SULTAN
SULTA
Mot qui vient de l’arabe sul レ n, lui-même probablement d’origine syriaque. On peut distinguer trois acceptions de ce terme: d’abord, «pouvoir», «autorité»; c’est ainsi qu’il est employé dans le Coran, à la sourate XV, verset 42: «Tu ne disposes d’aucun pouvoir sur Mes serviteurs»; ensuite, le «détenteur d’un pouvoir, d’une autorité», acception attestée dès le premier siècle de l’islam; et enfin un titre et une fonction: «sultan» fut un surnom honorifique décerné par le calife (khal 稜fa). Le titre de sul レ n fut porté, par exemple, par le B yide Sul レ n al-Dawla (mort en 1025). Avec l’arrivée des Saldj qides (1055, entrée de Tughril beg à Baghd d), «sultan» devient le titre le plus élevé que puisse porter un chef musulman, remplaçant le titre ‘am 稜r al-‘umar ’ («grand émir») porté par les B yides. Ce titre conféré par le calife implique une véritable délégation du pouvoir. Cette délégation n’est pas héréditaire: le successeur doit être légitimé par un nouvel acte de désignation du calife. Le sultan et le calife sont liés par serment. Plus qu’une véritable législation, c’est le rapport de leurs forces respectives qui définit les relations du sultan et du calife; ainsi, sous les trois premiers sultans saldjuqides: Tughril beg (mort en 1063), Alp Arsl n (mort en 1072) et Malik sh h (mort en 1092), le sultan exerce une véritable domination sur le calife. Les querelles successorales survenues après l’assassinat de Malik sh h permettent au calife de briser leur tutelle et de recouvrer une certaine autorité. À partir du XIIe siècle, le titre de sultan est revendiqué par tout souverain indépendant, que le calife le reconnaisse ou non; pourtant, le prestige et l’autorité morale du califat sont encore tels que la plupart des sultans demandent cette investiture. Les souverains maml k et ottomans porteront également le titre de sultan; sous ces derniers, toutefois, il est également décerné aux princes.
sultan [ syltɑ̃ ] n. m.
• 1540; var. sou(l)danXIIe-XVIIIe; soltan 1298; arabo-turc soltân
♦ Souverain de l'empire ottoman. ⇒ padischah. — Prince de certains pays musulmans. Le sultan du Maroc. ⇒ roi. « Je me plaisais à le considérer comme un Sultan au milieu de son sérail » (Laclos).
● sultan nom masculin (arabe sulṭān, souveraineté) Titre de souverains musulmans donné à partir des Seldjoukides (XIe s.) par le calife à ceux à qui il déléguait le pouvoir effectif. Titre des souverains de divers États musulmans. ● sultan (citations) nom masculin (arabe sulṭān, souveraineté) Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Un vizir aux sultans fait toujours quelque ombrage. Bajazet, I, 1, Acomat
sultan
n. m.
d1./d HIST Souverain de l'Empire ottoman.
d2./d Mod. Titre de certains princes musulmans. Le sultan d'Oman.
⇒SULTAN, subst. masc.
A. — [Désigne une pers.]
1. a) Dans les pays musulmans ou fortement islamisés, chef temporel puis souvent également spirituel, souverain d'un État plus ou moins important. Les tombeaux dont les khalifes fatimites et les sultans mameluks ont enrichi les solitudes qui avoisinent le Kaire (DU CAMP, Nil, 1854, p. 37). Toghroul-beg le Seldjoukide, entra à Bagdad et s'imposa au khalife arabe comme vicaire temporel et sultan (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 3).
SYNT. Le sultan Saladin; le sultan d'Égypte, de Damas, de Perse, du Maroc; cour, palais du sultan; favorite, fils, filles du sultan; le sultan ordonne; se présenter au sultan, chez le sultan, devant le sultan.
b) En partic. [Avec ou sans compl. déterm.] Souverain de l'Empire ottoman. Synon. Grand Seigneur, Grand Turc. Le sultan de Constantinople, des Turcs. Paris était repu de Majestés et d'Altesses; il avait acclamé l'empereur de Russie et l'empereur d'Autriche, le sultan et le vice-roi d'Égypte (ZOLA, Argent, 1891, p. 272).
c) [Suivi ou non d'un trait d'union; entre dans la dénom. d'édifices relig. musulmans] Les mosquées, les tombeaux de même couleur que le sol (...). Sultan-Barkouk. Nous y entrons. Le cloître, la chapelle, où est le tombeau (de) Caïd-Ali (FROMENTIN , Voy. Égypte, 1869, p. 153). [Sainte-Sophie] se trouve à proximité (...) de la mosquée Sultan Ahmed (A. DHINA, Cités musulmanes d'Orient et d'Occident, Alger, Entreprise Nat. du Livre, 1986, p. 44).
d) [Dans diverses loc. faisant allusion à des caractéristiques propres à un sultan, en partic. au souverain de l'Empire ottoman, en tant que maître d'un harem] Air, ton, geste de sultan; être comme un sultan; trancher du sultan. [Il] flâna dans les coulisses du théâtre où il se promenait en sultan, où toutes les actrices le caressaient par des regards brûlants et par des mots flatteurs (BALZAC, Illus. perdues, 1839, p. 429).
— Empl. adj., rare. Robe de chambre de soie à fleurs, qui lui donne l'air tout à fait sultan (SAND, Jacques, 1834, p. 142).
2. P. anal.
a) Vieilli. Homme qui, par son état, sa situation, ses actes, présente certaines caractéristiques propres à un sultan. Presque toutes ces petites filles étaient amoureuses de leurs professeurs (...). Elles travaillaient comme des anges, pour se faire bien voir de leur sultan (ROLLAND, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1106). Le sultan de la finance et le protecteur des beaux-arts (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 179).
b) En appos., rare. Le docteur Pozzi (...) sultan par la barbe, houri par l'œil (COLETTE, Apprent., 1936, p. 112).
B. — [Désigne une chose]
1. HIST. DE L'AMEUBL. Meuble de toilette réservé aux femmes consistant en une corbeille garnie de soie et destinée à ranger les gants, les éventails, des produits de toilette. Le sultan, d'un goût plus simple, était orné de guirlandes de roses exécutées en chenille avec un art extrême, et renfermait des gants, des essences, des pâtes, des pastilles (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 117).
2. Vieilli. ,,Sachet rempli d'espèces aromatiques que l'on met dans les coffres à linge`` (Mots rares 1965).
REM. Sultanien, -ienne, rare. Propre au sultan, à l'État dont il est le souverain. Armée sultanienne. Déjà les grands étendards sultaniens étaient, en signe d'armistice, arborés sur la maîtresse tour (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 383).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1519 sultan « souverain de l'empire ottoman » ([T. SPANDUGINO] La genealogie du grand Turc, Paris, A VI r° ds Z. rom. Philol. t. 107, p. 376); b) 1610 « souverain de certains pays musulmans » (P. DE DEIMIER, Ac. de l'art poét., p. 525: un sultan d'Egypte); 2. a) 1756 fig. « despote, tyran » (D'HOLBACH, Christianisme, p. 13); b) 1775 fig. « homme qui entretient plusieurs maîtresses » (N. J. L. GILBERT, Le 18e s., p. 7); 3. a) 1789 « coussin rempli de parfums » (Encyclop. méthod. Mécan. t. 6, p. 60); b) 1802 « corbeille garnie de soie » (Dict. de l'Ac. fr., nouv. éd. par Laveaux d'apr. ROBERT G. Mots et dict.). Empr. à l'ar. « pouvoir, domination, autorité; sultan » (cf. soudan), mot également passé en turc sultan. Au sens 3 a, cf. sultane « espèce de coussin rempli de parfums » ([L. A. CARACCIOLI], Dict. crit., pittoresque et sentencieux, Lyon, 1768, t. 3, p. 180). Fréq. abs. littér.:845. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1 544, b) 722; XXe s.: a) 756, b) 1 433.
DÉR. 1. Sultanat, subst. masc. a) Dignité de sultan; régime politique correspondant; règne d'un sultan. Le sultanat a été supprimé en Turquie en 1923 (QUILLET 1965, s.v. sultan). [Dans un cont. anal.] Pendant les trois ou quatre dernières années de son sultanat, beaucoup d'écrivains patriotes réclamèrent la tête de M. Delcassé (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 164). b) État plus ou moins important ayant à sa tête un sultan. Sultanat d'Oman. [Les Peuls] qui ont fondé les sultanats du Cameroun septentrional (GRIAULE, Méth. ethnogr., 1957, p. 30). — [syltana]. — 1res attest. a) 1842 « dignité, règne d'un sultan » (Ac. Compl.), b) 1889 « état sous l'autorité d'un sultan » (RENAN, Hist. peuple Isr., t. 2, p. 192), 1890 (Lar. 19e Suppl., s.v. Zanzibar); de sultan, suff. -at. 2. Sultanin, subst. masc. Ancienne monnaie d'or de divers pays musulmans (Turquie, Égypte, Tunisie, Algérie). Avant la prise d'Alger, le sultanin dont on se servait dans la régence valait 8 fr. 37 c. (LITTRÉ). — []. Att. ds Ac. 1835, 1878. — 1res attest. 1519 sultany ([T. SPANDUGINO] op. cit., B III r° ds Z. rom. Philol. t. 107, p. 379), 1542 soultanis (B. DE LA BORDERIE, Discours du voyage de Constantinoble, Lyon, 38, ibid.: un soultanis pour teste), 1559 sultanin (G. POSTEL, De la République des Turcs, p. 32, ibid.); empr. au turc sultani « monnaie valant dix aspres », (dér. de sultan « sultan »), puis adapt. au moy. du suff. -in.
BBG. — QUEM. DDL t. 10, 18.
sultan [syltɑ̃] n. m.
ÉTYM. 1540; soltan, 1298; var. soudan, du XVe au XVIIIe (→ Isthme, cit. 1); turc soltân, arabe sǔltān « maître, souverain ».
➪ tableau Mots français d'origine arabe.
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1 Souverain de l'empire ottoman. ⇒ Padischah (→ Dais, cit. 3; déposition, cit. 3; dignitaire, cit.; pouvoir, cit. 16). || Prince, souverain du Maroc (⇒ Maghzen; → Enorgueillir, cit. 6; patte, cit. 9). || Le sultan (→ Hommage, cit. 17; odalisque, cit. 1 et 2). || L'aga, officier de la cour du Sultan.
1 Zim-Zizimi, soudan d'Égypte, commandeur
Des croyants, padischah qui dépasse en grandeur
Le césar d'Allemagne et le sultan d'Asie (…)
Songe. C'est le moment de son festin du soir (…)
Hugo, la Légende des siècles, XVI, I.
2 Trop de gens ignorent ou méconnaissent la force inappréciable que représente ici le Sultan, Chef religieux en même temps que Chef politique, Iman couronné, Commandeur des Croyants, héritier de tous ceux qui, depuis les Califes de Cordoue, de dynastie en dynastie, ont été les Chefs suprêmes des Musulmans d'Occident, Celui au nom duquel on dit la prière.
L. H. Lyautey, Paroles d'action, p. 391.
2 (V. 1775). Vx. « Homme qui entretient plusieurs maîtresses à la fois » (Littré); homme despotique, capricieux, habitué à être servi.
3 (1802). Vx. Coussin de soie, corbeille garnie de soie, où l'on mettait un sachet de parfums.
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DÉR. Sultanat, sultane, sultanin.
Encyclopédie Universelle. 2012.