BOCAGE
BOCAGE
On ne doit pas confondre bocage et pays d’enclos . Le terme de bocage désigne des paysages ruraux verdoyants où les parcelles sont délimitées par des haies vives, souvent surmontées d’arbres. Celles-ci dominent dans l’Ouest armoricain et l’Ouest vendéen, mais aussi en Limousin, en Bourbonnais, en Thiérache, dans le Pays basque. Hors de France, les bocages de Galice ou de Cornouailles sont bien connus. De très beaux paysages bocagers existent aussi sous les tropiques, par exemple, en pays bamiléké, au Cameroun.
On s’accorde à penser que le bocage n’est pas un paysage originel, mais qu’il a été partout créé par les paysans. En Bretagne, il remonterait au haut Moyen Âge, si l’on en croit la présence de monnaies de l’époque dans les talus ou les termes d’un cartulaire de Redon au IXe siècle. Aux XVe et XVIe siècles, le droit de clore demandé par les propriétaires de nombreuses provinces françaises. Puis, aux XVIIe et XVIIIe siècles, le mouvement des enclosures marque la vie rurale anglaise et touche également la France. Or, la majorité des clôtures seront des haies. Vers 1850, le bocage atteint son extension maximale, les progrès techniques contemporains et les remembrements ayant abouti à la disparition d’assez larges secteurs de haies, même en Bretagne.
Chaque parcelle du bocage est ceinturée de haies sur tout son périmètre; celles-ci ne ménagent qu’une petite sortie de quelques mètres, barrée d’une fermeture rudimentaire en bois appelée échalier .
Il existe des types très différents de bocage. On distingue les bocages avec haie simple sans talus (Thiérache, Maine, Perche, Massif central) et les bocages avec haie sur talus (caractéristiques de la Bretagne). Dans ce dernier cas, l’ensemble des clôtures entre deux parcelles atteint facilement dix mètres de largeur. Un chemin creux, souvent transformé en ravin, sépare les haies juchées sur un talus de terre ou de pierres. Des arbres surmontent la haie. En bordure du champ, une bande non labourée, le cheintre , joue peu à peu le rôle de chemin, car le véritable chemin creux, cerné de buissons et raviné, devient impraticable. Certains bocages sont à mailles très serrées et à parcelles exiguës, toutes bordées de haies. Le pays est alors impénétrable, l’isolement des fermes total, la dispersion des champs insurmontable (bocage breton ou vendéen). Au contraire, il existe des bocages lâches où plusieurs parcelles se trouvent entourées d’une seule haie, parfois éclaircie et chétive (Limousin). L’impénétrabilité du Bocage de l’Ouest est accentuée par la présence de pommiers dans les prés tandis que les arbres sont toujours plus rares ailleurs.
Au moment de sa constitution, le bocage avait aux yeux des paysans des avantages irremplaçables, dont beaucoup sont devenus ensuite des inconvénients. La clôture apparaît d’abord comme un acte d’appropriation, plus fréquent à certaines époques qu’à d’autres. Ainsi, le bocage s’est fortement développé au moment de la dégradation ou de l’extinction des droits féodaux. De même, les phases de conquête de landes ou de communaux se sont traduites par la progression des haies, la clôture de fait précédant souvent la reconnaissance du droit effectif d’usage. La haie apparaît aussi comme un excellent moyen de parquer le bétail. Certaines sont d’ailleurs renforcées de fascines de branchages. Dans le Massif central, on remarque que les régions de prés sont plus bocagères que les régions de champs cultivés. En outre, le fermier d’autrefois tirait parti de ses haies de multiples façons: pour les piquets, pour le chauffage du foyer domestique et du four à pain, pour l’affourragement du troupeau en émondant les frênes et les chênes. Remarquons aussi que les chemins creux permettaient de circuler sans servitudes pour les parcelles du voisin, chose plus difficile en pays de champs ouverts.
Le bocage, spécialement le type avec haie sur talus, ne facilite pas la modernisation de l’agriculture. Chemins creux et talus gênent l’emploi des grosses machines, telles les presses à fourrage et les moissonneuses-batteuses, et du tracteur. Pour le paysan, les longs déplacements dans les chemins conduisent à une perte de temps. L’entretien des haies, le nettoyage des parcelles, l’émondage des arbres s’accordent mal avec la raréfaction et la cherté de la main-d’œuvre agricole. Enfin, le bocage impose une perte de terrain importante par la largeur des haies et des chemins: parfois de 5 à 10 p. 100 du territoire d’une commune. Le bocage apparaît donc souvent comme une contrainte héritée du passé et, de ce fait, condamnée à disparaître à la suite du remembrement ou d’aménagements individuels. En France notamment, après 1945, on s’enthousiasma pour l’arrachage des haies et la création de «plaines». Après ces premières destructions, les déconvenues sont sensibles. La disparition du bocage a bouleversé les équilibres végétaux et pédologiques locaux. L’évolution régressive des sols, l’érosion n’ont pu être contrôlées. Les plantes, sans abri sous des climats humides et frais, viennent mal et les oiseaux destructeurs d’insectes ont perdu leur refuge naturel. Les responsables des remembrements sont maintenant plus nuancés; ils se soucient davantage que naguère de préserver certains équilibres naturels, avec l’approbation des paysans eux-mêmes.
bocage [ bɔkaʒ ] n. m.
• boscage 1138; dér. norm. de bosc, a. forme de bois
1 ♦ Vx ou poét. Petit bois; verdure qui donne de l'ombre. « au mois de juin, sous des bocages frais » (Rousseau).
2 ♦ Paysage caractéristique de l'ouest de la France, formé de prés enclos par des haies vives, des arbres. Le bocage vendéen. Le bocage normand.
● bocage nom masculin (de bosc, de l'ancien français bos, bois) Littéraire. Petit bois, lieu ombragé. Assemblage de parcelles (champs ou prairies), de formes irrégulières et de dimensions inégales, limitées et closes par des haies vives bordant des chemins creux. (Autrefois dominant dans l'ouest de la France, il y a reculé avec l'extension du remembrement.) ● bocage ou boccage nom masculin (de bocard) En métallurgie, fonte mélangée aux laitiers. (On dit aussi fonte de bocage.)
bocage
n. m. Pays de prairies et de cultures coupées de haies vives et de bois. Le bocage de Vendée et le Bocage normand, en France.
I.
⇒BOCAGE1, subst. masc.
A.— Littér. Petit bois naturel caractérisé par des arbres peu élevés et clairsemés. Bocage frais, riant, sombre; un bocage de magnolias, de mûriers, d'oliviers :
• 1. Dans les campagnes, la surveillance que tous exercent sur chacun est cent fois plus facile que chez nous, puisqu'il n'y a pour ainsi dire ni forêt, ni bois, ni bocage.
ABOUT, La Grèce contemporaine, 1854, p. 207.
• 2. Le soleil surgit à peine quand nous sortons du bocage enclos pour nous enfoncer, au trot de nos bœufs, dans la futaie profonde.
LOTI, Un Pèlerin d'Angkor, 1912, p. 149.
Rem. 1. ,,S'emploie surtout en poésie`` (Ac. 1932). 2. ,,Le bocage est un petit bois sans culture, planté à la campagne pour se mettre à l'ombre. Le bosquet est un petit bois embelli par l'art, destiné à faire l'ornement des jardins d'agrément`` (BESCH. 1845).
— P. métaph. :
• 3. Elle [sa sœur] fut transplantée par son mariage à une petite distance de la ville natale dans une famille fort différente de la sienne. Elle aimait les distractions (...) elle eut des souffrances physiques, des difficultés matérielles, des tourments de toutes sortes à bonne dose (...) mais ce n'est pas possible de la plaindre quand on a connu ce bocage de la félicité.
J. CHARDONNE, Le Ciel dans la fenêtre, 1959, p. 25.
B.— GÉOGR. Type de paysage où les terres et les prairies sont encloses par des levées de terre plantées d'arbres, de haies vives et où l'habitat est dispersé. Le bocage breton, normand, vendéen :
• 4. Hoche pacifia le Bocage et le Marais, en écrasant les insurgés, en permettant aux gens paisibles de rebâtir leurs églises; en prenant Stofflet et Charette et les faisant fusiller.
ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, t. 2, 1870, p. 396.
• 5. À la même heure, le rapide de Paris file vers Le Mans et s'étire, parallèle à sa fumée, à travers le bocage qui est bien l'une des régions du monde où il y a le plus de vaches qui regardent passer le train.
H. BAZIN, Vipère au poing, 1948, p. 200.
Prononc. :[]. Homon. bo(c)cage2.
Étymol. ET HIST. — 1. 1138 agn. boscage « lieu boisé, fourré » (GAIMAR, Lestorie des Engles, éd. Sir Th. Duffus Hardy et Ch. Trice Martin, 6237, t. 1, p. 266), graphie sortie de l'usage dep. 1611 (COTGR.); 1538 bocage (EST.), cont. poét. dep. Trév. 1704; 2. 1732 p. anal. géogr. (Trév. : Bocage [...] C'est aussi le nom d'un petit pays de Basse-Normandie, dans le Diocèse de Lisieux).
Dér. dial. de bosc, forme sans doute primitive de l'a.fr. bos (ca 1160, Enéas dans T.-L.), v. bois; suff. -age; la forme norm. a évincé la forme d'a.fr. boschage (ca 1175, Chr. de Troyes dans T.-L.) le bocage étant un type de paysage caractéristique de l'ouest de la France.
STAT. — Fréq. abs. littér. :252. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 862, b) 301; XXe s. : a) 134, b) 93.
DÉR. Bocageux, euse, adj., vx. ,,De la nature des bocages, qui appartient aux bocages`` (BESCH. 1845). Cette tourbe est-elle diluvienne? Sa position et sa nature bocageuse l'indiquent (J. BOUCHER DE PERTHES, Antiquités celtiques et antédiluviennes, t. 1, 1847-64, p. 76). Synon. de bocager (cf. GUÉRIN 1892). — 1re attest. XVe s. boscageux (De vita Christi, Richel. 181, f° 38a dans GDF.); dér. de bocage1, suff. -eux.
BBG. — ROHLFS (G.). Traditionalismus und Irrationalismus in der Etymologie. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, p. 204. — ROMMEL (A.). Die Entstehung des klassischen französischen Gartens im Spiegel der Sprache. Berlin, 1954, p. 25 (s.v. boccage).
II.
⇒BOCAGE2, BOCCAGE, subst. masc.
MÉTALL. Fonte mélangée aux laitiers et extraite par petits fragments grâce au bocardage. La quantité de fonte varie avec le type de four employé : dans les fours ordinaires, on charge 200 à 275 kilogrammes de bocages (R. BARNERIAS, Manuel des aciéries, 1934, p. 50).
Rem. 1. Synt. ,,On dit aussi fonte de bocage`` (Lar. 19e, Lar. encyclop.); des bocages de fonte (M.-A. MULLER, M.-P. ROGER, Évolution de la fonderie de cuivre, 1903, p. 254). 2. Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe siècle.
Prononc. et Orth. :[]. Homon. bocage1. La majorité des dict. admet bocage ou boccage. Cependant DG, ainsi que QUILLET 1965 enregistrent uniquement bocage. Étymol. et Hist. 1834 (E. BIOT, Manuel du constructeur des chemins de fer, 223 dans QUEM.); 1863 bocage ou boccage (LITTRÉ). Issu par substitution de suff. (-age) de bocard1.
1. bocage [bɔkaʒ] n. m.
ÉTYM. 1138, boscage, mot anglo-normand, cf. anc. franç. boschage; de bosc (anc. franç. bos). → Bois.
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1 Littér. Petit bois; lieu ombragé. ⇒ Bocager. || La fraîcheur d'un bocage. ⇒ Bosquet.
1 Je faisais ces méditations dans la plus belle saison de l'année, au mois de juin, sous des bocages frais, au chant du rossignol, au gazouillement des ruisseaux.
Rousseau, les Confessions, IX.
2 L'oiseau qui charme le bocage
Hélas ! ne chante pas toujours (…)
Lamartine, Nouvelles méditations, « Adieux à la poésie ».
♦ (Contexte littér.). Lieu agreste. || Doux bocage, adieu (→ Avertir, cit. 10).
2 (1732). Type de paysage caractéristique de l'Ouest de la France, formé de prés clos par des levées de terre plantées d'arbres. || Le bocage vendéen, ou, absolt, le Bocage. || Le bocage normand.
3 (…) quand on s'avance vers l'Ouest, on pénètre dans le Bocage, pays couvert, sillonné de clôtures et de lignes d'arbres, plus maigre de culture que les « campagnes », mais propice à l'élevage du bétail (…)
Demangeon, Géographie économique de la France, t. I, p. 231.
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DÉR. Bocager, bocageux.
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2. bocage [bɔkaʒ] n. m.
ÉTYM. 1834; du rad. de bocard, et suff. -age, ou réduction de bocardage.
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♦ Techn. Fonte résiduelle mélangée aux laitiers et que l'on peut extraire par bocardage. — Morceau de cette fonte. || Des bocages de fonte.
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HOM. 1. Bocage.
Encyclopédie Universelle. 2012.