Akademik

SÉPULTURE
SÉPULTURE

La sépulture offre à l’ethnographe, à l’archéologue et à l’historien un excellent moyen d’approche pour l’étude des structures et des croyances d’une société ou d’une civilisation; elle conserve souvent d’ailleurs la documentation la plus complète et la plus riche, parce que mieux dissimulée que les habitats et mieux protégée contre la destruction du temps, même si les tombes ont été à toute époque une proie convoitée par les pillards.

La forme et la structure des sépultures dépendent moins des rites funéraires que des formes de l’état social correspondant et des conceptions ou des croyances relatives à la vie future. Ce ne sont point les rites d’inhumation ou d’incinération qui déterminent en général la forme de la sépulture. L’incinération peut tout aussi bien accroître les dimensions de la tombe si le bûcher funéraire, comme dans les tombes princières de Chypre au Ier millénaire avant notre ère, est incorporé à la sépulture. Elle peut aussi en réduire le volume si seule une cavité est creusée dans le sol ou dans la roche pour déposer le vase contenant les cendres du défunt; à l’inverse, les sépultures chrétiennes ont fourni, avec des rites identiques, des monuments très différents allant des catacombes romaines aux tombeaux fastueux d’époque médiévale. Toute forme de tombe, à chambre ou à tumulus, peut accueillir des rites différents, des inhumations ou des incinérations, parfois les deux à la fois, soit simultanées, soit successives.

Les structures sociales, au contraire, se reflètent avec exactitude dans l’aspect des sépultures. À toutes les époques et en tous lieux, du IVe millénaire avant notre ère jusqu’aux Temps modernes, et de l’Asie à l’Amérique du Sud, les hiérarchies sociales, les sociétés féodales, les structures royales ou princières, les groupes familiaux sont évoqués dans les sépultures royales ou princières, dans les tombes où la dépouille du prince est accompagnée d’une suite de parents ou de serviteurs, dans les nécropoles où se groupent les tombes tribales ou familiales, soit à l’intérieur de dispositifs à chambre ou à cellules complexes, soit dans les structures tumulaires d’une grande densité d’occupation. Dans certaines civilisations, égyptienne ou étrusque, les cités des morts sont souvent à l’image de celles des vivants, organisées sur des principes identiques et construites comme une imitation de l’habitat.

Enfin, partout où la sépulture fait appel au mobilier funéraire, soit pour permettre au mort de continuer sa vie terrestre, soit pour mettre en relief son rang ou ses qualités, soit pour le placer sous la protection des puissances souterraines ou des divinités de l’au-delà, le décor peint ou sculpté, les vases à destination spéciale évoquent avec précision les croyances religieuses, les modalités du culte des morts, les idées et les conceptions d’une civilisation sur les problèmes concernant la survie et la nature de l’âme, les relations des morts et des vivants.

De nombreuses sociétés ou cultures ne sont connues que par les sépultures ou essentiellement par elles (âge du bronze et débuts de l’âge du fer en Europe occidentale), et aucune société ne peut être entièrement saisie dans ses aspects originaux si l’on ignore ses nécropoles.

1. Typologie et structure de la tombe

Deux grands principes pourraient établir une première distinction entre les types de sépulture, selon que la tombe est dans le sol ou que, par suite de principes religieux comme dans la religion iranienne, ou selon des traditions nettement définies comme dans certaines civilisations orientales et anatoliennes, elle est située en hauteur, en position surélevée, détachée de la terre qu’elle souillerait, au contact des éléments célestes dans lesquels le principe vital tend à se résoudre. Mais cette distinction ne permet pas de définir clairement les types, car les mêmes structures peuvent être enterrées ou traitées en élévation. Ce sont les formes mêmes de la tombe qui permettent les définitions les plus claires.

Les tombes à fosse

La tombe à fosse peut être creusée dans le sol naturel, dans le rocher en sous-sol ou dans des parois rocheuses, voire aménagée en haut d’un pilier funéraire (Lycie). Des types les plus élémentaires où la fosse n’est qu’une cavité circulaire ou quadrangulaire recevant un vase cinéraire, aux formes les plus élaborées, dont les parois sont construites soit en terre battue, soit en briques, soit en grandes dalles, les exemples les plus variés sont offerts au cours des siècles ou à travers l’espace. Les modes de couverture présentent la même diversité: grandes dalles horizontales ou formant un double versant, voûtes de briques, amas de moellons, tuiles ou dalles de terre cuite. Les conditions locales, les techniques temporaires, les ressources régionales en matériaux paraissent être des éléments de choix.

Les rites funéraires déterminent les modes d’ensevelissement, mais les exigences économiques et les croyances interviennent aussi. Dans les sociétés qui incinèrent, les cendres sont conservées dans des vases funéraires de type variable (les canoptes d’Égypte, les urnes étrusques, les cratères de Dipylon, les cassettes de pierre d’Indonésie). L’inhumation peut être simple, dans les sociétés pauvres ou pour les classes inférieures des sociétés hiérarchisées: le corps est déposé directement dans la tombe, parfois avec un linceul ou un cercueil de bois dont quelques vestiges sont retrouvés dans les fouilles, tout au long de l’histoire du christianisme. Avec la sépulture à fosse, l’utilisation du sarcophage est fréquente, sarcophage de bois, de terre cuite, de pierre ou de marbre: sarcophages grecs ou romains aux décors sculptés plus ou moins riches, sarcophages phéniciens, sarcophages des guerriers japonais à l’époque des grandes sépultures, sarcophages lyciens placés parfois en haut des piliers funéraires, tombeaux médiévaux des rois de France ou des ducs de Bourgogne.

Les tombes à fosse sont rarement isolées; elles sont généralement groupées en nécropoles de dimensions variables, dont les rapports avec les habitats et la répartition selon des orientations plus ou moins rituelles soulèvent de nombreux problèmes. En règle générale, les habitats des morts et les habitats des vivants sont nettement séparés, et sur ce point les réglementations grecques et romaines sont formelles; les nécropoles s’étendent ou non en dehors des limites rituelles de la cité, définie matériellement sur le terrain par les remparts. Seules font exception les tombes des héros fondateurs ou des personnages exceptionnels qui reçoivent les honneurs de la tombe intra muros parce qu’ils assurent la protection de la cité. Dans les premiers siècles du christianisme, les sépultures se sont localisées autour de l’église, les tombes des saints et des martyrs constituant des centres d’attraction. On connaît, par les recherches récentes, l’importance de la tombe de saint Pierre sur l’évolution de la grande basilique vaticane dont les autels n’ont cessé de se superposer, à divers niveaux, au-dessus de la tombe primitive de l’apôtre.

D’autres civilisations semblent associer plus étroitement les morts et les vivants, là où, précisément, les premiers continuent à affirmer leur présence sans apporter ni souillure ni réaction d’hostilité (Asie, Afrique, sociétés primitives d’Italie méridionale). Qu’elle soit nord-sud (Chine) ou plutôt est-ouest (Occident), l’orientation est fixée par les directions cardinales, ce qui est à mettre en rapport avec les décors qui, en Égypte par exemple, évoquent le monde céleste.

Les tombes à chambre

Si le principe de la tombe à chambre, aménagée en sous-sol ou creusée dans les parois rocheuses, entièrement ou partiellement construite, avec ou sans tumulus, correspond à un type évolué de société, les variantes sont multiples et présentent des structures parfois très complexes. Même lorsque la sépulture ne comporte qu’une salle de plan circulaire ou quadrangulaire, elle est dotée d’un couloir d’accès plus ou moins monumental (Chine, Moyen-Orient, bassin méditerranéen à toutes les époques); les structures sont souvent très complexes et les chambres se multiplient (Étrurie), formant des ensembles organisés et structurés (Égypte, Alexandrie, Chine, Japon) avec groupement de chambres, distribués de part et d’autre d’allées et de couloirs, traités avec des décors et des architectures empruntés aux habitats des vivants.

La sépulture tend à devenir une réplique de la maison que le mort vient de laisser. Il retrouve son cadre familier. À l’origine, les nécropoles païennes et chrétiennes ne diffèrent pas dans leur organisation.

Les tombes à puits

Les tombes à puits ne constituent pas une simple variante des catégories précédentes, bien que parfois elles soient contemporaines d’autres types ou se trouvent remplacées par d’autres catégories. Les puits funéraires de Gaule sont associés à des tombes à fosses mais semblent avoir une extension géographique plus limitée. Au cours du Ier millénaire avant J.-C. (fin de l’époque Shang et époque Zhou, XIIe-IIIe s. av. J.-C.), on assiste à la transformation de la tombe à puits en une sépulture à chambre. Le mort est d’abord déposé au fond d’un puits funéraire, de plan rectangulaire. Vers le Ve siècle apparaît un système combiné; une chambre est creusée dans l’une des parois latérales de la fosse verticale et le cercueil est déposé dans cette chambre, et non plus au fond de la fosse. C’est l’époque des premiers tertres tumulaires au-dessus de ces dispositifs. À la fin du millénaire, les chambres construites en briques ont complètement remplacé les fosses verticales.

Les tombes à coupoles

Sans être structuralement très différentes de la tombe à chambre, les sépultures à coupoles ou à tholos présentent un caractère monumental qui justifie leur typologie particulière. La salle principale est couverte par une coupole, traitée en encorbellement selon une technique qui s’est conservée dans le bassin méditerranéen et dans la péninsule balkanique durant plusieurs siècles et attestée dans les sépultures chinoises des environs de notre ère. Ce type paraît associé à une organisation sociale très hiérarchisée; la tombe à tholos est celle des princes mycéniens, comme elle sera beaucoup plus tard celle des roitelets thraces et danubiens, et aussi celle des dynastes Han.

Les sépultures tumulaires

La présence du tumulus ne définit pas un type spécifique de tombe; le tertre semble prendre une valeur symbolique qui provoque son expansion dans des régions et à des époques extrêmement différentes, depuis la Chine jusqu’aux rives du Rhin et de la Saône du IIe millénaire avant notre ère jusqu’à l’établissement de l’Empire romain en Occident. Sous tumulus, on trouve les constructions complexes des tombes de la dynastie Han (IIIe s. av. J.-C. - IIIe s. apr. J.-C.), où les chambres construites en briques ou en pierres, couvertes par des voûtes en encorbellement, sont surmontées de vastes tumuli placés au centre du champ funéraire dont les dispositions et les voies d’accès se conforment au rang du défunt et aux prescriptions de rituels bien définis. En Occident de même, à l’âge du bronze et du fer, les tumuli recouvrent parfois des dispositifs complexes rappelant les habitats familiers aux vivants. Les coupoles mycéniennes étaient elles-mêmes sous tumulus, comme les salles bien décorées en bois des tombes phrygiennes ou les vestiges complexes des incinérations chypriotes, alors que, aux mêmes époques et dans les mêmes régions, le tertre tumulaire ne couvre qu’une seule tombe à fosse. Il n’est pas rare de trouver de multiples tombes aux divers niveaux d’un même tumulus. Le tertre tumulaire ne fournit aucune indication sur les sépultures qu’il recouvre, pas plus que son apparence extérieure ne renseigne sur ses structures, constituées tantôt par des entassements de terre, tantôt par des appareillages plus ou moins grossiers de pierres et de moellons. Le tertre fut parfois associé à des structures architecturales qui ont donné les formes complexes des monuments funéraires romains au début de notre ère.

2. Le mobilier funéraire

Le mobilier funéraire disposé dans la sépulture constitue un témoignage particulièrement précieux pour l’archéologue et l’historien. Sur les croyances d’abord. Là où règne la conception d’une survie matérielle, le mobilier doit permettre au défunt de poursuivre ses activités; vaisselle et outillage, parfois accompagnés de réserves alimentaires, lui en fournissent les moyens et renseignent en même temps sur les modes de vie effectifs de ces sociétés.

La valeur et la qualité du mobilier varient, certes, avec la dignité et les ressources terrestres du défunt. Il emporte avec lui ses bijoux, ses parures, les pièces les plus rares de son mobilier. Les plus beaux vases des ateliers athéniens ont été trouvés dans les tombes étrusques, les grands cratères de bronze, fabriqués à Corinthe ou en Italie méridionale, décoraient les tombes des princes balkaniques ou celtes. On connaît les importantes trouvailles de céramique, d’objets en laque, de coffrets et de figures en bois trouvés dans les sépultures de Changsha [Tch’ang-cha] en Chine centrale, dans celles des Han au début de notre ère. Les tombes de l’Altaï ont conservé les tapis et les beaux objets de cuir des chefs de tribu de la steppe.

La dignité et l’opulence des princes se continuaient dans l’au-delà par la recherche et le luxe de leur mobilier funéraire. De fameux « trésors » jalonnent l’exploration archéologique des sépultures: par exemple ceux des princes de Mycènes, qui sont conservés au Musée national d’Athènes, ou les collections fabuleuses de Toutankhamon, sans oublier les très belles découvertes faites dans les tombes royales de Macédoine (Verghina).

D’autres objets ont une valeur plus symbolique, confirmant la personnalité et les prérogatives du défunt, ou affirmant ses droits à la vie future. Les tombes à char celtiques, les chars et les harnachements des tombes de l’Altaï, attelages, chars, bateaux et maisons en réduction des tombes dynastiques des Han attestent les prérogatives des princes et créent autour d’eux l’atmosphère et le cadre de leur vie terrestre.

Certains rites vont encore plus loin et accroissent démesurément les dépôts entassés autour de la tombe. La civilisation des steppes accorde une place importante au cheval; les tombes de l’Altaï, traitées en vastes salles construites en rondins, comportent des salles annexes où furent ensevelis des dizaines de chevaux formant l’escorte du maître. Tant en Chine qu’en Mésopotamie, peut-être même chez les Celtes, les serviteurs et les esclaves, parfois les parents et les épouses du prince, constituaient une funèbre escorte au royal défunt. Des sacrifices humains accompagnaient sans doute les funérailles, et les victimes étaient ensevelies avec leur maître; les tombes d’Ur en ont conservé les marques évidentes. Par la suite, des substitutions se sont produites, et des figurines attestent la permanence d’un rite jugé trop sanglant. Il fut long à se transformer dans de nombreuses sociétés primitives.

Les tombes des initiés, de tous ceux qui, de leur vivant, ont pénétré les mystères dont la connaissance assure une survie privilégiée, attestent la situation particulière de ces défunts par la présence de vases aux formes spécifiques. On peut suivre ainsi l’extension et le développement des cultes à mystères, tels que ceux des Dioscures et d’Isis, dans des régions et des couches de populations variées.

3. Signes extérieurs de la tombe. Les monuments funéraires

La tombe en elle-même, avec ses aménagements et son décor, ne constitue qu’une partie de la sépulture. À toutes les époques et dans toutes les religions, elle est pourvue d’une «marque», d’un «signe» qui jalonne les tombes des nécropoles; elle est associée à certains rites funéraires et accentue certains des caractères déjà signalés dans l’agencement de la tombe: le développement monumental, l’expression des hiérarchies, la transposition des priorités sociales.

L’élément extérieur le plus simple est constitué par la stèle, parfois totalement aniconique, plus souvent animée d’un décor peint, gravé ou sculpté: simple colonne ou dalle aux contours bien dessinés, elle peut s’accroître en proportions et en complexité pour se charger de reliefs évoquant des scènes religieuses ou familières, devenir même la miniaturisation d’édifices réels, temples ou maisons, et former le cadre où se situent et agissent des personnages. La stèle peut être inscrite, portant simplement le nom du défunt, parfois sa généalogie complète et ses actions d’éclat. On y ajoute des formules d’accueil et de salut à l’égard du passant, et aussi des formules d’imprécation contre le pillard éventuel. La stèle peut être dressée sur la tombe elle-même, ou disposée, lorsqu’il s’agit de monuments complexes ou d’enclos funéraires enfermant plusieurs sépultures, soit à l’entrée de l’enceinte, soit en des emplacements privilégiés dans l’aire ainsi réservée.

Dans toute société, primitive ou très évoluée, le souci de protéger la tombe est à l’origine de nombreuses structures. Il est bien des forces hostiles qui menacent la sépulture, les mauvais génies ou les démons, et même les humains mal intentionnés; protection rituelle et protection magique et matérielle se trouvent associées. Dès lors, il se crée un monde d’êtres et d’animaux qui assurent ces diverses charges, variables selon les civilisations, mais avec des constantes. Les effigies de sphinx et de lions, les démons assyriens, les effigies divines en Extrême-Orient et au Moyen-Orient, sur les rives sud et nord de la Méditerranée, en Afrique noire comme dans les civilisations primitives d’Amérique répondent à ce besoin profond et permanent. La plénitude de la sculpture chinoise dans les siècles encadrant les débuts de notre ère est atteinte par l’art funéraire; les représentations de chevaux, d’animaux en action sont constamment associées aux grandes tombes de la dynastie Han. Les allées de sphinx assurent la protection des grandes sépultures égyptiennes à pyramides; le lion, dès l’époque archaïque, est un gardien assidu des tombes grecques, et il en est de même sur celles des rives orientales de la Méditerranée. Il serait long d’établir le catalogue des animaux réels ou fabuleux chargés de veiller sur les sépultures.

Aux préoccupations religieuses viennent s’ajouter le goût du faste et les recherches de prestige pour favoriser le développement des architectures funéraires. Celles-ci traduisent un élément fondamental de la croyance religieuse, le culte des morts, les passages des cultes funéraires aux cultes des héros; il en résulte la construction de monuments de fonction rituelle dont les plans et les formes varient avec les traditions religieuses. On connaît les divers aspects des temples funéraires égyptiens, les formes originales des lieux de culte funéraire mésopotamiens et iraniens, les grandes réalisations des diverses civilisations de l’Extrême-Orient, les non moins fastueuses installations des princes d’Occident dont les capitales conservent les chefs-d’œuvre dus souvent aux meilleurs sculpteurs. Du Xe au XVIIIe siècle, la tradition des gisants fournit un riche chapitre à l’histoire de la sculpture occidentale. Sous les variantes extérieures, des éléments permanents se retrouvent dans les compositions architecturales et statuaires de ce type; la chambre funéraire, aménagée souvent avec sarcophage, est précédée ou entourée de salles annexes: salles des banquets avec les lits funéraires, salle de dépôt des offrandes, entrées et vestibules plus ou moins monumentaux, lieux de culte ou autels pour les sacrifices, en particulier lorsque les rites s’adressent à un mort illustre ayant pris le caractère du héros protecteur, monuments funéraires et effigies couronnant le tout.

Quelques-uns de ces monuments sont devenus célèbres, au point de fournir une typologie, après avoir été comptés au nombre des Sept Merveilles du monde, tel le mausolée d’Halicarnasse, sépulture grandiose du roi Mausole, satrape de Carie au milieu du IVe siècle avant J.-C. Architectes et sculpteurs célèbres furent alors appelés de toutes les parties du monde grec pour participer à la construction et à la décoration de ce monument, dressé au cœur de la ville, sur une vaste esplanade qui le mettait en valeur; sur un haut soubassement contenant la salle funéraire se dressait un péristyle de colonnes ioniques, enveloppant une cella ornée de sculptures; le tout s’achevait par une haute pyramide à degrés que couronnait un quadrige. Une très riche parure sculptée ornait le soubassement, et tout autour de l’édifice les effigies du prince, de sa famille et de son entourage alternaient à divers niveaux avec des défilés de lions, éternels gardiens des sépultures.

L’influence des monuments funéraires sur les autres domaines de l’architecture religieuse a été fort importante; les liens entre les édifices des cultes funéraires ou héroïques et les autres sanctuaires ont marqué, en Occident, la naissance et le développement des basiliques chrétiennes, et on ne saurait ignorer les martyria dans l’étude des plans basilicaux; la basilique Saint-Pierre de Rome en est l’exemple le plus célèbre, mais d’autres monuments en Espagne, en France et dans la vallée du Rhin attestent de leur influence.

L’architecture funéraire, en liaison avec la sépulture et le sanctuaire, constitue l’un des chapitres les plus importants de l’histoire architecturale religieuse, quelle que soit l’aire de la civilisation envisagée.

4. Le décor funéraire et ses diverses valeurs

Les diverses parties de la sépulture ont simultanément ou successivement attiré un décor, peint en général, plus rarement sculpté. Selon les périodes et les civilisations, il reste discret ou se répand avec profusion.

Les découvertes de Paestum ont montré que la qualité du décor n’est pas liée à la monumentalité de la tombe. Les nécropoles de Paestum comportent des tombes à fosses dont les parois sont composées de quatre dalles posées de chant et couvertes par une cinquième; ce sont ces dalles qui ont, aux IVe et Ve siècles de notre ère, servi de cadre à de remarquables tableaux dont certains, tel le plongeur et son environnement et banquets, représentent les seuls exemples actuellement connus de la peinture grecque classique. De plus, les meilleures peintures égyptiennes proviennent souvent des tombes les plus humbles de la vallée des Rois, où le support n’est qu’un enduit de terre et de paille pilées qui fait le désespoir des restaurateurs.

Quelles que soient les techniques dont on ne saurait faire ici l’analyse (fresques a secco ou a tempera , peinture à l’encaustique, etc.), les thèmes illustrés par ces peintures se chargent de valeurs diverses que supportaient déjà les stèles sculptées ou les ensembles statuaires.

Les scènes de la vie quotidienne et familière sont fréquentes; elles reconstituent autour du défunt le cadre de son activité terrestre. Les peintures égyptiennes évoquent tous les aspects de la vie paysanne ainsi que celle des scribes et des hauts fonctionnaires de la cour. Les peintures des tombes étrusques font défiler les joies de la chasse, de la pêche, des banquets, des jeux publics ou privés. Les chefs et dignitaires de toutes les sociétés antiques ont voulu conserver le cadre de leur faste. Les grandes tombes chinoises, au Henan et au Shandong, par la peinture ou le dessin ciselé sur de grandes dalles, évoquent les fêtes, les processions de chars, les concerts, les chasses et les combats de la vie quotidienne.

Les valeurs symboliques et religieuses ne sont pas oubliées, dans les mêmes domaines et pour les mêmes époques. Images de héros et de dieux protecteurs, représentations des divinités qui accueillent l’âme ou le principe de vie dans l’au-delà, témoignages de soumission ou de conciliation à l’égard de ces êtres fantastiques qui peuplent toujours le monde des morts, évocation plus aimable des dieux et des déesses dont les mystères promettent à leurs initiés les joies sereines de la survie, effigies des philosophes ou des sages qui ont apporté aux mortels, dès le séjour terrestre, les espérances et le réconfort d’une incontestable maîtrise intellectuelle ou morale constituent le répertoire, riche de formes et de couleurs, où puisent les décorateurs des sépultures.

On y ajoutera aussi tous les thèmes liés à l’évocation de la vie éternelle ou de la résurrection: les eaux vives et les sources, les images célestes et les symboles cosmiques, de caractère astral, les barques et les rites de passage. Les tombes chrétiennes primitives et celles des catacombes romaines fournissent une riche illustration à l’étude des thèmes symboliques relatifs à la vie éternelle.

Ainsi les sépultures sont pour l’ethnologue, l’archéologue et l’historien une réserve inépuisable de documentation sur les multiples aspects de la vie matérielle, philosophique, religieuse des sociétés dans l’espace ou dans le temps. Cette documentation est d’autant plus précieuse qu’elle nous est transmise sans intermédiaire.

sépulture [ sepyltyr ] n. f.
• déb. XIIe; lat. sepultura
1Vx ou littér. Inhumation, considérée surtout dans les formalités et cérémonies qui l'accompagnent. Sépulture chrétienne. Antigone donna une sépulture à Polynice. ensevelir. « pour empêcher qu'on ne privât ce héros de sépulture » (G. de Scudéry).
2Lieu où est déposé le corps d'un défunt (fosse, tombe, tombeau). Profanation, violation de sépulture.

sépulture nom féminin (latin sepultura) Littéraire. Action de mettre un mort en terre : Donner la sépulture à des suppliciés. Lieu où l'on inhume un corps : Violation de sépulture.sépulture (synonymes) nom féminin (latin sepultura) Littéraire. Action de mettre un mort en terre
Synonymes :
- ensevelissement
- enterrement
- funérailles
- inhumation
- obsèques
Lieu où l'on inhume un corps
Synonymes :
- caveau
- nécropole
- sépulcre
- tombe
- tombeau

sépulture
n. f.
d1./d Vx ou litt. être privé de sépulture: ne pas être enterré.
d2./d Lieu où l'on enterre un mort; monument funéraire.

⇒SÉPULTURE, subst. fém.
A. — Vx ou littér. Inhumation; cérémonies d'usage qui accompagnent l'ensevelissement d'un mort. Lieu, rites de sépulture. Cette sainte femme (...) l'oignit avec des parfums avant sa sépulture (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p. 145). Il n'avait pas reçu d'autorisation pour permettre une sépulture isolée (MÉRIMÉE, Colomba, 1840, p. 45).
RELIG. CATH.
Droit de sépulture. Droit d'être inhumé dans un lieu déterminé, spécialement dans un lieu saint. Pour récompenser Jean V de sa largesse, le clergé lui avait accordé le droit de sépulture (...) dans une chapelle de l'abside (ZOLA, Rêve, 1888, p. 47).
Sépulture chrétienne, ecclésiastique. Ensemble des rites religieux qui accompagnent l'inhumation, et qui sont réservés aux chrétiens morts dans la communion de l'Église. Privation de la sépulture ecclésiastique (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 206). Il s'agissait bien d'un suicide, mais l'Église (...) lui a donné la sépulture chrétienne (GREEN, Journal, 1943, p. 40).
[Comme marque d'hommage ou d'opprobre au défunt] Donner, refuser une sépulture, les honneurs de la sépulture; recevoir, être privé de sépulture; mort sans sépulture. Il reçut une honorable sépulture dans l'église de Sainte-Catherine (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 276). Chaque poteau chargé d'un corps sans sépulture Marque une date abjecte (HUGO, Légende, t. 3, 1877, p. 295).
B. — Lieu d'inhumation (fosse, tombe, mausolée). Violation de sépulture. Sa tête lentement se pencha vers le marbre (...) et son voile se répandant autour d'elle couvrit les angles blancs de la sépulture aimée, comme un deuil nouveau (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Tombales, 1881, p. 1210). On a retrouvé la sépulture de famille où fut enterrée, du Ier au IVe siècle, la lignée chrétienne des Acilii (SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 274).
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694, 1718: se-; dep. 1740: sé-. Étymol. et Hist. 1. Déb. XIIe s. « action d'inhumer un mort » faire sepulture (BENEDEIT, St Brendan, 351 ds T.-L.); 2. 1160-74 « tombeau » (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 3219). Empr. au lat. sepultura « derniers devoirs, sépulture » dans la lang. class.; « tombeau » dans la lang. chrét. (déb. IIIe s., TERTULLIEN ds BLAISE Lat. chrét.). L'a. fr. a tenté une adapt. du mot lat.: sepouture dep. 1176, CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 6337). Fréq. abs. littér.:456. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 812, b) 865; XXe s.: a) 728, b) 344.

sépulture [sepyltyʀ] n. f.
ÉTYM. V. 1110; lat. sepultura, de sepultum, supin de sepelire « ensevelir ».
1 (V. 1155). Vx ou littér. Inhumation, considérée surtout dans les formalités et cérémonies qui l'accompagnent. Funérailles, obsèques. || Donner la sépulture à un mort. Ensevelir. || La privation de sépulture, chez les anciens (→ Épisode, cit. 1; frapper, cit. 27). || Rendre à un défunt les honneurs (cit. 106) de la sépulture.(1694). || Droit de sépulture dans le cimetière d'une commune : droit d'y être enterré. || Sépulture ecclésiastique : ensemble des honneurs et des prières réservés au chrétien mort dans la communion de l'Église.(1689). || Être privé de sépulture : ne pas être enterré religieusement.
1 (…) je l'aidai personnellement dans les préparatifs de cette sépulture temporaire. Nous mîmes le corps dans la bière, et, à nous deux, nous le portâmes à son lieu de repos.
Baudelaire, Trad. E. Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « Chute de la maison Usher. »
2 Lieu où est déposé le corps d'un défunt.REM. Ce terme très général peut désigner, selon les cas, soit une simple fosse (cit. 3) ou tombe, individuelle ou commune (→ Élévation, cit. 4; entendre, cit. 34), soit un tombeau (→ Faiseur, cit. 1), soit un édifice (→ Expectative, cit. 1). aussi Catacombe, caveau, cimetière, hypogée, nécropole… || Violation de sépulture.
2 (…) des sépultures grecques, byzantines, musulmanes, couvraient ce vieux sol de Macédoine où les grands peuples du passé ont laissé leur poussière.
Loti, Aziyadé, I, XII.
3 C'était une de ces spacieuses sépultures familiales ou, de lustre en lustre, les places sont âprement réclamées et prises. Une huitaine d'inscriptions couvraient la stèle.
G. Duhamel, le Voyage de P. Périot, I.
4 Talou, voulant rendre à Velbar un hommage suprême, chargea Séil-kor d'enterrer glorieusement le corps du zouave au milieu du côté ouest de la place des Trophées.
Copiant le modèle des sépultures françaises, Séil-kor, aidé de plusieurs esclaves, déposa le cadavre à l'endroit désigné (…)
Raymond Roussel, Impressions d'Afrique, p. 283.

Encyclopédie Universelle. 2012.