Akademik

amusé

⇒AMUSÉ, ÉE, part. passé, adj. et subst.
A.— Part. passé de amuser.
B.— Emploi adj.
1. [Se rapportant à une pers.]
a) Qui se trouve momentanément égayé par quelque situation ou circonstance plaisante ou comique :
1. Un des plus cruels supplices de mes grandeurs passées, était de recevoir et de rendre des visites, d'aller à la cour, de donner des bals, des fêtes, de parler, de sourire en crevant d'ennui, d'être poli et amusé à la sueur de mon front : c'étaient là les vrais, les seuls soucis de mon ambition.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 380.
2. Mais regarde-le donc! Est-il comique, à la magnétiser du coin de l'œil! la vieille France, mon cher! ... Moi, je l'adore, cet homme-là, et il pourra bien dire que c'est pour lui, si j'épouse sa fille! Mouret riait, très amusé.
É. ZOLA, Au Bonheur des Dames, 1883, p. 453.
3. ... le joyeux conseiller d'empire Ivan Pétrovitch racontait aux convives amusés sa dernière farce de chez Cubat.
G. LEROUX, Rouletabille chez le tsar, 1912, p. 3.
b) Qui est d'un naturel gai, possède un caractère jovial, insouciant, fait de bonne humeur et d'entrain :
4. ... rien ne m'a jamais mieux montré l'éternelle enfance de cette sotte humanité, et que les Français, les Parisiens surtout, sont encore et toujours ce peuple fou et charmant, mobile, insouciant, amusé...
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Les Cahiers, 1868, p. 98.
5. Flaminia et Lisette sa sœur sont dures, coquettes, joueuses, amusées : le petit rustre doit sentir bon aussi pour ces deux belles dames blasées. Elles jouent, tirent une griffe, la rentrent.
J. ANOUILH, La Répétition, 1950, I, p. 36.
Spéc. [En parlant d'un écrivain] Qui écrit dans un style agréable et plaisant. Cf. plume amusée (Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 350) :
6. ... puisque j'en suis aux distinguo, j'y distingue encore, et plus qu'ailleurs, l'écrivain que j'appelle simplement amusé, lequel, se sentant en bonne et chaude veine, ne s'arrête plus, mais redouble et se laisse mener en tous sens par les figures de sa pensée.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 434.
7. M. Théodore de Banville est un poète lyrique hypnotisé par la rime, le dernier venu, le plus amusé et dans ses bons jours le plus amusant des romantiques, un clown en poésie qui a eu dans sa vie plusieurs idées, dont la plus persistante a été de n'exprimer aucune idée dans ses vers.
J. LEMAÎTRE, Les Contemporains, 1885, p. 7.
2. P. ext.
a) [En parlant d'une expression du visage, d'une intonation de la voix, etc.] Qui traduit un état passager de gaîté et de divertissement souvent mêlé d'une ironie souriante ou moqueuse :
8. Il gardait de sa première vocation je ne sais quelle onction du regard et de la voix, qu'il avait naturellement pastorale, je veux dire propre à remuer les cœurs; mais un sourire tempérait ses propos les plus austères, mi-triste et mi-amusé, et je crois presque involontaire, à quoi l'on comprenait qu'il ne se prenait pas lui-même bien au sérieux.
A. GIDE, Si le grain ne meurt, 1924, p. 443.
9. Elle est aussi droite et aussi allante qu'avant la guerre et c'est le même petit regard bon et amusé sous les paupières bleuies.
J. GREEN, Journal, 1945, pp. 234-235.
10. — Tu te liquiderais si les communistes étaient au pouvoir? demanda Henri d'une voix amusée.
— Oui. Et je te conseillerais vivement d'en faire autant, dit Julien.
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 466.
Rem. Autres syntagmes air amusé, expression amusée, œil amusé, œillade amusée, traits amusés, visage amusé.
b) [En parlant d'un sentiment, d'un état d'âme, d'une attitude morale] Où se mêlent la gaîté, le charme, l'insouciance heureuse :
11. ... j'éprouve maintenant en entendant de la musique un plaisir qui peut être de deux espèces. Ou bien c'est un plaisir vraiment musical, la sensation du beau sonore, et c'est le vrai, le sérieux, le passionnant plaisir, ou bien c'est un plaisir à la fois compatissant, amusé et charmé...
J. RIVIÈRE, ALAIN-FOURNIER, Correspondance, lettre de J. R. à A.-F., nov. 1905, p. 201.
12. Elle entendait son rire, ces trois notes distinctes : « Ah, ah, ah ... » qu'il égrenait, en renversant la nuque... sa gaieté, sa constante bonne humeur... sa gaieté mensongère! Car il avait vécu dans le mensonge, comme dans un élément naturel : un mensonge amusé, insouciant, incorrigible...
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 191.
13. On sait (...) l'épouvantable cruauté de la guerre et des supplices, la morale oubliée pour les batailles scolastiques et l'élan métaphysique des théologiens, tout cela montant dans la multitude de pierre pour envahir l'édifice du haut en bas, — et d'autre part la sagesse narquoise, la tendresse amusée, la bonté, la joie, souvent la gaillardise, quelquefois la colère, jamais la malédiction ni l'anathème ni le prêche du sculpteur.
É. FAURE, L'Esprit des formes, 1927, p. 255.
Rem. Autres syntagmes amitié amusée, étonnement amusé, souvenir amusé, sympathie amusée.
C.— Rare, emploi subst. Un amusé. Personne qui possède un penchant inné pour le divertissement, les distractions agréables :
14. Qu'était-il? un chimérique? Oui, mais décrire ses chimères. Un amusé qu'un rien distrayait? Je crois qu'il avait une extraordinaire faculté de se mettre tout entier sur des fragments, de perdre de vue le vaste horizon, l'ensemble.
M. BARRÈS, Mes cahiers, t. 9, août 1912, p. 323.
STAT. — Fréq. abs. litt. :1 158. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 1 041, b) 1 405; XXe s. : a) 2 198, b) 1 961.

Encyclopédie Universelle. 2012.