bougre, bougresse [ bugr, bugrɛs ] n.
• 1450; Bogre « Bulgare » 1172; bas lat. Bulgarus
1 ♦ Fam. Drôle, gaillard. « Trois bougres rigolent en sifflant du picolo » (Duhamel). La bougresse lui en a fait voir.
♢ Par ext. N. m. Individu. ⇒ type. « Son impuissance à sauver tous les pauvres bougres qu'on lui amenait » (Zola). Un bon bougre : un brave type. Il est bon bougre, indulgent, accommodant. « il s'était montré assez bon bougre pendant ces quelques jours » (Yourcenar).
2 ♦ Péj. Bougre d'idiot ! ⇒ espèce. — Interj. Vx Bougre ! ⇒ bigre.
bougre, esse
n.
d1./d Fam. Individu, gaillard. Un bon bougre: un brave homme. Ah! le bougre! La petite bougresse!
d4./d (Pour renforcer une injure.) Bougre d'âne.
|| Interj. Bougre!: diable!
⇒BOUGRE, ESSE, subst.
A.— Vx. Sodomite :
• 1. Il [Ravaillac] entendit en pleine chaire les prêtres et les moines traiter ce Roi [Henri IV] de bâtard et de bougre qui traînait derrière lui des bandes de larrons incestueux, de faussaires et d'athées...
J. et J. THARAUD, La Tragédie de Ravaillac, 1913, p. 18.
B.— P. ext., fam. Mauvais drôle ou (en bonne part) brave homme. Oh! un de ces bons garçons... qui sont au fond de mauvais bougres (E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1895, p. 769). Il a l'air d'un bandit et d'un pauvre bougre. Je lui donne vingt sous (RENARD, Journal, 1907, p. 1120).
SYNT. Sacré, vieux bougre; ne pas être un mauvais bougre.
Rem. Surtout péj. au fém., ce terme marque souvent au masc. la sympathie mêlée d'indulgence.
♦ Bougre de + adj. ou subst. :
• 2. Il [Hippolyte] criait, perdant sa dignité :
— Bougre d'ivrogne! vous le [le mort] mettez la tête en bas!
ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 216.
C.— Pop., fam. Juron exprimant, suivant le ton de voix, la surprise, la colère, etc. Synon. bigre! Bougre de bougre de bougre! (BOYLESVE, La Leçon d'amour dans un parc, 1902, p. 142) :
• 3. « Le marquis de Saint-Loup-en-Bray! Ah! bougre! » s'était-il écrié, usant du juron qui était chez lui la marque la plus forte de la déférence sociale.
PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 747.
PRONONC. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[], fém. [-]. 2. Forme graph. — Ac. Compl. 1842 écrit bougre ou boulgre. Cf. aussi QUILLET 1965 qui ajoute le fém. bougresse ou boulgresse. Lar. 19e (Nouv. Lar. ill., Lar. encyclop.), GUÉRIN 1892 et DG : ,,Ce mot, considéré comme malhonnête, s'écrit rarement en entier, et ne figure le plus souvent que par sa lettre initiale (...), quelquefois même on le lit sous cette forme en prononçant bé- ou be-.``
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. a) 1172 bogre « hérétique » (Cart. de S. Loup, f° 27 r°, Lalore dans GDF. Compl.), forme attestée jusqu'à Chron. St Denis, H. de Fr., XVII, p. 401, ibid.; début XIIIe s. bougre (R. DE HOUDENC, Songe d'enfer, ap. Bartsch, Lang. et litt. fr., 245, 20, ibid.) — 1534 (RABELAIS, Gargantua, éd. Marty-Laveaux, t. 1, chap. 20, p. 75), à nouv. répertorié dep. Ac. Compl. 1842 qui considère le mot comme ancien; b) ca 1260 bogresse « personne qui se livre à la débauche contre nature » (De Jostice et de plet, I, 3, § 7 dans GDF. Compl.), graphie isolée; ca 1450 bougre (Myst. viel testament, éd. du Baron James de Rothschild XVI, 9080, t. 1, p. 367 dans IGLF Litt.); puis 1606 (NICOT), rare, considéré comme ancien dep. Ac. Compl. 1842; p. ext. 2. 1579 fam. et péj. « individu » (P. DE LARIVEY, Laquais, III, 6 dans Anc. Théâtre fr., éd. Viollet-le-Duc, t. 5, p. 67 dans IGLF Litt.); début XVIIIe s. apposition précédant le mot qu'elle complète bougre de (J. DE DOMFRONT, p. 4 dans IGLF Techn.).
Du b. lat. bulgarus « bulgare » (VIe s. CASSIODORE, Var., 8, 10, 4 dans TLL s.v., 2240, 37; cf. 1201 Monachus Altisiod. [Auxerre] dans DU CANGE t. 1, p. 772b : Evraudus Miles, haeresis illius, quam Bulgarorum vocant, coram Legato arguitur), les Bulgares étant considérés comme hérétiques notamment en tant que population d'où au Xe s. sont issus les célèbres Bogomiles de tendance dualiste, adversaires de la hiérarchie ecclésiastique, niant plusieurs sacrements, dont le mariage, très répandus et souvent persécutés pendant tout le Moyen Âge dans les Balkans et dans l'Empire byzantin.
STAT. — Fréq. abs. littér. :611. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 74, b) 777; XXe s. : a) 2 184, b) 804.
BBG. — DUB. Pol. 1962, p. 104. — LAJAUNIE (M.-A.). Préjugés et lang. Vie Lang. 1968, p. 670. — ORR. (J.). Bougre as expletive. Rom. Philol. 1947/48, t. 1, pp. 71-74. — ORR. (J.). Qq. étymol. Archivum linguisticum. 1949, t. 1, p. 54. — POPINCEANU (I.). Elemente nichtlateinischen Ursprungs im französischen und rumänischen Wortschatz. In : [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 425. — SAIN. Lang. par. 1920, p. 365.
bougre, bougresse [bugʀ, bugʀɛs] n.
ÉTYM. 1450; v. 1260, « sodomite »; 1172, bogre « hérétique »; du bas lat. bulgarus « bulgare » (→ Bulgare), d'abord pour désigner des hérétiques de cette région (Bogomiles, etc.) auxquels on prêtait des mœurs « contre nature ».
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1 Vx. N. m. Homosexuel passif. ⇒ Sodomite. — N. Personne méprisable. || Une vieille bougresse.
1 Le bougre avait juré de m'amuser six mois,
Il s'est trompé de deux.
La Fontaine, Épîtres, Le Florentin.
♦ Employé comme insulte :
1.1 Alors le perfide ne se servant plus avec moi que des plus grossières épithètes, Bou… me dit-il, reconnais-tu ce buisson d'où je t'ai tirée comme une bête sauvage pour te rendre à la vie que tu avais mérité de perdre ?
Sade, Justine…, t. I, p. 95.
2 (1579; d'abord péj.). Mod. fam. Drôle, gaillard. || « Trois bougres rigolent en sifflant du piccolo » (→ Bistro, cit. 3, Duhamel). || Sacré bougre !
♦ Individu. ⇒ Type. || Un pauvre bougre. || Un mauvais bougre.
1.2 Pauvre cher bougre, j'ai bien envie de t'embrasser.
Flaubert, Lettre à L. Bouilhet, 15 janv. 1850, Corresp., Pl., t. I, p. 574.
1.3 Moi (Lamendin), je ne respecte que la science créatrice, celle qui crée la vérité, la science pour grands bougres.
J. Romains, Donogoo, p. 92.
♦ Un bon bougre : un brave type.
2 Chaque type, prends-le à part : c'est généralement un bon bougre, qui dit qu'il ne veut de mal à personne, et qui le croit.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 144.
♦ Adjectivé. || Bon bougre, mauvais bougre. || Il est bon bougre : il est brave. — (Seulement en tournure négative). || Il n'est pas mauvais bougre.
3 L'hôtelier n'était point mauvais bougre; il vendait sa bibine. Le reste le laissait froid.
Francis Carco, les Belles Manières, p. 62.
4 M. Tortose, bon bougre, donna deux ou trois petits billets à Pierrot (…)
R. Queneau, Pierrot mon ami, éd. L. de Poche, p. 27.
5 Je n'avais pas envers Volkman la méfiance qui eût peut-être été normale entre nous : contre toute attente, il s'était montré assez bon bougre pendant ces quelques jours passés côte à côte.
M. Yourcenar, le Coup de grâce, p. 207.
3 Fam., péj. (1608, in D. D. L.). || Bougre de. ⇒ Espèce (de), bigre (de). || Ce bougre d'imbécile a tout fait échouer. || Bougre d'andouille ! || Bougre de temps.
6 Ce n'est pas Bellone ? la Guerre,
Nom de Dieu ! ça ne rougit guère…
Qu'un champ,… un fleuve… ou le terrain;
Ce n'est pas Diane chasseresse,
Car cette bougre de Bougresse
Doit être un démon à tous crins !
Germain Nouveau, Valentines, « La Déesse », 1922, Pl., p. 590.
7 Ah ! la bougresse de lune ! Elle en dégage, une poésie !
J. Renard, Journal, 3 sept. 1906.
4 Vx. Interj. (Exprime la colère, l'étonnement, l'admiration). ⇒ Bigre, fichtre. || Bougre, que c'est cher ! || Bougre, mais c'est très réussi !
8 Bougre ! tu vas te faire écraser !
Zola, l'Œuvre, p. 298.
➪ tableau Principales interjections.
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DÉR. Bigre, boufre, bougrement, bougrerie. — V. Boujaron.
COMP. Rabougrir.
Encyclopédie Universelle. 2012.