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ZAMBIE
ZAMBIE

Le 24 octobre 1964, l’ancien protectorat britannique de Rhodésie du Nord est devenu l’État souverain de Zambie. La colonisation avait commencé en 1890 sous l’égide de la British South Africa Company (B.S.A.) de Cecil Rhodes, qui rêvait de construire la transcontinentale du Cap au Caire en passant précisément par Lusaka, l’actuelle capitale. Avant cette date, l’histoire du pays est proprement africaine. L’année 1927, début du boum minier sur le cuivre, marque l’entrée du pays dans l’ère moderne.

Complètement enclavée au sein de huit États, la Zambie a un problème majeur de communications pour le transit de ses produits, avec les contraintes économiques et diplomatiques qui en découlent. Située à la jonction de l’Afrique centrale et de l’Afrique australe et placée au cœur de systèmes politiques longtemps opposés, elle a eu depuis le début des années 1960 un rôle de pivot à différents égards.

Après avoir vécu «dix années d’insouciance» grâce aux recettes procurées par le cuivre, la Zambie est entrée dans une période de grave crise économique et financière.

Il aura fallu tout le talent de Kenneth Kaunda, rassembleur adroit et par moment charismatique d’une nation très divisée ethniquement, pour éviter les luttes intestines. Le président Kaunda a dû néanmoins passer la main, démocratiquement, en 1991.

La stratégie du nouveau régime est par définition limitée dans ses choix économiques et politiques compte tenu de la pauvreté générale du pays. Mais la Zambie a réussi depuis l’indépendance à maintenir, dans une Afrique déstabilisée, une relative stabilité et une tranquillité politique. Ce qui est tout à son honneur et qui explique peut-être la rareté des études approfondies (surtout en langue française) consacrées à ce pays.

Cadre physique et humain

Le pays est essentiellement un immense plateau (753 000 km2) comportant quelques reliefs résiduels et coupé par les failles des fleuves Zambèze et Kafué. L’altitude moyenne est élevée (de 900 à 2 100 m) et le climat de type tropical.

En 1994, la population s’élevait à 8,6 millions d’habitants, avec une croissance annuelle qui dépasse 3 p. 100. L’espérance de vie est estimée à cinquante-cinq ans. Un quart de la population réside dans le Copper Belt, la «Ceinture de cuivre», dans le nord-est du pays. La Zambie est le pays le plus urbanisé d’Afrique, mais de ce fait il est déséquilibré et les écarts de revenu moyen entre le monde urbain et le monde rural sont considérables. Concentrée dans les villes, la population étrangère, rebutée par la pauvreté du sol, n’a pas accaparé les terres à l’époque de la colonisation comme ce fut le cas en Rhodésie du Sud. Employée surtout dans les mines, elle est restée numériquement très faible par rapport à la population totale. Les Zambiens forment une véritable mosaïque ethnique avec soixante-douze tribus (les plus nombreuses étant les Tonga, Lozi, Ngoni et Bemba) et sept ou huit dialectes principaux; l’anglais reste par nécessité la langue officielle. On observe la même variété sur le plan religieux: à des sectes animistes puissantes, telle la secte Lumpa, dont, à une certaine époque, la prophétesse Alice Lenshina fut l’inspiratrice, s’opposent ou se superposent les religions chrétiennes, protestantes surtout, et les cultes des minorités asiatiques.

La lutte coloniale

L’évolution des structures politiques a été liée à celle de la Rhodésie et du Malawi (ex-Nyassaland). Façonnée par morceaux à partir de concessions accordées par «traités» entre des chefs indigènes et la B.S.A., l’unité politique de la Rhodésie du Nord apparaît seulement en 1911. Jusqu’en 1924, l’autorité nominale appartient à la B.S.A. qui, par charte, détient les droits miniers. Érigé alors en protectorat britannique, le territoire connaît la domination de fait des sociétés financières et minières. S’appuyant sur les syndicats de mineurs, la minorité blanche, en partie de souche afrikaner, s’efforce de conquérir la suprématie politique sans parvenir à l’imposer vraiment. La création en 1949, avec le soutien de Londres, d’un puissant syndicat de mineurs africains contrebalance l’influence des minoritaires européens, au moment où se crée la Fédération des Rhodésies et du Nyassaland, dont la colonie suivra les avatars de 1953 à 1963. C’est l’époque où Kenneth Kaunda, disciple de Gandhi, apparaît sur la scène politique, alors dominée par le Congrès national africain (A.N.C., African National Congress), parti modéré.

Aux élections de janvier 1964, dans le cadre de l’autonomie interne, le parti de Kaunda (Parti uni de l’indépendance nationale: U.N.I.P., United National Independence Party) enlève 55 des 85 sièges de l’Assemblée sur le thème «un collège, un peuple, un pays». La voie lui est ouverte pour négocier l’indépendance et en assumer les responsabilités.

La république de Zambie

La Constitution de 1973 qui instaure le parti unique ne modifie pas en profondeur le système adopté dans la première Constitution de 1964. Le régime politique, inspiré du système présidentiel américain et du parlementarisme britannique, s’est révélé jusqu’ici fort stable. La réalité du pouvoir appartient au président de la République, élu pour cinq ans au suffrage universel direct et rééligible indéfiniment. Le Premier ministre (autrefois vice-président) et les ministres nommés sont politiquement responsables devant une Assemblée élue pour cinq ans au scrutin majoritaire de type britannique (l’Assemblée compte 125 députés élus et 10 membres nommés). Une dissolution anticipée de l’Assemblée entraînerait automatiquement la démission du président et de nouvelles élections. Le référendum est possible en certaines matières, les droits des minorités sont garantis par la Constitution ainsi que l’indépendance du pouvoir judiciaire qu’incarne au sommet une Cour suprême.

Le pays est divisé en neuf provinces (la neuvième a été créée en 1976) subdivisées en districts, chacune d’elles étant placée sous la responsabilité d’un ministre. Il existe aussi une Chambre des chefs à pouvoir consultatif dans certaines matières de droit privé. Ses vingt-sept membres représentent quelque deux cent trente chefs de tribus. Dans un pays où la tradition détermine toujours les comportements et où l’appartenance ethnique est un élément important – ainsi que l’ont montré les troubles surgis dans les années 1970 –, le rôle de cette seconde Chambre n’est pas négligeable.

Dans le cadre de ce présidentialisme africain, la Zambie a évolué, comme beaucoup d’États d’Afrique anglophone et francophone, du pluralisme politique au parti unique. Dans la période 1964-1970, quatre partis principaux étaient en concurrence, le parti gouvernemental U.N.I.P. détenant une nette majorité à l’Assemblée. Mais les adversaires politiques du chef de l’État, et particulièrement à cette époque Harry Nkumbula, entretenaient une opposition réelle.

L’agitation sociale (grèves dans les mines) et la résurgence de violences interethniques, entre tribus Lozi et Bemba notamment, entraînent progressivement un durcissement du régime après 1970. Les deux partis de gauche, Parti du progrès national et Parti uni, sont dissous et interdits. La contestation qui se développe au sein du parti gouvernemental provoque des ruptures définitives. Ainsi, le vice-président Simon Kapwepwe, qui faisait figure de dauphin, est écarté du pouvoir et se maintient dans une opposition active jusqu’à son décès en 1980. Finalement, le président Kaunda décide en 1973, malgré de vives critiques, d’ériger l’U.N.I.P. en parti unique. Encore convient-il de rappeler que ce parti-nation, qui renforce l’appareil très bureaucratique d’un État comptant à l’époque plus de cent sociétés paraétatiques, recouvre des courants et des tendances qui maintiennent en fait un relatif pluralisme. La Zambie n’est pas un État policier, et le discours officiel n’impose pas une idéologie exclusive. Les gouvernants doivent compter en tout cas avec deux contre-pouvoirs importants: la Fédération des syndicats miniers, forte d’une longue tradition et soucieuse de son autonomie par rapport au parti, même si elle est fonctionnellement intégrée à celui-ci, et les Églises protestante et catholique qui ne se privent pas de critiquer ouvertement l’action gouvernementale tout en évitant de mettre en cause le président.

Plus que le climat politique – beaucoup plus serein et tolérant en définitive que dans d’autres pays africains –, c’est la situation économique qui est devenue la grande préoccupation, la Zambie étant virtuellement en état de faillite pure et simple.

Une économie dépendante et tournée vers l’extérieur

Depuis 1974, l’économie zambienne, axée sur la production du cuivre, connaît une régression dramatique accompagnée d’un endettement colossal malgré les mesures correctrices esquissées à partir de 1980.

L’agriculture demeurée très traditionnelle (seul le tabac est produit d’exportation) ne permet toujours pas d’atteindre l’autosuffisance. La Zambie doit importer du maïs, principale culture vivrière. Les sécheresses catastrophiques de 1981, de 1983 et de 1992 n’expliquent pas à elles seules la baisse de la production agricole, ni les écarts considérables de niveau de vie (de 1 à 15) entre le secteur rural et le secteur urbain, ni l’exode rural massif qui développe le chômage et la marginalisation des jeunes dans les villes. Les disparités du niveau de vie entre citadins et ruraux sont parmi les plus élevées du continent africain. Les mesures bureaucratiques et autoritaires adoptées après l’indépendance (regroupements de villages et coopératives de production) ont été un échec complet parce qu’elles étaient inadaptées à la mentalité paysanne. Le plan décennal lancé en 1980 s’efforçait de réparer cette erreur de stratégie en mettant l’accent sur le développement de petites unités agricoles appuyées par un réseau de fermes d’État (18 au total, à raison de 2 par province) jouant un rôle pilote d’incitation et de modernisation.

Le problème du déclin de la production agricole, lié notamment à la situation difficile des petits fermiers (small-scale farmers ) dont dépend en définitive l’approvisionnement du pays, n’est toujours pas résolu malgré la libéralisation du marché intérieur intervenue en 1989-1990.

La richesse et la malchance de la Zambie, c’est son «trésor rouge», le cuivre, sur lequel elle a misé exclusivement. Elle est le cinquième producteur mondial de cuivre après les États-Unis, l’ex-U.R.S.S., le Chili et le Canada, et le deuxième producteur de cobalt derrière le Zaïre. Elle extrait également d’autres minerais (zinc, plomb, manganèse, charbon, fer, etc.). La construction de barrages sur le fleuve Kafué (notamment le barrage de Kariba) a diminué sa dépendance en matière d’électricité à l’égard de l’ex-Rhodésie du Sud, devenue en 1980 le Zimbabwe.

La production de cuivre représente plus de 90 p. 100 de la valeur des exportations de la Zambie, dont les réserves en «métal rouge» sont estimées à 1 milliard de tonnes. Concentrées dans le Copper Belt, la vingtaine de sociétés minières, filiales de multinationales et encadrées par quelques milliers d’expatriés, ont permis durant la décennie 1964-1974 une croissance économique annuelle de 13 p. 100. Mais l’euphorie a cessé brutalement avec la chute des cours mondiaux depuis cette date: baisse de la production (750 000 t en 1970, 591 000 en 1982), détérioration de 1 à 4 des termes de l’échange, régression de plus de 30 p. 100 du P.N.B. moyen par habitant. Le cours du cobalt est tombé lui aussi de 25 livres à 5 livres, et la mésentente avec le Zaïre n’a pas permis l’adoption d’une stratégie commune sur le marché mondial.

À cela se sont ajoutées les contraintes consécutives à l’enclavement et les servitudes imposées par les conflits de pays voisins (affaire de Rhodésie du Sud, 1965-1980; guerres de décolonisation de l’Angola et du Mozambique; problème de la Namibie et de l’Afrique du Sud). Malgré un effort considérable pour améliorer les transports (40 p. 100 du budget y était affecté en 1970) et des réalisations d’envergure – construction de l’oléoduc Ndola-Dar es-Salaam et du Tanzam, la liaison ferroviaire de 1 600 kilomètres avec la Tanzanie –, la Zambie est obligée de faire passer 60 p. 100 de son commerce extérieur par le territoire et les ports de la république d’Afrique du Sud, qui est son deuxième partenaire commercial. Ce qui implique évidemment une certaine réserve diplomatique à son égard.

Cette sujétion multiforme est un sérieux obstacle à la réalisation de l’indépendance économique selon le principe de self-reliance (compter d’abord sur soi) que le président Kaunda a repris de son voisin tanzanien Julius Nyerere.

Il ne semble pas que le programme pourtant nuancé de nationalisation des mines de cuivre lancé en 1969 (durée des concessions ramenée à vingt-cinq ans et indemnisation payable sur les dividendes à venir) ait été très bénéfique. La «zambianisation» à outrance de l’économie et le gonflement de la bureaucratie étaient critiqués en termes sévères, dès 1971, par l’archevêque catholique de Lusaka, Mgr Milingo, qui dénonçait «l’inefficacité, le manque de patriotisme, l’irresponsabilité et la non-productivité». Les voix officielles qui s’élèvent contre le gaspillage, le népotisme et la corruption lui font aujourd’hui écho.

Les mines de cuivre qui alimentaient à plus de 50 p. 100 le budget de l’État ne rapportent pratiquement plus rien, elles sont devenues coûteuses. Exploitées intensément depuis plus de soixante ans, ces mines sont les plus «mouillées» et les plus profondes du monde, et la teneur des roches cuprifères ne dépasse pas aujourd’hui la moyenne de 2 p. 100. À quoi s’ajoutent les coûts élevés du transport du métal via la Tanzanie et l’Afrique du Sud.

Crise et endettement

Victime de l’effondrement progressif mais constant malgré une remontée en 1988 du prix du cuivre, la Zambie, qui n’a pas su rechercher à temps la diversification et relancer la production agricole, est aujourd’hui l’un des pays du Tiers Monde les plus endettés. Elle figure, avec le Liberia, le Soudan et le Pérou au nombre des quatre pays qui à eux seuls accumulent plus de 80 p. 100 des arriérés dus au Fonds monétaire international (F.M.I.).

En 1994, la dette extérieure totale est de loin la plus élevée de celles des pays de l’Afrique subtropicale (mis à part l’Angola confronté à une guerre civile depuis vingt ans). Et le niveau du P.I.B. par habitant, estimé à 420 dollars, met la Zambie – qui n’a jamais connu de conflit armé interne – au rang des États les plus pauvres de la planète.

La politique de rigueur a d’ailleurs suscité de violentes protestations – «émeutes de la faim» en décembre 1986 dans le Copper Belt, série de grèves en 1987 appuyées par la puissante confédération des syndicats des mines qui ont conduit le chef de l’État à rompre avec le F.M.I. dont il était l’élève modèle depuis 1973. Décision difficile et d’ailleurs peu tenable à long terme. Des négociations sont à nouveau en cours avec la Banque mondiale depuis 1989.

Pris dans le carcan de l’austérité, le gouvernement et le parti unique tentent de rompre le cercle vicieux sans trop se faire d’illusion. Un plan décennal (1985-1995) de relance et de restructuration de l’économie a pour objectif avoué de ramener le produit intérieur brut par habitant à son niveau de... 1964. En juillet 1987 a été lancé, en rupture avec les exigences du F.M.I., un «programme intérieur de redressement» étalé sur deux ans: changement de politique monétaire et contrôle des prix, aide à l’agriculture, limitation du règlement de la dette en fonction des recettes d’exportation, tels sont les principaux axes de la nouvelle politique économique. Cependant, cette politique, audacieuse et même courageuse à certains égards, ne réussit pas. Elle met pratiquement fin à ce qu’il faudra appeler, désormais, l’ère Kenneth Kaunda.

Kenneth Kaunda, un président «différent»

De 1964 à 1991, le président Kenneth Kaunda – K. K. comme on l’appelait volontiers –, a incarné la Zambie sur les plans interne et international. Parmi les «pères fondateurs» de l’Afrique nouvelle, il faisait figure d’un président «différent», et sa personnalité tranchait à de nombreux égards sur le portrait plus figé – ou plus académique – des chefs d’État africains de cette première génération de l’indépendance. Fils d’un pasteur presbytérien émigré du Malawi au début du siècle, et donc sans attache clanique avec les grandes tribus, il est pénétré de convictions religieuses, ainsi qu’en témoignent ses nombreux écrits qui sont davantage des sermons que des travaux philosophiques ou théologiques. Mystique et «gandhien» mais aussi d’une joviale convivialité, modeste et cependant autoritaire à l’occasion, ni capitaliste ni marxiste, il se veut avant tout «humaniste» et pédagogue populaire. En 1976, il avait proposé sous le nom de «communaucratie» une politique de collectivisme villageois. Ses initiatives surprennent parfois (ainsi en 1982 la décision de faire enseigner le marxisme à l’école primaire). L’abstentionnisme élevé (65 p. 100) à l’élection présidentielle de 1978 où K. K. était réélu sans opposant, alors que l’élection de 1973 avait été disputée, témoignait d’une certaine indifférence ou désillusion. La première tentative de complot, déjouée en 1980, dont les principaux membres étaient d’anciens amis ou partisans, est signe de tension. L’inorganisation de la succession et les jeux de personnes au sein du parti unique tendent à renforcer la solitude du pouvoir.

En politique étrangère, Kenneth Kaunda a réussi à maintenir un équilibre réaliste tout en restant fidèle à ses convictions profondes et sans pratiquer le double jeu. C’est sans doute son plus grand mérite, même si ses tentatives n’ont pas toujours eu le succès escompté. Membre actif des Non-Alignés dont la troisième conférence s’est tenue à Lusaka en 1970, et des «Pays de la ligne de front», le président Kaunda s’efforce d’apporter l’appui de son pays aux pressions internationales, mais aussi de ne pas interrompre le dialogue avec les adversaires. Ce fut le cas dans ses rapports avec le Portugal, au cours de la longue décolonisation de l’Angola et du Mozambique, comme dans ses relations difficiles avec la Rhodésie du Sud (fermeture des frontières, refuge accordé à la résistance armée) avant la naissance du Zimbabwe. C’est aussi le cas dans ses rapports avec l’Afrique australe, où son rôle d’acteur-médiateur est reconnu. Président des Pays de la ligne de front à partir de 1985, président (pour la seconde fois) de l’O.U.A. en 1987, Kenneth Kaunda – qui a toujours maintenu la république de Zambie dans le Commonwealth – a tenté en permanence de rapprocher les «frères ennemis» de l’intérieur tant en Angola qu’au Zimbabwe, et d’aider les adversaires de l’apartheid en Afrique du Sud en offrant l’hospitalité, selon une tradition née à l’époque de la colonisation portugaise, aux mouvements de libération nationale, en l’occurrence le S.W.A.P.O. et l’A.N.C. Ce qui a fait de la capitale zambienne, Lusaka, durant trois décennies, une sorte de refuge naturel et de repli diplomatique pour les états-majors des mouvements de libération nationale africains. Et pourtant, Kenneth Kaunda n’a pas toujours été payé de retour (de reconnaissance).

Changement et... hésitations

Réélu en octobre 1988 pour un sixième quinquennat, ce qui apparaissait à l’époque comme la norme dans la plupart des États d’Afrique, Kenneth Kaunda a été «victime» de la transition démocratique qui s’est pratiquement imposée dans tous les pays du monde après les événements de 1989-1991 qui ont confirmé l’échec du système économique et politique socialiste-marxiste.

La Zambie, qui s’était accoutumée au parti unique à partir de 1972, revient au multipartisme (plusieurs dizaines de partis!) en 1990. L’élection présidentielle d’octobre 1991 met en échec K. K. au profit d’un ancien syndicaliste de bonne renommée, Frédérick Chiluba. L’ancien président Kenneth Kaunda ne conteste pas sa défaite électorale. Une première grande page de la république de Zambie est ainsi définitivement tournée.

Le nouveau chef d’État s’est trouvé immédiatement confronté aux problèmes d’économie et... d’austérité prolongée. L’état d’urgence a même été décrété pendant un temps en 1992. La liberté d’expression, celle de la presse notamment, est rétablie et reconnue. Mais, dans l’ensemble, le combat politique se situe entre deux partis principaux: le M.M.D. (mouvement démocratique du président Chiluba) et l’U.N.I.P. (l’ancien parti unique que patronnait K. Kaunda). Dans un pays où, naturellement, les référents ethniques sont importants sans être nécessairement décisifs, ce retour au multipartisme fait problème.

L’ère Kenneth Kaunda est – quelles que puissent être les éventuelles tentatives, familiales ou autres, de prolongation indirecte – définitivement accomplie.

Zambie
(république de) état de l'Afrique australe, situé entre l'Angola, à l'O., la rép. dém. du Congo et la Tanzanie, au N., le Malawi, à l'E., le Zimbabwe et la Namibie, au S.; 752 614 km²; 9 130 000 hab., croissance démographique: 2,8 % (dans les années 1980: 3,5 %); cap. Lusaka. Nature de l'état: république présidentielle, membre du Commonwealth. Princ. ethnies: Bemba (36 %), Nyanja (18 %), Tonga (15 %). Langue off.: anglais. Monnaie: kwacha zambien. Relig.: christianisme (69 %), relig. traditionnelles (31 %). Géogr. phys., hum. et écon. - Un haut plateau, d'altitude moyenne de 900 à 1 500 m, est coupé par les vallées du Zambèze et de ses affl., la Luangwa et la Kafue. à l'E., les monts Muchinga s'élèvent jusqu'à 2 000 m. Au climat tropical humide (surtout dans le Nord), tempéré par l'altitude, correspond une végétation de savane arborée et de forêt claire. Peuplé de plus de 70 ethnies, toutes de langues bantoues, le pays a une densité assez faible malgré l'accroissement démographique (surtout important avant les années 1990). Il compte un peu plus de 40 % de citadins. L'agriculture est peu performante: élevage extensif de bovins, cultures vivrières qui n'occupent que 7 % du sol: maïs, manioc, sorgho, tournesol, patates douces. Aux fermes d'état, on a substitué les exploitations familiales et le déficit agric. s'est résorbé. Le tabac est le seul produit de plantation exporté (0,5 % du P.N.B.). La production hydroélectrique est abondante (barrage de Kariba sur le Zambèze, partagé avec le Zimbabwe) et en partie exportée vers le Zimbabwe. La grande richesse du pays est le cuivre (350 000 t, 5e prod. mondial, 15 % du P.N.B.), exploité au N. dans le Copper Belt, région qui groupe le quart des hab. et une population immigrée de mineurs; Maramba, sur le Zambèze, est le grand port d'exportation. Auj. les émeraudes ont plus d'importance que le zinc, le cobalt et le plomb. L'industrie se partage entre l'agro-alimentaire et la métallurgie du cuivre. Ce produit a baissé sur le marché mondial. Malgré sa remontée récente, la situation écon. et sociale de la Zambie est grave. Hist. - Vers 1740, l'un des fils du mwata yamvo (souverain d'un royaume situé dans la rép. dém. du Congo actuelle) reçut une partie du territoire lunda et créa le royaume du mwata Kazembé. Au XIXe siècle, coupé du commerce côtier par l'expansion des états du prince-marchand Msir, ce royaume entra en déclin. Un autre état, le royaume lozi, occupait le haut Zambèze. Au XIXe siècle, la vaste migration des Ngoni, depuis le KwaZulu actuel (en Afrique du Sud), provoqua des guerres et d'intenses désordres dans la région. La conférence de Berlin (1884-1885) attribua cette région d'Afrique centrale aux Britanniques, qui en confièrent l'exploitation à la British South Africa Company (BSAC) de Cecil Rhodes. La BSAC s'intéressa surtout aux riches mines de cuivre. L'occupation du pays s'acheva en 1899. Il fut rattaché à la Rhodésie du Sud jusqu'en 1911, date à laquelle on constitua la colonie de la Rhodésie du Nord, réservoir de main-d'oeuvre pour les mines de Rhodésie du Sud et d'Afrique du Sud. Toutefois, une voie ferrée relia la province du Cap au Zambèze en 1904. La charte de la BSAC fut abolie en 1924 et les Britanniques gérèrent eux-mêmes le territoire. Dans les années 1940, des réformes améliorèrent partiellement le sort des Africains. En 1951, le gouvernement conservateur encouragea de nouveaux colons à s'installer en Rhodésie du Nord. Les Blancs réclamèrent la constitution d'une fédération avec la Rhodésie du Sud et le Nyassaland (le Malawi actuel): en 1953 naquit la Fédération d'Afrique centrale. Elle suscita l'opposition des populations africaines, dirigées par Kenneth Kaunda, qui fut emprisonné. En 1963, la Fédération fut démantelée. Les Noirs devinrent majoritaires au Conseil législatif. Le 24 oct. 1964, la Rhodésie du Nord accéda à l'indépendance et prit le nom de Zambie. Kenneth Kaunda devint président de la République. La Zambie dépendit économiquement de la Rhodésie du Sud jusqu'à l'inauguration, en 1975, de la voie ferrée Lusaka-Dar es-Salaam (Tanzanie). à partir de 1970, le durcissement du régime répondit à l'agitation sociale et aux violences ethniques. L'UNIP (United National Independance Party) devint le parti unique et K. Kaunda fut réélu. En 1990, il légalisa le multipartisme. Le leader de l'opposition, Frederik Chiluba, fut élu président en 1991, tandis que son parti, le Mouvement pour la Démocratie multipartite (MMD), remportait les législatives. La grave crise économique que traverse la Zambie depuis de longues années suscita des mesures de rigueur qui provoquèrent des mécontentements et de sanglantes émeutes, mais Chiluba fut réélu en 1996. En déc. 1997, il déjoua un coup d'état et fit arrêter Kaunda.

Encyclopédie Universelle. 2012.