SIBYLLE
SIBYLLE
Dans le Moyen-Orient antique, les traditions sur la Sibylle n’ont cessé de foisonner. Son caractère abstrait et sa qualité de terme générique aidant, la Sibylle (d’abord nom propre, Sibylla ) donna lieu à une ample prolifération. À l’origine, il n’y avait qu’une seule Sibylle, comme en témoigne Héraclite d’Éphèse, le premier auteur qui en ait parlé. Il en était encore ainsi au temps d’Euripide, d’Aristophane et de Platon. Le témoignage d’Héraclite révèle aussi qu’à la fin du \SIBYLLE VIe siècle la Sibylle avait une réputation d’antiquité. D’ailleurs, son prototype était Cassandre, dont la figure apparaît dans les légendes posthomériques du \SIBYLLE VIIIe siècle. Sa patrie avait pour centre le mont Ida et la plaine d’Ilion. Le pouvoir de divination qui lui était imputé est dû à la tentative des Grecs d’Ionie d’opposer à la Pythie de Delphes une inspirée capable de la concurrencer. En fait, les sibylles ne se distinguent des pythies de Delphes que par un trait: celles-ci sont des femmes réelles, celles-là des êtres imaginaires comme l’étaient les nymphes ou les muses. On peut reconstituer le travail d’abstraction et le processus historique d’élaboration mythique qui aboutirent à la création de la Sibylle idéale, incarnation surhumaine de la voix prophétique. Diverses traditions locales utilisèrent le mythe de la Sibylle, ce qui eut pour effet l’éclatement définitif de son unité. La Sibylle connut dès lors de nombreux lieux d’implantation, les étapes de la colonisation ionienne jalonnant la diffusion de ses légendes. À l’époque alexandrine, elle voyageait un peu partout autour du bassin méditerranéen et le peuple acceptait couramment sa pluralité. Varron (\SIBYLLE Ier s.) comptait dix sibylles, tandis que Pausanias (sous Marc Aurèle) n’en admettait que quatre. On peut les répartir sous trois grandes rubriques: les sibylles grecques, les sibylles italiques, les sibylles orientales, auxquelles il faut ajouter, à titre littéraire seulement, une «sibylle juive».
Parmi les sibylles grecques , on peut mentionner: la sibylle d’Érythrée (selon certains, elle vécut au temps d’Orphée; les chrétiens la situent au \SIBYLLE VIIe siècle afin de maintenir la priorité de la prophétie biblique; les habitants d’Érythrée, qui proclament son unicité exclusive, concèdent qu’elle ait voyagé jusqu’à Cumes, où l’on montrait son tombeau); la sibylle de Marpessos, dite aussi gergithique, troyenne, hellespontique ou phrygienne (elle est identique à la précédente; leurs biographies se confondent; on l’impliqua dans l’histoire de Troie); la sibylle phrygienne — ou néo-phrygienne — d’Ancyre (on la distingua de la précédente lorsqu’on cessa de désigner la Troade comme la Petite Phrygie); la sibylle de Colophon; la sibylle de Samos (dédoublée de la sibylle d’Érythrée); la sibylle de Sardes, d’Éphèse, de Rhodes (elle est tardive et dérive d’un autre dédoublement de celle d’Érythrée); la sibylle delphique — délienne, thessalienne ou lamiaque — qu’on appela Daphné et dont la biographie est obscure; la sibylle thesprotique — épirotique et macédonienne.
La plus connue des sibylles italiques est la sibylle de Cumes (près de Naples), qui domine tout ce groupe. Son implantation est liée à la colonisation ionienne, peut-être dès le \SIBYLLE VIe siècle. Virgile l’a immortalisée. C’est d’elle, racontait-on, que provenaient les Livres sibyllins que Tarquin le Superbe avait achetés, livres conservés au Capitole jusqu’à l’incendie de ce dernier en \SIBYLLE 83.
Les sibylles orientales comprennent: la sibylle libyenne (plus tard distinguée de sa contrefaçon la sibylle égyptienne, inventée par les Juifs d’Alexandrie); la sibylle persique (dont on ne parle que pour l’identifier à la suivante); la sibylle babylonienne ou chaldéenne (qui, selon Pausanias, est une sibylle propre aux Hébreux de Judée, d’où son nom de sibylle hébraïque); la sibylle européenne et la sibylle Agrippa (créées par les artistes médiévaux qui voulurent que, à l’instar des douze petits prophètes d’Israël, il y eût de même douze sibylles).
La sibylle juive correspond à la littérature des Oracles sibyllins . Les Juifs hellénistiques, ainsi que les chrétiens, remanièrent les Livres sibyllins existants, puis ils en composèrent eux-mêmes. Dès le \SIBYLLE IIe siècle, les Juifs d’Alexandrie utilisaient le genre sibyllin comme moyen de propagande. On possède douze livres de ces collections d’oracles. Les seuls qui soient vraiment d’origine juive, avec cependant des retouches chrétiennes, sont les livres III, IV et V.
Le IIIe livre des Oracles sibyllins est le plus important du recueil, dont il est la source et le modèle. C’est aussi le plus typiquement juif. Pur pastiche homérique, il reflète des traditions, croyances et idées grecques (le mythe des races d’Hésiode) ou orientales (l’antique doctrine babylonienne de l’année cosmique). Malgré ce masque culturel, il demeure une œuvre juive d’apocalypse. Il s’apparente au Livre éthiopien d’Hénoch et au Livre des Jubilés . Le credo monothéiste d’Israël y fonctionne tout au long. Des études récentes l’ont rapproché de l’auteur alexandrin Aristobule et du groupe des thérapeutes. On le date du milieu du \SIBYLLE Ier siècle. Du contenu de ce livre, on retiendra plus particulièrement les développements sur l’homme et sur Dieu, ainsi que la conception de l’histoire qui, à travers un syncrétisme évident, s’accorde strictement avec les vues de la littérature biblique et des écrits apocalyptiques, pour lesquels l’histoire n’a d’autre fonction que de servir de cadre et d’illustration à des thèmes qui sont parénétiques.
sibylle [ sibil ] n. f.
• av. 1140 sibile; lat. d'o. gr. Sibylla
♦ Dans l'Antiquité, Devineresse, femme inspirée qui prédisait l'avenir. La sibylle de Cumes.
● sibylle nom féminin (latin sibylla, du grec sibulla) Prophétesse inspirée spécialement par Apollon. (Les sibylles d'Érythrées et de Cumes étaient les plus connues.) ● sibylle (difficultés) nom féminin (latin sibylla, du grec sibulla) Prononciation Sibylle :[&ph103;&ph93;&ph86;&ph93;&ph96;], -ylle se prononce comme -ile dans facile. - Sibyllin :[&ph103;&ph93;&ph86;&ph93;&ph96;̃], -yllin se prononce comme -ilain dans vilain. Orthographe Attention aux places respectives du i et du y :le i est avant le y. ● sibylle (synonymes) nom féminin (latin sibylla, du grec sibulla) Prophétesse inspirée spécialement par Apollon.
Synonymes :
- pythie
sibylle
n. f. ANTIQ Femme qui passait pour avoir reçu d'Apollon le don de prédire l'avenir.
⇒SIBYLLE, subst. fém.
A. — ANTIQ. Prophétesse, devineresse qui rendait des oracles. Synon. pythie, pythonisse. Sibylle delphique, égyptienne, étrusque, phrygienne, tiburtine; sibylle d'Érythrée; antre, grotte, trépied de la sibylle; la sibylle vaticine. Énée, armé du rameau d'or, et guidé par la Sibylle de Cumes, descend au royaume des morts (P.LEROUX, Humanité, 1840, p. 305). Les sibylles ouvrent et ferment le livre du destin (FAURE, Hist. art, 1914, p. 416):
• Le monde est conduit par les prophètes, par ceux qui savent voir les effets dans les causes. La sibylle n'a jamais menti; elle ne s'est jamais trompée. La sibylle est la voix du Latium, le guide de la race latine, la révélatrice de ses destinées.
RENAN, Drames philos., Prêtre Némi, 1885, II, 7, p. 562.
— BEAUX-ARTS. Les sibylles de Michel-Ange. À la voûte de la Chapelle Sixtine, elles sont au nombre de cinq, à côté de sept prophètes de l'Ancien-Testament (Bible 1912). Parmi les personnes que j'aime dans le monde, je vous signalerai la Sibylle d'Auxerre. — À Auxerre, dans la cathédrale, il y a une Sibylle derrière le chœur (BARRÈS, Cahiers, t. 12, 1919, p. 212).
B. — P. ext. Femme qui fait des prédictions.
1. Synon. de prophétesse. Un délire sublime et ravi s'emparait de ses auditeurs. Le monde moderne n'avait pas vu depuis les sibylles l'incarnation du génie viril sous les traits d'une femme [Mme de Staël]. Elle était la sibylle de deux siècles à la fois, du dix-huitième et du dix-neuvième (LAMART., Nouv. Confid., 1851, p. 307). La Sibylle française, histoire complètement fabuleuse (...). La vertu prophétique de la Pucelle (BARRÈS, Cahiers, t. 12, 1919, p. 160).
2. Littér. ou p. iron. Synon. de voyante. L'antre de la sibylle [une tireuse de cartes] était beaucoup plus sombre que l'antichambre (BALZAC, Comédiens, 1846, p. 347). Elle (...) prenait ma main mourante pour me dire ma bonne aventure, en me demandant un petit sou (...). Il était difficile d'avoir plus de science, de gentillesse et de misère que ma sibylle des Ardennes (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 420).
♦ Sibylle de malheur. L'enfant toussait un peu. Je m'imaginai aussitôt qu'il était malade et je me laissai frapper l'esprit par la prétendue prophétie d'Hélène (...). Elle me faisait l'effet d'une sibylle de malheur (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 452).
3. Par anal., fam., péj., vieilli. Vieille sibylle. ,,Femme âgée et laide, qui a quelque prétention à l'esprit, et connue pour la méchanceté de ses propos`` (Ac.).
REM. 1. Sibyllique, adj. Relatif aux sibylles, à leurs prédictions, à la faculté de prédire l'avenir. Génie sibyllique. Elle dépasse l'homme par sa faculté sibyllique (MICHELET, Journal, 1859, p. 485). 2. Sibylliser, verbe intrans. ,,Rendre des oracles; parler d'un ton inspiré`` (Ac. Compl. 1842) . Une somnambule, les yeux bandés et assistée de son magnétiseur, sibyllisant en plein boulevard (GONCOURT, Journal, 1871, p. 772). 3. Sibyllisme, subst. masc. Foi dans les prédictions des sibylles. Le sibyllisme naquit à Alexandrie vers le temps même où le genre apocalyptique naissait en Palestine (RENAN, Évangiles, 1877, p. 159). 4. Sibylliste, subst. masc. Chrétien des premiers siècles qui voyait dans les livres sibyllins des prédictions relatives au Christ. L'idée dominante des sibyllistes (...) était de prêcher aux païens le monothéisme (...) sous le couvert d'un judaïsme simplifié (RENAN, Évangiles, 1877, p. 159).
Prononc. et Orth.:[sibil]. Att. ds Ac. dep. 1694. « Les l ne se mouillent pas » (Ac. 1798 et suiv.). Revient à écarter, ds les conditions actuelles, [sibij]. Étymol. et Hist. 1113-40 sibile « femme à laquelle on attribuait la connaissance de l'avenir et le don de prédire » (PHILIPPE DE THAON, Livre de Sibile, éd. H. Shields, 1). Empr au lat. Sibylla, empr. au gr. n. d'orig. obsc., d'une prophétesse que l'on a d'abord située en Asie Mineure, notamment à Érythrées, plus tard en Occident à Cumes. Fréq. abs. littér.:262. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 483, b) 246; XXe s.: a) 296, b) 391.
sibylle [sibil] n. f.
ÉTYM. 1552; sibille, v. 1380; sebile, v. 1213; lat. sibylla, grec sibulla « prophétesse ».
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1 Devineresse, femme inspirée qui prédisait l'avenir (cit. 10), dans l'Antiquité. ⇒ Pythie. || La sibylle de Cumes. || Antre, oracle d'une sibylle. || Vertu divinatrice (cit. 1) des sibylles (→ Pythie, cit. 3). || Les sibylles auraient annoncé au monde païen la venue du Rédempteur. — Les sibylles de Michel-Ange, à la Sixtine.
1 Une captive en deuil, la sibylle d'Endor,
S'indignait, murmurant de lugubres syllabes.
Hugo, la Légende des siècles, VI, III, II, Pl., p. 72.
2 (…) je ne me mêle pas de prophétiser, laissant ce soin aux pucelles, qui vaticinent à l'exemple des sibylles telles que la Cumane, la Persique et la Tiburtine (…)
France, les Opinions de J. Coignard, Œ., t. VIII, VII, p. 388.
2 (1546). Littér. ⇒ Cartomancienne, devineresse, voyante.
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DÉR. Sibyllin, sibyllique.
Encyclopédie Universelle. 2012.