BÉRYLLIUM
Le béryllium est l’élément chimique métallique de symbole Be et de numéro atomique 4. C’est un métal gris, léger (1,85 g/cm3), qui rappelle, par certaines de ses propriétés, le magnésium et surtout l’aluminium.
Bien que le béryl et ses variétés précieuses, l’émeraude et l’aigue-marine, soient connus depuis fort longtemps et que le béryllium ait été isolé dès 1828, la même année que le magnésium et un an seulement après l’aluminium, la métallurgie du béryllium n’est devenue industrielle qu’au début du XXe siècle. Cela est dû aux difficultés du traitement du béryl et surtout de l’extraction du métal, qui a un point de fusion élevé (1 290 0C) et qui est extrêmement réactif à chaud. Par ailleurs, l’étude des composés du béryllium est freinée par leur extrême toxicité.
C’est vers 1920 en Allemagne et aux États-Unis, vers 1930 en France que le bronze au béryllium devint industriel. C’est un alliage remarquable qui possède à la fois les propriétés des bronzes et les caractéristiques mécaniques d’un acier à ressorts. Il a fallu attendre 1950 pour que le béryllium pur devienne lui aussi un produit industriel. Les progrès réalisés dans la technique du vide rendent sa fabrication un peu moins difficile et, surtout, l’industrie nucléaire l’utilise comme modérateur de neutrons dans les piles atomiques. La métallurgie du béryllium reste cependant fort délicate; sa production est limitée à trois pays dans le monde: États-Unis, France et ex-U.R.S.S.; la Grande-Bretagne, l’Allemagne et le Japon ne fabriquent pas le béryllium, mais coulent et laminent le bronze au béryllium. L’ensemble de ces particularités rendent son prix particulièrement élevé. Les essais d’utilisation de pièces de structure en béryllium moulé, fritté ou forgé, dans la construction aéronautique et dans les missiles, laissent prévoir un accroissement important de la production de ce métal. En raison de cette utilisation stratégique, aucune statistique n’est publiée. D’après celle du béryl, on peut penser que la production mondiale de béryllium est supérieure à 1 000 tonnes par an, sous forme de métal ou d’alliages.
1. Historique
En 1798, Vauquelin décèle, dans le béryl et l’émeraude, un oxyde qu’il appelle «glucine», d’où le nom de «glucinium» donné initialement au métal. En 1828, Bussy et Wöhler isolent simultanément des particules du métal en réduisant le chlorure de béryllium par le potassium; Wöhler baptise le métal «béryllium». En 1898, Lebeau obtient des lamelles de béryllium par électrolyse, à 600 0C, du fluorure double Be2,NaF. En 1921, Stock et Goldschmidt électrolysent, vers 1 350 0C, un mélange des fluorures doubles Be2,NaF et Be2,Ba2, avec une cathode de contact en fer refroidie à l’eau, et une anode de graphite servant de creuset. Siemens et Halske perfectionnent ce procédé à partir de 1926. En 1934, la Compagnie Pechiney prépare l’alliage mère cuivre-béryllium, en réduisant le fluorure double Be2,NaF par un alliage de cuivre à 27 p. 100 de magnésium, vers 1 000 0C, dans un creuset en graphite. Ce procédé permet l’entrée dans le domaine industriel du «bronze au béryllium», seul usage du béryllium jusque vers 1950, date à laquelle il a pris une grande importance dans l’industrie nucléaire.
2. Minerais
Peu abondant et très dispersé dans la nature, le béryllium se trouve sous forme de composés plus ou moins complexes: silicates (béryl, phénacite), aluminate (chrysobéryl), oxyde (bromellite), phosphate (béryllonite). Le seul minerai utilisé industriellement est le béryl.
Béryl
Le béryl (du grec 廓兀福羽凞凞礼﨟) est un minéral peu fréquent, mais dont l’importance économique est grande, non seulement en tant que minerai de béryllium, mais également en raison de ses variétés utilisées comme gemmes.
Structure et composition chimique
Le béryl appartient au groupe des cyclosilicates: le motif élémentaire est un anneau de six tétraèdes Si4, dont chacun possède deux sommets libres, ce qui correspond à la formule (Si618)12-. Ces anneaux sont disposés dans des plans parallèles et leur empilement détermine l’existence de canaux creux parallèles à l’axe c du cristal. L’équilibre électrique et la cohésion de l’ensemble sont assurés par des ions Al3+ hexacoordonnés et Be2+ tétracoordonnés (fig. 1). La formule du béryl s’établit ainsi à Be3Al2Si618.
Les béryls contiennent souvent des alcalins, de l’eau et des gaz rares, constituants qui prennent place pour la plupart dans les canaux creux de la structure.
Propriétés physiques
Les béryls cristallisent dans le système hexagonal et forment le plus souvent des prismes simples. Leur dureté est de 7,5 à 8, leur densité de 2,7 à 2,9; leurs indices optiques principaux sont respectivement voisins de 1,57 et 1,58. La coloration est très variable: on attribue au fer les teintes bleu et vert pâle, à l’uranium le jaune, aux alcalins le rose, et au chrome, ainsi qu’au vanadium, le vert des émeraudes. Les béryls ordinaires sont opaques ou laiteux, les variétés précieuses sont parfaitement transparentes.
Conditions de gisement
Les béryls ordinaires et les aigues-marines se trouvent dans des pegmatites, associés à la topaze, au lépidolite et aux colombo-tantalates. Ils peuvent atteindre des dimensions considérables, 200 t pour un béryl et 110 kg pour une aigue-marine. Les émeraudes, par contre, ne se rencontrent que dans des roches métamorphiques, mais toujours au voisinage d’intrusions pegmatitiques. Ces conditions de gisement correspondent à un milieu générateur riche en eau et en minéralisateurs, et à des températures de 400 à 500 0C.
Les béryls gemmes
Toutes les variétés limpides sont utilisées en joaillerie. La goshenite incolore, la morganite rose, l’héliodore jaune sont assez appréciés, ainsi que certains béryls vert pâle.
L’aigue-marine , d’un bleu-vert assez clair, provient de nombreux gisements, mais surtout du Brésil et de Madagascar, qui fournit des pierres d’un bleu plus soutenu.
L’émeraude , également connue depuis l’Antiquité, atteint, suivant sa coloration et sa pureté, des prix très variables: les plus beaux échantillons ne le cèdent sur ce point qu’au diamant ou au rubis. On en connaît trois sources principales: la Colombie, d’où proviennent la plupart des pièces de grande taille, le Zimbabwe, où le vert est très profond, et l’Oural, où les émeraudes sont un peu plus claires. L’une des émeraudes les plus célèbres atteint 16 300 carats (musée de Topkapi, Istanbul).
D’autres gisements importants de béryl se trouvent en Ouganda, en Argentine, aux États-Unis et en Inde.
Synthèse des béryls et des émeraudes
Dès 1888, Hautefeuille a préparé des cristaux de béryl, vers 800 0C, en présence de fondants. L’addition de chrome (ou de vanadium) a permis d’obtenir, par des procédés analogues, mais souvent tenus secrets, des émeraudes de plusieurs centimètres. On a également réalisé la synthèse de l’émeraude par voie hydrothermale, vers 600 0C et 1 550 bar (Wyart). L’observation des inclusions fluides ou cristallisées permet souvent de reconnaître l’origine artificielle de ces gemmes, mais la distinction devient très difficile pour les produits de grande pureté. La fluorescence rouge aux ultraviolets semble assez caractéristique des émeraudes synthétiques.
Traitement chimique du béryl
Le béryl, qui contient 10 à 12 p. 100 d’oxyde de béryllium, est un minerai très peu réactif. Deux procédés d’attaque sont utilisés, pour arriver ensuite à la glucine, que l’on transforme en chlorure BeCl2 ou en fluorure Be2.
Dans l’attaque au fluosilicate de sodium , on fritte à 750 0C un mélange de béryl finement pulvérisé avec son poids de fluosilicate (Na2Si6). Un lessivage à l’eau chaude donne une solution de fluorure double (BeF2,NaF); le résidu insoluble contient l’alumine sous forme de cryolite et l’oxyde de fer inattaqué. On peut isoler simplement le fluorure double par évaporation de l’eau. On peut encore précipiter la glucine Be(OH)2 par addition de soude à la solution de fluorure double; la glucine est filtrée, lavée, essorée, puis calcinée vers 1 000 0C. Le fluorure de sodium du filtrat est précipité sous forme de cryolite ferrique Fe3,3NaF, en amenant le pH à 4 et en ajoutant du sulfate ferrique; cette cryolite est utilisée dans l’attaque du béryl, où elle remplace une partie du fluosilicate de sodium.
L’attaque au moyen de l’acide sulfurique comprend plusieurs étapes: le béryl n’étant pas directement soluble, on peut le rendre réactif par fusion, vers 1 650 0C, au four électrique; le minerai fondu est grenaillé dans l’eau, puis on le cuit à 900 0C pour précipiter la glucine restée en solution solide dans la silice; on peut encore fondre le béryl, vers 1 500 0C, avec la moitié de son poids de chaux vive et grenailler dans l’eau. L’une ou l’autre de ces frittes est traitée vers 250 0C, par de l’acide sulfurique concentré. On lessive ensuite à l’eau chaude, en ajoutant de la gélatine pour insolubiliser la silice. On ajoute à la solution ce qu’il faut d’ammoniaque pour produire l’alun ammoniacal, qui cristallise par refroidissement à 15 0C; on élimine ainsi 75 p. 100 de l’aluminium de la solution. Le fer peut être éliminé par oxydation à l’eau oxygénée et précipitation au moyen du carbonate de chaux, jusqu’à ce que le pH soit amené à 4. La solution est traitée à froid par un excès de soude, qui dissout glucine et alumine. L’hydrolyse du glucinate de sodium à ébullition précipite la glucine Be(OH)2, alors que l’aluminate de sodium reste en solution. On peut encore précipiter la glucine par la soude, directement après séparation de l’alun ammoniacal, en complexant le fer et l’aluminium restant. Divers procédés permettent de purifier cette glucine pour obtenir la glucine de haute pureté nécessaire dans certaines applications nucléaires.
À partir de la glucine, on prépare le chlorure de béryllium. La glucine calcinée ou hydratée est mise en briquettes avec du charbon de bois et du brai comme agglomérant; on cuit les briquettes à 1 000 0C, pour les rendre poreuses, puis on les chauffe à 800 0C dans un courant de chlore:
Le chlorure de béryllium est condensé hors du four. Sa purification est facile par sublimation à 500 0C dans un courant d’hydrogène: FeCl2 reste dans le four; BeCl2 est recueilli dans un condenseur à 350 0C; AlCl3 reste dans un second condenseur froid et SiCl4 s’échappe.
Pour préparer le fluorure de béryllium, la glucine hydratée est dissoute dans une solution de fluorure acide d’ammonium. On précipite l’aluminium par le carbonate de chaux, puis le manganèse et le chrome par l’oxyde de plomb Pb2; après filtration, on précipite tous les métaux lourds par le sulfure d’ammonium et l’on filtre. La solution pure est évaporée, pour faire cristalliser le fluorure double Be2,2 NH4F qui est chauffé à 1 000 0C: le fluorure de béryllium reste en fusion pâteuse; le fluorure d’ammonium distille et est recyclé après addition à une solution d’acide fluorhydrique.
3. Métallurgie
La préparation du béryllium métallique a toujours été un problème difficile en raison du point de fusion élevé du métal, de sa grande réactivité à l’état fondu et de la toxicité des composés du béryllium. Deux procédés seulement se sont maintenus industriellement, auxquels s’ajoute un procédé pour la préparation directe de l’alliage mère cuivre-béryllium.
Électrolyse ignée du chlorure de béryllium
La cuve cathode est un creuset de nickel, chauffé à la flamme; l’anode centrale est une tige de graphite; l’électrolyte est un mélange à poids égaux de chlorure de sodium et chlorure de potassium, contenant 15 p. 100 de chlorure de béryllium. L’électrolyse se fait vers 780 0C, sous une tension de 6 V; le béryllium se dépose en paillettes sur les parois du creuset. Au fur et à mesure de l’épuisement en chlorure de béryllium de l’électrolyte, il faut faire monter la tension et la température, pour finir à 900 0C et 8 V, au bout d’une vingtaine d’heures. L’électrolyte est alors versé dans une seconde cuve et rechargé en chlorure de béryllium, pour reprendre l’électrolyse. Les paillettes de béryllium sont détachées des parois du premier creuset, lavées à l’eau froide, puis désoxydées dans une solution d’eau chaude titrant 8 p. 100 d’acide nitrique. On fait ensuite une flottation dans un mélange de bromoforme et de tétrachlorure de carbone, de densité 1,95; on lave à l’alcool et l’on sèche. Les paillettes titrent en moyenne 99,5 p. 100.
Réduction par le magnésium
On chauffe à 1 300 0C pendant 3 à 4 heures, dans un four dont le creuset est en graphite, des morceaux de magnésium et du fluorure de béryllium. Le béryllium fourni par la réaction se rassemble, par fusion, en petites billes. On transvase la charge dans un autre creuset de graphite; après solidification, on broie sous l’eau, pour séparer le béryllium du résidu de fluorure de magnésium et récupérer en solution ce qui reste de fluorure de béryllium, qui repasse en fabrication. Les billes de béryllium passent au séparateur magnétique, où sont enlevées les billes d’acier qui ont servi au broyage; après une flottation, on les lave et on les sèche. Ces billes de béryllium contiennent 1,5 p. 100 de magnésium; il est nécessaire de les refondre dans le vide pour obtenir un métal de 99 p. 100.
Purification du béryllium
Pour certaines applications nucléaires, il est nécessaire de disposer de béryllium à 99,99 p. 100. On peut en obtenir de petites quantités par distillation dans le vide, par le procédé Van Arkel de décomposition de l’iodure ou par fusion de zone. Le seul procédé industriel est le raffinage électrolytique par voie ignée, en bain de chlorure, avec anode soluble en béryllium ordinaire.
Production de l’alliage mère cuivre-béryllium
Environ 80 p. 100 du béryllium produit dans le monde est utilisé sous forme de l’alliage avec le cuivre dit «bronze au béryllium» (cf. chap. 6); on ne le prépare pas avec du béryllium pur, trop coûteux mais à partir d’un alliage mère obtenu par réduction de la glucine. Au four électrique à arc, on chauffe vers 2 000 0C un mélange de glucine, de charbon et de cuivre; le carbure Be2C, formé dès 1 600 0C, est dissocié et les vapeurs de béryllium sont absorbées par le cuivre fondu jusqu’à une teneur d’équilibre de 4,2 à 4,5 p. 100 de béryllium.
4. Propriétés
Le béryllium est le seul élément de numéro atomique pair qui ne soit pas un mélange isotopique. À côté de l’isotope naturel (A = 9) existent trois isotopes artificiels de nombre de masse 7, 8 et 10.
Propriétés physiques
Les propriétés physiques sont données dans le tableau 1.
Propriétés mécaniques
Le béryllium est un métal fragile et peu ductile. Son module d’élasticité à la traction (30 000 kg/mm2) est encore plus élevé que celui du tungstène. Ses propriétés mécaniques dépendent essentiellement de sa pureté et de la façon dont il a été corroyé. Les propriétés mécaniques optimales suivantes ont été mesurées sur du béryllium à 99,5 p. 100 fritté, filé à 1 000 0C et trempé à l’eau à la sortie de la presse: charge de rupture, 72 kg/mm2; limite élastique (à 0,2 p. 100 d’allongement), 31 kg/mm2; allongement, 16 p. 100; dureté Brinell, 130. À noter que le métal filé est assez fortement anisotrope.
Propriétés chimiques
Dans le tableau de la classification périodique, le béryllium se situe au sommet de la seconde colonne. Assez curieusement, il n’a que peu de ressemblances avec le magnésium et les métaux alcalino-terreux, à l’exception de sa bivalence exclusive; les éléments avec lesquels il a des points communs sont l’aluminium et le zinc. Dans l’ordre des numéros atomiques, il succède au lithium, nettement métallique, et précède le bore, qui est déjà un élément non métallique. Cette situation confère au béryllium des propriétés qui empêchent de le rattacher franchement à l’un ou l’autre groupe et qui en font un élément un peu en marge de toute classification, bien que le caractère métallique soit dominant.
Le béryllium est protégé de la corrosion atmosphérique par une mince couche d’oxyde; au-dessus de 900 0C, son oxydation devient sensible. À cette température, il est aussi attaqué par l’azote. Le béryllium n’est pas attaqué par l’eau, même bouillante. Il est dissous par les bases fortes et par les acides chlorhydrique et fluorhydrique, lentement attaqué par l’acide sulfurique, pas du tout par l’acide nitrique.
Le sulfate est déshydratable et le sulfate anhydre, stable jusqu’à 580 0C, a la structure d’un sulfato-complexe, où chaque atome de béryllium, comme chaque atome de soufre, est entouré de quatre atomes d’oxygène. Des ions complexes très stables à coordinence quatre comme [Be4]2- sont également connus. La formation de molécules illimitées dans les trois dimensions permet d’atteindre cette coordination dans le cas de l’oxyde.
La nature des solutions contenant un sel de béryllium dissous est toujours complexe. Le pouvoir polarisant fixe sur l’atome un grand nombre de molécules d’eau et, malgré sa petite taille, l’ion Be2+ est le plus hydraté de tous les ions métalliques à l’état dissous. Ces solutions, fortement hydrolysées et à réaction très acide, dissolvent facilement l’hydroxyde ou le carbonate de béryllium jusqu’à un rapport base/acide égal à deux ou même trois. La nature des ions complexes qui se forment dans ce cas est encore discutée, mais ce phénomène a pour conséquence pratique que la préparation des sels de béryllium par évaporation d’une solution aqueuse est toujours délicate, souvent impossible, et conduit plus aisément à des masses vitreuses ou sirupeuses qu’à des sels cristallisés.
5. Mise en œuvre
Fonderie
La fonderie est délicate parce que le béryllium fondu est très réactif vis-à-vis de l’oxygène et de l’azote et qu’il attaque tous les réfractaires. On le fond dans des creusets de glucine agglomérée placés dans un four à induction. La fonte a lieu sous vide ou sous une faible pression d’argon pour dégazer et purifier le métal. On coule en lingotières de graphite, placées dans l’enceinte à vide.
La fusion dans un four à arc avec électrode consommable donne, dans les mêmes conditions, un métal contenant moins d’oxygène et à grain plus fin, plus facile à laminer. On emploie une électrode consommable verticale en béryllium fondu, ou fritté, au-dessus d’un hémisphère de figeage en cuivre refroidi par circulation d’eau.
Métallurgie des poudres
Le béryllium est préalablement fondu sous vide (purification); la billette est transformée en copeaux, que l’on broie. La compression de la poudre se fait à froid (100 kg/mm2), ou mieux à 500 0C; pour les grosses pièces, on comprime à 1 000 0C sous vide ou en atmosphère d’argon, en employant un outillage de graphite gainé d’acier. Le frittage se fait sous vide, pendant quelques heures à 1 200 0C. On obtient un métal à grain fin, non orienté, relativement facile à forger ou à laminer.
Dans le filage à chaud, la billette coulée ou frittée est enfermée dans une gaine soudée d’acier doux, pour éviter l’oxydation, puis filée à 1 200 0C sous une pression de 80 kg/mm2. Le forgeage se fait à 800 0C, sur billettes gainées de fer. On lamine à chaud (de 800 à 1 100 0C) des ébauches filées, gainées de fer. En dessous de 0,2 mm, on lamine à 300 0C, ou à froid avec recuits intermédiaires à 800 0C sous vide. Le soudage à l’arc en atmosphère d’argon se fait en courant continu avec une cathode en tungstène.
6. Applications
Le béryllium possède des particularités qui lui ont fait jouer un rôle important dans la physique moderne. Il est de tous les métaux celui qui absorbe le moins les rayons X (17 fois moins que l’aluminium). L’alliage à 62 p. 100 de béryllium et 38 p. 100 d’aluminium, à module d’élasticité élevé, s’emploie dans les missiles. L’alliage mère d’aluminium et de 10 p. 100 de béryllium est utilisé en fonderie du magnésium et des alliages aluminium-magnésium: 0,02 p. 100 de béryllium suffisent à inhiber l’oxydation de l’AlMg6 fondu. Le premier usage du béryllium pur a été sous la forme de pastilles de 0,5 mm d’épaisseur comme fenêtre interne de rayonnement et fenêtre de sortie des tubes à rayons X. C’est également le métal qui a la plus faible section de capture des neutrons thermiques (0,009.10-24 cm2); cela joint à sa faible densité et à sa faible masse atomique, en fait un excellent modérateur de neutrons, concurrent de l’eau lourde et du graphite. Il peut aussi servir au gainage de l’uranium en raison de sa bonne résistance mécanique à chaud, jointe à un faible coefficient d’absorption (11.10-4 cm-1 contre 28 pour le magnésium et 130 pour l’aluminium).
Le bronze au béryllium, industriel depuis 1935 environ, constitue l’utilisation majeure du béryllium. Dans cet alliage, l’élément principal est le cuivre, auquel sont adjoints 2 p. 100 de béryllium et 0,4 p. 100 de nickel ou de cobalt. Cette dernière addition sert à affiner le grain. C’est le type même des alliages à durcissement structural: une trempe à 750 0C stabilise la solution solide 見 molle; un revenu ultérieur vers 300 0C fait précipiter en aiguilles la phase durcissante 塚, provoquant un accroissement spectaculaire de la résistance mécanique.
Le choix de la température de revenu permet de régler exactement les caractéristiques mécaniques à des valeurs prédéterminées (fig. 2).
Le bronze au béryllium présente un ensemble exceptionnel de propriétés: grande dureté, élasticité, facilité de mise en forme à l’état mou avant revenu, conductibilité électrique double de celle du bronze phosphoreux, bonne résistance à la corrosion, résistance particulière à la fatigue, l’état dur étant l’état stable à froid.
Le bronze coulé sert à faire des coussinets, des moules pour matières plastiques, des outils ne faisant pas d’étincelles pour les poudreries. Le bronze laminé s’emploie pour tous les ressorts d’appareillage électrique, des pièces de frottement, les balanciers de montres amagnétiques.
Les propriétés optimales sont données dans le tableau 2.
7. Composés
Oxyde et hydroxyde
L’oxyde se prépare par calcination de l’hydroxyde, du carbonate basique, de l’oxalate ou de l’acétate basique, ces deux derniers étant préférables lorsqu’un produit de très haute pureté est nécessaire. Après un chauffage à 960 0C, l’oxyde se présente sous forme de grains à peu près sphériques, d’un diamètre voisin de 0,1 猪m. Ces poudres très fines donnent, après frittage, des réfractaires de haute densité. Cet oxyde fond à 2 550 梁 20 0C et la température d’ébullition déterminée par extrapolation serait de 4 000 梁 100 0C. La glucine frittée possède une bonne stabilité dimensionnelle à haute température et c’est le seul réfractaire non conducteur de l’électricité, ce qui permet de l’utiliser comme gaine de protection pour les thermocouples dans les fours à induction.
L’oxyde de béryllium cristallise dans une structure type wurtzite, alors que les autres oxydes alcalino-terreux possèdent un réseau du type du chlorure de sodium. La petite taille de l’ion Be2+ ne peut en effet s’accommoder d’une coordinence avec six atomes d’oxygène, comme le magnésium ou le calcium. Les forces d’attraction électrostatique entre les ions varient avec le carré de la distance entre les particules; l’ion Be2+ étant très petit, la cohésion est grande et l’oxyde de béryllium est un composé extrêmement dur, comparable sur ce point au carbure de titane (9,0 dans l’échelle de Mohs); les liaisons métal-oxygène ne sont pas exclusivement ioniques, car l’ion 2- est très polarisable tandis que l’ion Be2+ très polarisant.
L’hydroxyde, ou glucine hydratée, possède une variété amorphe gélatineuse contenant une quantité d’eau mal définie et deux variétés cristallines répondant bien à la formule Be(OH)2. La précipitation à froid par l’ammoniaque donne une sorte de gel, qui cristallise à chaud ou par vieillissement; les variétés cristallines peuvent aussi précipiter des solutions de béryllates à l’ébullition. Les hydroxydes cristallisés sont très peu solubles. La glucine hydratée n’est pas comparable à la magnésie, dont la structure est feuilletée, mais plutôt à l’hydroxyde de zinc, avec quatre ions hydroxyles disposés en tétraède autour de chaque atome métallique. L’hydroxyde se dissout facilement dans les acides. Dans les solutions de soude, jusqu’à une concentration de 35 p. 100 en base, la glucine est la phase solide stable; en milieu plus concentré, il se forme le béryllate soluble Na2Be2,H2O et, par réaction à 500 0C, entre les oxydes de béryllium et de sodium, on obtient Na4Be3. L’hydroxyde de béryllium se déshydrate entre 250 et 400 0C, selon son mode de préparation, mais les dernières traces d’eau ne s’éliminent, par chauffage, qu’à une température bien supérieure, vers 900 ou 1 000 0C.
Halogénures
Les halogénures de béryllium doivent être divisés en deux groupes très différents. Le fluorure donne avec les ions béryllium des complexes fluorés très stables et très peu de complexes avec des coordinats neutres. Le chlorure et le bromure, très semblables entre eux, et l’iodure, moins bien connu, donnent des complexes stables avec des coordinats neutres, mais pas d’halogénobéryllates.
Cette différence de comportement doit être rapprochée de la nature des liaisons béryllium-halogène, essentiellement ioniques (80 p. 100) dans le cas du fluorure, plutôt covalentes pour le chlorure (42 p. 100) et surtout pour le bromure (35 p. 100). Le seul point commun entre ces quatre halogénures est la difficulté rencontrée dans la préparation par voie humide des sels hydratés; tous quatre de formule BeX2,4 H2O, ces composés ne donnent jamais le sel anhydre par chauffage car les pertes d’eau et d’acide sont simultanées.
Le fluorure anhydre peut être préparé par action de l’acide fluorhydrique sur la glucine anhydre vers 220 0C par la méthode de Lebeau, qui consiste à décomposer thermiquement le fluobéryllate d’ammonium; cette dégradation thermique se fait en plusieurs étapes à 240 0C:
Le fluorure et les fluobéryllates sont à comparer avec la silice et les silicates. Le fluorure de béryllium possède de nombreuses variétés allotropiques, semblables aux différents quartz et aux cristobalites, qui sont des variétés de silice. Dans la plupart des cas, ce fluorure cristallise difficilement et donne des verres identiques à la silice vitreuse. À l’état fondu, il possède une viscosité élevée et une conductivité électrique faible, comme la silice. La différence la plus importante entre ces deux composés est que le fluorure de béryllium est très soluble dans l’eau. De nombreux fluobéryllates ont été isolés par voie aqueuse, par exemple Na2Be4 et NaBe3, qui ont leurs homologues avec le potassium et l’ammonium. Les fluobéryllates et les sulfates ont des caractéristiques communes; ils donnent des aluns et possèdent des hydrates isomorphes.
Le chlorure et le bromure anhydres sont préparés par action de l’halogène sur le métal, le carbure ou un mélange d’oxyde et de charbon. Ces halogénures se dissolvent facilement dans l’eau et de nombreux solvants organiques, en particulier l’éther, la pyridine, l’acétone. Avec tous ces composés et avec la thio-urée, les nitriles, les amines, etc., ils donnent des complexes très stables, de formule BeX2A2, où A représente le coordinat organique.
Le chlorure de béryllium peut remplacer le chlorure d’aluminium comme catalyseur des réactions de Friedel et Crafts, il sert aussi de catalyseur de polymérisation pour les époxydes.
Autres composés
Le carbonate basique sert d’intermédiaire dans la préparation des autres sels. Les solutions de glucine, dans le carbonate d’ammonium, portées à l’ébullition après dilution, laissent déposer un produit de composition variable, amorphe aux rayons X et contenant de 2 à 5 molécules d’hydroxyde pour une de carbonate. La décomposition est complète dès 300 0C. Le carbonate neutre, difficile à préparer, est très instable.
Le nitrate cristallise habituellement avec quatre molécules d’eau. Dans le dioxyde d’azote liquide, on obtient le composé Be(NO3)2,2 24, qui, à 50 0C, se transforme en nitrate anhydre et, à 120 0C, se sublime en nitrate basique Be4O(NO3)6, dont la formule est semblable à celle de l’acétate basique. Cet acétate est un des composés les plus connus du béryllium. Il fut préparé pour la première fois, en 1901, par Urbain; on l’obtient par action de l’acide acétique, de son chlorure ou de son anhydride, sur l’hydroxyde, l’oxyde, le carbonate basique ou le chlorure anhydre de béryllium. Cet acétate basique, de formule Be4O(CH3COO)6 est purement covalent, il se dissout dans les solvants organiques sans dissociation électrolytique; il est insoluble dans l’eau froide et l’on peut le distiller sans décomposition.
Les formiate, propionate, butyrate, etc., semblables ont été préparés.
8. Toxicité du béryllium et de ses composés
Le béryllium et ses composés, tout particulièrement l’oxyde BeO, sont considérés comme faisant partie des produits chimiques les plus dangereux que l’on connaisse. Toute manipulation de ces produits comporte un risque d’accident très grave. Les poussières, fumées, aérosols pouvant contenir du béryllium pénètrent dans les poumons et déclenchent des fibroses pulmonaires du même type que la silicose. Les premiers de ces accidents datent de 1930, et la maladie n’a été bien étudiée que depuis 1950 environ. Pour éviter toute inhalation de poussières, on stocke les produits en petites quantités dans des récipients incassables, le verre étant proscrit. Les opérations de manipulation doivent être toujours effectuées en boîte à gants, le port d’un masque étant recommandé. Les vêtements de travail doivent être lavés sur place et toute personne qui pénètre dans un laboratoire où l’on manipule du béryllium doit se doucher avant d’en sortir. La concentration maximale supportable pour une journée de travail de huit heures est inférieure à 2.10-6 g par mètre cube d’air. Les composés les plus dangereux, outre l’oxyde, semblent être le sulfate, le chlorure, le fluorure et l’hydroxyde. Le béryl est totalement inoffensif, car il n’est pas solubilisé par les acides des tissus vivants.
béryllium [ beriljɔm ] n. m.
• 1838; de béryl
♦ Chim. Élément alcalinoterreux (Be; no at. 4; m. at. 9,01), métal dur et léger utilisé sous forme d'alliages. ⇒vx glucinium. Bronze au béryllium.
● béryllium nom masculin (de béryl) Métal léger, gris, que l'on trouve en particulier dans le béryl. (Élément chimique de symbole Be.) Numéro atomique : 4 Masse atomique : 9,012 Température de fusion : 1 280 °C
béryllium
n. m. CHIM élément (symbole Be) de numéro atomique Z = 4.
— Métal (Be) utilisé dans des alliages et dans l'industrie nucléaire.
⇒BÉRYLLIUM, subst. masc.
Métal blanc, dur, très léger, toxique, employé comme élément d'alliage ainsi que comme modérateur dans les piles atomiques et fenêtre de rayons X. Synon. glucinium.
1re attest. 1838 (Ac. Compl. 1842); dér. de béryl, suff. -ium. — []. — Fréq. abs. littér. : 5.
béryllium [beʀiljɔm] n. m.
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♦ Chim. Métal gris d'acier, dur et léger, très réfractaire (symb. Be; no at. 4; p. at. 9,013; densité 1,84; température de fusion 2 970 °C), utilisé sous forme d'alliage dans l'aéronautique et les réacteurs nucléaires. || Maladie causée par l'absorption de poussières de béryllium. ⇒ Bérylliose.
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DÉR. Bérylliose.
Encyclopédie Universelle. 2012.