bigre [ bigr ] interj. et n. m.
• 1743; euphém. pour bougre
♦ Vieilli (Exprime l'étonnement, la déception, l'admiration, la crainte). Bigre oui ! Bigre ! quelle aventure. « Bigre ! murmura Claude un peu pâle » (Zola). — N. m. (1830) Ce bigre de farceur. ⇒ bougre (de), espèce (de), 1. sacré.
I.
⇒BIGRE1, subst. masc.
MOY. ÂGE. Garde forestier, en particulier riverain des forêts chargé de rechercher les essaims d'abeilles pour les recueillir et les élever dans des ruches. Les francs-bigres :
• ... l'élevage des abeilles, fait quelquefois par les particuliers, était confié dans les forêts à une catégorie d'agents forestiers, les bigres, qui recherchaient les essaims, les cultivaient, et recueillaient, pour le compte d'un seigneur, le miel et la cire.
FARAL, La Vie quotidienne au temps de st Louis, 1942, p. 172.
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1155-73 dr. forestier, lat. médiév. bigrius « garde d'une forêt dont la fonction était de chercher les abeilles, de les rassembler et de les élever dans des ruches » (Gesta Consulum Andegavorum dans DU CANGE t. 1, p. 641b); 1257 a. fr. bigre (Charta Johannis domini de Argentonio [Argentan, Orne], ibid., t. 1, p. 659a).
Terme solidement implanté en Normandie aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles (v. DU CANGE t. 1, s.v. bigarius adj., bigarus et bigrus, subst.), prob. empr. à l'a.b.frq. bikari dont le corresp. est le néerl. bijker « apiculteur », formé de bij « abeille » sur le modèle de imker « apiculteur » (DE VRIES Nederl.). L'hyp. d'un empr. à l'a. nord., plus conforme à l'aire géogr. du mot, fait cependant difficulté étant donné que l'a. nord. connaît seulement bi « abeille » (v. DE VRIES Anord., s.v. ) et n'a pas de forme corresp. à la 2e part. du mot (FEW t. 15, 1, p. 108).
BBG. — DE GOROG 1958, p. 105.
II.
⇒BIGRE2, subst. masc. et interj.
I.— Substantif
A.— Pop. ,,Mot incivil qui se dit d'un homme rusé, subtil, adroit et méchant, qui sait se retirer des affaires les plus embrouillées`` (J.-F. ROLLAND, Dict. du mauvais langage, 1813, p. 21). Synon. de bougre. Un fier bigre; un bigre d'enfer.
B.— Fam. [En constr. de qualificatif antéposé] Bigre de + subst. Un bigre de forban; un bigre d'Allemand; un bigre d'animal :
• 1. — Qu'est-ce que ces bigres de sauvages-là? Et pas un canon à mon bord... hurlait le capitaine en se rongeant les pouces.
SUE, Atar Gull, 1831, p. 8.
II.— Interj. ,,Exclamation familière des bourgeois qui n'osent prononcer le vrai mot, qui est bougre`` (FRANCE 1907). Bigre oui! Bigre non! Fichtre de bigre; bigre de bigre :
• 2. — Bigre! s'écria-t-il en faisant claquer la langue, voilà du bon vin chaud!
ZOLA, La Conquête de Plassans, 1874, p. 1185.
— Emploi subst. :
• 3. ... il monta sur le pont au bruit des imprécations, des injures, des bigres, des hurlements du malheureux Benoît, qui sautait par soubresauts sur son coffre comme un poisson sur le sable.
SUE, Atar Gull, 1831, p. 10.
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1743 bigre, bigresse subst. masc. et fém. (Trév.); 1808 interjection (Dict. du bas Lang., D'HAUTEL, p. 95).
Altération euphémique de bougre.
STAT. — Fréq. abs. littér. :105.
BBG. — BAIST (G.). Bigre. Rom. Forsch. 1893, t. 7, p. 413. — DE GOROG 1958, p. 105. — ORR (J.). Qq. étymol. scabreuses. Archivum linguisticum. 1950, t. 1, p. 54.
bigre [bigʀ] n. m. et interj.
ÉTYM. 1743, bigre, bigresse, n.; altér. de bougre (→ Bougre), sans rapport avec l'homonyme médiéval bigre « garde forestier éleveur d'abeilles », du francique bikari, de bi « abeille ».
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♦ Fam. Euphémisme pour bougre. — (1830, in D. D. L.). || Bigre de (et subst.). ⇒ Bougre (de), espèce (de), sacré. || Ce bigre de moteur s'arrête sans qu'on sache pourquoi.
♦ Interj. (exprime l'étonnement, l'admiration…). || Bigre ! (peut être répété). || Bigre oui.
1 Bigre ! murmura Claude, un peu pâle lui aussi, en voilà un qui n'a pas tapé loin… Il était temps, on est mieux ici que dans la rue, hein ?
Zola, l'Œuvre, p. 7.
2 « Bigre de bigre ! » fait le professeur de langues.
Bernanos, Monsieur Ouine, in Œ. roman., Pl., p. 1470.
3 Inexpérimentée, elle maniait avec effroi un pinceau de teinture d'iode. Elle me fit assez mal, bigre…
Drieu La Rochelle, la Comédie de Charleroi, p. 120.
➪ tableau Principales interjections.
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DÉR. Bigrement.
Encyclopédie Universelle. 2012.