Dieu vous le rendra.
Rem. Cf. infra 2e section II B 2 a : formules exclamatives exprimant un souhait à l'adresse de qqn.
— [Loc. mettant en œuvre un élément du corps humain pour symboliser la manifestation de la puissance et de la volonté de Dieu, sa faculté de réagir et d'intervenir favorablement ou défavorablement dans les affaires humaines] Le bras, la main, le doigt de Dieu; le bras de Dieu l'a frappé (Ac.). On reconnaît en cela/là le doigt de Dieu. On reconnaît (dans tel événement) l'action, l'intervention de Dieu. Appuyez-vous sur le bras de Dieu (Lar. 19e) :
• 25. Est-ce du sein de la paresse et de l'indolence, qu'il faut aller chercher l'œil et la main de Dieu? N'oublie jamais que c'est un Dieu jaloux, et qui aime qu'on le prie; parce qu'il sait que la prière ouvre les canaux de sa vie divine.
SAINT-MARTIN, L'Homme de désir, 1790, p. 374.
Rem. La loc. la main de Dieu peut d'autre part symboliser la faculté divine de créer. L'homme était tout puissant quand il sortit de la main de Dieu (BOUCHER DE P., Antiq. celt., t. 2, 1847-64, p. 314).
— P. plaisant. ou p. iron. [Pour parler d'une pers. à qui il arrive une chose avantageuse, heureuse, sans qu'elle y ait contribué en quoi que ce soit] Cela lui vient de la grâce de Dieu/de Dieu grâce. Cela est le fait d'un heureux hasard (notamment ds LITTRÉ). [Pour parler d'une affaire] Fam. Cela va comme il plaît à Dieu; cela va Dieu sait comme. Cela est laissé à l'abandon; la conduite en est ou négligée ou incohérente (notamment ds LITTRÉ).
Rem. Cf. infra 2e section II B 2 a : formules renforçant l'expr. de l'incertitude, de l'ignorance.
— [Pour marquer qu'en invoquant l'autorité de Dieu on prend l'entière responsabilité de qqc.] Dire qqc. devant Dieu et devant les hommes. Le docteur (...) pour conserver une existence dont, (...), je réponds devant Dieu et devant les hommes (A. DUMAS père, R. Darlington, 1832, III, 5, p. 16).
Rem. Cf. infra 2e section II B 2 a : formules renforçant une affirmation.
— HIST. Jugement de Dieu (v. aussi épreuve et ordalie). Paix/trêve de Dieu. Dieu et mon droit. Mot d'ordre que lança Richard Cœur de Lion à la bataille de Gisors (1198) et dont les rois d'Angleterre firent leur devise sous cette forme française. [P. allus. hist.] Ni Dieu ni maître. Maxime du socialiste révolutionnaire Louis-Auguste Blanqui (1805-1881), dont il fit le titre de son journal et dont les anarchistes firent leur devise. [Formule employée par les souverains et les dignitaires de l'Église pour marquer qu'ils détiennent leur autorité de Dieu même] Par la grâce de Dieu (notamment ds Ac.).
Rem. Cf. infra 2e section B 2 a : formules pour exprimer sa reconnaissance.
) [Dieu en tant qu'objet d'un culte] Aimer, adorer, honorer, louer, prier, invoquer Dieu; rendre gloire à Dieu; s'unir à Dieu par la prière/par la méditation (ROB.); se recommander à Dieu (Ac.); vision béatifique de Dieu.
— [Culte public, liturg.] Jour consacré à Dieu; rendre gloire à Dieu (cf. Fête-Dieu). [Relativement au mystère ou au sacrement de l'Eucharistie] Adorer Dieu dans l'Eucharistie (cf. Lever-Dieu).
♦ [Dieu, deuxième personne de la Trinité en tant que présente dans l'Eucharistie, hostie consacrée et identifiée avec celle-ci] Demander le bon Dieu. Demander l'hostie, la communion, le viatique; demander à communier. Recevoir le bon Dieu; porter le bon Dieu (à un malade, à un mourant) :
• 26. Je me rappelais celui qu'on appelait le sans-culotte et qui ne tolérait pas les prêtres. Il était sorti de la maison le jour où sa femme, avant de mourir, avait demandé le bon Dieu.
VALLÈS, Jacques Vingtras, L'Enfant, 1879, p. 356.
Pop. et fam. Manger le bon Dieu. Communier. Avaler le bon Dieu. Les Lorilleux, sans aller manger le bon Dieu dans les églises, se piquaient d'avoir de la religion (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 471). P. ext. Manger le bon Dieu, manger son Dieu. Vivre selon la religion, dans la piété. Mange ton Dieu et tais-toi! Marche, travaille, obéis! Ma grâce sur toi repose (CLAUDEL, Corona Benignitatis, 1915, p. 378).
P. iron. [P. réf. à la règle traditionnelle que la communion suppose l'état de grâce et doit être, si nécessaire, précédée d'une confession; souvent péj. en parlant d'une pers. qui se présente sous des apparences trompeuses] On lui donnerait le bon Dieu sans confession. Il avait été jusqu'à dire que ce bonhomme, à qui l'on donnerait le bon Dieu sans confession, se déguisait en chien pour se saoûler avec des filles bizarres (L. DE VILMORIN, Lettre ds taxi, 1958, p. 63).
— [Culte privé, dévotion particulière]
♦ [En apostrophe, dans des formules de prière] Seigneur mon Dieu, Ô Dieu du ciel, Ô Dieu de liberté, Ô Dieu de paix, gloire à Dieu; Ô mon Dieu, je vous implore. Ô Dieu! Grâce s'il en est ainsi, grâce! Je veux me retremper en toi avant le soir, te prier tandis que le soleil luit toujours et qu'un peu de force me reste (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 1, 1834, p. 95) :
• 27. ... « de même que cette eau humecte une terre aride, puisse, ô mon Dieu votre divine parole tomber comme une rosée salutaire sur le cœur de mon époux! »
COTTIN, Mathilde, t. 1, 1805, p. 360.
♦ [P. réf. à l'intimité des relations personnelles avec le Dieu omniscient] Entre Dieu et soi [Avec valeur adv.] ,,Secrètement`` (Ac.). [Avec valeur adjective] De caractère strictement personnel. C'est une affaire entre Dieu et moi (Lar. encyclop., Lar. Lang. fr.).
— [Dieu en tant que principe et fin de la vie spirituelle, partic. dans l'ascétique et dans la mystique chrét.] Chercher, découvrir Dieu; se tourner vers Dieu, servir Dieu, se consacrer à Dieu.
♦ Un homme de Dieu. Un homme qui a choisi de consacrer sa vie au service de Dieu, dans le cadre ou hors du clergé (v. notamment LITTRÉ et Ac.). C'est un homme de Dieu/tout de Dieu/tout en Dieu. C'est un homme d'une grande piété (v. notamment LITTRÉ et Ac.). P. oppos. [P. réf. à Dieu en tant que fondement de la morale; avec valeur adjective] Sans Dieu/dieu. Sans religion ni morale. La guerre nourrissant la guerre, il se forma des armées sans patrie, sans loi, sans dieu, qui se vendaient au premier venu (MICHELET, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 168). En emploi subst. Un sans-Dieu/dieu; les sans-Dieu/dieu. Un athéisme « scientifique » peut-il s'édifier? (...) question quelque peu inquiétante pour les théoriciens des sans-Dieu (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 76) :
• 28. — ... Votre Quandieu et toute la bande diront ce qu'il faudra dire, s'il est nécessaire que le sale Juif soit le coupable, grâce à la complicité de nous tous, les sans-Dieu et les sans-patrie, qui pourrissons la jeunesse française!
ZOLA, Vérité, 1902, p. 33.
— En partic. [Dieu en tant que finalité d'une des trois voies traditionnelles de la spiritualité chrét.]
♦ [Voie purgative ou voie de pénitence et de mortification] Obéir à Dieu; observer, suivre les commandements de Dieu; craindre Dieu; élever ses enfants dans la crainte de Dieu (Ac.); offenser Dieu, commettre un sacrilège envers Dieu; blasphémer le nom de Dieu (Ac.); confesser à Dieu ses péchés (cf. supra on lui donnerait le bon Dieu sans confession), demander pardon à Dieu; pardonnez-moi, grand Dieu (Ac.). [Dans le cadre d'une conversion] Dieu l'a touché (Ac.), se tourner vers Dieu, revenir à Dieu.
[P. réf. à Dieu, fondement de la morale relig., et p. oppos. au Diable, principe du mal] Ne craindre ni Dieu (,) ni diable (var. ne croire ni à Dieu ni à diable). Agir avec détermination selon sa volonté, sans être retenu par quelque règle, quelque loi, quelque scrupule; ne reculer devant rien, n'avoir peur de rien. Devant la porte du vieux braconnier, qui ne craignait ni Dieu ni Diable (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 71).
Pop. [Pour donner plus de force à une affirmation] Il n'y a pas de bon Dieu [s.-ent. : il n'y a personne, pas même le bon Dieu, qui puisse m'empêcher de faire (telle chose)] Une chopine, pas plus, et je pars. Il n'y a pas de bon Dieu, il en pleuvrait, je file nette comme torchette (VIDOCQ, Mém., t. 4, 1828-29, p. 68).
Rem. Cf. infra 2e section II B 2 a : formules renforçant une affirmation.
♦ [Voie contemplative ou illuminative et voie unitive, ces deux voies étant mal distinguées dans la lang. usuelle] Regarder, contempler Dieu; vivre dans l'amour de Dieu.
Pour l'amour de Dieu. Dans la seule intention de plaire à Dieu. Faire qqc. pour l'amour de Dieu (Ac.). P. ext., fam. Dans la seule intention de plaire à quelqu'un et indépendamment de tout intérêt, de tout profit personnel; gratuitement. On lui a donné cela pour l'amour de Dieu (Ac.). Fam., iron. (Comme) pour l'amour de Dieu. Contre son gré, de mauvaise grâce, mal; avec lésine. Ce travail a été fait pour l'amour de Dieu (Ac.).
Rem. Cf infra 2e section II B 2 a : formules pour rendre une prière, une demande plus pressante.
En Dieu. Dans la contemplation de Dieu; dans l'union mystique, ici-bas ou dans l'au-delà, avec Dieu; en participant de la divinité de Dieu. Notre révérende mère en Dieu. Mon père en Dieu. Nos chères sœurs en Dieu (Lar. 19e) :
• 29. Qu'enfin mon âme toute en Dieu
Lors d'un autrefois dont les anges
Furent participants, au lieu
Des cieux, erre ès limbes étranges
VERLAINE, Poèmes divers, A. Eugénie, 1896, p. 223.
Être abîmé en Dieu. ,,Être d'une grande piété`` (Ac.).
[P. réf. à la survivance de l'âme après la mort et à sa comparution devant Dieu pour être jugée] Recommander son âme à Dieu. Se préparer — religieusement — à mourir. [En parlant d'une pers. qui va ou vient de mourir] Paraître devant Dieu. Mourir. Être devant Dieu. Être mort. Être avec Dieu. ,,Jouir de la béatitude`` (DG).
) [Dieu en tant qu'il parle aux hommes et qu'il est objet de messages pour les hommes] La parole de Dieu; annoncer la parole de Dieu; annoncer, prêcher Dieu (cf. supra ex. 27).
Rem. 1. Dans certaines formes des sc. hum., Dieu est présenté comme l'idéal personnifié : L'humanité veut un Dieu à la fois fini et infini, réel et idéal; (...); mais elle veut que l'idéal soit personnifié; elle veut un Dieu-homme (RENAN, Le Prêtre de Nemi, Paris, Calmann-Lévy, 1886, II, 6, p. 51); ou même seulement comme une entité psychique :
• 30. Freud s'efforce ensuite de rendre compte de la croyance en un « Dieu-Père » par une reconstruction psychanalytique des divers processus affectifs qui, de la culpabilité refoulée et déplacée, conduisent à la reconnaissance transposée du père et à l'agrandissement posthume de celui-ci, finalement à l'image d'un père déifié.
Encyclop. univ., 1972, pp. 38-39.
Rem. 2. Qq. dict. attestent Dieudonné (c.-à-d. « donné par Dieu »). ,,Surnom qu'on donne à quelques enfants, surtout à des fils de princes, dont on regarde la naissance comme un bienfait du ciel`` (Ac. 1835, 1878).
II.— [La divinité comme entité philos.] Principe d'explication et d'unité de l'univers. Les sciences positives, à travers l'étude des phénomènes, cherchent déjà Dieu. Car elles cherchent le premier principe des choses (E. BOUTROUX, Contingence, 1874, p. 152) :
• 31. ... celui qu'honore l'homme religieux, et ce que recherche le philosophe, coïncident. La métaphysique s'élève par l'absolu jusqu'à Dieu et la religion pare son Dieu personnel de tous les attributs de l'absolu.
FRIES t. 1, 1965, p. 334.
A.— [Dans la philos. gr.] Principe d'explication du monde matériel, principe d'intelligibilité et d'ordre. Le Dieu des philosophes grecs ne prétend pas rendre raison de l'origine de l'Univers, mais seulement de l'ordre et de la hiérarchie qui s'y découvrent, au-dessus des choses soumises à la génération et à la corruption (V. MONOD, Dieu dans l'Univers, Paris, Fischbader, 1933, pp. 55-56) :
• 32. Il s'agit seulement de savoir ce que Platon pense de Dieu et s'il admet ou non la pluralité des dieux. Or, il s'en faut de beaucoup que la notion de Dieu corresponde chez lui au type supérieur et parfait de l'existence, (...) Timée (...) représente un effort considérable pour s'élever à la notion d'un dieu qui soit cause et père de l'univers; mais ce dieu lui-même, si grand soit-il, n'est pas seulement en concurrence avec l'ordre intelligible des idées, il est en outre comparable à tous les membres de la vaste famille des dieux platoniciens. Il n'élimine pas les dieux sidéraux dont il est l'auteur (...), ni même le caractère divin du monde qu'il façonne; premier entre ces dieux, il demeure l'un d'entre eux, et si l'on a pu dire qu'en vertu de sa primauté le Démiurge du Timée est « presque analogue au Dieu chrétien », on doit ajouter immédiatement qu'il ne saurait être question de nuances en ces matières; il n'y a qu'un Dieu, ou il y en a plusieurs, et un dieu « presque analogue » au Dieu chrétien n'est pas le Dieu chrétien.
GILSON, L'Esprit de la philos. médiév., 1931, pp. 47-48.
• 33. [Pour Platon] C'est Dieu qui a mêlé les deux essences de l'identique et du différent sur deux plans distincts de manière à former l'âme du Monde...
V. MONOD, Dieu dans l'Univers, Paris, Fischbader, 1933 p. 41.
B.— [Dans la philos. occidentale pénétrée des conceptions judéo-chrétiennes] L'Être suprême, appréhendé par la raison comme être totalement un, spirituel et transcendant :
• 34. ... Dieu n'est rien moins qu'une notion, et en ce sens il est clair qu'il ne saurait nous fournir un critère. D'ailleurs, le dieu véritable est un dieu vivant, ce n'est pas le dieu tout logique qu'exigent certaines morales de la perfection. (...) Dieu est par-delà le bien et le mal, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de commune mesure entre l'affirmation portant sur Dieu et un jugement éthique quelconque (...). Mais alors n'hypostasions-nous pas cette perfection dans une sorte de solitude métaphysique où elle s'immobilise? Il faut comprendre au contraire que si une action divine peut être pensée, c'est à condition que Dieu soit concret, soit personnel...
MARCEL, Journal métaphysique, 1914, pp. 65-66.
• 35. Au second moment de la dialectique humaniste, nous avons dit que Dieu devient une idée. C'est le dieu des grands métaphysiciens idéalistes. La transcendance divine est maintenant rejetée. C'est une philosophie de l'immanence qui occupe la place. Avec Hegel, Dieu apparaîtra comme la limite idéale du développement du monde et de l'humanité.
MARITAIN, Humanisme intégral, 1936, p. 42.
SYNT. Idée, concept, conception, notion philosophique de Dieu; existence de Dieu, d'un Dieu en soi; preuves métaphysiques, ontologique, « physiques », cosmologique, téléologique, morales de l'existence de Dieu; étude de la nature de Dieu; attributs métaphysiques, moraux de Dieu; perfection (intrinsèque) de Dieu, connaissance de Dieu, relation Dieu-nature, identité de Dieu et du monde; le Dieu de la douceur éthique, le Dieu de la vérité ontologique; Dieu infini, absolu, nécessaire, universel, parfait, créateur, personnel, éthique, tout logique; un Dieu intérieur à l'âme, un Dieu inconnaissable; Dieu est transcendant, immanent au monde, extérieur au monde aussi bien qu'intérieur; Dieu est tout action; concevoir Dieu comme un Toi, identifier Dieu et la nature.
Rem. Cf. l'art. consacré au mot dieu ds LAL. 1968.
— [P. allus. à Pascal (Papier, Pensées, éd. Brunschvicg, p. 142)] Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants :
• 36. À cette connaissance doctrinale, M. Barrès attache si peu de prix, qu'il loue Pascal de s'être éloigné du dieu des philosophes et des savants...
MASSIS, Jugements, 1923, p. 236.
— En partic. [Dans les philos. de la négation] :
• 37. Avec Nietzsche, le nihilisme semble devenir prophétique. (...), il a pratiqué la négation méthodique, la destruction appliquée de tout ce qui masque encore le nihilisme à lui-même, des idoles qui camouflent la mort de Dieu.
CAMUS, Essais, Paris, Gallimard, 1965, pp. 475-476.
III.— P. anal. [Pour désigner une pers. ou une chose très admirée] :
• 38. Le peuple est dans tous les pays amoureux de l'extraordinaire, et sujet à se passionner pour les personnes et pour les choses; mais nulle part il ne porte aussi loin qu'à Venise la faculté de se créer des dieux, objets passagers d'un enthousiasme dont les retours sont souvent funestes pour ceux qui l'ont excité.
NODIER, Jean Sbogar, 1818, p. 127.
A.— [Pour désigner des pers.] Mon père était tout pour moi, un maître, un roi, un dieu — un ami (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1136). C'était un artiste incomparable que Ricarda, un dieu de l'image (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 376) :
• 39. J'accuse cette femme de trembler d'amour pour moi, de n'avoir que moi pour pensée, pour nourriture, pour Dieu. Je suis le dieu de cette femme, entendez-vous!
GIRAUDOUX, Ondine, 1939, III, 4, p. 197.
— Dieu du stade. Grand champion dans un sport qui se pratique dans un stade. Ce nouveau dieu du stade [le nouveau roi du football européen, Kevin Kergan] fait rêver (Paris-Match, 10 juin 1977, p. 36). Les dieux du stade. Titre d'un film ayant pour sujet les Jeux Olympiques de Berlin en 1934 (cf. Dict. des films, Paris, Le Seuil, 1975).
Rem. Attesté ds ROB., Lar. encyclop. et Lar. Lang. fr.
— En emploi adj. Dans ce ménage, primitif [disait-il], le baron était aussi dieu que chez lui (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 93). Les rois qui sont un peu tyrans sont presque dieux (HUGO, Légende, t. 3, 1877, p. 314).
B.— [Pour désigner des valeurs abstr. ou la valeur abstr. de choses concr. considérées comme souverain bien] Chez les nations où la sociabilité domine, l'opinion est le dieu à qui tout rend hommage (BONSTETTEN, Homme Midi, 1824, p. 49). La puissance des explosifs, dieux récents et suprêmes, qui viennent de détrôner, aux temples de la guerre, tous les dieux d'autrefois? (MAETERLINCK, Intellig. fleurs, 1907, p. 222) :
• 40. Le corps est divinisé par l'hygiène, le sport, la sensualité; les grands morts deviennent objets d'adoration publique; les nations se font vénérer; le drapeau est entouré des mêmes honneurs accordés naguère au Saint-Sacrement; la machine s'est faite dieu, et ses rites tiennent attentifs et courbés des millions de malheureux.
BLOCH, Destin du Siècle, 1931, p. 161.
— Loc. Faire un dieu de son ventre. Je ne prétends pas qu'il Faille faire un dieu de son ventre, On ne doit pas, non plus, que diantre! Le traiter comme un seigneur vil (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p. 116).
SYNT. (communs à A et B). Être (le) dieu (de qqn), être le seul dieu de qqn, devenir dieu, avoir pour dieu (qqn), ne pas avoir d'autre dieu que (qqc.), faire un dieu de (qqc.), donner à qqn pour dieu (qqc.).
2e Section. [Le nom de la divinité comme élément d'expr.]
I.— [Expr. à contenu relig. explicite; expr. déjà traitées dans la 1re section, I et II]
II.— [Expr. à contenu relig. affaibli]
A.— [Dans le cadre des conceptions polythéistes]
1. Loc. littér., qq. peu arch.
a) [En forme explicite de compar. Pour indiquer un haut degré d'excellence, de perfection, etc.; p. réf. à la représentation des dieux dans la myth. et dans l'art statuaire gr.]
— Verbe + en dieu (c'est-à-dire comme le ferait un dieu). ,,Agir, parler, punir, pardonner en dieu`` (Lar. 19e). Tournure usuelle : verbe + comme un dieu. Valser comme un dieu; nager comme un petit dieu. Il rentre à son cours comme un jeune dieu mystérieux et insolent (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1910, p. 196). Ce jeune homme est étonnant, interrompit naïvement M. de Charlus, en montrant Morel. Il joue comme un dieu (PROUST, Sodome, 1922, p. 964).
— Verbe + (de) compl. d'obj. (désignant gén. une pers.) + comme (d')un dieu (c'est-à-dire comme s'il s'agissait d'un dieu). Honorer qqn comme un dieu; parler de qqn comme d'un dieu. Son frère, dont elle parle comme d'un dieu (RENARD, Journal, 1901, p. 711). Quand l'année est excellente, on garde le vin un quart de siècle en le soignant comme un dieu, avant de le mettre sur la table (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 129).
— Subst. + digne des dieux. Nectar, spectacle digne des dieux. Synon. poét. subst. + des dieux. Manger, festin, nectar, mois de mai, plaisir, choix des dieux. Les convives (...) Rôtirent du lard roux et des feuilles de vigne, Les cailles, en disant :« Des dieux elles sont dignes! » (JAMMES, De tout temps, 1935, p. 104).
— Adj. + comme un dieu. Beau comme un dieu. Adj. ou verbe + comme un (jeune) dieu. Calme et grand comme un dieu; brutal et insolent comme un dieu. Parfait à la manière humaine, et non comme un dieu (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 328).
— Subst. + de (un) dieu. Beauté, visage de jeune dieu. Ô Socrate (...) ô toi qui, refroidi, et la moitié du corps déjà de marbre, l'autre encore parlante, nous tenais amicalement le langage d'un dieu (VALÉRY, Eupalinos, 1923, p. 64). Paraît ensuite sur l'estrade un énorme gaillard à la tête bouclée de dieu grec (GREEN, Journal, 1936, p. 73) :
• 41. Un homme buvait à table d'excellent vin, sans le louer. Le maître de la maison lui en fit servir de très médiocre. « Voilà du bon vin, dit le buveur silencieux. — C'est du vin à dix sous, dit le maître, et l'autre est un vin des dieux.
CHAMFORT, Caractères et anecdotes, 1794, p. 141.
b) Loc. fig. (avec compar. implicite)
) [P. réf. au banquet qui réunit les dieux, pour évoquer une assemblée animée de préoccupations d'ordre supérieur] :
• 42. Qu'il soit permis quelquefois de s'asseoir au banquet des dieux, que l'on puisse échapper aux querelles, assurément, mais aux basses querelles seules. La noble querelle à ce qui est vil, comment l'interrompre? Comment au banquet des dieux justifier, amnistier la lutte contre le divin?
BARRÈS, Mes cahiers, t. 8, 1910-11, p. 282.
) [P. réf. à la puissance des dieux]
— [La puissance des dieux est symbolisée par la main signifiant un pouvoir sur lequel l'homme n'a pas de prise] :
• 43. Dans la vie, toutes nos paroles sont improvisées et nos actes sont des étourderies plus ou moins favorables. Nous sommes dans la main des dieux, la fatalité est la poésie du monde.
CHARDONNE, Claire, 1931, p. 19.
— [Pour désigner les grands de ce monde] Les dieux de la terre :
• 44. ... M. d'Andilly faisait des cadeaux; il les proportionnait aux personnes : à la reine, au cardinal Mazarin, aux dieux de la terre, il envoyait, chaque année, les primeurs et l'élite de ses fruits bénits.
SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 260.
) [P. réf. aux dieux protecteurs, bienveillants à l'égard des êtres hum.]
— [Pour désigner une pers. en entourant une autre de son amitié, de sa sollicitude, etc.] Dieu tutélaire. Synon. ange gardien. (Apercevant Rantzau et courant à lui.) Ah! mon sauveur — mon dieu tutélaire! (SCRIBE, Bertrand, 1833, V, 9, p. 226).
— [En parlant d'une pers. favorisée par un don, par la chance, etc.] (Être) aimé des dieux; (être) comblé des dieux; (être) favorisé des dieux et des déesses; protégé des dieux. Anton. abandonné des dieux. Le succès de cet artiste aimé des dieux (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 305). En cet instant où j'écris seul, abandonné des dieux et des hommes (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 78).
♦ [P. allus. au vers de Ménandre : ,,Celui qu'aiment les dieux meurt jeune``] Fille de Jupiter, tu vas me rendre heureux Puisque quand on meurt jeune on est aimé des Dieux (JAMMES, De tout temps, 1935, p. 58).
— [Pour qualifier un événement agréable, heureux] (C'est un) bienfait des dieux :
• 45. Aussi bien chez les Grecs que chez un Byron ou un Péguy, on trouve cette idée un peu romantique, mais non tellement absurde, que la vie brève est une bénédiction des dieux, que la longue vie est la richesse sans gloire de ceux qui n'ont pas risqué.
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 136.
♦ [Pour exprimer la satisfaction relative à un tel événement] Bénir les dieux de + inf. Je bénis les dieux de me réunir à celui qui fut mon disciple fidèle et mon dernier ami (MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p. 136).
— [Pour signifier que l'on s'en remet à la chance pour l'accomplissement de qqc.] Se fier aux dieux pour qqc. Les conférences que je fais sont des improvisations, les sujets m'étant familiers. Je me fie aux dieux pour le détail (VALÉRY, Lettres à qq.-uns, 1945, p. 148).
) [P. réf. au caractère malveillant de certains dieux ou p. réf. aux dieux infernaux]
— Apaiser les dieux jaloux. Synon. de conjurer le mauvais sort. Être voué aux dieux infernaux. Être promis à un état pénible. Sur votre liste, que trouvé-je encore? Proudhon. Celui-là, il est voué, je le sais, aux dieux infernaux (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 3, 1863-69, p. 218) :
• 46. Pourtant, Requim conservait une lueur d'espoir et s'il se défendait de croire que la Robidet pût-être rentrée, c'était un peu pour apaiser les dieux jaloux et conjurer le mauvais sort.
AYMÉ, La Vouivre, 1943, p. 194.
) Être en proie au dieu
— [P. réf. aux danses désordonnées des Bacchantes inspirées par Bacchus-Dionysos] Ces femmes en proie au dieu, les Bacchantes, ne se livraient point à de honteuses débauches (GIDE, Journal, 1940, p. 49).
— [P. réf. à la Pythie antique, rendant à Delphes des oracles inspirés par Apollon] Élisabeth ne les [les oracles] rendait que les soirs où elle se sentait en forme, en proie au dieu, sur un trépied (COCTEAU, Enf. terr., 1929, p. 87).
) [P. réf. à la multiplicité des dieux des conceptions polythéistes, à leur diversité, à leurs variations] Péj. Sacrifier à d'autres dieux. Changer de conception, d'attitude, et se conformer avec la même ardeur à un autre système de valeurs, à d'autres principes :
• 47. On sacrifie, dira-t-on, à d'autres dieux; le bien de l'humanité est devenu la passion de tous ceux qui ne peuvent vivre avec leurs frères issus du même sang dont ils sont formés.
DELACROIX, Journal, 1854, p. 208.
) [P. réf. à la chute des dieux du paganisme, au renversement des idoles; souvent p. oppos. à la notion de vrai Dieu (supra IA)] Renverser les faux dieux. Renverser les conceptions jugées erronées ou fausses. Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux (LAMART., Médit., L'Homme, 1820, p. 31). Le moment exige que je fasse deux ou trois œuvres capitales qui renversent les faux dieux de cette littérature bâtarde (BALZAC, Lettres Étr., t. 3, 1850, p. 256).
2. Loc. usuelles
— Être dans le(s) secret(s) des dieux. Partager, avec des personnages haut placés dont on reçoit les confidences, des informations importantes de caractère secret. « Qu'est-ce qu'il y a dans nos traités avec la Russie? Personne n'en sait rien. » (...) — « Je ne suis pas dans les secrets des dieux », dit-il (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 356).
— Fam. Promettre, jurer ses grands dieux de/que... Protester vigoureusement, comme si on invoquait les dieux comme garants, de sa sincérité à l'occasion d'une déclaration, d'une promesse, d'un serment. Un prince, sachez-le, ne se fait pas scrupule De jurer ses grands dieux qu'il aime et va mourir Si d'un amour pareil on ne veut le guérir (DUMAS père, Hamlet, 1848, I, 1, p. 7).
— Exclam., interj. fam. ou pop. [Pour exprimer des sentiments divers ou en renforcer l'expr.] Dieux! Grands dieux! Bons dieux! Dieux de dieux! Cent dieux! Mille dieux! Vingt dieux! Dieux! s'écria soudainement une jeune femme, le monsieur est blessé (BALZAC, Œuvres div., t. 3, 1836-48, p. 205). Me battre pour le prince! Tant qu'on voudra, vingt dieux! (RICHEPIN, Vers la joie, 1894, p. 152). Mais mille dieux! comprendras-tu à la fin, triple bûche (ARNOUX, Roi d'un jour, 1956, p. 200).
3. Arg. (et p. plaisant., le dieu Terme étant dans la myth. le protecteur des limites et bornes des champs). Dieu Terme. Jour de paiement du terme, du loyer. Le quinze est le jour fixe et ferme, Où l'on célèbre ce dieu « Terme », Jusque dans le moindre taudis (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p. 242).
B.— [Dans le cadre du monothéisme judéo-chrétien]
1. Loc. proverbiales
— L'homme propose (,) Dieu dispose. ,,Les desseins des hommes ne réussissent qu'autant qu'il plaît à Dieu; souvent nos entreprises tournent d'une manière opposée à nos vœux et à nos espérances`` (Ac.).
— P. plaisant. Ce que femme veut, Dieu le veut. ,,Les femmes veulent ardemment ce qu'elles veulent, et elles viennent ordinairement à bout de l'obtenir`` (Ac.).
— Chacun pour soi et Dieu pour tous. Que chacun défende ses intérêts, étant entendu que Dieu partage équitablement sa bienveillance entre tous les hommes. Péj. Que chacun défende égoïstement ses intérêts. Chacun pour soi et Dieu pour tous, on n'est pas sur terre pour se marrer (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 99).
— Qui donne aux pauvres, prête à Dieu. Dieu récompensera celui qui a fait preuve de charité. [Il] circulait dans les rangs avec un plateau en disant :« Faites l'aumône! qui donne à l'Église, prête à Dieu » (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 133). Var. Nous allions demander l'aumône pour les prisonniers, en disant :« Celui qui donne aux pauvres, prête à l'Éternel [Dieu] » (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 257).
Rem. Lar. 19e enregistre également les proverbes suivants : Dieu donne le froid selon le drap (Dieu proportionne les peines ou les malheurs qu'il nous envoie aux moyens que nous avons pour y résister). À brebis tondue, Dieu mesure le vent (même sens). Là où Dieu veut, il pleut (rien ne se fait que par la volonté de Dieu).
— [Calqué sur le lat. vox populi, vox Dei] La voix du peuple est la voix de Dieu. Le sentiment général recèle généralement un fond de vérité (cf. Ac.).
— [À propos de la présentation d'une demande, d'une requête, etc.] Il vaut mieux (ou mieux vaut) s'adresser à Dieu (ou au bon Dieu) qu'à ses saints (ou qu'aux saints). Il est plus efficace de s'adresser tout de suite à la personne la plus haut placée dans la hiérarchie.
♦ [P. réf. à ce proverbe] :
• 48. LE DUC. — (...) je suis (...) étonné que, pouvant tout exiger de Dieu, vous veniez faire votre prière à l'un de ses saints.
NELLY — Et, si c'est à vous, milord, que je voulais avoir cette reconnaissance et non au roi...
DUMAS père, Le Laird de Dumbiky, 1844, I, 6, p. 20.
— P. plaisant.
♦ Il y a un Dieu pour les ivrognes. Les hommes ivres semblent souvent échapper miraculeusement à toutes sortes d'accidents, comme s'ils étaient particulièrement protégés par la Providence.
P. anal. Il y a un dieu pour ces ivrognes qu'on appelle les amoureux. (...). L'amour lui avait bandé les yeux, pour le mener où? au paradis (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 676).
♦ Il y a un dieu pour les fous et pour les enfants. Même sens :
• 49. Il y a un Dieu pour les fous et pour les enfants. Colette [un poulain] et moi (...), avions toutes les chances possibles pour nous contrarier et nous séparer violemment. Il n'en fut rien. À partir de ce jour, nous devions vivre et galoper quatorze ans de compagnie.
SAND, Histoire de ma vie, t. 3, 1855, p. 265.
2. Loc. ou expr. exclam. diverses (formules de prière, de souhait, de remerciement, d'insistance, etc.)
a) [Formules exclam. chargées d'exprimer divers sentiments]
— [Pour exprimer un désir, un vœu] Dieu le veuille! Plaise à Dieu! Plaise à Dieu que + subj.! À Dieu plaise! Dieu vous entende! Avec l'aide de Dieu! Dieu aidant! (fam.). Avec la grâce de Dieu! Si Dieu (le) veut! S'il plaît à Dieu! J'espère toujours, Miss Mary, vous voir heureuse un jour, avec l'aide de Dieu! (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 175) :
• 50. N'étant pas né, il vous serait difficile et rebutant de suivre cet état [militaire] où, sous l'ordre de choses actuel, et, à Dieu plaise! éternel, un garçon de roture sera toujours en moins bonne position qu'un gentilhomme.
ADAM, L'Enfant d'Austerlitz, 1902, p. 379.
— [Ou, au contraire]
♦ [Pour exprimer un regret] Plût à Dieu que + subj.! Plût à Dieu que tous ceux qui ont profité de nos désastres fussent d'aussi honnêtes gens que vous! (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 59). Ils n'étaient pas des ennemis. Plût à Dieu qu'ils [des Allemands] fussent des ennemis! (ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 596).
♦ [P. réf. consciente ou non à Dieu, à ses desseins, à sa loi mor., pour exprimer une crainte, pour repousser une idée que l'on désapprouve, ou l'éventualité d'un événement redouté] À Dieu ne plaise (que + subj.)! Dieu me/ m'en préserve! Dieu me préserve de + inf.! Dieu m'en garde! Dieu me garde de + subst. ou inf.! Dites-moi un peu ce que vous feriez si (Dieu vous en préserve!) vous deveniez ministre par hasard? (MUSSET, Lettres Dupuis Cotonet, 1837, p. 756). Si j'étais dieu (ce qu'à Dieu ne plaise), je me foutrais de leurs génuflexions (GIDE, Journal, 1933, p. 1173). Oh! je fais sur toi bien d'autres rêves, mais je ne te les dis pas, Dieu m'en garde! (MONTHERL., Demain, 1949, II, 1, p. 718).
— [Pour exprimer, avec une réf. relig., que l'on s'en remet à la providence quant à la réalisation d'un projet, ou simplement, pour signifier que l'on s'en remet à la chance] À la grâce de Dieu! À Dieu soit! (c'est-à-dire « qu'il en soit selon la volonté et la bienveillance divines »). À Dieu vat (même sens). Le poulet fleuri, lancé à tour de bras, s'engouffre dans la fenêtre ouverte. À Dieu vat! (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 163). Cf. batterie ex. 8.
Rem. Dans l'ex. suiv. à Dieu vat est quasi-synon. de « grâce à Dieu ». Il n'y eut plus de doute que la chose maintenant avait eu lieu... À Dieu vat! ajouta-t-il avec une espèce d'enthousiasme (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 224).
MAR. [Constitue également la formule consacrée que l'on prononce lors du départ d'un bateau ou d'une manœuvre en mer] « À Dieu vat! » cria le jeune capitaine. Les barils furent chavirés, et de leurs flancs s'échappèrent des flots d'huile (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 59).
— [Pour exprimer à Dieu sa reconnaissance, son contentement, son soulagement] Grâce(s) à Dieu! Par la grâce de Dieu! Dieu merci! Dieu soit béni! Dieu (en) soit loué! Dieu soit béni! Sténio n'a perdu que la santé physique; son âme est encore pleine d'énergie et d'avenir (SAND, Lélia, 1833, p. 256). Dieu merci, il ne s'est rien passé... Enfin rien de grave... (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, II, 4, p. 192). Elle se rappelait où elle l'avait posé [le sac]... s'il était encore là... il était là! Dieu soit loué... (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 39).
— Pop. et fam. [Avec le nom de Dieu en position intercalaire hors syntaxe et comme si on le prenait à témoin, pour exprimer la surprise, le saisissement, l'indignation] Ce n'est pas Dieu possible! Ce n'est Dieu pas possible! Comme si c'était Dieu possible! Il n'est pas Dieu possible/permis que + subj.! Est-il Dieu permis de + inf.! Il n'est pas Dieu permis qu'on vous mange ainsi la laine sur le dos! (ZOLA, Joie de vivre, 1884, p. 902). Il y avait quelque chose qui lui trottait par la tête : l'intimité de Jeanne avec l'inspecteur Colombin. Ce n'était pourtant Dieu pas possible (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 438).
— [Pour assurer de sa sincérité] Dieu me pardonne! (c'est-à-dire « ce que je vous annonce est aussi vrai qu'il est vrai que je souhaite que Dieu me pardonne mes fautes »). J'aimais, Dieu me pardonne, tout comme à vingt-cinq ans (COURIER, Lettres Fr. et It., 1814, p. 863). Dieu me pardonne! j'ai vu rougir M. Libois (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 182).
b) [Formules d'usage exprimant un souhait] Dieu vous bénisse! Dieu vous contente! Dieu vous assiste! Dieu vous (soit en) aide! Dieu vous préserve! Dieu vous protège! (Que) Dieu vous garde! Le bon Dieu te bénisse! (fam.). Dieu me soit en aide, messires! dit l'archidiacre en les introduisant (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 198). Si pour être sauvée, Nancy doit compter sur toi, alors que Dieu lui vienne en aide (CAMUS, Requiem, 1956, 1re part., 3e tabl., p. 858).
Rem. À propos de ces formules, Lar. 19e note qu'elles peuvent exprimer les ,,souhaits que l'on adresse à une personne qui éternue, et, dont on fait remonter l'usage à l'an 590, parce que beaucoup de personnes moururent alors, dit-on, en éternuant``. Pour Ac. 1932, la formule Dieu vous bénisse! est encore employée familièrement lorsque quelqu'un éternue. De nos jours, la formule fam. utilisée le plus volontiers, p. plaisant., dans une telle situation, est plutôt : À vos souhaits!
— En partic. [Formules de souhait employées pour saluer qqn] Dieu vous conserve! Dieu vous garde! Monseigneur, dit-il, je suis venu vous voir; que Dieu vous conserve (BARANTE, Hist. ducs de Bourg., t. 1, 1821-24, p. 384). [Formule de souhait pour remercier d'un bienfait] Dieu vous le rende! Le vieux Rothschild donne une pièce de cinquante centimes à un pauvre qui lui dit :« Monsieur le baron, Dieu vous le rende au centuple! » (GONCOURT, Journal, 1884, p. 387). Grand merci! Dieu vous le rende (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 121). [Formules relatives à une personne mourante ou décédée] Dieu ait son âme! Dieu veuille avoir son âme! Dieu ait son âme et me fasse la grâce de mourir d'une aussi bonne mort (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 110).
c) [Formules exclam. à l'adresse de qqn pour rendre une demande plus pressante] Pour Dieu! Pour l'amour de Dieu! Au nom de Dieu! Mais au nom de Dieu que je continue (DELACROIX, Journal, 1822, p. 4). « Alors? Toujours rien de nouveau? Mais dégrouillez-vous donc, pour l'amour de Dieu! » (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 17) :
• 51. Les auteurs français contemporains n'ont de cesse qu'ils aient fait comprendre au public qu'ils ne sont pas dupes de leurs personnages. « Pour Dieu! qu'on n'oublie pas que nous sommes gens d'esprit. »
MONTHERLANT, Notes de théâtre, 1954, p. 1078.
d) [Formules exclam., tours employés pour renforcer l'expressivité]
— [Dieu est pris à témoin d'un énoncé déclaratif] Dieu sait + prop. sub.; Dieu sait que..., si... J'ai pour les secrets que l'on me confie le plus grand respect. Dieu sait si j'ai jamais trahi le moindre (GIDE, Caves, 1914, p. 748). Dieu le sait (c'est-à-dire j'en prends à témoin Dieu qui voit et sait tout). Le bon Dieu le sait bien (fam.). J'étais réellement obsédée, je t'assure... et désespérée, oui, je l'étais, Dieu le sait! (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, III, 2, p. 230).
Rem. Pour Dieu le sait, v. son emploi dans un autre sens infra.
♦ En partic.
[Formules employées dans les affirmations vigoureuses, les serments] Dieu m'est témoin (que...); Dieu m'en est témoin; jurer Dieu que... Devant Dieu, sur mon Dieu (Ac.). Par Dieu (fam.). Vous plaisantez? Non, par Dieu, je ne plaisante pas (L'HÉRITIER, Suppl. Mém. Vidocq, t. 2, 1830, p. 281). Dieu m'est témoin que je ne veux que ton bonheur (FRANCE, Jocaste, 1879, p. 22). Qu'il y ait de terribles constantes dans l'histoire de l'humanité, par Dieu, nous le savons bien! (GUÉHENNO, Journal « Révol. », 1937, p. 60). Fam. Jurer le bon Dieu que...; c'est pourtant Dieu vrai que... Mon bon monsieur, je vous jure le bon Dieu qu'il n'est entré personne ici (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 360). C'est pourtant Dieu vrai qu'elle est belle comme un cœur, à soir (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 56).
Fam. et vieilli. De Dieu. [Syntagme grammaticalisé à valeur superl. dans le groupe : adj. + subst. + de Dieu] J'y ai dépensé cent beaux écus de Dieu (Lar. 19e). Ce bel enfant de Dieu [c'est-à-dire cet enfant merveilleusement beau] ne veut prendre aucune nourriture (Lar. 19e). Il trouva moyen de revenir sur Barthélemy et sa brave honnêteté de Dieu (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 177).
Rem. Dans la lang. fam., une assertion peut être renforcée par le recours à une formule imprécatoire (infra 3 b ), p. ex. Dieu me damne! En ce cas, il faut comprendre : ,,Dieu me damne si ce que j'affirme n'est pas la vérité`` (DG).
— [Formules renforçant l'expr. de l'incertitude ou de l'ignorance, p. réf., effective ou formelle, à Dieu omniscient] Dieu sait (c'est-à-dire Dieu seul sait) + pron. interr. ou prop. interr. Dieu sait pourquoi (...) Dieu sait quand (...) Dieu sait ce que/qui + verbe Dieu sait quoi/qui. Edmond avait absolument refusé de s'occuper de Romuald. (...). Romuald s'en était tiré, Dieu sait comme! (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 251). Vieille carriole, où trois religieuses ont empilé pour Dieu sait quel pèlerinage, vers Dieu sait quel refuge de conte de fées, douze petits enfants menacés de mort (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 329). Oui, ne t'inquiète pas... Mais Dieu sait comment elle va prendre la chose... (...) C'est une enfant que tout blesse... (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, I, 2, p. 164).
♦ [Avec un pron. neutre de rappel] Dieu le sait (c'est-à-dire personnellement je l'ignore, mais Dieu, lui, le sait). ,,Ce qui en arrivera, Dieu le sait`` (Ac.). ,,Réussira-t-il? Dieu le sait`` (Lar. 19e).
3. Interj., loc. interjectives
a) [Dieu en interj. ou dans une loc. interjective pour renforcer l'expr. d'émotions et de sentiments] Mon Dieu! Mon (bon) Dieu Jésus! Seigneur Dieu! Jésus-Dieu! Dieu du ciel! Dieu de miséricorde! Juste Dieu! Dieu juste! Dieu vivant! Dieu puissant! Dieu, que je suis heureuse! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 96). Vrai Dieu, quelle corvée! (BENOIT, Atlant., 1919, p. 26). Ces larmes comme de l'argent jeté à l'eau, grand Dieu, tant de souffrances en vain! (CLAUDEL, Messe là-bas, 1919, p. 495).
b) [Dieu dans des loc. interjectives (blasphématoires à l'origine, car transgression du commandement ,,Tu ne prendras point le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain; car l'Éternel ne laissera pas impuni celui qui prendra son nom en vain``) gén. devenues jurons pop. ou expr. triviales, utilisées sous l'effet d'un choc émotionnel, ou comme procédé habituel de renforcement de l'expr.]
) [Loc. interjectives formées à partir du mot Dieu] Nom de Dieu! Foi de Dieu! Bonté de Dieu! Jour de Dieu! Feu de Dieu! Corps de Dieu (ou corps(-)Dieu)! Tête de Dieu! Sang de Dieu (ou sang-Dieu ou bon sang de Dieu)! Mort de Dieu (ou mort(-)Dieu)! Putain de Dieu! Dieu bleu! Vingt Dieu! Dieu de Dieu! En tuer un, ah! bon sang de Dieu! en tuer un (A. DAUDET, Nabab, 1877, p. 242). Il buta dans deux jambes qui barraient la route. Il fit : « Tonnerre de Dieu! » (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 70). J'ai mon bon sens, Mort-Dieu! et je ne veux qu'une chose : que vous obéissiez (MONTHERL., Port-Royal, 1954, p. 1038).
♦ P. ell. et p. euphém. ... de Dieu. La mitrailleuse est en train de mâcher le bois de la passerelle et la chair des morts (...) — De dieu! de dieu! souffle Joseph (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 120).
♦ Pop. Vain Dieu! (supra Vingt Dieu!). Tout tomba dans le noir. « Allume, vain Dieu! » criait Waldemar (JOUVE, Scène capitale, 1935, p. 122).
) [Loc. interjectives formées à partir de l'expr. bon Dieu] Bon Dieu de Dieu! (et Bon Dieu de bon Dieu!) Je l'ai connue, à vingt ans. Bon Dieu! qu'elle était brillante, et racée, et splendide, et tout! (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 103). Ils réclamaient de grandes offensives, et que ça pète! bon Dieu de bois (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 220).
Rem. 1. Ces loc. interjectives se rencontrent associées entre elles ou avec d'autres formules blasphématoires, jurons ou exclam. grossières. Nom de Dieu de nom de Dieu de nom de Dieu! Et j'ai encore tout le code civil dont je ne sais pas un article. Sacré nom de Dieu de merde de nom d'une pipe de vingt-cinq mille putains du tonnerre de Dieu, sacré nom (...) que le diable étrangle la jurisprudence et ceux qui l'ont inventé! (FLAUB., Corresp., 1842, p. 104). Le Pauvre Mapipe, emmené par les municipaux cré bon Dieu de bonsoir de bon Dieu de vingt Dieu de nom de Dieu de bon Dieu du tonnerre de Dieu de bon Dieu de sacré bon Dieu de nom de Dieu (COURTELINE, Client sér., 1897, 3, p. 39). 2. On trouve dans Notre-Dame de Paris de V. Hugo de nombreux jurons d'époque n'ayant gén. pas survécu jusqu'à nos jours : Croix-Dieu! Ventre-Dieu! Gueule-Dieu! Corne de/- Dieu! etc. Parallèlement aux jurons où le mot Dieu figure en clair (supra), existe dans une langue de coloration classique, une catégorie de jurons où le mot Dieu est, p. euphém., altéré de diverses manières : cf. la série tudieu [altération p. ell. de la loc. (par la ver)tu (de) Dieu], jarnidieu (altération p. ell. et déformation de la loc. je renie Dieu); cf. la série des jurons où la substitution euphémique du mot bleu au mot Dieu s'est gén. ajoutée à l'abrév. d'une formule de serment : corbleu (abrév. de la loc. par le corps de Dieu devenue corps de Dieu ou corps-Dieu puis corbleu), têtebleu (tête de Dieu → tête-Dieu), ventrebleu (par le ventre de Dieu → ventre de/- Dieu), palsambleu (par le sang de Dieu → sang de/- Dieu), morbleu (par la mort de Dieu → mort de/- Dieu), parbleu (var. dialectale pardi; origine par Dieu), sacrebleu [Sacre Dieu (c'est-à-dire Fête-Dieu)].
) Emplois partic.
— [Certaines de ces loc. sont construites globalement comme si elles formaient un unique subst.] Le Père (...) apporta le petit dans ses bras; et, les mâchoires serrées, il ne lâchait toujours que des nom de Dieu! pour dire sa douleur (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1297). La Guillaumette grognait, jurait à demi-voix des sacré nom de Dieu où tenait tout l'effort de sa rage impuissante (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 2e part., 2, p. 108). Lui, terrible à voir, jurait le tonnerre de Dieu et frappait de la canne sur le parquet (COLETTE, Dialog. bêtes, 1905, p. 35).
— [Certaines de ces loc. sont employées dans des phrases où elles jouent le rôle de loc. adj. invar. à valeur superl. et gén. dépréciative]
♦ (Article/pron./...) + loc. + de/du + subst. Nom de Dieu (cas le plus fréquent, s'applique plutôt à des personnes); tonnerre de Dieu (s'applique plutôt à des choses); bon Dieu (cas le plus rare). Ne travaille pas trop la nuit; ça éreinte (...) et ménage un peu ta tonnerre de Dieu de... (FLAUB., Corresp., 1859, p. 325). Il gueulait :« Voilà ma sacrée nom de Dieu de mère, cette sale bête qui vient m'embêter! (GONCOURT, Journal, 1890, p. 1240). Ne restons pas trop dans la cour, il fait un bon Dieu de vent (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 73).
Rem. 1. Lorsque le terme sacré apparaît, c'est en qualité d'épithète du subst. et non en tant qu'élément constitutif de la loc. interjective : Sacré (nom de Dieu de) roman. Sacrée (nom de Dieu de) mère (supra). 2. Dans les constr. où intervient la loc. tonnerre de Dieu, l'article tantôt se rapporte au subst. : Ta (tonnerre de Dieu) ... (supra FLAUBERT, loc. cit.); tantôt fonctionne avec la loc. : un tonnerre de Dieu de Cambuse (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 727).
♦ (Article/pron./...) + subst. + de/du + loc. [Constr. moins cour. que la constr. précédente; les loc. sont les mêmes, tonnerre de Dieu (appliquée à des choses) étant cette fois relativement la plus fréq.] Un bruit du tonnerre de Dieu, une chaleur de tonnerre de Dieu. — Hein? Vilaine pluie, murmura-t-il (...) — Une pluie du tonnerre de Dieu! dit le colonel (ZOLA, E. Rougon, 1876, p. 221). Drôle de chose que ce Paris de nom de Dieu (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 262).
♦ [La loc. nom de Dieu en emploi subst. inv.; p. méton. à partir des emplois ci-dessus, pour désigner un animé hum. ou animal] Elle (...) ouvrit le tiroir, jeta un hurlement de douleur. — L'argent! ce nom de Dieu a volé l'argent, cette nuit! (ZOLA, Terre, 1887, p. 479) :
• 52. ... des chiens de garde mis en défiance donnèrent bruyamment l'alerte.
— Cré tonnerre! dit la Guillaumette stoppant sur place, v'là une autre affaire, à présent! pourvu que ces nom de Dieu là soient à l'attache! y sont foutus de nous dévorer.
COURTELINE, Le Train de 8 h 47, 1888, 2e part., 3, p. 121.
♦ [La loc. tonnerre de Dieu sert à constituer ou à renforcer un énoncé déclaratif ou une formule de serment] — Ta fille, je ne vois que ses jambes en l'air... Ah! elle a débauché Delphin. Du tonnerre de Dieu si je ne la fais pas emballer par les gendarmes! (ZOLA, Terre, 1887 p. 227). On m'aurait dit :« Combien tu paries que tu feras ce que tu veux faire? » j'aurais parié le tonnerre de Dieu, cent francs, même (GIONO, Baumugnes, 1929, p. 105). — Par le tonnerre de Dieu, vous le verrez quand vous le voudrez, mon bonhomme! (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 100).
Formules imprécatoires. Dieu m'emporte! Hé! Picarde, le fouet! Dieu me damne! je corrigerai cet ignorant... (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 26). Fam. Qué, le tonnerre de Dieu l'emporte! Qu'il aille au tonnerre de Dieu! (cf. allez au diable!). Il n'y a que ça de bon, s'entendre quand on a des choses dans la caboche, et que le tonnerre de Dieu emporte les imbéciles! (ZOLA, Œuvre, 1886, p. 89).
Prononc. et Orth. :[djø]. Ds Ac. 1694-1932. La loc. [adjøva] s'écrit le plus souvent à Dieu-vat! mais on rencontre également adieu-va! et à Dieu-va! (cf. GREV. 1964, § 639, rem. 2). Étymol. et Hist. 842 Pro Deo amur (...) in quant Deus savir et podir me dunat (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie, p. 2); ca 1100 Deus! [exclamation] (Rol., éd. J. Bédier, 334); 1606 c'est son dieu fig. (NICOT). Du lat. deus « dieu ». Fréq. abs. littér. :19 300. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 33 154, b) 37 287; XXe s. : a) 28 766, b) 16 506. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, pp. 394-395. — HATZFELD (H.). Die Gottesbezeichnungen im poetischen Altersstil Victor Hugos. Neueren (Die) Sprachen. 1931, t. 39, pp. 112-125. — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, pp. 206-207. — MORAWSKI (J.). Faire à Dieu barbe de paille. Archivum romanicum. 1939, t. 23, pp. 79-83. — POGGENBURG (R. P.). Racine, la loi, et le destin tragique. In :[Mél. Pintard (R.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, n° 2, pp. 189-190. — QUEM. 2e s. t. 3 1972. — SPITZER (L.). Dieu et ses noms. Modern Language Quarterly. 1945, t. 6, pp. 243-261; P.M.L.A. 1941, t. 56, pp. 13-32. — THOMAS (J.). Croire tenir Dieu par les pieds. Z. rom. Philol. 1958, t. 74, pp. 413-423.
dieu [djø] n. m.
ÉTYM. IXe-Xe, deo; deu, dieu, XIe-XIIe; du lat. deus.
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I Principe d'explication de l'existence du monde, conçu comme un être personnel, selon des modalités particulières aux croyances, aux religions. ⇒ Divinité, esprit, être (être suprême). || Étude de l'existence et de la nature de Dieu. ⇒ Métaphysique, théodicée, théologie. || Preuves cosmologique, ontologique, téléologique, morale de l'existence de Dieu. || Dieu considéré comme principe d'existence, d'intelligibilité, fondement de la connaissance certaine. || Les attributs (cit. 1) de Dieu. || Dieu est conçu comme absolu, acte pur, beau (cit. 102), bon, créateur, éternel, immuable, incréé, infaillible, infini, intelligent, juste, omnipotent, omniprésent, omniscient, parfait, personnel, sage, spirituel, un, vrai. || Dieu créateur (⇒ Création). || Dieu conçu comme l'architecte, l'organisateur du monde. ⇒ Démiurge. || Dieu, origine des idées platoniciennes. ⇒ Logos. || Dieu conduit, gouverne le monde en vue du bien. ⇒ Providence. || Dieu, fondement de la loi morale. ⇒ Bien (souverain bien). || Dieu, considéré comme un principe transcendant au monde (⇒ Théisme), comme une substance immanente (⇒ Panthéisme; tout). || Attribution à Dieu d'une forme humaine. ⇒ Anthropomorphisme. || Croyance en Dieu. ⇒ Foi, mysticisme (→ Intuitionnisme). || Dieu sensible au cœur (cit. 161). || Doctrine admettant l'existence d'un dieu, sans préjuger de sa nature. ⇒ Déisme. || Croyance en un seul dieu. ⇒ Monothéisme. || Croyance en deux ou plusieurs dieux. ⇒ Dualisme, manichéisme, polythéisme. || Culte rendu à Dieu. ⇒ Religion.
1 L'insensé a dit dans son cœur : il n'y a point de Dieu.
Bible (Crampon), Psaumes, XIV, I.
2 Par le nom de Dieu j'entends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute-puissante, et par laquelle moi-même et toutes les autres choses qui sont (…) ont été créées et produites. Or ces avantages sont si grands et si éminents, que plus attentivement je les considère, et moins je me persuade que l'idée que j'en ai puisse tirer son origine de moi seul. Et par conséquent, il faut nécessairement conclure de tout ce que j'ai dit auparavant, que Dieu existe; car encore que l'idée de la substance soit en moi de cela même que je suis une substance, je n'aurais pas néanmoins l'idée d'une substance infinie, moi qui suis un être fini, si elle n'avait été mise en moi par quelque substance qui fût véritablement infinie.
Descartes, IIIe méditation métaphysique.
3 L'Ecclésiaste montre que l'homme sans Dieu est dans l'ignorance de tout, et dans un malheur inévitable; car c'est être malheureux que de vouloir et ne pouvoir. Or il veut être heureux, et assuré de quelque vérité; et cependant il ne peut ni savoir, ni ne désirer point de savoir. Il ne peut même douter.
Pascal, Pensées, VI, 389.
4 Si l'homme n'est fait pour Dieu, pourquoi n'est-il heureux qu'en Dieu ? si l'homme est fait pour Dieu, pourquoi est-il si contraire à Dieu ?
Pascal, Pensées, VII, 438.
5 Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien rendu.
Voltaire, le Sottisier, XXXII.
6 Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer.
Voltaire, Épîtres, À l'auteur du livre des trois imposteurs.
7 Cet être qui veut et qui peut, cet être actif par lui-même, cet être enfin, quel qu'il soit, qui meut l'univers et ordonne toutes choses, je l'appelle Dieu.
Rousseau, Émile, IV, p. 335.
7.1 Si Dieu avait voulu que nous eussions une religion quelconque, et qu'il fût réellement puissant; ou, pour mieux dire, s'il y avait réellement un Dieu, serait-ce par des moyens aussi absurdes qu'il nous eût fait part de ses ordres ? Serait-ce par l'organe d'un bandit méprisable, qu'il nous eût montré comment il fallait le servir ? S'il est suprême, s'il est puissant, s'il est juste, s'il est bon, ce Dieu dont vous me parlez, sera-ce par des énigmes et des farces qu'il voudra m'apprendre à le servir et à le connaître ? Souverain moteur des astres et du cœur de l'homme, ne peut-il nous instruire en se servant des uns, ou nous convaincre en se gravant dans l'autre ?
Sade, Justine…, I, p. 81.
8 Quiconque dit : conscience, vertu, bonté, amour, raison, lumière, justice, vérité, aperçoit, qu'il le sache ou non, un des mystérieux profils de cette face sublime : Dieu (…) L'athée est identique à l'aveugle. — Mais, dit l'athée, je vois le soleil et je ne vois pas Dieu. C'est que vous ouvrez l'œil de chair et que vous n'ouvrez pas l'œil d'esprit.
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, L'âme, Rêver sur Dieu.
9 Le cœur n'apprend que par la souffrance, et je crois, comme Kant, que Dieu ne s'apprend que par le cœur.
Renan, Souvenirs d'enfance…, Appendice, p. 272.
9.1 Mais le mot Dieu, comme presque tous les mots essentiels, superpose des significations : Créateur, Juge, Amour (…)
Malraux, Antimémoires, Folio, p. 474.
♦ Négation de l'existence de Dieu, d'un dieu. ⇒ Athéisme.
9.2 (…) On comprend aussi que par vérité je veux seulement consacrer une poésie plus haute : la flamme noire que de Cimabué à Francesca les peintres italiens ont élevée parmi les paysages toscans comme la protestation lucide de l'homme jeté sur une terre dont la splendeur et la lumière lui parlent sans relâche d'un Dieu qui n'existe pas.
Camus, Noces, in Essais, Pl., p. 80.
10 La vague figure de Dieu qui, chez Hegel, se reflète encore dans l'esprit du monde ne sera pas difficile à effacer. De la formule ambiguë de Hegel « Dieu sans l'homme n'est pas plus que l'homme sans Dieu », ses successeurs vont tirer des conséquences décisives (…) À la fin Feuerbach (…) remplacera toute théologie par une religion de l'homme et de l'espèce, qui a converti une grande partie de l'intelligence contemporaine.
Camus, l'Homme révolté, p. 182.
♦ Meurtre de Dieu. ⇒ Déicide.
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II (XIIe; dans le polythéisme). Un dieu, des dieux. Être supérieur, doué d'un pouvoir sur l'homme et d'attributs particuliers.
10.1 Il (l'homme) admit ce souverain être, il lui érigea des cultes : de ce moment chaque Nation s'en composa d'analogues à ses mœurs, à ses connaissances et à son climat; il y eut bientôt sur la terre autant de religions que de peuples, bientôt autant de Dieux que de familles; sous toutes ces idoles néanmoins, il était facile de reconnaître ce phantôme absurde, premier fruit de l'aveuglement humain. On l'habillait différemment, mais c'était toujours la même chose.
Sade, Justine…, I, 56.
1 (Forces impersonnelles). ⇒ Animisme, fétichisme, totémisme. || Le grand dieu tribal : individualisation de la notion unique et universelle du mana.
11 De cela seul qu'on mettrait Dieu à la tête de chaque société politique, il s'ensuivit qu'il y eut autant de dieux que de peuples (…) Ainsi des divisions nationales résulta le polythéisme, et de là l'intolérance théologique et civile (…)
Rousseau, le Contrat social, IV, VIII.
12 Le primitif n'a pas vu dans ses dieux des étrangers, des ennemis, des êtres foncièrement et nécessairement malfaisants dont il était obligé de se concilier à tout prix les faveurs; tout au contraire, ce sont plutôt pour lui des amis, des parents, des protecteurs naturels. Ne sont-ce pas là les noms qu'il donne aux êtres de l'espèce totémique ? La puissance à laquelle s'adresse le culte, il ne se la représente pas planant très haut au-dessus de lui et l'écrasant de sa supériorité; elle est, au contraire, tout près de lui et elle lui confère des pouvoirs utiles qu'il ne tient pas de sa nature.
Durkheim, les Formes élémentaires de la vie religieuse, p. 320.
13 (…) dire que le mana social qui fait l'essence et la cohésion du clan, ne peut être représenté que sous l'aspect d'un principe sacré, d'une force religieuse (…) c'est aboutir à l'apothéose, à la divinisation de la société, c'est poser que le clan est dieu et que seul le clan est dieu.
Georges Davy, Des clans aux empires, p. 61-62 (1923).
2 Image d'un dieu ou d'une force divinisée. ⇒ Idole.
14 Ils tirent l'or de leur bourse,
et pèsent l'argent à la balance;
ils engagent un fondeur afin qu'il en fasse un dieu,
et ils se prosternent et adorent.
Bible (Crampon), Isaïe, XLVI, 6.
15 La base en est gardée par des séries d'éléphants taillés dans le granit, par des dieux dont la forme se perd sous l'usure des siècles (…)
Loti, l'Inde (sans les Anglais), p. 13.
3 Dans les religions antiques. ⇒ Divinité; déesse, démon, esprit, être, génie, principe. || Généalogie et filiation des dieux. ⇒ Théogonie. || Histoire des dieux. ⇒ Mythologie. || Ensemble des dieux d'une religion. ⇒ Panthéon. || Oracle des dieux.
16 Les dieux de la civilisation païenne se distinguent en effet des entités plus anciennes, elfes, gnomes, esprits, dont ne se détacha jamais la foi populaire. Celles-ci étaient issues presque immédiatement de la faculté fabulatrice, qui nous est naturelle; et elles étaient adoptées comme elles avaient été produites, naturellement. Elles dessinaient le contour exact du besoin d'où elles étaient sorties. Mais la mythologie, qui est une extension du travail primitif, dépasse de tous côtés ce besoin (…) chaque dieu déterminé est contingent, alors que la totalité des dieux, ou plutôt le dieu en général, est nécessaire. En creusant ce point, en poussant aussi la logique plus loin que ne l'ont fait les anciens, on trouverait qu'il n'y a jamais eu de pluralisme définitif que dans la croyance aux esprits, et que le polythéisme proprement dit, avec sa mythologie, implique un monothéisme latent, où les divinités multiples n'existent que secondairement, comme représentatives du divin.
H. Bergson, les Deux sources de la morale et de la religion, II, « En quel sens les dieux existaient », p. 210.
♦ Les dieux-pharaons, gouverneurs de l'Égypte aux époques légendaires. || Dieux du panthéon égyptien : Amon-Râ, le soleil, le créateur; Osiris, dieu cosmique, des morts et des cultures; Sha, dieu de l'air; Seth, dieu de la guerre; Anubis, Mout, Horus. — Dieux assyro-babyloniens, représentants des forces de la nature. || Shamash, le dieu-soleil. || Marduk, le protecteur de Babylone; Bel, dieu de Nippour; Asshour, dieu d'Assur. — Ormuz, dieu du Bien chez les Perses, opposé à Ahriman, dieu du Mal. || Ahoura-Mazda, dieu unique prêché par Zarathoustra, au détriment de Mithra.
♦ Teutatès (ou Toutatis), dieu de certaines tribus celtes. || Bah, Bur, Wotan, dieux nordiques. || Odin, dieu du combat et des morts chez les anciens Scandinaves, père des Walkyries.
♦ Antiquité gréco-romaine. || Les dieux de la fable (⇒ Déité, divinité, immortel); les dieux des gentils. || Les douze dieux de l'Olympe (six déesses, → Déesse, cit. 1, 2 — et six dieux) : Apollon (Phoïbos en grec), dieu du Parnasse, des Arts, le soleil; Jupiter (Zeus), le père des hommes et des dieux; Mars (Arès), dieu de la guerre; Mercure (Hermès), dieu des marchands et des voleurs; Neptune (Poséidon), dieu des mers; Vulcain (Héphaïstos), dieu du feu et du métal. — Bacchus (Dionysos), dieu des vendanges et de l'ivresse, du délire poétique. || Morphée, dieu du sommeil; Pan, dieu des bergers et divinité de la fécondité; Ploutus (Ploutos), dieu de la richesse; Pluton (Hadès), dieu des enfers; Saturne (Kronos), père de Jupiter, le Temps. || Les dieux tutélaires; indigètes. || Les dieux de la famille, protecteurs du foyer domestique. ⇒ Lare, mânes, pénates (→ Autel, cit. 8). || Fils d'une mortelle et d'un dieu. ⇒ Demi-dieu, héros. || Le séjour des dieux. ⇒ Olympe. || Temple consacré aux dieux. ⇒ Panthéon. || Nourriture des dieux de l'Olympe. ⇒ Ambroisie (cit. 2), nectar. || Être digne de la table des dieux. || Réception au rang des dieux. → Apothéose, cit. 1.
17 Chaque cité avait des dieux qui n'appartenaient qu'à elle. Ces dieux étaient ordinairement de même nature que ceux de la religion primitive des familles. Comme eux, on les appelait Lares, Pénates, Génies, Démons, Héros; sous tous ces noms, c'étaient des âmes humaines divinisées par la mort.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, III, VI, p. 168.
18 Ô abîme, tu es le Dieu unique (…) Tout n'est ici-bas que symbole et que songe. Les dieux passent comme les hommes, et il ne serait pas bon qu'ils fussent éternels. La foi qu'on a eue ne doit jamais être une chaîne. On est quitte envers elle quand on l'a soigneusement roulée dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts.
Renan, Souvenirs d'enfance…, II, I, p. 68.
19 Des esprits aux dieux la transition peut être insensible, la différence n'en est pas moins frappante. Le dieu est une personne. Il a ses qualités, ses défauts, son caractère. Il porte un nom. Il entretient des relations définies avec d'autres dieux. Il exerce des fonctions importantes, et surtout il est seul à les exercer.
H. Bergson, les Deux Sources de la morale et de la religion, II, Croyance aux dieux, p. 197.
20 Ce n'est pas seulement à la brise (…) qu'il s'est senti uni (…) C'est toutes les fois où son âme débondée animait divinement toutes choses et, sentant à côté d'elle comme des dieux plus humbles et fraternels, le dieu du feu secouer allégrement sa chevelure de lumière et de chaleur et faire régner la gaieté dans la chambre, le dieu immobile de la porte (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 638.
♦ Au dieu inconnu (lat. Deo ignoto).
21 Paul, debout au milieu de l'Aréopage, dit : « Athéniens, en tout je vous vois éminemment religieux. Car, passant et regardant ce qui est de votre culte, j'ai trouvé même un autel avec cette inscription : “Au dieu inconnu”. Ce que vous adorez sans le connaître, c'est ce que je vous annonce ».
Bible (Crampon), Actes des Apôtres, XVII, 22-23.
4 ☑ Loc. fig. Un dieu tutélaire : un protecteur.
21.1 Ah ! Figaro, mon ami, tu seras mon ange, mon libérateur, mon dieu tutélaire.
Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, 4.
♦ ☑ C'est un homme aimé des dieux, en parlant de qqn doué de talents, et que la chance favorise.
22 (…) on doubla le salaire
Que méritaient les vers d'un homme aimé des dieux (…)
La Fontaine, Fables, I, 14.
♦ ☑ Mettre, placer (qqn, qqch.) au rang des dieux. ⇒ Déifier, diviniser. || Rendre à qqn les honneurs comme à un dieu.
♦ ☑ Les dieux de la terre : les rois, les souverains, les puissants de la terre.
23 Ce qui flatte les ambitieux, c'est une image de la toute-puissance qui semble en faire des dieux sur la terre.
Bossuet, Politique tirée de l'hist. sainte, X, 2, 5.
24 Viens ! tu seras un Dieu ! Sur ta mâle beauté
Je poserai le sceau de l'immortalité;
Je te couronnerai de jeunesse et de gloire (…)
Leconte de Lisle, Poèmes antiques, Glaucé, III.
♦ Par compar. ☑ Regarder qqn comme un dieu, le considérer avec enthousiasme, admiration, vénération. ⇒ Idole. — ☑ Il est beau, fort comme un dieu. — ☑ Fig. Être un dieu pour…, un objet de culte, d'admiration. || C'est le dieu des amateurs de rock. || C'est un dieu, un vrai dieu pour elle.
25 Il (Nicomède) est l'astre naissant qu'adorent mes États;
Il est le dieu du peuple et celui des soldats.
Corneille, Nicomède, II, 1.
26 Pour tout le XVIIe siècle Descartes a été vraiment un dieu, un héros de l'intelligence humaine.
Émile Faguet, Études littéraires, XVIIe s., Descartes, p. 65.
♦ ☑ Faire de qqch. son dieu, en faire l'objet d'un culte. || Faire de l'argent son dieu.
27 Car il en est plusieurs qui marchent en ennemis de la croix du Christ (…) Leur fin, c'est la perdition, eux qui font leur Dieu de leur ventre (…) n'ayant de goût que pour les choses de la terre.
Bible (Crampon), Épître aux Philippiens, III, 18-19.
28 Le Dieu du monde,
C'est le Plaisir.
Nerval, Lyrisme et vers d'Opéra, Chanson gothique.
♦ ☑ Promettre, jurer ses grands dieux que… : promettre avec de grands serments. — (Interj.). || Grand Dieu ! (vieilli). || Grands dieux ! || Grands dieux, non !
♦ Par anal. Divinisation d'une idée, d'une valeur. || Le dieu machine. || Le Dieu des corps, roman de J. Romains.
29 Il m'apparut que l'homme est plein de dieux comme une éponge immergée en plein ciel. Ces dieux vivent, atteignent à l'apogée de leur force, puis meurent, laissant à d'autres dieux leurs autels parfumés (…) Je me mis à concevoir une mythologie en marche. Elle méritait proprement le nom de mythologie moderne.
Aragon, le Paysan de Paris, p. 143.
30 Quelles que soient les apparences qu'elles affectent, ces crises sont toutes des crises religieuses ou, pour mieux dire, des crises métaphysiques. La nature humaine est ainsi faite qu'elle réclame impérieusement l'existence d'un absolu. Si elle ne le place pas en un Dieu, elle le glorifiera, en elle-même, soit dans l'individu, soit dans des concepts qui en sont issus : par exemple, la race, la nation. Tout se présente exactement comme si cette acceptation de l'absolu était aussi nécessaire à l'homme que le pain et l'eau. Dès qu'il disparaît sous une forme, il est remplacé par une autre : les esprits antireligieux substituent à Dieu des données qui n'en sont pas moins religieuses : culte du progrès, amour de l'humanité.
Daniel-Rops, le Monde sans âme, p. 53.
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III (Dans le monothéisme). || Dieu (avec ou sans article).
1 Dieu personnel unique de la civilisation judaïque (biblique et chrétienne). || Noms donnés à Dieu (Bible) : Yahweh (Jéhovah), le Roi, le Roi des rois, le Roi des siècles, l'Éternel, le Saint, le Saint des saints, le Très-Haut; le dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de David; de Jérusalem, des Hébreux, d'Israël; le dieu vivant, jaloux, juste, fort; le dieu des armées (cit. 1), le dieu de toute la terre. || La gloire de Dieu : la manifestation mystérieuse de Dieu à certains élus de son peuple. || Dieu est bon, compatissant, immuable, intelligent, miséricordieux, sage, saint, tout-puissant, vrai. || L'alliance (cit. 1, 5) de Dieu avec le peuple juif. || Yahweh est un Dieu national; il est le juge de son peuple, le législateur, le protecteur, le refuge, le sauveur. || Messie promis par Dieu. → Christ (cit. 1). ⇒ Messie.
31 Au commencement Dieu créa le ciel et la terre (…)
Bible (Crampon), Genèse (→ Créer, cit. 1).
32 Écoutez la parole de Yahweh, vous tous, hommes de Juda, qui entrez par ces portes pour adorer Yahweh. Ainsi parle Yahweh des armées, le Dieu d'Israël (…)
Bible (Crampon), Jérémie, VII, 2-3.
33 (…) nous hésitons à classer les prophètes juifs parmi les mystiques de l'antiquité : Jahveh était un juge trop sévère, entre Israël et son Dieu il n'y avait pas assez d'intimité (…)
H. Bergson, les Deux Sources de la morale et de la religion, III, Les prophètes d'Israël, p. 254.
♦ Dieu est Père, Fils et Esprit (ou Saint-Esprit). ⇒ Trinité. || Le Verbe de Dieu. ⇒ Logos, verbe. || Le fils unique de Dieu. → Christ (cit. 1). ⇒ Médiateur. || L'Homme-Dieu. — Théol. cathol. || La mère de Dieu. ⇒ Vierge; dame (Notre-Dame). — Dieu se révèle aux hommes. ⇒ Bible; révélation; épiphanie.
34 Nous ne connaissons Dieu que par Jésus-Christ. Sans ce Médiateur, est ôtée toute communication avec Dieu; par Jésus-Christ, nous connaissons Dieu. Tous ceux qui ont prétendu connaître Dieu et le prouver sans Jésus-Christ n'avaient que des preuves impuissantes. Mais pour prouver Jésus-Christ, nous avons les prophéties, qui sont des preuves solides et palpables. Et ces prophéties étant accomplies, et prouvées véritables par l'événement, marquent la certitude de ces vérités, et partant, la preuve de la divinité de Jésus-Christ. En lui et par lui, nous connaissons donc Dieu.
Pascal, Pensées, VII, 547.
35 Le Dieu des chrétiens est un Dieu qui fait sentir à l'âme qu'il est son unique bien; que tout son repos est en lui, qu'elle n'aura de joie qu'à l'aimer; et qui lui fait en même temps abhorrer les obstacles qui la retiennent, et l'empêchent d'aimer Dieu de toutes ses forces. L'amour-propre et la concupiscence, qui l'arrêtent, lui sont insupportables. Ce Dieu lui fait sentir qu'elle a ce fonds d'amour-propre qui la perd, et que lui seul la peut guérir.
Pascal, Pensées, VII, 544.
36 Si maintenant nous venons à considérer quelle idée cette religion dont nous révérons l'antiquité nous donne de son objet, c'est-à-dire du premier Être, nous avouerons qu'elle est au-dessus de toutes les pensées humaines, et digne d'être regardée comme venue de Dieu même.
Le Dieu qu'ont toujours servi les Hébreux et les chrétiens n'a rien de commun avec les divinités pleines d'imperfection, et même de vice, que le reste du monde adorait. Notre Dieu est un, infini, parfait, seul digne de venger les crimes et de couronner la vertu, parce qu'il est seul la sainteté même.
Il est infiniment au-dessus de cette cause première, et de ce premier moteur que les philosophes ont connu, sans toutefois l'adorer.
Bossuet, Disc. sur l'hist. universelle, II, I.
37 Les fidèles apprennent que le vrai Dieu, le Dieu d'Israël, le Dieu un et indivisible auquel ils sont consacrés par le baptême, est tout ensemble Père, Fils et Saint-Esprit.
Bossuet, Disc. sur l'hist. universelle, II, VI.
38 (…) Dieu a pris le moyen le plus convenable de réparer sa propre gloire et d'opérer le salut des hommes. Il avait été offensé, ce Dieu de majesté; il lui fallait une satisfaction digne de lui, et nul autre qu'un Dieu ne pouvait dignement satisfaire à un Dieu. L'homme s'était perdu : Dieu voulait le sauver en le délivrant de la mort éternelle; et comme il n'y avait qu'un Dieu, qui, par ses mérites infinis, pût le délivrer de cette mort, il n'y avait conséquemment qu'un Dieu qui pût le sauver. Il fallait que ce Sauveur fût tout ensemble vrai Dieu et vrai homme.
Bourdaloue, Instruction pour le temps de l'avent, III.
39 Oui, si la vie et la mort de Socrate sont d'un sage, la vie et la mort de Jésus sont d'un Dieu.
Rousseau, Émile, IV.
♦ Allusion biblique et littéraire :
40 Et Dieu dit à Moïse : « Je suis celui qui suis ».
Bible (Crampon), Exode, III, 14.
41 Dieu se délecte particulièrement dans le nom de Saint. Il s'appelle très souvent « le Saint d'Israël »; il veut que sa sainteté soit le motif, soit le principe de la nôtre : « Soyez saints, parce que je suis saint », dit le Seigneur.
Bossuet, Xe élévation, VII, 19.
♦ Dieu est amour (cit. 2). || Dieu bénit, protège, console les hommes. || Dieu, le Consolateur (cit. 2) des affligés. || Dieu sonde, touche les cœurs. || Les interventions providentielles de Dieu. || La voix de Dieu. ⇒ Voix (cf. lat. Vox populi, vox Dei). || Les dix commandements de la loi de Dieu. ☑ Le doigt, le bras, la main de Dieu. || Les arrêts, les jugements, les voies de Dieu. || La colère de Dieu (→ Attirer, cit. 30; colère, cit. 18). || La justice de Dieu. || La bonté (cit. 5), la miséricorde, la grâce, le pardon de Dieu. || Le royaume de Dieu. ⇒ Ciel, paradis, royaume, vie (vie éternelle).
42 Des dieux que nous servons connais la différence :
Les tiens t'ont commandé le meurtre et la vengeance,
Et le mien, quand ton bras vient de m'assassiner,
M'ordonne de te plaindre et de te pardonner.
Voltaire, Alzire, V, 7.
43 Croyez-moi, la prière est un cri d'espérance !
Pour que Dieu nous réponde, adressons-nous à lui.
Il est juste, il est bon; sans doute il nous pardonne.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « L'espoir en Dieu ».
44 Si vous croyez que Dieu ait à vous juger, l'Église vous dit par ma voix que tout peut se racheter par les bonnes œuvres du repentir. Les grandes mains de Dieu pèsent à la fois le mal qui fut fait, et la valeur des bienfaits accomplis.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. IX, p. 652.
♦ Croire (cit. 59, 60) en Dieu, à Dieu. ⇒ Foi. || Je crois en Dieu. ⇒ Credo; → Confesser, cit. 17. || Chercher (cit. 7, 8), découvrir Dieu. || Mettre, placer sa confiance, son espérance en Dieu. ⇒ Abandonner (s'abandonner à Dieu). || Se tourner vers Dieu. ⇒ Convertir (se). || Revenir à Dieu. || Craindre (cit. 21, 22) Dieu. || Offenser Dieu. ⇒ Pécher. ☑ C'est vouloir tenter Dieu que de… || Blasphémer (cit. 1) le nom de Dieu. || Sentiment de notre indignité devant Dieu. ⇒ Componction. || S'accuser devant Dieu (⇒ Confesser). || Demander pardon à Dieu. ⇒ Repentir (se). || Chercher, accepter la volonté de Dieu (→ Attrait, cit. 1 et 2). || Obéir à Dieu : suivre les commandements de Dieu. || Se soumettre, se résigner à la volonté de Dieu. ☑ Recommander son âme à Dieu : se préparer à mourir. ☑ Paraître devant Dieu : mourir. || Invoquer le nom de Dieu. || Prier, supplier, implorer Dieu. || Adorer (cit. 2 et 3), aimer (cit. 1), bénir (cit. 14), glorifier, honorer, louer, remercier Dieu. ⇒ Culte(cit. 1 et 2), messe, sacrifice. || Culte de latrie que l'on doit à Dieu seul. || Prière à la gloire de Dieu. ⇒ Doxologie; cantique. || Jour consacré à Dieu. ⇒ Dimanche. || Intercéder auprès de Dieu. || Promesse faite à Dieu. ⇒ Vœu. || Se consacrer à Dieu. ⇒ Religion (entrer en religion). || Consacrer (cit. 2, 3) sa vie à Dieu. || Servir Dieu. || Dieu premier servi. || Vertus théologales ayant Dieu pour objet. ⇒ Charité, espérance, foi. || S'unir à Dieu par la prière, la méditation. || Mouvement de l'âme (cit. 13, 16) vers Dieu. || La vue de Dieu. ⇒ Béatifique (vision béatifique). || Connaissance (cit. 4) mystique de Dieu. || Être abîmé en Dieu. ⇒ Extase (en).
45 « Maître, que dois-je faire pour posséder la vie éternelle ? » Il lui dit : « Qu'y a-t-il d'écrit dans la Loi ? Qu'y lis-tu ? » Il répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton proche comme toi-même. »
Bible (Crampon), Évangile selon saint Luc, X, 25-27.
46 Nul ne peut servir deux maîtres : car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et la Richesse.
Bible (Crampon), Évangile selon saint Matthieu, VI, 24.
47 Rien n'accuse davantage une extrême faiblesse d'esprit que de ne pas connaître quel est le malheur d'un homme sans Dieu; rien ne marque davantage une mauvaise disposition du cœur que de ne pas souhaiter la vérité des promesses éternelles; rien n'est plus lâche que de faire le brave contre Dieu. Qu'ils laissent donc ces impiétés à ceux qui sont assez mal nés pour en être véritablement capables; qu'ils soient au moins honnêtes gens s'ils ne peuvent être chrétiens, et qu'ils reconnaissent enfin qu'il n'y a que deux sortes de personnes qu'on puisse appeler raisonnables; ou ceux qui servent Dieu de tout leur cœur, parce qu'ils le connaissent, ou ceux qui le cherchent de tout leur cœur, parce qu'ils ne le connaissent pas.
Pascal, Pensées, III, 194.
♦ Homme qui parle au nom de Dieu. ⇒ Prophète, inspiration. || Annoncer (cit. 7, 9) la parole de Dieu. ⇒ Prêcher. || Un homme de Dieu : une personne consacrée à Dieu, un saint homme pieux, dévot.
♦ Le roi, représentant de Dieu sur la terre dans les monarchies de droit divin (→ Attribut, cit. 5).
48 La transcendance divine, jusqu'en 1789, servait à justifier l'arbitraire royal (…) Cette transcendance est donc un masque qu'il faut arracher. Dieu est mort (…) il faut tuer la morale des principes où se retrouve encore le souvenir de Dieu.
Camus, l'Homme révolté, p. 171.
♦ Le bon dieu (style familier). || Prier le bon Dieu. || Le bon Dieu vous récompensera. — Recevoir le bon Dieu. ⇒ Communier; eucharistie. — ☑ Fig. On lui donnerait le bon Dieu sans confession, c'est une personne hypocrite ou malicieuse, mais dont le visage inspire confiance, et qui semble n'avoir aucun péché à confesser (qui pourrait donc communier sans confession).
49 Le reste est entre les mains du bon Dieu.
Racine, Lettres, VII, 75.
50 (…) le bon Dieu n'y connaît plus goutte.
G. Sand (→ Avaler, cit. 12).
2 ☑ Loc. Dieu sait… (Pour appuyer une affirmation ou une négation). || Dieu sait si je dis la vérité. || Dieu sait si je suis coupable. — Pour exprimer l'incertitude. || Dieu sait ce que nous ferons demain. || Cela va Dieu sait comme, mal. || Dieu sait quelle aventure ! → Je ne sais quelle…
50.1 Il était ivre, mais dans son ivresse, il y avait la sérénité amère et souriante d'un être qui aurait atteint Dieu sait quelle sagesse supérieure.
G. Simenon, Feux rouges, p. 31.
50.2 (…) Iglésia en train de faire cuire sur un feu quelque chose qu'ils avaient volé (…) à un noir (…) qui lui-même l'avait raflé Dieu sait où (comme avait été raflé Dieu sait où et apporté jusque dans le camp Dieu sait pourquoi — dans quel but ?… tout ce qu'on pouvait y trouver à vendre, à acheter ou à échanger).
Claude Simon, la Route des Flandres, p. 170.
♦ ☑ Dieu m'est témoin que… — Devant Dieu et devant les hommes, formule de serment. — Au nom de Dieu.
51 N'en dites rien surtout, car vous me feriez battre.
Mon mari vient de pondre un œuf gros comme quatre.
Au nom de Dieu, gardez-vous bien
D'aller publier ce mystère.
La Fontaine, Fables, VIII, 6.
♦ Expressions diverses par lesquelles la personne qui parle fait intervenir Dieu ou souhaite qu'il intervienne. || À la grâce de Dieu. || Avec l'aide de Dieu. || Dieu aidant. ⇒ Aider. || Dieu vous aide ! || Dieu vous bénisse ! || Dieu vous entende ! || Dieu vous assiste ! || Que Dieu vous le rende ! || Dieu le veuille ! || Que Dieu ait son âme ! || Dieu y pourvoira. || Dieu m'en préserve ! || Dieu m'en garde ! || Dieu me pardonne ! || Dieu me damne ! → Damner, cit. 1, 2. || Dieu merci ! || Dieu soit loué ! : heureusement. || Plût à Dieu, au ciel ! ☑ S'il plaît à Dieu. || À Dieu ne plaise (⇒ Plaire). || Si Dieu le veut. — Pour saluer une personne qui éternue. || Dieu vous assiste ! (→ Assister, cit. 13); || Dieu vous bénisse ! (→ Bénir, cit. 7).
52 — Comment se porte Madame Dimanche, votre épouse ? — Fort bien, Monsieur, Dieu merci.
Molière, Dom Juan, IV, 3.
52.1 Il s'était fait faire un splendide verre en cristal de Bohême, qui jaugeait, Dieu me damne ! une bouteille de bordeaux tout entière, et il le buvait d'une haleine !
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le Rideau cramoisi ».
♦ ☑ Pop. C'est pas Dieu possible ! : ce n'est vraiment pas possible (pas vraisemblable; pas admissible…).
52.2 Enfin voilà des employés… tous en lustrine et binocles, à faux-col celluloïd… (…) C'est les premiers que je vois à Londres !… (…) C'est pas Dieu possible ? Ils en ont tous une et la même ! comme mon pauvre père !… toujours des cravates à « système »… rayées à chevrons comme la sienne !
Céline, Guignol's Band, p. 295-296.
♦ À-Dieu-vat. ⇒ Adieu va. — REM. On écrit aussi à Dieu vat, à-Dieu-va.
53 À-Dieu-vat ! Mouillez, virez vent devant, virez vent arrière.
A. Jarry, Ubu Roi, V, 4.
3 Interjections servant à marquer un sentiment, une émotion (colère, joie, admiration…). || Dieu ! || Mon Dieu ! || Ah, mon Dieu ! || Bon Dieu ! (→ régional Boudi !). || Grand Dieu ! || Juste Dieu ! || Dieu du ciel !
54 Dieu ! qu'aperçois-je ici ?
Molière, Sganarelle, 9.
54.1 (…) ils s'arrêtaient un instant de travailler pour écouter le rossignol qui chantait dans l'arbre en face de la fenêtre, pour regarder le lilas immobile qui étageait mollement dans l'air lumineux les molles et fines pyramides de ses fleurs mauves comme un autel parfumé. Dieu, que leur couleur est tendre ! Comme elles doivent sentir bon !
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 621.
♦ (Jurons). || Nom de Dieu ! || Bon Dieu ! || Bon Dieu de bon Dieu ! || Dieu(x) de Dieu(x) ! || Vingt dieux ! (aussi vain dieu !). — Vx. || Corps(-)Dieu ! (⇒ aussi Corbleu, tudieu, ventrebleu. → Cap [1. Cap] de Dious, juron gascon), mort(-)Dieu… || Tonnerre de Dieu ! Vulg. || Bordel de Dieu ! — Par euphém. || … de Dieu !
55 Pour Dieu, ne prenez point de vilaine figure (…)
Molière, l'Étourdi, II, 4.
55.1 Vous êtes Vénus qui se lève
Au firmament; mais… est-ce un rêve ?
Ou ?… Je Vous vois… rougir… un peu,
Comme si je disais des choses…
Ou si j'allais sans fins ni causes
Répéter : Sacré nom de Dieu !
Germain Nouveau, Valentines, « La Déesse », Pl., p. 590.
55.2 (On) nous conduisit à une fondrière où l'on jeta devant nous un milicien (…) Ignorant tout à fait tortionnaires et spectateurs, il ne s'en prenait qu'à la matière; quand ses efforts laborieux et adroits aboutissaient à l'enfoncer plus profondément dans la glaise, il ne pestait que contre la malice des choses. « Nom de Dieu de merde, c'est quand même trop con ! ».
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 230.
♦ (En qualifiant, à valeur d'adj.). || Un, ce bon Dieu de… ⇒ Sacré, foutu.
55.3 (…) ce Bon Dieu de vent, les sarabandes affolées de papier, de feuilles et de détritus tourbillonnant, houspillés par les bourrasques de Mars (…)
Claude Simon, le Vent, p. 41.
➪ tableau Principales interjections.
4 ☑ Prov. L'homme propose, Dieu dispose. — ☑ Ce que femme veut, Dieu le veut. — ☑ Qui donne aux pauvres, prête à Dieu. — ☑ Chacun pour soi et Dieu pour tous. — ☑ Il y a un Dieu pour les ivrognes.
56 Le proverbe : « Ce que femme veut, Dieu le veut », n'est pas plus vrai que tout autre proverbe, ce qui veut dire qu'il ne l'est guère.
Th. Gautier, Mlle de Maupin, X, p. 212.
57 Ce qui tendrait à prouver qu'il n'y a que les choses les plus notoirement folles qui viennent à bonne fin, qu'il y a une chance pour les fous, un Dieu pour les téméraires.
Loti, Aziyadé, III, L, p. 149.
❖
DÉR. (De bon Dieu) V. Bondieusard, bondieuser, bondieuserie.
COMP. Adieu va (ou à-Dieu-vat).
Encyclopédie Universelle. 2012.