VIELLE
VIELLE ou VIÈLE
Instrument à cordes, la vièle ou vielle (selon l’orthographe adoptée) ne doit jamais être confondue avec la vielle à roue. Elle désigne tout instrument à manche et à cordes frottées par un archet droit ou courbe. Le corps peut être ovale, tubulaire, piriforme, hémisphérique, avec ou sans échancrure pour le jeu de l’archet. De 2 à 6 cordes, habituellement 5, sont fixées sur un cheviller plein ou creusé, avec chevilles fixées latéralement ou frontalement. La table est ordinairement de bois, parfois de peau tendue. Le manche transperce ou non la caisse et se prolonge quelquefois d’une pointe, pour poser l’instrument sur le sol (cf. violoncelle moderne). Deux ouïes, de formes variées, s’ouvrent sur la table. Le plus souvent, la caisse est à fond plat avec éclisses (on a cependant construit des vièles rudimentaires, en un morceau de bois creusé, sur lequel on collait la table). On jouait de l’instrument tenu sous le menton ou appuyé contre la poitrine.
Les vièles donnèrent naissance à partir du XVe siècle à la famille des violes. Il existe une grande quantité d’instruments analogues que l’on rencontre dans tous les pays, sous divers noms: fandur , fidla , gadulka , gigue , gusla , guslice , kemen face="EU Caron" カe , lira , lira de braccio , rabab , rebec , ritchak , sarangî , etc.
Le fandur est une petite vièle, ressemblant à une bouteille et que l’on rencontre dans les pays du Caucase, surtout en Géorgie. On la désigne aussi sous le vocable panduri ou pandur . La fidla est une vièle à deux cordes (crin de cheval), autrefois utilisée en Europe (notamment en Islande); elle est abandonnée depuis le XVIIIe siècle. La gadulka ou gadoulka est une vièle à manche court, ordinairement munie de trois cordes mélodiques et de deux bourdons, que l’on joue en Bulgarie; on l’appelle aussi lirica . Elle est proche de la lira , du guslice et du kemen face="EU Caron" カe . La lira , vièle piriforme, possède trois cordes de boyau: celle du centre donne un bourdon, tandis que les deux autres, effleurées du bout des doigts, émettent des sons harmoniques; elle est répandue en Europe centrale (Grèce, Bulgarie, Roumanie, Yougoslavie en Macédoine); on appelle parfois lira la vielle à roue de Roumanie. La lira da braccio est une vièle italienne de la Renaissance. La gigue est une vièle piriforme du Moyen Âge, connue en France dès le XIIe siècle; en Allemagne (giga ), elle apparaît au XIIIe siècle; le dictionnaire de Jean de Garlande (1230 environ) la mentionne, ce qui suppose qu’elle est plus ancienne. Le terme allemand geige (violon) vient de la gigue. La gusla (Mérimée intitulera La Guzla son recueil de prétendues ballades illyriennes en 1827) est une vièle yougoslave à une corde, dont se servent les chanteurs populaires pour accompagner leurs chansons épiques; elle est de forme ovoïde, a le fond aplati et se joue avec un archet souple tendu de crins de cheval; on ne la confondra pas avec les gusli , cithares traditionnelles russes. Le guslice est une vièle piriforme, à manche court; comme la gadulka et la lira , elle possède trois cordes, dont une est mélodique et deux en bourdons. Le kemen face="EU Caron" カe est une vièle répandue en Turquie et en Anatolie; en Yougoslavie, elle s’appelle kemane et, en Bulgarie, kemenche ou gadulka . Le ritchak est une vièle à deux cordes du nord-est de l’Afghanistan; elle comprend une caisse de bois léger traversée par un bâton; aujourd’hui, cette caisse de résonance est parfois remplacée par un bidon (!); elle est à rapprocher du kémantché persan. Le sarangî , principal instrument à cordes et à archet de l’Inde, est formé d’une caisse de résonance surmontée d’un long manche; trois ou quatre cordes mélodiques de boyau, que l’on joue avec un archet court et en forme d’arc, sont tendues au-dessus d’une peau qui maintient le chevalet; treize cordes métalliques de résonance sont tendues au-dessous des premières. Cet instrument possède une belle sonorité et permet un langage musical expressif étendu. Rabab est le mot arabe qui désigne la vièle à deux cordes (le plus souvent); à l’origine, rabab désignait un luth (c’est toujours le cas en Afghanistan). Le rabab a donné naissance au rebec du Moyen Âge européen.
vielle [ vjɛl ] n. f. ♦ Instrument dont les cordes sont frottées par une roue actionnée par une manivelle. Vielles des petits Savoyards.
● vielle nom féminin (ancien provençal viola) Vielle à roue, vièle à clavier dont les cordes sont frottées par une roue mise en rotation par une manivelle. ● vielle (expressions) nom féminin (ancien provençal viola) Vielle à roue, vièle à clavier dont les cordes sont frottées par une roue mise en rotation par une manivelle. ● vielle (homonymes) nom féminin (ancien provençal viola) vièle nom féminin vielle forme conjuguée du verbe vieller viellent forme conjuguée du verbe vieller vielles forme conjuguée du verbe vieller
⇒VIELLE, subst. fém.
HIST. DE LA MUS.
A. — [Dans le haut Moy. Âge] Instrument à cordes et à archet, ancêtre de la viole, qui se jouait appuyé sur l'épaule ou plus rarement serré entre les genoux. La vièle, grâce à ses cinq cordes, avait en moyenne une tessiture plus large que le rebec (P. BEC, Vièles ou violes ? 1992, p. 323).
B. — Vielle (à roue). Instrument dont la caisse sonore a la forme d'un luth, dont les cordes (deux cordes mélodiques et deux ou quatre cordes faisant office de bourdon) sont mises en vibration par une roue actionnée au moyen d'une manivelle et qui était en usage du Moyen Âge au XVIIIe s. et aujourd'hui dans la musique folklorique de la Bretagne et du Centre. La vielle grince, nasille, résonne; jouer de la vielle; moudre, tourner la vielle. Quand il prenait sa vielle, celui-là, et qu'il en sonnait, on se sentait des fourmis aux jarrets et les doigts de pied marquaient d'eux-mêmes la reprise (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 136). V. ménétrier ex. de Genevoix.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Arts et litt., 1935, p. 36-16: vièle (v. P. BEC, loc. cit.). Cette orth.est choisie lorsqu'il s'agit de l'instrument à archet. Étymol. et Hist. 1. 1155 vïele « sorte de grand violon dont les cordes sont mises en vibration par un archet » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 3700); 2. 1636 « instrument de musique dont les cordes sont mises en vibration par une roue » (MONET) [cf. 1549 (EST.: une vielle de quoy jouent communeement les aveugles)]. Forme fr. corresp. à l'a. prov. viola (viole). Sur les rapports entre vielle et viole, v. ADENET LE ROI, Cleomadès, éd. A. Henry, p. 722 et P. BEC, Vièles ou violes? (v. réf. supra). Fréq. abs. littér.:60.
DÉR. 1. Vieller, verbe intrans. Jouer de la vielle. On entend aussi les jongleurs, qui chantent et qui viellent (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 197). — [vjele], [-], (il) vielle []. Att. ds Ac. dep. 1694. — 1res attest. ca 1140 (Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 837); terme du domaine d'oïl (cf. l'hapax a. prov. vïelar av. 1280, DAUDE DE PRADAS, Poésies, éd. A. H. Schutz, XIV, 56), dér. de vielle. Cf. aussi l'a. prov. violar (dep. fin XIIe s.) auquel corresp. l'a. fr. vïoler (XIIIe s.), v. FEW t. 14, p. 367b et P. BEC, Vièles ou violes? pp. 200-207. 2. Vielleur, -euse, vielleux, -euse, subst. Joueur, joueuse de vielle. Entrée d'un café à la devanture soutenue par des piliers de bois (...). Devant le café, un vielleur, une marchande d'oublies, de petits Savoyards (E. DE GONCOURT, Mais. artiste, t. 1, 1881, p. 159). [Un] vieilleux au milieu d'un carrefour assemblera plus de gens que ne ferait un bon prêcheur évangélique (A. FRANCE, Rabelais, 1909, p. 45). — [], [], [vje-], fém. [-ø:z]. Ac. 1694-1878: vielleur (id. ds LITTRÉ);1935: vielleur ,,on dit aussi au masculin vielleux``. ROB. 1985: ,,La forme vielleux est régionale``. — 1res attest. a) ca 1180 vielur (THOMAS, Tristan, fragm. ms. Oxford, Douce, éd. B. H. Wind, 772), 1778 vielleuse (Ac.), b) 1532 vielleux (RABELAIS, Pantagruel, éd. V. L. Saulnier, XX, 77, p. 161); de vielle, a suff. -eur2, b -eux à valeur péj. (NYROP t. 3,234).
vielle [vjɛl] n. f.
ÉTYM. 1549, Estienne; viele « viole », XIIe; déverbal de vieller, ou d'un gallo-roman vivella, de viveola, de vivus « vif » (Guiraud).
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1 Anciennt. Viole (écrit aussi viele).
2 Vielle à roue ou vielle : instrument de musique populaire dans lequel les cordes sont mises en vibration par une roue enduite de colophane que l'on fait tourner avec la main droite au moyen d'une manivelle, et raccourcies (pour obtenir les différentes notes de la gamme) par l'intermédiaire de touches actionnées par la main gauche. || Mouler la vielle (→ Ménétrier, cit. 2). || Jouer de la vielle. ⇒ Vieller. || Les vielles des petits Savoyards (cit. 1; et → Marmotte, cit. 1 et 2). || Joueur de vielle. ⇒ Vielleur.
Encyclopédie Universelle. 2012.