ÉPINE-VINETTE
ÉPINE-VINETTE
Mésué, médecin chrétien des califes de Bagdad, au IXe siècle, conseillait le fruit d’un berbéris dans les maux de l’estomac et du foie pour apaiser la soif et, en usage externe, pour réduire les tumeurs. Mais peut-être ne s’agit-il pas de l’épine-vinette (Berberis vulgaris L.; berbéridacées), qui croît cependant dans le Caucase. Assez rarement citée au Moyen Âge, la plante est bien décrite pour la première fois par Matthioli en 1544. Cet auteur, qui la prescrit aussi dans les maladies hépatiques et gastriques, lui reconnaît de surcroît le pouvoir d’arrêter les vomissements, l’hémoptysie et l’hémorragie utérine, et tout particulièrement de guérir les fièvres. Ce sont là, à peu de chose près, les indications que l’épine-vinette conservera jusqu’à nos jours.
Les feuilles, le bois et surtout l’écorce de la racine, partie principalement utilisée, renferment plusieurs alcaloïdes, dont la berbérine et l’oxyacanthine. C’est au premier, substance tinctoriale, que le bois doit sa couleur jaune caractéristique. La berbérine est tonique-amère et cholagogue; elle accroît le tonus des muscles lisses et contracte les cellules élastiques de la rate en cas d’hypertrophie infectieuse paludéenne. Elle est en outre antihémorragique, fébrifuge, bactéricide et s’oppose à la multiplication du trypanosome de la maladie du sommeil. L’oxyacanthine est spécialement hypotensive et accroît la sécrétion salivaire.
L’écorce de racine d’épine-vinette s’emploie en décoction (40 g par litre d’eau; 2 ou 3 tasses par jour), dans l’anorexie, les maladies du tube digestif, surtout d’origine hépatique, l’ictère, les coliques hépatiques et néphrétiques, certaines maladies des voies urinaires. À dose élevée, la plante est purgative et diurétique. Sans avoir l’efficacité du quinquina, l’épine-vinette peut lui être utilement associée. Succédané, en outre, de la renonculacée canadienne Hydrastis canadensis , l’épine-vinette s’utilise comme elle en antimétrorragique (spécialement dans les états cholémiques et à l’époque de la ménopause), seule ou en association avec le cyprès (H. Leclerc).
Les baies, très acides avant la maturité complète (acides citrique et malique), s’adoucissent après les premiers gels. On en fait une décoction diurétique très rafraîchissante (de 30 à 60 grammes par litre d’eau). Cuites à la manière des cynorrhodons (il faut les tamiser pour séparer les graines), avec leur poids de sucre, elles donnent une excellente gelée. On a confit leurs grappes entières au sucre et aussi (avant maturité) au vinaigre, à la manière des câpres.
La racine d’épine-vinette, qui donne une très belle teinture jaune brillant avec adjonction d’alun, a servi à teindre les étoffes, le cuir et le bois.
épine-vinette [ epinvinɛt ] n. f. ♦ Arbrisseau à feuilles caduques simples et piquantes (berbéridacées), à fleurs jaunes en grappes pendantes, dont les fruits sont des baies rouges et comestibles. ⇒ berbéris. « d'épaisses haies vertes, que l'épine-vinette décore tour à tour de ses fleurs violettes et de ses baies pourprées » (Nerval). Des épines-vinettes.
● épine-vinette, épines-vinettes nom féminin (de épine et ancien français vinette, de vin) Arbuste épineux des haies, au fruit rouge comestible, aux fleurs autofertiles, hôte intermédiaire de la rouille du blé. (L'épine-vinette est très voisine du mahonia.) Nom usuel de la chrysalide de l'asticot, employée comme amorce ou comme esche. ● épine-vinette, épines-vinettes (difficultés) nom féminin (de épine et ancien français vinette, de vin) Orthographe Plur. : des épines-vinettes (avec s à chaque élément).
⇒ÉPINE-VINETTE, subst. fém.
A.— BOT. Arbuste buissonnant épineux, aux feuilles dentées en scie, aux fleurs jaunes, aux fruits rouges, charnus, allongés et acides groupés en grappes pendantes. Les grappes roses d'« épine-vinette » qu'elle portait à sa bouche et qu'elle ramassait dans son tablier (LAMART., Confid., 1849, p. 386). L'épine-vinette fournit un excellent exemple de feuilles transformées en épines (PLANTEFOL, Bot. et biol. végét., t. 1, 1931, p. 168) :
• La mousse, d'un pinceau lent et minutieux, a peint en jaune vif, en gris sur gris, en toute sorte de verts, les plus gros des quartiers de rocs; ils nourrissent dans leurs fissures plusieurs espèces de plantes et de buissons, airelles, myrtilles, épine-vinette, aux feuilles dures, aux fruits ligneux, qui tintent dans le vent doucement comme des clochettes.
RAMUZ, Derborence, 1934, p. 258.
— P. compar. Un roitelet, touffu, Tassé sur la branche, répète Son cri aigrelet, vif, pointu Comme un grain d'épine-vinette (NOAILLES, Forces étern., 1920, p. 131). Couleur de ciel l'oiseau portait la tête; Ses yeux pareils aux épines-vinettes; Couleur de flamme il redressait la crête (JAMMES, De tout temps, 1935, p. 208).
— P. méton. Fruit de l'épine-vinette. Sirop, confiture, dragée d'épine-vinette (Ac. 1835-1932).
B.— PÊCHE. [P. anal. de forme et de couleur avec le fruit de l'épine-vinette] ,,Chrysalide de l'asticot (...) utilisée comme esche dans les rivières du midi de la France`` (POLLET 1970).
Rem. Attesté dans Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845. Lar. 19e-Lar. encyclop.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Au plur. des épines-vinettes. ,,Vinette, dans le groupe épine-vinette, a une valeur d'adjectif. Ces deux éléments variables : nom + adjectif prennent donc régulièrement la forme du pluriel`` (DUPRÉ 1972, p. 864). Étymol. et Hist. XVe s. espinete vinete (Grant Herbier, éd. G. Camus, p. 42, note 3); 1536 espine vinette (CH. ESTIENNE, De re hortensi libellus, Paris, p. 20 ds R. Ling. rom. t. 36, p. 232). Composé de épinette, épine et de l'a. fr. vinette « épine-vinette » (ca 1275-80, J. DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 8183 : vinetes), dér. de vin (v. FEW t. 14, p. 479b). Fréq. abs. littér. :13. Bbg. ARVEILLER (R.). R. Ling. rom. 1972, t. 36, p. 232.
épine-vinette [epinvinɛt] n. f.
ÉTYM. 1545; espinette-vinette, XVe; de épine (arbrisseau) et vin, à cause de la couleur des baies, suff. dimin. -ette.
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♦ Plante (n. sc. : berberis) appelée aussi vinettier; arbrisseau à feuilles simples, denticulées, caduques ou persistantes, à fleurs jaunes en grappes pendantes et dont les fruits sont des baies rouges et comestibles. || Haies d'épine-vinette. || Confiture, sirop d'épine-vinette. || Propriétés fébrifuges de l'épine-vinette. || L'épine-vinette est l'hôte de choix du champignon puccinie, qui provoque la rouille du blé. || Des épines-vinettes.
1 (…) j'ai cru me ressouvenir qu'on faisait autrefois des pastilles d'épine-vinette à Dijon, et j'en ai fait venir une petite boîte à votre voisin (…)
Voltaire, Lettre à d'Argental, 4443, 4 août 1777.
2 (…) il nous reste encore un certain nombre de coteaux ceints d'épaisses haies vertes, que l'épine-vinette décore tour à tour de ses fleurs violettes et de ses baies pourprées.
Nerval, Promenades et souvenirs, p. 142.
3 Une morte assise sur un banc Près d'un buisson d'épine-vinette Laissait un étudiant Agenouillé à ses pieds Lui parler de fiançailles
Apollinaire, Alcools, p. 46.
➪ tableau Noms d'arbres, arbustes et arbrisseaux.
➪ tableau Noms de fruits.
➪ tableau Noms de remèdes.
Encyclopédie Universelle. 2012.