VOIX
La voix, premier des instruments, permet à la pensée de se muer en structures chantées ou parlées. Les vibrations se propagent dans l’air, porteuses d’un sens et même d’un «devenir». Cependant, si le «surgissement explosif», dont parle Nietzsche, n’est pas suffisamment contrôlé, une souffrance indicible envahit le chanteur: celui-ci a l’impression de trahir ce qu’il doit traduire. Les techniques vocales, qui jouissent d’un grand prestige auprès des néophytes, remédient à cet inconvénient. Elles maîtrisent la respiration, l’émission, l’articulation, l’intensité des sons; elles font prendre conscience de la différence entre le temps musical et la durée psychologique; elles mettent en équilibre la voix et l’orchestre.
Il est convenu de distinguer le chant sacré du chant profane. Par un «doux murmure» – suprême contradiction –, le chant sacré incarne la puissance du verbe, et c’est pourquoi Marcel Beaufils affirme que «la faute contre le verbe est la première des fautes contre l’esprit». Le chant profane, lui, donne vie au monde des passions, aux rires et aux larmes, en un mot à ce que l’on nomme «opéra». Dans d’autres civilisations, la voix de l’aède ou du barde rend présents des faits historiques ou légendaires, celle des pleureuses accompagne les cérémonies funéraires et celle de l’aimé chante l’aimée.
1. Tradition occidentale
Qualité ou quantité
Les conceptions les plus anciennes se réfèrent à un univers acoustique, c’est-à-dire à un univers dont les éléments sont porteurs de sons et de rythmes. Alors que, selon le Veda , «le monde éclata comme un cri», le logos grec ainsi que le «Et Dieu dit» – wayomer – de la Genèse proclament l’unité vibratoire. Tout est sons, rythmes, rires, sourires ou plaintes, et celui qu’Olivier Messiaen nomme «le chantre sensuel de Dieu» recrée, en dehors de toute interprétation subjective, la cosmogonie sonore. La vocifération du Prophète restaure la Parole perdue. Le mugissement du yogi et l’appel lancé du haut du minaret par le muezzin font écho à la clameur sans laquelle le monde n’eût point jailli du «néant de la caverne».
Dans cette perspective traditionnelle, la voix constitue un «potentiel de forces» et sert à entrer en contact avec la «substance acoustique». Elle facilite la communication entre les règnes – l’humain, l’animal, le végétal. La voix «juste» du chaman – médecin-guérisseur-prêtre – produit l’identité vibratoire et, au cours du rite, tantôt déterminée, tantôt indéterminée, elle accompagne la métamorphose. Citons un fait: en 1553, pour que l’enfant à naître ne fût pas «rechigné» (en vieux français: de mauvaise humeur), une dame de la cour exécutait tous les matins un air, paraît-il, opportun. Le résultat ne fut pas négligeable, puisque celui qui devint plus tard Henri IV ne se départit jamais de sa jovialité. Ainsi le carmen , ou chant magique, établit des correspondances secrètes. Il saisit l’insaisissable et apaise les monstres intérieurs. Le mot «incantation» ne vient-il pas d’in-cantare qui signifie chanter dedans, prononcer des formules, insuffler? L’enchantement a lieu dans le clair-obscur, sans éclats de voix, d’une façon impersonnelle, et les rythmes auxquels l’objet ne demeure pas insensible confèrent à celui-ci «une mystérieuse présence».
Au Moyen Âge, la multiplication des maîtrises ne nuit pas à la permanence des principes fondés sur la spontanéité. L’enfant apprend à traduire en sons les impulsions du cœur, et cette expression libératrice a valeur éducative. Le travail de la voix avant la mue ne doit donc pas être minimisé: il procure la qualité et la souplesse. À cet âge, la personnalité vocale se dessine, surtout si le goût du «bien chanté» a été transmis par le père. Au XVIIe siècle, la maîtrise que dirige le cantor maintient la tradition d’une musique orientée vers le spirituel, et Jean Planel a raison de proposer l’école de chant comme un modèle de formation humaine.
Après la Révolution, les maîtrises disparaissent peu à peu. Un nouveau genre, le bel canto, délaisse la qualité au profit de la quantité. Le chanteur fait place au virtuose, à la prima donna, à la diva. Mais ceux-ci sont rares. S’ils ne réussissent sans cesse leur performance, ils sont contraints d’abandonner la scène. De nos jours, la presse, la radio et les éditeurs de disques ne prêtent attention qu’aux «voix d’or». Cette sélection à des fins commerciales – injuste parfois – dessert la cause d’un art libre. Certains se demandent – et il ne faut pas s’en étonner – si la notion de voix, autrefois si subtile, n’est pas sujette à révision, si l’outrance des «contre-ut» ne tue pas le théâtre lyrique. D’autres s’en prennent au «chanteur de charme» qui, malgré son appellation, ignore le plus souvent les ressources du genre incantatoire. La vedette ne se méprend-elle pas sur le sens du mot «populaire»? Populaire a-t-il jamais été synonyme de vulgaire? Il serait facile de douter...
Scientifiques et professionnels du chant
Cependant, grâce aux travaux des scientifiques, la connaissance du mécanisme vocal n’a jamais été aussi complète; R. Husson (1949), P. Laget (1952), A. Moulonguet (1952-1953), G. Portmann (1954-1957), A. Tomatis, A. Soulairac, L. Lapicque, É. Garde ont effectué des expériences sur le chien, puis sur l’homme. Celles-ci pourraient aider les professionnels à sortir de l’empirisme.
L’École de physiologie vocale de la Sorbonne découvre que le chanteur perçoit des sensibilités internes. Lilli Lehmann et Enrico Caruso en avaient déjà compris l’«extrême importance». Aujourd’hui les chercheurs constatent l’existence de diverses «plages»: les plages pharyngo-buccales, dont la stimulation produit un accroissement du mordant de la voix; les plages naso-faciales, dans lesquelles une partie de l’énergie vibratoire se perd; les plages laryngées, aux sensibilités diffuses mais néanmoins à surveiller, lorsque l’augmentation de l’intensité produit une sensation de piqûres au niveau des cordes vocales. Il faudrait encore mentionner les sensibilités de la musculature thoracique qui activent le tonus glottique. Enfin la perception «nette et consciente» des sensibilités internes permet au chanteur d’apprécier son émission et, si besoin, de la corriger. A. Soulairac a même donné le nom de «schéma corporel vocal» à l’ensemble de ces sensations. Si ces découvertes étaient connues des praticiens de la voix, nul doute que l’étude du chant commencerait par une prise de conscience du corps.
Les relations privilégiées
Les anatomistes soutiennent qu’historiquement les poumons, le larynx, les cordes vocales et les cavités bucco-pharyngées auraient eu d’abord une fonction respiratoire. Peu à peu ces organes se seraient adaptés à la phonation. Si l’on se place dans la ligne de l’évolution de l’espèce, les théories de ceux qui comparaient, au début du XXe siècle, l’appareil vocal à un instrument à anche paraissent singulièrement rétrogrades. La pratique du «soufflet de forge» fausse les données du chant: les expériences entreprises par A. Moulonguet et G. Portmann prouvent que «les cordes vocales peuvent vibrer en l’absence de tout courant d’air et sous le seul effet des stimulations nerveuses». Comme le souligne É. Garde, si l’on fait du bruit avec son larynx, on parle et on chante avec son cerveau. Quel professionnel n’a pas été soumis au caprice de ses nerfs! L’action des muscles étant commandée par les centres nerveux, l’art du chant reflète l’épanouissement, le calme intérieur. Caruso ne disait-il pas après une représentation: «Je ne sais pas moi-même d’où me vient cette puissance de voix et ce pathétique?»
Un autre conditionnement commence dès la première enfance: celui de la voix et de l’oreille. Celle-ci ne se contente pas de recevoir les modulations de la voix maternelle comme une «bouche sonique», elle les analyse comme une machine cybernétique, puis dirige la phonation. L’enfant reproduit à sa manière ce qu’il a entendu. Les nombreuses expériences et contre-expériences effectuées par A. Tomatis démontrent, d’une part, que la phonation chantée dépend de l’audition – cela, par des phénomènes d’éblouissement sonore qui perturbent le contrôle –, d’autre part, que l’intensité des sons émis par le chanteur peut altérer son audition et même sa voix.
D’autres correspondances peuvent être constatées: l’action des hormones sexuelles (mâles ou femelles), qui abaisse la voix d’une octave lors de la mue (difficile, selon Labarraque, chez les petits professionnels); l’action des glandes surrénales, qui enlève la fatigue (le baryton de l’Opéra Pierre-Léon Melchissédec, né à Clermont-Ferrand en 1843, se produisait encore à l’âge de quatre-vingts ans); le trac, qui est dû, en grande partie, à une intervention du système nerveux sympathique; les malaises intestinaux, qui rendent la voix «blanche».
Signalons encore l’hypothèse avancée par Marie-Louise Aucher: «Une réception élective des sons de la voix existerait aux divers niveaux du corps, de la tête aux pieds» et ces zones vibratoires coïncideraient avec les points de l’acupuncture chinoise.
L’acte vocal
Chanter est la manifestation spontanée de celui qui possède, en général, une bonne santé, des musculatures développées, des cordes vocales en bon état et des conditions neurologiques adéquates. Toutefois, la prise de conscience globale du corps par le chant peut rétablir un équilibre perturbé: l’acte vocal – ou mieux, le «geste expressif de bas en haut» – produit un effet régulateur. Non seulement le fait d’établir une solidarité entre le souffle et les cordes vocales constitue un exercice bénéfique, mais la communion de pensée qui existe au sein du groupe choral ou la recherche par le chanteur du mythe, du symbole enclos dans les sons élargissent l’horizon de la vie quotidienne. Apprendre à chanter, c’est apprendre à se dépasser soi-même.
La respiration doit à la fois être naturelle et contrôlée, car l’élève «apprécie la quantité d’air nécessaire au bon cheminement de son chant». Il s’agit de sentir que les muscles de l’abdomen et le diaphragme permettent la montée de l’air et son passage dans le larynx: il serait néfaste de respirer avec rapidité. Les techniques orientales apportent en ce domaine de précieuses indications, en particulier s’il s’agit d’acquérir la respiration profonde. Sous la pression de l’air, les cordes vocales se mettent à vibrer et la régularité de l’expiration maintient la fréquence des vibrations. Si cette fréquence, pour des raisons purement musicales, doit varier, il faut restreindre ou augmenter l’arrivée de l’air et, en conséquence, modifier le comportement de la glotte. À cet instant, les cordes vocales se tendent plus ou moins et les sons changent de hauteur. Ainsi s’explique que le larynx commande la justesse.
À l’émission se rattachent les notions de timbre et d’intensité. La notion de timbre implique un certain nombre de qualités: le volume, apprécié du public lyrique; le vibrato, modulation normale de basse fréquence – selon R. Husson, cinq par seconde pour la basse, six pour le baryton et sept et demi pour le ténor – qui apparaît en cas de voix «appuyée» et devient parfois pathologique (diminution de fréquence), d’où le chevrotement, le trémolo de certains chanteurs. La notion d’intensité permet de définir l’emploi: grand-opéra, opéra, opéra-comique, opérette, salon, micro; cette notion est d’ailleurs toute relative car le chant est affecté par les dimensions de la salle; les voix qui développent une intensité de cent vingt décibels conviennent, seules, aux premiers rôles du théâtre lyrique. La «couleur» de la voix dépend de la grandeur et de la forme du palais, de la bouche, de la langue et du pharynx; elle provient aussi de «l’extériorisation du comportement des muscles en action». C’est, en effet, la couleur qui donne la «possibilité expressive»: la voix épaisse et sombre s’adapte parfaitement aux emplois lyriques, mais ceux-ci imposent une conduite en rapport avec la mise en scène et, outre des contraintes scéniques, des obligations d’ordre rythmique pour que l’attaque des autres voix ne soit pas décalée dans le temps. Le mordant ainsi que les inflexions vocales et les mobilités du geste et du visage remportent les suffrages du public des concerts populaires. Le style expressif et sobre – même si le volume de la voix est réduit à la mesure de la salle – soulève l’admiration de ceux qui assistent au concert classique. Quant à la voix d’église – à plus forte raison si elle intervient au cours de la liturgie –, elle se distingue par la clarté du timbre et l’«esquisse» des moyens.
Pour ne pas «forcer sa voix» dans l’aigu, le chanteur qui monte une gamme doit, à partir du mi 3 pour le ténor, «couvrir les sons ouverts». Si le «passage» est correctement réalisé, l’ensemble du larynx se décontracte et l’on constate même, à la radiographie, une dilatation du pharynx et un abaissement du «bloc laryngé». L’étirement des cordes vocales qui en résulte provoque une excitabilité qui permet à la voix de produire les sons aigus. Lorsque la voyelle est fermée, la «couverture du son» a lieu environ une quinte en dessous (R. Husson). Les maîtres d’autrefois l’appelaient «le petit passage» parce qu’il a lieu sans que le chanteur s’en aperçoive.
La classification des voix
La tessiture permet la classification des voix. Si l’on tient compte de la voix du chanteur, on pourrait la définir comme le groupe de sons que celle-ci émet le plus aisément: la recherche de la tessiture exige un long travail en direction du grave et de l’aigu, car les dispositions vocales se révèlent peu à peu. Cependant, si elle respecte la personnalité vocale, cette définition englobe une quantité de convenances individuelles. Chacun possédant sa propre tessiture, toute généralisation semble impossible à effectuer. Il est donc nécessaire de distinguer la tessiture de l’étendue vocale type. Celle-ci a été définie par les scientifiques qui prennent en considération le fait que les fréquences vibratoires dépendent du temps de l’excitabilité, ou chronaxie, du nerf laryngien. Une classification a été établie qui, pour les voix de femmes, va du soprano ultra-aigu au contralto et, pour les hommes, du ténor suraigu à la basse profonde. De cette donnée expérimentale, R. Husson tire plusieurs conclusions: la classification ne dépend pas de la puissance ou du timbre; la classification fournie par la nature ne comporte pas de types séparés, elle est continue. Cela explique l’existence de voix intermédiaires, celles pour qui les rôles de soprano du répertoire sont trop aigus et les rôles de mezzo-soprano trop graves, celles qui sont classées sopranos par les uns, mezzo par les autres; il est des chanteurs qui éprouvent de la fatigue à tenir l’emploi de Samson dans Samson et Dalila (ténor grave) et qui ne peuvent chanter le répertoire de baryton aigu, qui ne peuvent tenir le rôle de Rigoletto ou d’Hérode dans Hérodiade (baryton) et auxquels les partitions de bas médium ou de grave (Pimène dans Boris Godounov ou le Roi d’Égypte dans Aïda ) sont nocives. Il faut cependant reconnaître que les voix «intermédiaires» se trouvent parfaitement à l’aise dans certains rôles et qu’elles peuvent même briller d’un vif éclat.
Voici la répartition proposée par J. Planel en ce qui concerne les voix de femmes: soprano léger et coloratur à la virtuosité «volubile»; soprano lyrique ou de demi-caractère, très apprécié à toutes les époques; soprano dramatique, puissant, wagnérien; mezzo-soprano, intermédiaire entre soprano et alto ; alto et contralto, voix graves aux inflexions émouvantes.
Les voix d’hommes se divisent en: haute-contre et ténor léger aux sonorités douces; ténor lyrique ou de demi-caractère, très utilisé par les compositeurs du XIXe siècle; ténor dramatique ou fort ténor; baryton et baryton Martin (du nom d’un célèbre chanteur), voix nuancées, aptes à la mélodie française, aux œuvres lyriques comme Pelléas et Mélisande ; baryton Verdi, généreux, à l’aise dans le répertoire vériste; baryton basse; basse chantante; basse noble, utilisée par Moussorgski (Pimène dans Boris Godounov ) et par Debussy (Arkel dans Pelléas ).
Les techniques vocales
La manière de chanter varie selon le pays, le climat, la culture musicale. Malgré la diversité des techniques, il est possible de déceler des principes communs. Le plus important de ceux-ci est, sans conteste, «la valeur de l’impédance ramenée sur le larynx». R. Husson veut dire par là que, pour décontracter le larynx – la préoccupation de tous les chanteurs –, il est nécessaire de faire obstacle à la projection en hauteur des sons. L’impédance peut être faible ou forte. Dans ce dernier cas, la voix devient sombre bien que l’intensité demeure grande, la dépense d’air augmente, ce qui permet au chanteur de déceler une contraction dans l’abdomen: grâce à l’impédance, il peut «soutenir» le souffle. Il a aussi l’impression que les sons «partent en avant» et ne tendent pas à la verticale dans l’aigu. Ces sensations produisent, chez l’artiste, un sentiment d’euphorie très particulier.
Il existe aussi des techniques vocales qui ont pour but de produire des sons nasalisés. Pendant l’émission de certaines voyelles, le voile du palais s’abaisse, ce qui ramène sur le larynx une impédance énorme. On constate également une décontraction de la musculature laryngée, une atténuation des harmoniques, une augmentation de l’activité respiratoire. Les régions osseuses de la face entrent en vibration. Cette technique, fréquemment utilisée en France, aboutit – par un travail des sons, bouche fermée puis bouche ouverte – à «forger le masque». Il s’agit de mettre en contact la pointe de la langue avec le palais et d’amener jusqu’au nez et aux cavités résonnantes du masque les vibrations portées par le souffle. Cette méthode prête attention aux «chambres de résonance» situées dans la face. Comme le remarque D. Évremond, la langue est l’arbitre de l’endroit à choisir pour faire fuser les vibrations: c’est le «gouvernail du masque». Cette technique, qui convient plus au chant français qu’au chant allemand, n’est pas sans risque. La voix de nez , c’est-à-dire celle qui nasalise trop les voyelles, peut amener la disparition de la quinte aiguë.
2. Techniques vocales dans les théâtres d’Asie orientale
Dans les théâtres d’Asie orientale, que ce soit le jingxi chinois, le nô , le kabuki japonais ou le hat tuông , le hat chèo , le hat cai luong vietnamiens, la déclamation et le chant sont très importants.
Les techniques vocales varient d’un pays à l’autre et, bien entendu, elles diffèrent en de nombreux points de celles qui sont en usage en Occident. On ne trouve pas la même distinction entre voix de soprano, de ténor ou de baryton. La manière de respirer, de prononcer les mots ou d’orner les notes est parfois déconcertante pour un chanteur occidental.
Les timbres
Dans les théâtres des pays de l’Asie orientale, on recherche les timbres inhabituels de la voix, dans l’aigu comme dans le grave.
La voix dite «de tête» – ou «du cerveau», dans la tradition vietnamienne –, très proche de la voix de fausset, est utilisée dans la déclamation et le chant, dans le jingxi (Chine) et le hat tuông (Vietnam). Elle convient aux jeunes rôles masculins ou féminins. C’est ainsi que le xiaosheng , jeune homme dans le jingxi chinois, a une voix très particulière: une syllabe prononcée dans le grave est suivie d’une autre prononcée avec la voix de fausset.
La voix gutturale ou pharyngienne, un peu plus grave et plus sonore que la voix naturelle, se rencontre surtout dans le nô japonais; c’est une voix qui, selon Akira Tamba, «donne une sensation d’intensité dramatique, d’énergie virile, de grandiloquence et de calme». Dans le théâtre vietnamien, les rôles de vieillard utilisent cette voix, mais d’une manière moins large que celle du théâtre nô. Elle est obtenue en tirant le menton vers l’intérieur et en comprimant le gosier.
La voix de poitrine est celle des rôles de guerriers au «visage peint» dans les théâtres chinois et vietnamiens, une voix pleine, avec une grande puissance de souffle, et qui résonne dans la cavité thoracique.
Il existe d’autres voix particulières qui expriment les sentiments violents, comme la voix dite «du foie» (giong gan ) ou celle «des intestins» (giong ruôt ) dans la tradition vietnamienne, utilisées pour exprimer respectivement la colère et la douleur morale.
Le souffle
Chaque acteur doit apprendre à «prendre le souffle» (lây hoi ). L’entraînement d’un acteur dans la tradition chinoise commence par des exercices de respiration: celle-ci doit être abdominale, et l’expiration doit être lente; il s’agit là d’une technique respiratoire très proche de celle du yoga. Le souffle est si important que la cavité abdominale doit être vide pour faciliter la respiration, ce qui explique que les grands acteurs ne prennent pas leur repas avant le spectacle. Zeami (1363-1443), dans son traité des Seize Opuscules de l’émission vocale du nô, donne toute une série de conseils à ce sujet: «Il faut retenir le ton dans le souffle, entonner dans le ton, articuler les paroles avec les lèvres» (traduction de René Sieffert). Il y a, selon Zeami, deux sortes de voix: la voix horizontale qui procède de l’expiration, et la voix verticale qui a le timbre de l’inspiration, c’est-à-dire le timbre du son filé. «Par cet usage de l’expiration et de l’inspiration, on obtiendra une sensibilité sonore qui enrichit la voix et qui colore le chant» (traduction d’Akira Tamba).
La prononciation
Dans le jingxi chinois, l’art vocal réside dans l’exécution des chang bai , et l’acteur non seulement doit chanter mais déclamer dans un style poétique et récitatif en tenant compte du rythme de la phrase et des tons linguistiques, car le chinois, comme le vietnamien, est une langue à tons. Chaque syllabe doit être prononcée avec une certaine hauteur et une inflexion appropriée. Dans la tradition chinoise, il existe treize différents groupes de caractères avec des formules appropriées pour les rimes. Dans chaque groupe, certains caractères sont appelés «ronds» et d’autres «aigus». Une excellente prononciation augmente l’effet de la phrase sur le public.
Dans la tradition vietnamienne, un acteur doit éviter les quatre défauts fondamentaux: trai , confusion des deux tons linguistiques hoi et nga (mélodique haut et glottal haut); be , confusion d’un ton linguistique avec un autre; huot , mauvaise prononciation des diphtongues; chot , mauvaise prononciation des consonnes.
Dans la tradition japonaise, S. Shimotsuma (1550[51]?-1616), dans son traité Soden-cho , a distingué cinq catégories de syllabes, selon qu’elles sont constituées d’une voyelle, d’une consonne et d’une voyelle, de deux consonnes avec une voyelle, d’une nasale et enfin d’une «coupure». L’analyse de ce traité a permis à Akira Tamba de remarquer qu’«au moment de l’émission vocale le chanteur-acteur cherche consciemment à modifier l’articulation habituelle des phonèmes japonais pour obtenir, d’une part, des sons plus graves» et, d’autre part, une modification qui tend également à la «postériorisation», c’est-à-dire au passage des voyelles antérieures aux voyelles postérieures (de i vers a en passant par e , par exemple).
La technique du rire
Dans le jingxi chinois et le hat tuông vietnamien, le rire était la première qualité d’un bon acteur. La manière de rire constitue l’un des éléments indispensables de la technique vocale des acteurs chinois et vietnamiens. L’acteur chinois Yu Chen Fei était, selon Mei Lan-Fang, rapporté par A. C. Scott, sans égal en ce domaine. Le regretté maître Ong Sau Lai a distingué vingt-neuf manières de rire dans le hat tuông vietnamien: le rire d’un dignitaire civil loyal, celui d’un traître, d’un jeune militaire ou d’un vieux militaire, le rire qui se termine par un sanglot, le rire de provocation, le rire d’un vieil homme sensuel...
L’intonation et l’expression
Bien prononcer les phrases est essentiel, mais non suffisant. Il faut leur donner les sentiments appropriés. Dans le nô, Akira Tamba a distingué la voix congrulatoire et la voix nostalgique. Dans la tradition vietnamienne, le ngu khi (littéralement «le souffle de la parole»), c’est-à-dire l’expression des mots prononcés, doit être rendu non seulement par l’accentuation mais par le rythme de la phrase, par des silences plus ou moins longs, un débit plus ou moins rapide. L’acteur s’entraîne à dire une même phrase avec des intonations différentes selon l’âge et la situation sociale des personnages qu’il incarne.
Dans la tradition chinoise, le weier , le goût, autrement dit le style des déclamations, est parfois plus important que la puissance de la voix. Zhou Xin Fang, avec sa voix enrouée et rocailleuse, était très apprécié grâce à son weier.
Les techniques vocales courantes
Le vibrato ne se fait pas comme dans la tradition occidentale. Dans le nô, le vibrato de fréquence «est très large et essentiellement irrégulier. Le nombre d’oscillations varie de trois à six par seconde, et l’ondulation de fréquence peut aller jusqu’à dépasser une quarte [...], alors que la technique occidentale enseigne à exécuter un vibrato de fréquence étroit, d’une grande régularité sinusoïdale» (observation d’Akira Tamba).
Dans la tradition vietnamienne, le vibrato se nomme dô hôt (littéralement «verser des grains»). Il imite le rebondissement des grains de perle lorsqu’on les verse sur un plateau. L’écart entre les notes extrêmes du vibrato est souvent assez grand; la technique du dô hôt, assez proche de celle du yodel (mais tout se passe ici à l’intérieur de la gorge et du nez avec passage rapide et alternatif du son guttural au son nasal), pourrait être assimilée au «chevrotement» – considéré comme un défaut technique dans l’art vocal occidental. Le dô hôt est indispensable dans les chants du diêu Nam («mode» Nam ).
Vocalises et syllabes ornementales
Les vocalises sont absentes dans le nô. Elles sont souvent utilisées par les acteurs-chanteurs du théâtre cantonnais et aussi par les acteurs du jingxi. Le qiang est une des techniques les plus appréciées par les connaisseurs. Chaque type de rôle a son qiang particulier: un rôle de visage peint (hua lian ) ne peut pas exécuter le qiang réservé au rôle de sheng (rôle masculin), caractérisé par un registre plus aigu que celui du hua lian. Un bon acteur peut parfois créer, pendant une représentation, un qiang original qui soulève une tempête de hao («bon»), cri que poussent les spectateurs pour apprécier un passage bien chanté ou bien joué, à la place des applaudissements. La syllabe a est fréquemment utilisée... Dans la tradition vietnamienne, on emploie comme syllabe ornementale surtout le son u , assez proche du son u dans le mot japonais uta (chant), mais inexistant dans la langue française. Dans la tradition japonaise, les acteurs-chanteurs n’utilisent pas de syllabes ornementales. Mais les kakegoe , interjections vocales qu’émettent les joueurs de tambour avant ou après la frappe, constituent une des particularités de la musique du nô. La prononciation et la forme des cris changent selon le caractère et l’intensité dramatique de la pièce. Ce sont des interjections: ya , ha , iya , han , hon , poussées par le joueur du tambour d’épaule ko tsuzumi . Ces interjections peuvent être modifiées en yo , ya-a , ha a , ho ... D’autres interjections sont émises par le joueur du tambour de hanche o-tzusumi et du tambour tai ko .
S’il est impossible d’expliquer ici pourquoi les techniques vocales dans les théâtres des pays de l’Asie orientale comportent de telles particularités, on peut dire que la recherche des timbres inhabituels se justifie par le port des masques ou la peinture faciale. À un visage masqué doit correspondre une voix masquée.
Ces techniques dépendent aussi de facteurs linguistiques comme la fréquence des syllabes fermées nécessitant une ornementation ou un vibrato par le nez et non par la gorge ou la poitrine, et surtout de facteurs d’ordre esthétique comme l’importance du timbre dans la musique, qu’elle soit vocale ou instrumentale, la recherche de l’effet de surprise ou le mélange des sons et de bruits.
Ces techniques vocales surprenantes, parfois déconcertantes pour une oreille occidentale, correspondent à des principes admis par le public des pays de l’Asie orientale et constituent des fleurs originales dans le jardin de la musique vocale du monde.
voix [ vwa ] n. f.
• voiz 1080; lat. vox, vocis
I ♦
A ♦ (Chez l'homme)
1 ♦ Ensemble des sons produits par les vibrations des cordes vocales. Émission de la voix. ⇒ articulation, phonation, voisement . Altération, modification de la voix : enrouement, extinction de voix, mue. Perte de la voix : aphonie, mutité, mutisme. Être sans voix : être aphone; fig. rester interdit sous l'effet de l'émotion. ⇒ muet. « Je restai sans voix et sans mouvement » (Vigny). « Paul Valéry s'avance pour parler [...] et demeure sans voix. Incapable d'articuler. Les mots restent dans la gorge » (F.-B. Michel). — Caractères généraux de la voix : accent, ampleur, étendue, hauteur, inflexion, intensité, registre, tessiture, timbre, volume. Tremblement, vibrations de la voix. Un filet de voix. Bruit, éclats de voix. À portée de voix, de la voix. — Voix d'enfant. ⇒ babil, gazouillement. Voix d'homme, de femme. Voix forte, puissante, bien timbrée, vibrante. Une grosse voix. Voix de stentor. Voix faible, cassée, chevrotante, étouffée, sourde. Voix aiguë, aigre, criarde, perçante, stridente. Voix de crécelle, de fausset, du nez. Voix grave, basse, caverneuse, profonde, sépulcrale. Par métaph. Voix de violoncelle. — Voix chaude. Je suis extrêmement sensible « au timbre, à l'étoffe, à l'étendue, à la souplesse d'une voix riche et bien conduite » (Duhamel). Voix blanche. Voix claire, pure. Voix grasse, sourde, voilée. Voix enrouée, éraillée, rauque. Voix de rogomme. Voix juste.
♢ Types de voix, dans le chant (d'après le registre). ⇒ alto, baryton, 1. basse, colorature, contralto, 2. dessus, haute-contre, mezzo-soprano, soprano, vx taille, ténor. Avoir de la voix, une voix appropriée au chant. Sa voix descend jusqu'au fa, monte jusqu'à l'ut dièse (⇒ registre, tessiture) . Forcer sa voix. Se casser la voix. Une belle voix. Timbre, couleur de la voix. — Être en voix : se sentir dans de bonnes dispositions pour chanter. — Travailler, placer sa voix (⇒ vocalise) . Chanter à pleine voix. ⇒ tue-tête (à). Voix bien posée. Appui de la voix. Port de voix. — Voix de poitrine. Voix de tête ou voix de fausset. Voix dans le masque : voix travaillée qui utilise les résonateurs de la poitrine (appui sur le diaphragme) et les résonateurs de la face (appui en tête). Pièces vocales à plusieurs voix (⇒ polyphonie) ; chant à voix égales (⇒ unisson) .
♢ Voix céleste, voix humaine : jeux de l'orgue. ⇒ 2. régale.
♢ LA VOIX, organe de la parole. De vive voix : en parlant; oralement. Parler à voix basse, à mi-voix, à voix haute; à haute et intelligible voix. Élever la voix. Couvrir la voix de qqn, en parlant plus fort que lui. Baisser la voix. « L'inflexion des voix chères qui se sont tues » (Verlaine). Tousser pour éclaircir sa voix. « Il prenait une voix tour à tour grave et flûtée » (France). Par ext. « Les énormes voix des haut-parleurs » (Camus). — Cin. Voix dans le champ, hors champ; voix in, off. — La voix, exprimant les sentiments, les émotions. « Sa mère le gronda [...] en prenant une grosse voix » (Loti). Loc. Avoir des larmes dans la voix. « Une voix s'éleva, forte, vibrante, autoritaire » (Duhamel). D'une voix gaie, gouailleuse. ⇒ 2. ton. « Elle nous adressait la parole d'une voix [...] soumise et presque glacée » (Duhamel).
2 ♦ Parole. Obéir à la voix d'un chef. Loc. De la voix et du geste. « Il animait les six chanteurs de la voix et du geste » (Hugo). — Allus. bibl. « On a entendu la voix de celui qui crie dans le désert » ( BIBLE ). Iron. Entendre des voix.
♢ Littér. « Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix » (Racine),par ma bouche. Loc. Être la voix de son maître, le porte-parole soumis.
3 ♦ La personne qui parle (avec dire, crier, faire...). « Je vous la souhaite bonne, dit une voix dans une barbe » (France). « Oui, crièrent deux voix » (Balzac). « Feu ! dit la voix » (Hugo).
B ♦ (XIIIe) Cri (d'un animal). Voix des chiens : aboiement. Vén. Donner de la voix : aboyer; fig. (cour.) protester. — « La chèvre a quelque chose de tremblant et de sauvage dans la voix » (Chateaubriand). La voix des oiseaux. ⇒ 1. chant. « La voix cuivrée des crapauds » (Maupassant).
C ♦ Littér. Bruit, son (d'instruments de musique, de phénomènes de la nature, de certains objets). ⇒ bruit, 2. son. « La voix des orgues » (Loti). « Des voix chantantes de violon » (Zola). « L'horloge éleva sa voix grêle et fêlée » (Hugo). « La grosse voix du canon couvrait tout » (Hugo).
II ♦ (Abstrait)
1 ♦ Ce que nous ressentons en nous-mêmes, nous parlant, nous avertissant, nous inspirant. ⇒ appel, avertissement, inspiration. La voix de la conscience, de la nature. La voix du sang. La voix de la raison. ⇒ avis, conseil. « C'est cette voix du cœur qui seule au cœur arrive » (Musset). « Une voix intérieure [...] l'avertit » (Martin du Gard).
2 ♦ Vx Expression de l'opinion. ⇒ avis, jugement. « Rome le louait d'une commune voix » (Racine) . « De la Reine et de moi que dit la voix publique ? » (Racine ). PROV. Voix du peuple, voix de Dieu (« Vox populi, vox Dei »).
♢ (XVIe) Mod. Droit d'opiner dans une assemblée, dans un vote. Avoir voix consultative, délibérative (dans une assemblée). Loc. Avoir voix au chapitre. — Donner sa voix à un candidat, voter pour lui. Majorité, unanimité des voix. Gagner des voix. « La constitution de l'an VIII [...] fut approuvée par trois millions de voix » (Bainville).
III ♦ (1753) Gramm. « Aspect de l'action verbale dans ses rapports avec le sujet, suivant que l'action est considérée comme accomplie par lui (voix active), ou subie par lui (voix passive) » (Vendryes). Voix moyenne.
⊗ HOM. poss. Voie.
● voix nom féminin (latin vox, vocis) Faculté d'émettre des sons, en parlant de l'homme ; ensemble des sons produits par les vibrations périodiques des cordes vocales : Reproduire la voix humaine. Faculté d'émettre des cris de l'espèce, en parlant de certains animaux. Utilisation à des fins musicales de l'émission des sons en vue de produire le chant. Chanteur, cantatrice : Une des plus belles voix du monde. Personne qui, par son métier à la radio, à la télévision ou dans l'écriture, a fait connaître sa parole ou ses idées : Une grande voix de la radio s'est éteinte. Personne qui parle mais dont on ne précise pas l'identité : C'est bien, dit une voix au fond de la salle. Expression vigoureuse d'une opinion, d'un sentiment : Écouter la voix du peuple. Littéraire. Son produit, émis par quelque chose : La voix du vent dans les arbres. Hallucination auditive : Entendre des voix. Ce qui en nous-mêmes nous enseigne, nous inspire, nous avertit : Écouter la voix de la raison. Suffrage exprimé lors d'un vote : La motion est adoptée par 40 voix de majorité. Linguistique Catégorie grammaticale associée au verbe et à son auxiliaire, qui indique le type de relation existant entre le verbe, le sujet (ou l'agent) et l'objet. (Dans la voix active, le sujet grammatical est aussi l'agent du procès : Le soleil brunit la peau ; dans la voix passive, il subit le procès réalisé par le complément : La peau est brunie par le soleil ; dans la voix pronominale, il est à la fois agent et patient du procès : La peau se brunit au soleil.) Musique Partie confiée à chaque exécutant dans une composition vocale ou instrumentale. ● voix (citations) nom féminin (latin vox, vocis) Gérard Bauër Le Vésinet 1888-Paris 1967 La voix est un second visage. Carnets Gallimard René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 La pluralité des voix n'est pas une preuve qui vaille rien, pour les vérités un peu malaisées à découvrir. Discours de la méthode Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Tout bruit écouté longtemps devient une voix. Fragments Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 J'aimais les voix du soir dans les airs répandues, Le bruit lointain des chars gémissant sous leur poids, Et le sourd tintement des cloches suspendues Au cou des chevreaux dans les bois. Nouvelles Méditations, les Préludes Valery Larbaud Vichy 1881-Vichy 1957 Voix, la seule voix humaine qui ne mente pas […]. A. O. Barnabooth, Prologue Gallimard Jean Pellerin Pontcharra, Isère, 1895-Le Châtelard 1921 Le dieu nous parle à voix trop basse : On ne l'entend jamais. Le Bouquet inutile Gallimard Gaétan Picon Bordeaux 1915-Paris 1976 La naissance d'une œuvre n'est pas la prise de conscience d'une expérience : elle est la rencontre d'une voix. L'Usage de la lecture Mercure de France Paul Verlaine Metz 1844-Paris 1896 Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore Comme ceux des aimés que la Vie exila. Son regard est pareil au regard des statues, Et, pour sa voix lointaine, et calme, et grave, elle a L'inflexion des voix chères qui se sont tues. Poèmes saturniens, Mon rêve familier Messein ● voix (expressions) nom féminin (latin vox, vocis) De vive voix, en parlant et non par écrit. Donner de la voix, parler très fort ; crier, en parlant du chien courant. Être sans voix, demeurer interdit sous l'effet d'une vive émotion. Parler par la voix de quelqu'un, s'exprimer par son entremise. Voix artificielle, son complexe, dont la composition spectrale correspond à celle de la voix humaine moyenne. ● voix (homonymes) nom féminin (latin vox, vocis) voie nom féminin voie forme conjuguée du verbe voir voient forme conjuguée du verbe voir voies forme conjuguée du verbe voir vois forme conjuguée du verbe voir voit forme conjuguée du verbe voir ● voix (synonymes) nom féminin (latin vox, vocis) Faculté d'émettre des sons, en parlant de l'homme ; ensemble des...
Synonymes :
- accent
- ton
Faculté d'émettre des cris de l'espèce, en parlant de certains...
Synonymes :
- chant
- cri
Utilisation à des fins musicales de l'émission des sons en...
Synonymes :
- timbre
Expression vigoureuse d'une opinion, d'un sentiment
Synonymes :
- opinion
- pensée
Suffrage exprimé lors d'un vote
Synonymes :
- suffrage
voix
n. f.
rI./r
d1./d Ensemble des sons émis par les vibrations des cordes vocales et modulés par leur passage dans le pharynx, la bouche et les lèvres. Une voix douce, forte.
|| Suite de sons articulés, parole. Parler à haute voix, à voix basse.
— De vive voix: verbalement.
— Fig. Appel, avertissement intérieur (surtout dans la voix de). La voix de la conscience.
d2./d Faculté de chanter; sons émis en chantant. Une voix juste.
|| Spécial. Voix d'un chanteur, définie par sa hauteur et son étendue. Voix de basse, de baryton, de ténor, de contralto, de soprano.
— Voix de tête: V. fausset 1.
d3./d Partie tenue par un chanteur ou un instrumentiste, dans une oeuvre musicale. Cantate à trois voix.
d4./d Cri, chant, ramage (d'un animal). La voix du rossignol.
d5./d Litt. Son, bruit. La voix chaude du violoncelle.
rII./r Avis exprimé dans un vote. Trois voix pour, cinq contre. Mettre une proposition aux voix.
— Avoir voix consultative, délibérative. Avoir voix au chapitre .
rIII/r GRAM Ensemble des formes que prend un verbe selon que le sujet est l'agent (voix active) ou l'objet (voix passive) de l'action.
⇒VOIX, subst. fém.
I. A. — [Chez l'homme]
1. Son, ensemble de sons produits par la bouche et résultant de la vibration de la glotte sous la pression de l'air expiré; faculté d'émettre ces sons. Organes de la voix; hauteur, intensité, timbre, volume de la voix; brouhaha, bruit, éclat, murmure, tumulte de voix; voix qui crie, s'élève, porte, résonne, retentit. Aussitôt la glotte franchie, le souffle devenu voix traverse l'arrière-gorge, la gorge, la bouche, se répand en partie dans le pharynx et les fosses nasales, se moule sur les formes mobiles et ductiles de tous ces organes, qui (...) pétrissent et sculptent la matière sonore (Arts et litt., 1935, p. 36-8). Nous savons aujourd'hui que la voix humaine, qu'elle soit chantée ou parlée, que la hauteur en soit voulue et contrôlée par l'oreille ou non, est conditionnée, elle aussi, par l'arrivée de salves d'influx récurrentiels sur le larynx (É. GARDE, La Voix, 1954, p. 23).
♦ Émission de voix (synon. phonation). Extinction de voix. Mue de la voix. Filet de voix. V. filet1.
— Expr. et loc.
♦ N'avoir pas de voix, plus de voix. Être aphone, incapable de proférer un son. — Ohé! les hommes!... Je m'enroue. Je n'ai plus de voix. Je me sens ridicule de crier ainsi (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 230). Retrouver sa voix. Être capable de parler de nouveau. M. Thibault, la couverture soulevée, voulait s'échapper de ce lit (...), fuir l'atroce menace. Il avait retrouvé sa voix et vociférait des grossièretés (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1254).
♦ Être sans voix. Être aphone, rester muet, souvent sous le coup d'une émotion. La chaleur pèse, je suis fatiguée et sans voix (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 226). La foudre n'eût pas agi autrement sur la malheureuse mère qui, sans voix, sans force, tremblante, laissa couler ce déluge de paroles (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 239).
♦ Rester sans voix. Rester interdit. Ils te virent, seigneur, et restèrent sans voix (LECONTE DE LISLE, Poèmes ant., 1852, p. 363).
♦ D'une même voix. Ensemble, à l'unisson. D'une même voix, Joseph et moi, nous nous écriâmes: — Cécile a raison! (DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 264).
— Spécialement
♦ ACOUST. Voix artificielle. ,,Son complexe, généralement émis par une bouche artificielle, dont la composition spectrale correspond à celle de la voix humaine`` (Industries 1986).
♦ LING., PHONÉT.
Voix articulée. Voix chuchée. Voix parlée, chantée. L'onde laryngée se reproduit périodiquement suivant un rythme qui oscille, pour la voix chantée, entre 66 Hertz (Hz), ou périodes-secondes (p.s.), ou cycles-secondes (c.s.), correspondant à do1 (c'est la note inférieure d'une basse profonde) et 1320 Hertz, soit mi5 (note culminante d'un soprano léger) (...). La voix parlée est, plus modestement, située entre 82 p.s. (mi1) et 1056 (do2), les deux octaves inférieures appartenant à la voix masculine et les deux supérieures aux voix enfantine ou féminine (MORIER 1975, p. 1136). V. duo ex.
Vx. Phonème qui entraîne la vibration des cordes vocales. Synon. voyelle. Les grammairiens (...) commencent par dire que les voix représentées par les voyelles sont une espèce de sons, et que les articulations représentées par les consonnes sont une autre espèce de sons, comme s'il pouvait y avoir dans la nature une articulation sans voix, et une voix sans articulation (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 321).
♦ MÉD. Voix œsophagienne, sans larynx. ,,Voix sous-laryngée des opérés du larynx, obtenue après rééducation vocale, grâce à l'air accumulé dans l'œsophage`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
2. a) [La voix caractéristique de la pers.] Voix jeune; aimer, reconnaître une voix. Parmi les nombreux moyens que Talma avait de captiver son auditoire sa voix était sans contredit l'un des plus puissants (DELÉCLUZE, Journal, 1826, p. 350). V. or1 ex. 11, sirène ex.
♦ MYTH. La déesse aux cent voix. La déesse aux cent voix bruyantes A du séjour sacré des âmes innocentes Percé les ténébreux chemins (CHÉNIER, Odes, 1794, p. 254).
♦ Les voix chères qui se sont tues. [P. allus. à VERLAINE, Poèmes saturn., 1866, p. 64] Est-il possible (...) [dans le souvenir], de restituer non pas simplement le timbre des voix, « l'inflexion des voix chères qui se sont tues », mais encore la résonance de toutes les chambres de la maison sonore? (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 68).
— En partic. [La voix enregistrée, reproduite, transmise par les moyens techn.] La voix d'un présentateur; ne pas reconnaître une voix au téléphone. On a l'illusion d'être l'un contre l'autre et brusquement on met des caves, des égouts, toute une ville entre soi... Tu te souviens d'Yvonne qui se demandait comment la voix peut passer à travers les tortillons du fil. J'ai le fil autour de mon cou. J'ai ta voix autour de mon cou (COCTEAU, La Voix hum., 1983 [1930], p. 61). Le poste grésilla. La voix du speaker s'éleva, mêlée à la rumeur de l'orchestre d'un poste voisin (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 142).
b) [La voix caractérisée d'après le volume, le timbre, le mode d'articulation] On s'assit autour d'elle, et aussitôt, d'une voix fraîche et pénétrante, légèrement voilée, comme celles des filles de ce pays brumeux, elle chanta une de ces anciennes romances pleines de mélancolie et d'amour (NERVAL, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 595):
• La voix de Chantal le cloua au seuil, stupéfait. Jusqu'alors il n'avait connu que le rythme familier de cette voix, sa cadence, mais soudain il en découvrait l'accent, le timbre, on ne sait quoi qui n'était qu'imperceptible dans la conversation ordinaire.
BERNANOS, Joie, 1929, p. 658.
♦ Voix blanche. Voix sans timbre, inexpressive ou sans résonance. Vanessa se tourna vers moi. Sa voix blanche et sans timbre était comme le murmure passionné de cette pénombre (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 110). Bonne voix. Voix forte et bien timbrée. Tout à coup, dans la maison, il y a cette voix inconnue, cette plainte grêle et déjà vigoureuse. « Il a bonne voix, dit la mère Bailleul. C'est un beau gars » (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 228). Voix chaude. Voix au timbre riche, expressive et vivante. Sa voix n'était pas moins transformée que le reste: une voix d'homme, chaude et grave, bien timbrée (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 694).
♦ Voix grasse. Grosse voix. V. gros1 II B 2. Voix claironnante. Voix rauque.
SYNT. Voix aiguë, basse, faible, fluette, forte, grave, grêle, imperceptible, profonde; voix argentine, chantante, claire, flûtée, harmonieuse, mélodieuse, musicale, suave, bien timbrée, vibrante; voix métallique, monotone, perçante, pointue, sèche, stridente, traînante, vulgaire, zézayante.
— Voix de + subst. (qualifiant, p. métaph., la voix parlée ou chantée). Voix de cristal, de source; voix de clairon. Kobus (...) ne l'entendit pas chanter de sa jolie voix de fauvette, en lavant la vaisselle (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 59). V. airain ex. 17. Voix de crécelle. Voix de polichinelle. Voix de rogome Voix de rossignol. Voix de stentor. Voix de violoncelle.
♦ Voix de sirène. Voie mélodieuse. Il chantait à voix de sirène et interrompait de temps à autre ces incantations pour m'adresser, si j'ose dire, des préceptes qui allaient de la civilité à l'éthique (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 169). Au fig. Parole au charme irrésistible et trompeur. Son talent, les qualités et les défauts de ce talent lui servent pour voiler ses vrais desseins; c'est la voix de sirène qui abuse le passant (SAINTE-BEUVE, Poisons, 1869, p. 80).
— Changer de voix. Prendre un autre ton de voix. Comme si elle lui pardonnait sa précédente attitude, elle changea de voix pour prononcer: — Je suppose qu'à présent vous désirez voir notre chère malade (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 112).
— Enfler sa voix, forcer la voix. Augmenter l'intensité sonore de sa voix, lui donner plus de force qu'elle n'en a naturellement dans la parole ou le chant. Il avait forcé la voix pour arriver au bout de sa tirade. Il s'arrêta, plié en deux par une quinte (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 899).
c) [La voix caractérisée par les états physiques ou moraux de la pers.]
— [États physiques] Voie éraillée, enrhumée, enrouée, essoufflée, fatiguée; voix avinée, pâteuse; voix qui s'altère, se brise, se casse, s'étrangle, traîne, tremble; rééducation, vieillissement de la voix. Il chantait en accompagnant son violon: « Ah... ah... ah... » sans paroles, d'une pauvre vieille voix brisée. À cette voix usée, chevrotante, le cœur d'Anthime se fondit (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 285). Voix cassée. Voix caverneuse. Voix chevrotante. Voix eunuchoïde.
♦ Casser la voix. Se casser la voix. Altérer sa voix par une fatigue excessive. Tu m'as même raconté que tu t'étais cassé la voix à force de crier après tes drôles de pensionnaires (L. de VILMORIN, Lit à col., 1941, p. 28).
— [États moraux] Voix affectueuse, aimable, amusée, attendrie, caressante, cordiale, gaie, joyeuse, rieuse, songeuse, tendre; voix autoritaire, bourrue, courroucée, étranglée, furieuse, glapissante, gouailleuse, impérieuse, indignée, ironique, irritée, mordante, sévère, solennelle, terrible, timide, tonitruante; voix calme, changée, déchirante, défaillante, désespérée, ferme, frémissante, inquiète, plaintive, résolue, sûre, tranquille, tremblante. Elle était pâle comme la mort; sa voix altérée sortait avec peine, et sa gorge se contractait (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 235). — Tu as de la peine, mon Philippe. Une voix déchirée, naïve, chancelante, une voix d'enfant malheureux répondit, un petit moment plus tard: — Oui, papa (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 278). Voix brisée.
♦ Avoir des larmes dans la voix. Avoir la voix altérée par le chagrin. V. larme I B ex. de Champfleury.
3. Aptitude à émettre des sons modulés, à chanter; ensemble des sons émis. Voix cultivée, inculte. Par des vocalises chantées sur toutes les voyelles les voix sont affermies, « posées », assouplies, développées (Enseign. mus., 1, 1950, p. 16). V. chant1 ex. 9, haut1 ex. 13, musique ex. 4. P. métaph. V. musique ex. 1. Voix étoffée. V. étoffé II C 1. Voix fausse. V. faux1 I A 2 c. Voix juste. V. juste I B 2 b .
♦ Voix sombre, sombrée. Voix couverte que l'on peut prendre volontairement pour certains effets. Boris Christoff, et de très nombreux chanteurs contemporains [sont] séduits par les avantages phonogéniques d'une voix sombrée, celle-ci étant nettement plus favorisée par le disque que la voix claire (R. MANCINI, L'Art du chant, 1969, p. 52). Il existe, en principe, un rapport entre le timbre, la tessiture et l'intensité: voix claire de tessiture aiguë d'une part, voix sombre de tessiture grave (R. MANCINI, L'Art du chant, 1969, p. 51).
a) Expr. et loc.
♦ Chanteur, chanteuse à voix. Chanteur, chanteuse à la voix naturellement belle et forte. Le reste de la troupe s'amena sur le coup de la deuxième tournée, également offerte par Jacques qui fit alors connaissance (...) d'une chanteuse à voix (QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 131).
♦ Mise de voix. V. mise I C 1 b. Port de voix. V. port2 B 2. Portement de voix. V. portement A 2. Pose de la voix. V. pose1 I B 3. Assouplir la/sa voix. V. haut1 ex. 13.
♦ Éclaircir sa voix, s'éclaircir la voix. Rendre sa voix plus distincte, mieux timbrée. On aurait dit qu'il allait tousser un bon coup pour s'éclaircir la voix, comme jadis, avant de pousser sa romance (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1432). V. éclaircir I A 1 b ex. de France.
♦ Travailler sa voix. Assouplir sa voix par des exercices, des vocalises. Écoute, cette chanson te va comme un gant (...)! Au lieu de somnoler sur ce lit, tu travaillerais ta voix que ça n'en serait pas plus mal, je t'assure (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 138).
♦ Avoir de la voix. Avoir une voix naturellement belle et forte. Maggy Teyte (...) a beaucoup moins de voix que Garden, elle disparaît un peu par moments (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1908, p. 377).
♦ (Être) en voix. (Être) en mesure de bien chanter. Un chanteur fort en voix (BERLIOZ, À travers chants, 1862, p. 91).
b) CHANT, MUS.
) Étendue des notes que peut donner la voix d'un chanteur, d'une cantatrice. La voix [de Nathalie Stutzmann] est exceptionnelle: rare, même dans cette tessiture de contralto si recherchée depuis l'engouement pour le baroque (L'Est Républicain, 20 déc. 1989, p. 13, col. 5). V. basse1 ex. 11, baryton ex. 1, contralto ex. 1 et 2, soprano B ex. de Lautréamont.
Voix de fausset. V. fausset1. Voix de gorge. V. gorge I B 2 b . Voix de médium. V. médium I A 2 a. Voix mixte. V. mixte I A 2. Voix de poitrine. V. poitrine I C 2.
♦ Voix de tête. Portion aiguë du registre de la voix dont le timbre est mélodieux. Et comme les chanteurs parvenus à la note la plus haute qu'ils puissent donner continuent en voix de tête, piano, il se contenta de murmurer (PROUST, Swann, 1913, p. 254).
— P. méton. Chanteur, cantatrice particulièrement doué(e) pour le chant. Une grande voix de l'opéra. La qualité d'une interprétation qui réunissait les meilleures voix de l'époque (DUMESNIL, Hist. théâtr. lyr., 1953, p. 128).
) Chacune des parties d'une composition polyphonique vocale chantée par une personne ou par un seul registre de voix. Synon. partie. La première, la deuxième voix; voix principale; chanter à deux, trois voix. Pour mieux faire comprendre la composition d'une messe de la Renaissance (...), nous choisissons la messe à cinq voix Veni sponsa Christi, de Jean Leleu (POTIRON, Mus. église, 1945, p. 62).
♦ Voix seule. Partie vocale qui n'est pas mêlée à d'autres, qui chante quand les autres se taisent. On achevait la soirée par un morceau de chant. Il va sans dire pour voix seule et pour voix de femme (PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p. 129).
— Loc. adj. [En parlant d'un ensemble vocal] À voix égales. Composé de voix de même étendue, soit voix masculines, soit voix féminines, soit voix féminines et enfantines. Les conditions d'équilibre sont particulièrement difficiles à réaliser lorsqu'on écrit pour voix dites « égales », soit par exemple deux ténors et deux basses (POTIRON, Mus. église, 1945, p. 44). À voix mixtes. Composé à la fois de voix masculines et de voix féminines (et enfantines). Chœurs à voix égales ou à voix mixtes (Enseign. mus., 1, 1950, p. 18).
) Chacune des parties d'un morceau de musique formant un thème, une mélodie. Fugue (de Bach) à deux, à trois voix. Ces concours (...) comportent deux séries d'épreuves: Première série. 1 Deux dictées musicales, l'une à une voix, l'autre à deux ou trois voix (Enseign. mus., 1, 1950, p. 18). Équilibre du contrepoint et de l'harmonie dans la fugue: Fugue en ut dièse mineur, clav. bien tempéré, livre I; Invention à 3 voix en fa mineur (O. ALAIN, L'Harmonie, 1969, p. 77).
4. [La voix, agent de la parole, du lang.]
a) [En tant que moyen d'expr.] Parole, discours prononcé par une personne. Écouter la voix de qqn; encourager, animer de la voix; de la voix et du geste. L'élément naturel qui sert de base, de modèle à Montaigne, est toujours la parole, la voix haute et non pas la pensée intime en formation (LARBAUD, Vice impuni, 1941, p. 249).
— Entendre une/des voix. Entendre parler des personnes que l'on ne voit pas. Entendre une voix derrière la porte. Eurydice (...): j'avais cru entendre des voix!... Personne! (CRÉMIEUX, Orphée, 1858, II, 4, p. 65). Parfois aussi, par une porte ouverte, on entendait une voix criarde appeler un enfant (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 127).
♦ PATHOL. Entendre des voix. Avoir des hallucinations auditives. [Le père Rouault] n'y voyait plus, il entendait des voix autour de lui, il se sentait devenir fou (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 192). Vous entendez des voix, eh bien! Est-ce que ce sont des voix comme la mienne? — Non, monsieur. — Bon, il a des hallucinations auditives (BRETON, Nadja, 1928, p. 129).
♦ RELIG. Avoir une communication mystique auditive. [Jeanne] a des apparitions, elle entend des voix; mais « monsieur Saint-Michel » et « madame Sainte-Marguerite » lui parlent un langage très clair (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 147). Plais. Elle joignit les mains: « Mon Dieu, mon Dieu... pardonnez-moi. » Un client qui entrait, rigola. « Renée, vous entendez des voix! » (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 137).
— P. méton. Personne qui parle dont on ne précise pas l'identité. Au même instant, à quelques pas, une voix avertit:— Attention, les v'là! (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 208).
♦ HIST. RELIG. Les voix de Jeanne d'Arc. Saints qui dictaient à Jeanne sa mission et qu'elle était seule à entendre. Quand on veut qu'elle continue à guerroyer, elle n'y consent qu'avec répugnance — car ses « voix » ne lui ont rien ordonné de plus que de faire sacrer le roi (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 148). P. anal. Qui est poète doit confesser la poésie, avouer son travail, parler de versification, — et non s'attribuer des voix mystérieuses (VALÉRY, Mauv. pens., 1942, p. 196).
— Expr. et loc.
♦ Donneur de voix. [P. anal. avec donneur de sang] Personne qui enregistre bénévolement un texte pour les mal-voyants. Tous [les retraités] veulent se sentir utiles pour ne pas être exclus de la société. L'un d'eux cite l'exemple d'un retraité « donneur de voix » qui enregistre sur cassettes des livres pour aveugles (Le Point, 13 juin 1977, p. 111, col. 3).
♦ CIN., TÉLÉV. Voix dans le champ, voix hors champ. ,,Voix d'une personne présente ou absente à l'écran`` (FRANTERM Néol. 1984).
Rem. Terme recommandé à la place des anglicismes voix in et voix off. V. off ex. 1.
♦ Couvrir, étouffer la voix. Étouffer les sons de la voix en faisant du bruit, en parlant plus fort. Deux personnes qui disputent cherchent mutuellement à se couvrir la voix (MONTHERL., Songe, 1922, p. 48). P. métaph. Cette manie de fraude est un résultat inévitable (...) du vice de population excessive, dénoncé avec raison par M. Malthus. On a étouffé sa voix comme on étouffe toute vérité (FOURIER, Nouv. monde industr., 1830, p. 6).
♦ Élever la voix (au propre et au fig.). V. élever1 II A 1 et B 1. Hausser la voix. V. hausser II B 1 b . Lever la voix. V. lever1 I A 2. Pousser la voix. V. pousser III A.
♦ Au fig. Donner une voix à qqn. Se faire l'interprète de. [Les socialistes] ont donné une voix à cet appel angoissé venu des médiocres que nous sommes, qui se comptent par millions, qui font la matière même de l'histoire, et dont il faudra un jour tenir compte (CAMUS, Actuelles I, 1948, p. 151). Vieilli. [Le suj. désigne un animé ou un inanimé] Prêter la voix à qqn, parler par la voix de qqn. S'exprimer, être exprimé par l'intermédiaire de (quelqu'un, quelque chose). C'est la vérité, c'est bien elle qui parle par la voix d'Hélène (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 143).
♦ Faire la grosse voix. V. gros1 II B 2. Prendre une grosse voix, grossir sa voix. Prendre une voix grave et forte pour effrayer quelqu'un, gronder un enfant. S'il grossit la voix, ils [les élèves] ricanent (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1217). Il faut que je vous gronde. Vous ne m'en croyez pas capable? Attendez que je prenne ma grosse voix (ARLAND, Ordre, 1929, p. 185).
♦ [Le suj. désigne un personnage de théâtre] Prendre voix. Être incarné, interprété. Les personnages de Don Sanche et de l'Infante n'étaient plus réduits au rôle de rouage ou de surcharge inutile. Ils prenaient corps, ils prenaient voix, et ces voix répondaient au duo des amants (SERRIÈRE, T.N.P., 1959, p. 153).
♦ Donner de la voix. Parler fort, se faire entendre. La foule passionnée donnait de la voix, et les pelotes bondissaient, quand commença de tinter doucement l'angélus (LOTI, Ramuntcho, 1897, p. 161).
♦ MAR. Saluer de la voix, à la voix. ,,Effectuer le salut qui consiste en un ou plusieurs cris`` (BONN.-PARIS 1859).
♦ À portée de voix, loc. adv. À une distance telle qu'on peut encore se faire entendre. V. portée ex. 3. MAR. Être à (une) portée de voix (d'un bâtiment, d'un lieu), être à la portée de la voix. Pouvoir se faire entendre avec un porte-voix. La manière dont les deux frégates ont toujours navigué à la portée de la voix, aura rendu commun à toutes deux le même écueil (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. LXII). Le Grand-Saint-Antoine qui passe à une portée de voix de Cagliari, en Sardaigne, n'y dépose point la peste (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 21).
♦ De vive voix. En parlant directement à l'intéressé, oralement. La Marquise: J'y ai répondu de vive voix, mais non pas par écrit (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, II, 3, p. 137). [Il] n'avait de cesse qu'il se fût expliqué de vive voix avec des employés qui se moquaient de lui, pour avoir pris au mot les ultimatums de l'imprimé (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 827).
— À voix + adj. antéposé ou postposé et avec des verbes signifiant « dire », « parler ». À voix basse. Sans élever le ton. Un soir, j'entendis mon père et ma mère qui se disaient à voix basse:— Mon ami, Mélanie baisse de jour en jour (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 192). V. parole ex. 10. À voix haute, à haute voix, à haute et intelligible voix. V. haut1 I C 1. À demi-voix. À mi-voix. À pleine voix. V. plein I E 1 g.
b) Parole directe ou rapportée exprimant un avertissement, un avis, un ordre. Voix d'outre-tombe; écouter la voix de sa mère, d'un ami; être sourd à la voix de qqn. Une troupe disciplinée, obéissant avec précision à la voix d'un seul chef (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 285).
— P. méton. Personne dont la pensée, l'œuvre marque son époque. Chateaubriand et Byron: ces deux grandes voix du siècle se sont fait entendre à peu de distance criant vers Dieu; l'une pour implorer secours, l'autre pour le blasphémer et le maudire (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1833, p. 157). L'école d'Augsbourg qui n'entendra plus, avec Christophe Amberger, qu'un écho presque éteint, bien que pur, de la grande voix d'Holbein (FAURE, Hist. art, 1914, p. 520).
— [P. allus. à Luc III, 4: La voix qui crie/qui clame dans le désert, paroles par lesquelles Isaïe désigne Jean-Baptiste dans son rôle de Précurseur] Personne qui parle, avertit sans parvenir à se faire entendre. Nos exigences, nos demandes, n'ont été qu'une voix clamant dans le désert (Déclar. univ. Dr. Homme, 1949, p. 12).
B. — P. anal.
1. Son produit chez les animaux par l'appareil buccal ou un autre organe. Voix de la colombe, du coq, des oiseaux, d'un perroquet, du rossignol. Des petites voix claires et aiguës de cigales pâmées de chaleur (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 686). Attendez un peu voir, me dit Françoise indignée de mon ignorance, si les lapins ne crient pas autant comme les poulets. Ils ont même la voix bien plus forte (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 484). V. miauler ex. 2.
— CHASSE. Voix des chiens. Aboiement du chien courant, caractéristique de sa race, sur la piste ou en vue du gibier. Ce n'est plus, pour les chasseurs, qu'une attente plus ou moins longue (...) mais dans laquelle la voix des chiens marquera infailliblement les péripéties de la chasse (VIDRON, Chasse, 1945, p. 106). Donner de la voix. [Le suj. désigne un chien] Aboyer. Miraut ne donnait pas de la voix, de ces coups de gueule prolongés et réguliers qui retentissaient quand il suivait sa piste (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 36).
— PATHOL. Voix rabique. Aboiement caractéristique du chien atteint de la rage. Le second chien mange encore le trente-septième jour après l'inoculation (...) le trente-neuvième, il a la voix rabique; le lendemain on le trouve mort (PASTEUR ds Travaux, 1895, p. 386).
2. Son qui résulte de la vibration de l'air, d'un corps sonore.
a) [À propos d'un élément naturel] Voix de l'océan, de la rivière, d'une source, de la tempête, du tonnerre, de l'univers, des vagues. Accents tendres ou terribles surpris dans la voix de la mer, de la forêt, du fleuve et du vent (MILOSZ, Amour. init., 1910, p. 166). La fontaine fit entendre sa voix, mince comme le fil d'eau tombant dans le bassin (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 17).
b) [À propos d'un instrument de mus. dont le son rappelle la voix hum.] Voix du cor, des orgues, des trompettes, du violon, du violoncelle. Depuis que la nièce du curé s'était mariée, les paroissiens n'entendaient plus la voix de l'harmonium qu'un dimanche sur cinq (AYMÉ, Jument, 1933, p. 119).
— MUS. (orgue)
♦ Voix humaine. Jeu d'anche qui sert à imiter la voix humaine. Synon. régale. Quant aux tuyaux de la voix humaine, ils ne possèdent qu'un corps très réduit, muni à son extrémité d'un petit couvercle qui permet de régler à volonté l'intensité du son (N. DUFOURCQ, L'Orgue, 1970, p. 19).
♦ Voix angélique. Jeu d'orgue situé à une octave au-dessus de la voix humaine. Les jeux discordés (voix céleste, voix angélique) ou les trémolos le font personnellement vomir [l'auteur] (BOUASSE, Acoust. gén., 1926, p. VIII).
♦ Voix céleste. ,,Jeux d'orgues à bouche de la famille des jeux de gambe, où un léger effet de tremblement ou de vibrato est obtenu en accordant légèrement plus haut ou plus bas que les autres gambes, un battement acoustique entre les sons produits par les deux tuyaux correspondants`` (BRENET Mus. 1926). La voix humaine quitte le grand orgue, pour émigrer au récit expressif, où elle chante avec une sensibilité renouvelée. Sur le terrain de l'émotion facile, elle rencontre ici la voix céleste aux effets mystiques (N. DUFOURCQ, L'Orgue, 1970, p. 55).
c) [À propos d'un objet] Voix du canon; voix d'une horloge, d'un haut-parleur. Cependant que la cloche éveille sa voix claire À l'air pur et limpide et profond du matin (MALLARMÉ, Poés., 1898, p. 36). Ah! le téléphone, sa voix tremblante et impérieuse (ARNOUX, Double chance, 1958, p. 169).
— TECHNOL., vx. Son que rendent les pièces de monnaie jetées sur le tas et d'après lequel on les apprécie. (Dict. XIXe et XXe s.).
II. — Au fig.
A. — Ce qui exprime un message.
1. Gén. au sing. Pensée, sentiment d'une collectivité exprimé(e) avec clarté par sa parole ou par d'autres moyens d'expression. La voix des malheureux, d'un peuple. La voix du peuple était pour eux [les théoriciens de la souveraineté] la voix divine, infaillible, et à ce titre omnipotente (A. DE BROGLIE, Diplom. et dr. nouv., 1868, p. 191). Il n'est pas question de faire quelque chose pour les ouvriers. Mais avec eux. Mais à leur service. D'être une voix parmi leurs voix (NIZAN, Chiens garde, 1932, p. 235).
♦ Vieilli. La voix publique. L'avis de tous, le sentiment général. Presque jamais on ne parlait de mon oncle dans la maison. Moi je ne le connaissais pas du tout. Je savais seulement par la voix publique qu'il avait mené et menait encore une vie de polichinelle (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Marquis de F., 1886, p. 65). La voix, les voix de la renommée. Synon. de voix publique. Toutes les voix de la renommée doivent se réunir pour vanter ce monument (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 463).
♦ La voix de la presse. L'ensemble des publications périodiques, des journaux. Voilà ce que, par la voix de la presse, MM. Labro et Béghin (...) ont tenu à porter à la connaissance du public (Combat, 19-20 janv. 1952, p. 8, col. 1).
— [P. méton.] Elle vous a dit de ne pas la regarder. Monseigneur la Rosette, vous pouvez être sourd à la voix de l'innocence persécutée mais il ne vous est pas permis de refuser d'entendre votre roi (AUDIBERTI, Mal court, 1947, II, p. 165).
— Loc. adj. ou adv. (Être) sans voix. [En parlant d'un peuple, d'une collectivité] (Être) sans possibilité de se faire entendre, de s'exprimer. Pendant de nombreuses générations, avait déclaré le Président Soekarno, nos peuples ont été sans voix dans le monde. Nous avons été ceux auxquels aucune attention n'était accordée, ceux dont le sort était décidé par d'autres selon leurs intérêts (Univers écon. et soc., 1960, p. 64-9). Empl. subst. Quand il est parfaitement abouti comme celui-ci, le roman historique ressemble à une réparation. C'est la parole donnée après coup aux sans-voix (Le Point, 23 févr. 1976, p. 83, col. 3).
— Vieilli. Tout d'une voix. Ensemble, unanimement. « Oui, oui », crièrent-ils avec acclamation et tout d'une voix: « Vive le roi, la reine et monseigneur de Bourgogne! » (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 292).
— Proverbe, au fig., vieilli. La voix du peuple est la voix de Dieu (lat. vox populi vox dei). Le sentiment général a valeur de vérité. Une ovation flatteuse s'était élevée parmi les curieux quand on avait découvert le tableau. Aussi Marcel se retourna-t-il ravi de ce triomphe, et murmura: La voix du peuple, c'est la voix de Dieu (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 187).
2. Voix + adj., voix de + subst. [Le compl. désigne une valeur]
a) Appel intérieur ressenti par la conscience et qui pousse à l'action ou en détourne. Voix de la conscience, de l'honneur; voix du cœur, de la nature, d'une passion, de la sagesse; écouter la voix de, obéir à la voix de; devenir sourd à la voix de l'amitié. C'est bien là mon devoir, je le sens clairement, tout m'avertit que je devrais suivre cette voix intérieure qui ne nous trompe pas, et qui me crie sans cesse:— Pars (KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 59). Lorsque s'élève dans l'âme la voix puissante de l'Amour, ce n'est pas une force seulement, mais toutes les forces de l'âme et du corps qui s'éveillent et s'agitent (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 119). V. commandement ex. 6.
♦ La voix de (Dieu). Majesté divine qui s'exprime par les éléments, la nature; parole qui s'exprime par l'écriture sainte et dans la conscience humaine. Voix du Très-haut, du Tout-puissant. « (...) Ô Maxence, il n'est pas de bornes à ta liberté que mon amour. » Et le soldat, descendant en lui-même, écoute la voix du Seigneur dans le désert (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 202). V. croire ex. 7, lamartinien ex., mettre ex. 7. [Dans un cont. métaph.] Tous les convertis reconnaissent qu'à partir du moment où ils ont prêté l'oreille à la voix de Dieu... ils ont été éclairés sur ce qu'ils étaient, sur ce qu'ils auraient dû être, sur ce qu'ils pouvaient devenir (Philos., Relig., 1957, p. 34-1).
b) Ce que semble exprimer un inanimé dans la conscience, l'intelligence humaine. La voix du temps. Si l'homme a sa voix, si la nature a la sienne, les événements ont aussi la leur. L'auteur a toujours pensé que la mission du poète était de fondre dans un même groupe de chants cette triple parole (HUGO, Œuvres poét., t. 1, Voix intérieures, préf., Paris, Gallimard, 1964 [1837], p. 919). C'était la voix du passé, de l'oubli et de la solitude, certes; mais c'était une voix encore (MILOSZ, Amour. init., 1910, p. 20).
♦ Les voix du silence. C'est comme ces voix du silence que nous entendons pour les suivre dans leur ronde interminable quand nous n'écoutons qu'en nous et que nos sentiments et nos idées s'enchevêtrent confusément dans la volupté somnolente d'une conscience fermée aux impressions du monde (FAURE, Hist. art, 1912, p. 262). « L'œil écoute » a dit Claudel (...). Qu'écoute-t-il? « Les voix du silence » a répondu Malraux, soulignant qu'il s'agit d'un sens caché, qui n'est pas là où l'on se prépare à entendre (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 72).
B. — Jugement, opinion.
1. Droit d'exprimer son opinion au cours d'une délibération, dans un scrutin. Constituer Danton président du Conseil exécutif, avec voix délibérative et voix prépondérante dans les cas d'équilibre, serait à mes yeux le moyen le plus prompt et le plus efficace de faire marcher la machine (MARAT, Pamphlets, Aux bons Fr., 1792, p. 323). Voix consultative. Voix délibérative.
♦ Vieilli. Voix active. Pouvoir d'élire. (Dict. XIXe s.). Voix passive. Capacité d'être élu (Dict. XIXe s.).
♦ Avoir voix au chapitre. V. chapitre2.
2. Expression de l'opinion, lors d'un vote, d'une élection, qui est comptabilisée et entraîne une décision ultérieure; vote émis. Synon. suffrage. Donner sa voix à un candidat, à un parti. Il y avait très grand risque [que] (...) toute une partie des voix radicales fît bloc au second tour avec les faubourgs de la préfecture, les ouvriers des fabriques, et que de tout ça sortît un socialiste. Ce serait du joli. Il fallait donc à tout prix rattraper les voix de droite (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 209).
— [Précédé d'un chiffre] Les conservateurs avaient environ 10 à 15 voix de majorité (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1850, p. 140). Au début de 1957, le Parlement français émet un vote favorable à la réalisation du projet (le vote est acquis à l'Assemblée nationale le 24 janvier par 544 voix contre 32 (...)) (MEYNAUD, Groupes-pression en Fr., 1958, p. 236).
— P. méton. Électeur. Compter ses voix avant une élection. V. chasser1 ex. 6.
SYNT. Voix communistes, écologistes, socialistes; voix prépondérante du président; écart, égalité, majorité, partage, report, total des voix; avoir toutes les voix, n pour cent des voix; faire le plein, n'avoir qu'un petit nombre de voix; l'emporter de n voix; gagner, obtenir, recueillir des voix; vendre sa voix; aller aux voix.
III. — LING., GRAMM. ,,Aspect du verbe défini par le rôle qu'on attribue au sujet suivant qu'il accomplit l'action (actif), qu'il la subit (passif), qu'il est intéressé d'une certaine manière (moyen)`` (MAR. Lex. 1951). Si l'on emploie la forme du prédicat dite « voix active », on dira le jardinier ouvre le portail du jardin; si l'on emploie la forme dite « voix passive », l'énoncé deviendra le portail du jardin est ouvert par le jardinier (MARTINET 1967, p. 127). On dit aussi que les verbes intransitifs sont à la voix active, mais cette notion n'est vraiment utile que lorsqu'on veut opposer l'actif et le passif (GREV. 1986741, p. 1162).
♦ Voix active. V. actif ex. 40, 41, 42. Voix moyenne. V. moyen1 I A 6 ex. de Guillaume. Voix passive. V. passif C 1 a ex. de Le Bidois. Voix pronominale. ,,Le verbe est à la voix pronominale quand son sujet est en même temps objet`` (D. D. L. 1976).
♦ [En gr.] Les trois voix des verbes grecs: voix active, passive, moyenne. Je n'entendis point les explications de M. Beaussier sur la voix moyenne qui ne répond pas au verbe purement réfléchi, comme on ne le croit que trop communément (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 387).
♦ [En lat.] Voix déponente. Catégorie de verbes ayant une valeur active mais dont les désinences sont celles du passif. À côté des deux voix caractérisées, active et passive, les verbes déponents (on dit souvent « la voix déponente ») constituent un groupe étrange (J. COLLART, Gramm. du lat., 1966, p. 44).
Prononc. et Orth.:[vwa]. FOUCHÉ Prononc. 1959, p. 62: ,,On peut encore prononcer un [] bref dans [...] voix``. MARTINET-WALTER 1973 [], [vwa] (8, 9). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. De l'homme 1. fin Xe s. « ensemble de sons produits par le larynx quand les cordes vocales entrent en vibration sous l'effet d'une excitation nerveuse rythmique » las voz ici acc. plur. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 234); 2. ca 1100 « capacité de produire un ensemble de sons au moyen de l'appareil phonatoire; manière dont cet ensemble de sons est émis » s'escriet a sa voiz grand et halte (Roland, éd. J. Bédier, 2985); 1re moit. XIIIe s. sans vois (AUDEFROI LE BATARD, Chansons, éd. A. Cullmann, XIII, 14); 1631 voix de stentor, v. stentor étymol. 1; 3. a) 1370 « capacité de produire un ensemble de sons musicaux au moyen de l'appareil phonatoire » melodies de vois humaines et de sons faites par instrumenz (NICOLE ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, fol. 61b, p. 220); b) 1690 « chanteur » (FUR.); 4. 1671 phonét. « phonèmes qui entraînent la vibration des cordes vocales et font partie des voyelles » (MOLIÈRE, Bourgeois gentilhomme, II, 4, éd. E. Despois et P. Mesnard, t. 8, p. 85). B. D'inanimés ca 1100 « (d'instruments de musique, de phénomènes de la nature, de certains objets) bruit que l'on assimile à la voix humaine » les voiz [des greisles] en sunt mult cleres (Roland, 3304); 1610 voix humaine « un des jeux de l'orgue » (B. archéol. publ. par le Comité hist. des Arts et des Monuments, III, 220). C. Des animaux 1. ca 1200 « son produit par le larynx d'un animal » la douce voiz du louseignol sauvage (CHATELAIN DE COUCI, Chansons, éd. A. Lerond, III, 1); 2. a) 1678 « aboiement d'un chien de chasse » (LA FONTAINE, Disc. à Mme de La Sablière, 69 ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 2, p. 464); b) 1758 donner de la voix « (d'un chien) aboyer » (BUFFON, Hist. nat., t. 7, p. 80). II. A. 1. a) Ca 1100 « organe du langage humain servant à l'expression de la pensée, des sentiments... » ici « manière dont cet organe est employé » A halte voiz s'escrie (Roland, 3641); déb. XVIe s. de vive voix (D'AUBIGNÉ, Les Tragiques, Aux lecteurs, éd. A. Weber, p. 3); b) ca 1200 « langage » (Aliscans, éd. E. Wienbeck, W. Hartnacke et P. Rasch, 1726: A voiz paiene s'est li quens escriëz); 1er tiers XIIIe s. « mot, parole » (RECLUS DE MOLLIENS, Charité, éd. Van Hamel, XXVIII, 4); c) 1538 Eslever la voix (EST.); en partic. ) 1691 elever sa [la] voix pour « embrasser hautement les intérêts de quelqu'un, quelque chose » (RACINE, Athalie, III, 8, 1204); ) 1694 mar. saluer de la voix (Th. CORNEILLE [1678, GUILLET, 3e part., s.v. salut: La Reyne [...] ne voulut estre salüée que de quelques cris de l'Equippage]); 2. ca 1170 « conseils, avertissements, ordre ou appel exprimés par quelqu'un » (Rois, éd. E. R. Curtius, Tierz Livres, XX, 36, p. 165); 3. déb. XVIe s. « personne qui parle » la voix qui console (D'AUBIGNÉ, op. cit., p. 585). B. 1. Av. 1266 « influence, autorité ou crédit d'une collectivité » ciaus qui n'ont vois ni respons en court (Assises de Jérusalem, éd. Beugnot, t. 1, p. 96); 2. a) 1305 « bruit qui court » (Enq., A.N. J. 1030, pièce 28); cf. 1373 (ds Ordonnances des Rois de France, t. 5, p. 649); 1402 vois de... renommee (CHRISTINE DE PISAN, Le Livre du Chemin de Long Estude, éd. R. Püschel, 982-983); 1553 La voix de la renommée (La Bible, s.l. impr. J. Gérard, Jér., 10, 22); b) 1664 la voix publique « la rumeur générale » (CORNEILLE, Othon, V, 3, 1657); 3. 1636 la voix de la raison (ID., Cinna, II, 1, 510). III. A. 1. 1er quart XIIIe s. avoir vois de « avoir le droit de » (RECLUS DE MOLLIENS, Miserere, éd. Van Hamel, L, 10); en partic. 1636 « droit d'exprimer son opinion dans une assemblée ou un scrutin » (MONET); 2. 1558 avoir... voix en chapitre « être admis à donner son avis » (B. DES PÉRIERS, Nouv. récréations et joyeux devis, éd. K. Kasprzyk, Nouvelle III, p. 25); en partic. 1893 avoir voix au chapitre « avoir voix délibérative dans un chapitre de moines » (DG); 3. 1636 voix active, voix passive (MONET); 4. 1690 voix deliberative (FUR.). B. 1. 1538 « opinion exprimée dans un vote » (EST., s.v. vox); 2. a) 1625 tout d'une voix « d'un consentement unanime » (VOITURE, Lettre à Mr de Balzac ds Œuvres, éd. A. Ubicini, t. 1, p. 24); b) 1638 id. « à l'unanimité des suffrages » la chose passa tout d'une voix (ABL.[ANCOURT], Ret. ds RICH. 1680); 3. a) 1640 n'avoir qu'une voix « être unaniment d'accord » (CORNEILLE, Horace, III, 2, 789); b) 1696 avoir la voix de qqn « avoir son consentement » il a la voix et l'approbation du peuple (E. DE COULANGES, Lettre, 19 mars ds Mme DE SÉVIGNÉ, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 1151); 4. 1656 donner sa voix à qqc. « y consentir » (MOLIÈRE, Amphitryon, I, 2, 510); 5. 1734 vendre sa voix (VOLTAIRE, Lettres philosophiques, p. 88); 6. 1834 mettre aux voix l'élection (MUSSET, Lorenzaccio, V, 1, p. 251); 7. 1835 aller aux voix (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, p. 232). IV. Gramm. 1753 « forme que prend le verbe, suivant que l'action est faite ou subie par le sujet » voix active, voix passive, voix moyenne (Encyclop. t. 3, s.v. conjugaison); 1962 voix pronominale (J. STEFANINI, La Voix pronominale en a. et m. fr. [titre], Aix-en-Provence). Du lat. class. , acc. de « voix, son de la voix, accent, son, ton, mot, vocable »; au plur. « paroles, propos ». Fréq. abs. littér.:36 623. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 43 315, b) 55 339; XXe s.: a) 58 777, b) 53 791. Bbg. BLOCHW.-RUNK. 1971, p. 202. — DE GOROG (R.). L'Étymol. et la form. des mots désignant « bruit » en fr. médiév. R. Ling. rom. 1977, t. 41, pp. 376-377. — POTTIER Ling. gén. 1974,45, 114 à 128, p. 333; Les Voix du fr.: sém. et synt. Cah. Lexicol. 1978, t. 33, pp. 3-39. — QUEM. DDL t. 3, 12, 14, 15, 16.
voix [vwɑ; vwa] n. f.
ÉTYM. V. 980, voiz; lat. vocem, accusatif de vox, vocis.
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A (Chez l'homme).
1 Ensemble de sons produits par le larynx, quand les cordes vocales entrent en vibration sous l'effet d'une excitation nerveuse rythmique; effets produit par ces sons. || Émission de la voix. ⇒ Articulation, phonation (cit.); vocal; préf. phon(o)-. || Les organes de la voix : bouche, cordes (cit. 21) vocales, glotte, gorge (cit. 26), larynx (cit. 1). → Diphtongue, cit.; outrage, cit. 5. || Altération, modification de la voix. ⇒ Empâtement, enrouement (cit. 1), enrouer (cit. 1), extinction, fêlure (cit. 5); muance, 1. mue (cit. 3), muer (cit. 6). || Perte de la voix. ⇒ Aphonie, mussitation, mutité (→ 1. Basse, cit. 7). — (Dans des expressions négatives). Aptitude à parler, à produire les sons de la voix. ☑ Être sans voix : être aphone, ou encore, rester interdit sous l'effet de l'émotion. ⇒ Muet. || Je restai sans voix et sans mouvement (cit. 17). || La voix lui manqua (→ Expirant, cit. 1). — Caractères généraux de la voix. ⇒ Accent (cit. 9 et 13), ampleur, coloris (cit. 6), couleur, diapason, échelle (cit. 15), étendue, hauteur, inflexion (cit. 5 et 6), intensité, intonation (cit. 4 et 4.3), modulation (cit. 2), registre (II., A., 2.), résonance, sonorité (supra cit. 2), tessiture, timbre (cit. 2), ton, tonalité, volume. || Tremblement (cit. 7), trémolo (cit. 2), vibrations de la voix. || Un filet (cit. 3) de voix. || Bruit de voix. || Éclats (cit. 7) de voix qui retentissent (cit. 5). || Brouhaha de voix (→ Murmure, cit. 1). ⇒ Cacophonie. || L'écho répond à la voix. → Résonner (cit. 2). || La voix porte (→ 1. Porter, cit. 20) bien. — À portée (cit. 3) de voix, de la voix.
♦ La voix de qqn, sa voix; une, des voix. || On entendait des voix de promeneurs. → Grésillement, cit. 3. || Voix d'enfant. ⇒ Babil, cri (infra cit. 11), gazouillement (→ Muer, cit. 5). || Une voix, des voix d'homme (→ Castagnette, cit. 3; 1. fausset, cit. 4); voix mâle, virile. || Voix de femme (cit. 5 et 8), voix féminine. — (Qualifié par un adj. ou un compl.). || Une voix forte (→ Appeler, cit. 3), ample, claironnante, éclatante, étoffée (cit. 5), métallique (cit. 2), pleine, puissante (→ Avancer, cit. 65), résonnante, retentissante, ronflante, sonore (cit. 2), bien timbrée (cit. 2), tonitruante (cit. 2), tonnante (→ Chantre, cit. 5), vibrante. ☑ Grosse voix. || Voix de stentor (cit.), voix de tonnerre. || Voix faible. || Petite voix. || Voix brisée, cassée (→ Berceuse, cit. 2), chancelante, chevrotante, étouffée, éteinte, fatiguée, fêlée, fluette, frêle (cit. 12), grêle (→ Tailleur, cit. 3), lasse, menue (→ Fade, cit. 14), sénile (cit. 1), sourde, trébuchante, tremblotante, usée. — || « Les restes d'une voix qui tombe et d'une ardeur (cit. 7) qui s'éteint » (Bossuet). — Voix aiguë (cit. 4), aigre (cit. 3 et 4), aigrelette (→ Pépiement, cit.), clairette, criarde, élevée, flûtée, glapissante, haute, nasale, nasillarde, perçante (→ Bravade, cit. 1), pointue (cit. 4), stridente, suraiguë (cit. 2). || Voix de clairon, de crécelle (→ Impératif, cit. 11), de fausset (1. Fausset, cit. 5), voix du nez (→ Annonce, cit. 5). || Il prenait une voix tour à tour grave et flûtée (→ Rôle, cit. 6). — Voix de ventriloque (cit. 1). || Voix qui semble émise par un phonographe (cit. 2). — Voix grave, basse, caverneuse (cit. 2), cuivrée, gutturale, métallique, profonde (cit. 9), sépulcrale (→ Avoir du creux). — Par métaphore. || Avoir une voix d'orgue, de violoncelle. — Voix chaude (→ Râpeux, cit. 2), riche, bien timbrée. || Voix blanche (cit. 13). || Voix de cristal. || Voix claire (cit. 8), cristalline (cit. 2), fraîche, limpide, nette, pure. || Voix grasse, empâtée, grasseyante, pâteuse, sourde (→ Peau, cit. 16), voilée. || Voix enrhumée, enrouée, éraillée (cit. 6), rauque, rude, saccadée (→ Célébrer, cit. 6). ☑ Voix de rogomme (cit. 2). || Belle voix (→ Montrer, cit. 22). || Voix argentine, chantante, harmonieuse (cit. 11), mélodieuse, musicale; juste, posée, bien placée; agile, flexible, moelleuse, souple, légère. — Par métaphore. || Voix de rossignol, de sirène. || Voix fausse, discordante. || Voix monotone (→ 1. Élève, cit. 3).
1 L'homme a trois sortes de voix, savoir, la voix parlante ou articulée, la voix chantante ou mélodieuse, et la voix pathétique ou accentuée, qui sert de langage aux passions (…)
Rousseau, Émile, II.
2 Mon père avait une voix sonore, douce, grave, vibrante comme les palpitations d'une corde de harpe (…) Cette voix, qu'il avait beaucoup exercée dans sa jeunesse en jouant la tragédie et la comédie dans les loisirs de ses garnisons, n'était point déclamatoire, mais pathétique.
Lamartine, Premières méditations, Préface.
2.1 Je me demandais, avec intérêt, où était cachée sa séduction. Dans l'esprit ?… On ne m'avait jamais cité ses mots ni même célébré son intelligence… Dans le regard ?… Peut-être… Ou dans la voix ?… La voix de certains êtres a des grâces sensuelles, irrésistibles, la saveur des choses exquises à manger. On a faim de les entendre, et le son de leurs paroles pénètre en nous comme une friandise.
Maupassant, Un portrait, Pl., t. II, p. 1051.
3 Sa voix, toujours caressante et timbrée pour l'expression des mots tendres, avait acquis je ne sais quelle plénitude nouvelle qui lui donnait des accents plus mûrs.
E. Fromentin, Dominique, VI.
4 (A. Briand) a un grand charme, des yeux bleu marine, des cheveux de poète et la fameuse voix de violoncelle.
A. Maurois, la Terre promise, XXV.
5 (…) ce qui de moi a le plus vieilli, c'est ma voix; cette voix que j'avais, il y a quelque dix ans encore, forte, souple, diverse, c'est-à-dire capable de passer du grave à l'aigu à ma guise; une voix dont j'étais parfaitement maître et dont je pouvais jouer comme un acteur (…)
Gide, Journal, 12 juil. 1942.
6 (…) je suis extrêmement sensible (…) au timbre, à l'étoffe, à l'étendue, à la souplesse d'une voix riche et bien conduite.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, XIII.
6.1 (…) la voix continuait seule, prenait soudain cet accent, cette sonorité particulière, creuse, comme si elle se séparait d'elle (…) comme si voix et personne faisaient deux, chacune se mettant à vivre d'une vie indépendante, autonome, la première courant pour ainsi dire sur sa lancée.
Claude Simon, le Vent, p. 151.
♦ Espèces de voix, dans le chant (d'après le registre). ⇒ Baryton, basse (cit. 3 à 5), basse-taille (cit. 2), contralto, dessus, haute-contre (cit. 1), mezzo-soprano, soprano, taille (vx), ténor (cit. 1), ténorino. || Voix d'homme, de femme, d'enfant, de castrat. || La voix d'un chanteur, d'une chanteuse. || Sa voix descend jusqu'au fa, monte jusqu'à l'ut dièse. ⇒ Descendre, monter. || Forcer sa voix. || Se fausser, se casser la voix. || Une voix juste, harmonieuse. || Une belle voix. ⇒ Organe. — ☑ En voix. || Être en voix : se sentir dans de bonnes dispositions pour chanter; inversement : n'être pas en voix. — Travailler sa voix, l'entretenir par des vocalises (⇒ Vocaliser). || Chanter à pleine voix (en déployant, en « donnant » toute sa voix; → Chanson, cit. 7; psalmodie, cit.), d'une voix très forte (⇒ Tue-tête). || Chanter d'une voix douce. ⇒ Mi-voix (à); mezza-voce. || Soutenir (⇒ Tenue), laisser tomber la voix. || Voix bien posée, bien conduite. || Appui (cit. 6) de la voix. || Port de voix. || Sa voix avait gagné en force et en étendue (→ Fioriture, cit. 2). || Agilité, souplesse d'une voix. — Voix de poitrine : voix naturelle qui s'appuie sur le diaphragme avec résonance de poitrine, par oppos. à voix de tête ou voix de fausset (1. Fausset, cit. 6). → Aigu, cit. 6; gamme, cit. 4; haute-contre, cit. 2. || Voix de gorge (I., 2.). || Voix dans le masque : voix travaillée qui utilise les résonateurs de la poitrine (appui sur le diaphragme) et les résonateurs de la face (appui en tête). || Concert de voix. ⇒ Chœur, partie (cit. 18). || Pièces vocales à deux voix (→ Nocturne, cit. 4). || « Leurs voix montaient, éclatèrent (cit. 6)…, puis se turent. »
7 Je n'ai pas une voix à chanter; mais ici il suffit que je me fasse entendre (…)
Molière, le Malade imaginaire, II, 5.
♦ ☑ Loc. fig. et fam. (vx) :
8 N'avez-vous jamais ouï dire : « Il a une belle voix pour écrire ? »
Mme de Sévigné, 813, 25 mai 1680.
♦ ☑ Absolt, loc. Avoir de la voix, une voix appropriée au chant. — ☑ Donner de la voix : chanter (ou parler fort).
9 (…) le chant d'un marchand de vin de l'extrémité de la rue, chantant, donnant de la voix, ainsi qu'on dit chez nous (…)
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 26 déc. 1880, t. VI, p. 93.
9.1 Sa miraculeuse voix de tête, copiant à s'y méprendre les vibrations d'un gosier féminin, se développait à souhait dans la grande sonorité du plein air, sans paraître gênée par la difficile prononciation des vocables incompréhensibles dont les stances étaient faites.
Raymond Roussel, Impressions d'Afrique, p. 91.
♦ (1680). Mus. || Voix humaine, un des jeux de l'orgue. ⇒ 2. Régale; → ci-dessous I., C. — Voix angélique, une octave au-dessus de la voix humaine. || Voix céleste (autre registre).
♦ (1080). || La voix, support physique du discours oral de la parole, du langage. || Une voix, des voix : des paroles prononcées par qqn.
♦ Entendre une voix qui déclame, parle, récite. || Entendre des voix inconnues derrière une porte, des inconnus qui parlent. — Spécialt. ☑ Entendre des voix : entendre des paroles prononcées (par des absents, des morts…), avoir des hallucinations auditives. || Mais ça va pas, tu entends des voix ! — Les voix de Jeanne d'Arc; Jeanne d'Arc et ses voix (les paroles de saints et de saintes qu'elle avait entendues et qui la guidaient).
♦ ☑ (Dans des loc. construites avec à ou de, et un adj. antéposé ou postposé à voix). À voix haute; à haute voix. || Parler à voix haute, à voix assez haute pour se faire entendre. || Appeler d'une voix forte. — ☑ De vive voix (XVIIe; par vive voix, XIIIe). || Dire, énoncer qqch. de vive voix, en parlant, en faisant entendre sa voix. ⇒ Articuler, dire.
♦ Avec à (à haute voix, XVIIe). || Parler, demander, prononcer, expliquer, lire… à voix basse (1. Bas, cit. 15 et 16), à mi-voix (→ Réquisition, cit. 6); à voix haute, à haute voix (→ Attroupement, cit. 2; cadran, cit. 4; caisse, cit. 2). || Parler à haute et intelligible voix. — (Syntagmes verbaux). || Élever (cit. 33) la voix (→ Crescendo, cit. 5; et, au fig., élever, cit. 35). || Affermir (cit. 1), enfler (→ Amplifier, cit. 5), forcer (→ Bout, cit. 31), grossir, hausser la voix (→ Haro, cit. 3). ⇒ Ton (→ Figure, cit. 14.3). || Couvrir la voix de qqn, en parlant plus fort que lui (→ Mutuellement, cit. 2). || Les clameurs étouffaient la voix de l'orateur. || Baisser la voix (→ Haut, cit. 106). || Manière (cit. 7) de traîner la voix sur certains mots. || Tousser pour éclaircir sa voix. || Essayer sa voix (→ Larynx, cit. 2). || Contrefaire (cit. 1), imiter la voix de qqn (→ Singer, cit. 1; et aussi perroquet, cit. 2). || Faire enregistrer (cit. 9) sa voix.
10 (…) les prophètes faisaient retentir de tous côtés, et de vive voix et par écrit, les menaces de Dieu (…)
11 — Et moi, je vous parlerai jusqu'au bout, jusqu'à ce que j'aie fini tout ce que j'ai à vous dire, et si vous essayez de m'en empêcher, j'élèverai la voix de façon à être entendue par les deux domestiques (…)
Maupassant, l'Inutile Beauté, I.
♦ Cin. || Voix dans le champ, hors champ (III., 1.). — REM. On dit aussi voix in, off (anglicismes).
♦ Par ext. || Les énormes voix des haut-parleurs (cit. 2).
♦ La voix, signe sensible des attitudes psychiques, des émotions. || Expression d'une voix. ⇒ 2. Ton (cit. 2 et supra). || Sa voix vibrait de plaisir (→ 2. Ton, cit. 6), prenait un accent pénétré (→ Reprendre, cit. 33). || Il dit d'une voix gaie (cit. 6), gouailleuse… || Elle nous adressait la parole d'une voix glacée (cit. 27). || Sa mère le gronda (cit. 24) en prenant une grosse voix, une voix sévère, menaçante. || Gémir d'une voix plaintive. || Dire, balbutier (cit. 8) d'une voix altérée (cit. 12), bouleversée (cit. 12), brisée par l'émotion, déchirante, déchirée, émue (⇒ 1. Tendre, cit. 16), entrecoupée par les sanglots, éplorée, étranglée (cit. 15), lugubre, mourante, pathétique (cit. 2), prenante, sombre, suppliante, timide, touchante, tremblante, triste…
♦ ☑ Loc. Avoir des larmes dans la voix. ⇒ Larme (cit. 16). — Une voix cajoleuse (cit. 2), caressante, douce, doucereuse, enchanteresse, flatteuse, insinuante, onctueuse… || Une voix s'éleva, autoritaire (cit. 3), âpre, brusque, cassante, coupante, ferme, impérieuse, ironique (cit. 4), mordante, railleuse, sèche, tranchante… || Le charme de la voix, d'une voix (→ Persuasion, cit. 4; résonance, cit. 1). || La douceur de sa jolie voix. — Accents (cit. 10) d'une voix bien aimée (→ aussi Harmonie, cit. 12 et 13). || L'inflexion « des voix chères qui se sont tues » (cit. 11).
12 Cette gaieté se trahit par les notes de sa voix, par des accents que je saisis, que j'explique.
Balzac, Modeste Mignon, Pl., t. I, p. 383.
13 Mon oreille avide d'entendre
Les notes d'or de sa voix tendre (…)
Verlaine, la Bonne Chanson, XI.
14 — (…) Ta voix ! ta voix… Elle est plus fraîche et plus franche que l'eau !… On dirait de l'eau pure sur mes lèvres !… On dirait de l'eau pure sur mes mains…
Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, IV, 3.
2 Parole. || Encourager, animer qqn de la voix (→ Éperonner, cit. 3). — ☑ Loc. De la voix et du geste. — Obéir à la voix d'un chef (→ Étourneau, cit. 1).
15 La Bourgogne est le pays des orateurs, celui de la pompeuse et solennelle éloquence. C'est de la partie élevée de la province, de celle qui verse la Seine, de Dijon et de Montbard, que sont parties les voix les plus retentissantes de la France, celles de saint Bernard, de Bossuet et de Buffon.
Michelet, Hist. de France, III.
♦ ☑ Allus. bibl. On a entendu la voix de celui qui crie (cit. 16) dans le désert.
3 Vieilli et littér. (En loc.). Bouche. || « Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix » (Racine, Andromaque, I, 2). — Myth. || Les cent voix de la Renommée (cit. 2).
4 (Fin XVIe). Par métonymie. (Avec des verbes comme dire, crier, faire, etc.). La personne qui parle. || Je vous la souhaite bonne, dit une voix (→ 1. Barbe, cit. 13). || Oui, crièrent deux voix (→ Confondre, cit. 2). || Il entendit une voix gémir et pleurer (→ Courlis, cit. 1). || Feu ! (1. Feu, cit. 51), dit la voix (→ aussi Quelqu'un, cit. 6).
B (XIIIe). En parlant d'animaux. ⇒ Cri. || La voix des chiens. ⇒ Aboiement. → Cerbère, cit. 1; clabauder, cit. 1; laryngite, cit. || Chiens qui donnent de la voix, qui aboient. || La chèvre (cit. 2) a quelque chose de tremblant dans la voix. || La voix de l'hyène (cit. 4), de l'ours. ⇒ Grondement, hurlement (→ Hurleur, cit. 3). || La voix des oiseaux, du rossignol (cit. 3). ⇒ Chant. || La voix plaintive (cit. 1) de la tourterelle. || La voix du cygne (→ Écho, cit. 16). || La voix claironnante du coq, perçante du paon (cit. 2). || Voix du perroquet. — La voix cuivrée (cit. 3) des crapauds.
16 Un jour que j'accompagnais mon père à la chasse, la voix des chiens égarés nous conduisit sur le revers d'une montagne boisée (…)
Lamartine, Premières méditations, Préface.
♦ Par métaphore :
16.1 Et ils entrèrent dans le salon de jeu. Autour de chaque table un cercle d'hommes debout regardait. On parlait peu, et parfois un petit bruit d'or jeté sur le tapis ou ramassé brusquement mêlait un léger murmure métallique au murmure des joueurs, comme si la voix de l'argent eût dit son mot au milieu des voix humaines.
Maupassant, Yvette, Pl., t. II, p. 248.
C (1080, Chanson de Roland). Littér. (En parlant d'instruments de musique, de phénomènes de la nature, de certains objets). ⇒ Bruit, son. || La voix des orgues (→ Culte, cit. 3), du cor (cit. 2), des cornemuses (→ Aigre, cit. 5). || Les voix chantantes de violon (→ Musicien, cit. 7). || La voix chaude et vibrante du violoncelle.
♦ La voix du tonnerre, du vent et des vagues (→ Sirène, cit. 4), du mistral (cit. 1), d'une source (→ Immobile, cit. 13). — La voix argentine des cloches (→ Appeler, cit. 11). || Voix grêle et fêlée (cit. 5) d'une horloge. || La grosse voix du canon (→ Hourvari, cit. 3).
17 (…) voici la voix grave de la trompette turque, qui nous arrive du fort, un peu étouffée par l'épaisseur des feuillages (…)
Loti, Suprêmes visions d'Orient, III.
———
II Abstrait.
1 (1636). Au sens de discours oral, parole. Ce que l'être humain ressent en lui-même, lui parlant, l'avertissant, l'inspirant. ⇒ Appel, avertissement, impulsion, inspiration. || La voix du cœur, de la conscience (cit. 14), de la nature (→ Dénaturé, cit. 9; dénier, cit. 4). ☑ La voix du sang (supra cit. 20). || La voix de la raison (supra cit. 16), de l'honneur, de la sagesse. ⇒ Avis, conseil, suggestion (→ Consentement, cit. 1; résister, cit. 17). || La voix de Dieu, du ciel, d'en haut (→ Fils, cit. 11; œuvre, cit. 5; recueillement, cit. 1). || Une voix intérieure m'avertit (→ Gouffre, cit. 19). — Les Voix intérieures (cit. 3), œuvre de Victor Hugo (1837).
18 La voix de la raison jamais ne se consulte (…)
Corneille, Cinna, II, 1.
19 C'est le consentement de vous à vous-même, et la voix constante de votre raison, et non des autres, qui vous doit faire croire.
Pascal, Pensées, VI, 260.
20 L'enfant doit aimer sa mère avant de savoir qu'il le doit. Si la voix du sang n'est fortifiée par l'habitude et les soins, elle s'éteint dans les premières années, et le cœur meurt pour ainsi dire avant que de naître.
Rousseau, Émile, I.
21 C'est cette voix du cœur qui seule au cœur arrive (…)
A. de Musset, Poésies nouvelles, À la Malibran, XVIII.
22 Mais la justice lui parlait, et une voix qui plus fortement encore parle au cœur, la voix de l'humanité et de la miséricorde; cette voix douce qui semble faible et qui renverse les tours, déjà, depuis dix ans, elle faisait chanceler la Bastille.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., I, VII.
23 Perplexité inouïe. Depuis une heure il y avait deux voix dans sa conscience, l'une lui disait de respecter le testament de son père, l'autre lui criait de secourir le prisonnier.
Hugo, les Misérables, III, VIII, XX.
24 Quelque chose de plus fort qu'une chaîne de fer l'attachait à Paris, une voix intérieure lui criait de rester.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, I, V.
2 (XIIIe). Vx. Expression de l'opinion. ⇒ Avis, jugement, opinion. || « Rome le louait d'une commune (cit. 9) voix » (⇒ Accord, approbation, assentiment). — (Dans des expressions). || La voix publique (→ Inconstance, cit. 7). — (Lat. vox populi). || La voix du peuple (→ Décharger, cit. 10), de la foule. — ☑ Prov. Voix du peuple, voix de Dieu (cf. lat. vox populi, vox dei).
25 En quel sens est donc véritable
Ce que j'ai lu dans certain lieu,
Que sa voix (du peuple) est la voix de Dieu ?
La Fontaine, Fables, VIII, 26.
26 De la Reine et de moi que dit la voix publique ?
Racine, Bérénice, II, 2.
27 En effet, il n'y avait qu'une voix sur mon compte, à commencer par celle de l'ambassadeur, qui se louait hautement de mon service (…)
Rousseau, les Confessions, VII.
3 (1611; avoir vois de… « droit », fin XIIe). Droit d'opiner dans une assemblée, dans un vote, une élection; expression de l'opinion. ⇒ Suffrage, vote. || Avoir une voix dans un débat, une assemblée. — Loc. || Avoir voix consultative, délibérative dans une assemblée. ☑ Avoir voix au chapitre (cit. 8 et supra). — La voix de qqn, sa voix, son vote. || Donner sa voix à un candidat. ⇒ Voter (→ Éligible, cit.; retirer, cit. 18). || Mendier des voix. || Compter les voix. || Majorité (cit. 2 et supra), pluralité (cit. 2), unanimité des voix. || Report des voix sur un candidat mieux placé. || Obtenir dix-sept mille voix (→ Enregistrer, cit. 7). || Gagner des voix (→ Postiche, cit. 2), perdre des voix. || La constitution fut approuvée par trois millions de voix (→ Remanier, cit. 1). || Partage des voix. || Le président a voix prépondérante.
———
III (1753, du Marsais, in Encyclopédie, art. Conjugaison). Gramm. « Aspect de l'action verbale dans ses rapports avec le sujet, suivant que l'action est considérée comme accomplie par lui, subie par lui, ou faite dans son intérêt, avec sa participation » (Vendryes, le Langage, p. 121). || Voix active, passive, moyenne (en grec). → Infinitif, cit. 4. — Voix (ou, mieux, forme) pronominale.
❖
COMP. Abat-voix, porte-voix.
HOM. Voie. — Formes du v. voir.
Encyclopédie Universelle. 2012.