dissoudre [ disudr ] v. tr. <conjug. : 51>
• 1190 fig.; lat. dissolvere; d'apr. absoudre
1 ♦ Vx Décomposer (un agrégat, un organisme) par la séparation des parties. ⇒ détruire, dissocier; dissolution. « il était persuadé qu'une comète viendrait dissoudre notre globe le 20 ou 21 de mai » (Voltaire). — Pronom. « Dans une société qui se dissout et se recompose » (Chateaubriand).
♢ Dr. Mettre légalement fin à (une association). Dissoudre un mariage. ⇒ annuler, rompre. Dissoudre un parti. Que rien ne peut dissoudre. ⇒ indissoluble. Dissoudre l'Assemblée nationale (⇒ dissolution) . — P. p. adj. Assemblée dissoute.
2 ♦ (v. 1660) Désagréger (un corps solide ou gazeux) au moyen d'un liquide (⇒ dissolvant) dans lequel se disséminent les molécules. Substance que l'on peut dissoudre. ⇒ soluble. L'eau dissout lentement les roches, les calcaires. Faire dissoudre du savon dans l'eau. — P. p. adj. Sucre dissous dans l'eau. — Pronom. Savon qui se dissout dans l'eau. ⇒ fondre.
⊗ CONTR. Constituer, cristalliser, précipiter.
● dissoudre verbe transitif (latin dissolvere, séparer) Opérer la dissolution d'un corps. Mettre fin légalement à une réunion, à une association, à l'existence d'un parti, annuler un mariage. Procéder à la dissolution d'une assemblée. ● dissoudre (difficultés) verbe transitif (latin dissolvere, séparer) Conjugaison Comme absoudre : je dissous, il dissout ; il a dissous. Le passé simple, bien que rare, existe : il dissolut. ● dissoudre (synonymes) verbe transitif (latin dissolvere, séparer) Opérer la dissolution d'un corps.
Synonymes :
- délayer
- liquéfier
Mettre fin légalement à une réunion, à une association, à...
Synonymes :
- annuler
- casser
- résilier
- rompre
Procéder à la dissolution d'une assemblée.
Contraires :
dissoudre
v. tr.
d1./d Opérer la dissolution d'un corps. L'eau pure dissout le gypse.
— Fig. Faire disparaître.
|| v. Pron. Le sel se dissout dans l'eau.
d2./d DR Annuler.
— Dissoudre une assemblée élue, mettre fin à son mandat.
|| v. Pron. Le mariage se dissout notamment par le décès d'un des conjoints.
⇒DISSOUDRE, verbe trans.
I.— [L'obj. désigne un inanimé concr., parfois une pers.]
A.— Vieilli. [L'idée dominante est celle d'une décomposition, d'une dissociation; l'obj. désigne un corps solide, un organisme] Décomposer en désagrégeant les éléments constituants. Il appartient à l'homme de souffrir la mort qui dissout son corps (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 79) :
• 1. Les vibrions? (...) ce sont des végétaux, nés de la corruption partielle des corps, et chargés d'aller corrompre, dissoudre, détruire les parties encore saines du corps qui les a engendrés.
A. DAUDET, Pages inédites de crit. dramatique, 1897, p. 56.
— Emploi pronom. à sens passif. Quand un animal meurt, toutes ses parties constitutives se dissolvent (E. PERRIER, Philos. zool. av. Darwin, 1884, p. 4) :
• 2. ... si nous avions interdit à Hitler l'accès de la zone démilitarisée, quelque vingt millions de créatures humaines, au lieu d'achever de se dissoudre dans tous les charniers du monde, verraient, ce soir, naître le printemps sur les toits des villes anciennes de l'Europe qui ne sont plus, elles aussi, que poussière et que cendre.
MAURIAC, Le Bâillon dénoué, 1945, p. 493.
— Rare, emploi subjectif. Mourir. La société humaine répète avec une crédulité stupide la moqueuse parole de cet empereur qui se voyait dissoudre :« Je sens que je deviens Dieu! » (VEUILLOT, Odeurs de Paris, 1866, p. 318).
— Emplois partic.
1. GÉOL. [L'obj. désigne une roche] Désagréger, corroder. Les eaux, qui traversaient sans pouvoir l'attaquer la masse schisteuse, ont dissous et corrodé de proche en proche le calcaire (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p. 396).
2. MÉD. [L'obj. désigne une obstruction, une concrétion] Éliminer par désagrégation. Dissoudre un engorgement, une concrétion (Ac. 1835, 1878).
♦ Emploi pronom. à sens passif. Se résorber. Un jeune étranger (...) affligé au poignet droit d'une loupe grosse comme un œuf de poule, la vit se dissoudre (ZOLA, Lourdes, 1894, p. 82).
B.— CHIM. usuel. [L'idée dominante est celle d'une solution, d'une absorption; l'obj. désigne un corps solide ou gazeux] Faire passer à l'état de solution, au contact d'un corps liquide ou d'une source de chaleur. Dissoudre dans l'eau; dissoudre du savon. Synon. fondre.
1. [Le sujet désigne une pers.] On dissout ces drogues avant de les faire entrer dans la composition de tel remède (Ac. 1835-1932). S'il [le savon] contient un excès d'huile, celle-ci se présente en plus ou moins grande quantité quand on dissout le savon dans l'eau distillée (KAPELER, CAVENTOU, Manuel pharm. et drog., t. 2, 1821, p. 650). Si on dissout du sucre dans l'eau, la température s'abaisse et le refroidissement diminue la solubilité du sucre (CARREL, L'Homme, 1935, p. 267). Une feuille mince d'aluminium irradié est dissoute dans HCl (JOLIOT, CURIE, Radioact. artif., 1935, p. 14).
2. [Le suj. désigne un élément solvant] L'eau dissout le sel. L'eau dissout la plupart des corps solides (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 135). Le suc pancréatique qui (...) dissolvait quelques traces graisseuses restées sur l'épithélium (C. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 236).
3. Emploi pronom. à sens passif. Passer à l'état liquide. La neige fondait. On l'entendait presque se dissoudre, se perdre en ruisselets d'eau salie dans le silence de la rue déserte (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 255). L'eau pénètre par osmose dans les hématies; (...) leur hémoglobine diffuse et se dissout dans l'eau (CAMEFORT, GAMA, Sc. nat., 1960, p. 149).
— P. plaisant. Il paraît que l'on fond comme du beurre en Afrique au mois d'août et, quoique je ne sois pas trop gros, j'ai peur de me dissoudre aux rayons du soleil (MÉRIMÉE, Lettres Ctesse de Montijo, 1870, p. 251).
Rem. En périphrase factitive, on remarque la suppression du pronom. Quelques ouvriers de Vienne font dissoudre le copal en l'exposant à l'action de la vapeur de l'alcool (NOSBAN, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 191). J'allai remplir un verre d'eau et j'y fis dissoudre un cachet (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 419).
II.— P. métaph. et/ou au fig.
A.— [Correspond à I A]
1. [L'obj. désigne un ensemble constitué de biens matériels, de valeurs morales ou de pers., ou le lien organique qui les unit]
a) Détruire en désintégrant, en éparpillant; faire perdre sa cohésion à un ensemble, tout ou partie. Synon. diluer. L'esprit philosophique, qui dissout, dit-on, et met en poussière les croyances politiques et les croyances religieuses (COUSIN, Hist. philos. mod., t. 1, 1847, p. 45). Que peut-il rester de Jérôme quand il n'est pas là? L'absence ne le défigure même pas, elle le disperse. Il est dissous, Jérôme, quand il n'est pas là (GIRAUDOUX, Cantique des Cantiques, 1938, 4, p. 46) :
• 3. ... la poursuite de la pure énergie lumineuse, à laquelle se livre l'impressionnisme, va dissoudre la matière elle-même. Désintégrée, éparpillée en des myriades d'éclats colorés, elle est abandonnée en holocauste à la lumière vibrante.
HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 158.
— Emploi pronom. à sens passif. Temps éminemment propices à la méditation de la mort et aux floraisons contraires des émotions, que ceux (...) où se dissout la cohésion organique de l'humanité (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 160).
♦ Se dissoudre en. Se transformer en. Le christianisme s'est dissous en plusieurs centaines de sectes (COMTE, Philos. posit., t. 4, 1839-42, p. 96).
b) [L'obj. désigne un ensemble de pers., un corps constitué] Anéantir, supprimer en dispersant. Louis-Philippe a dissous le régiment d'artillerie de la Garde nationale (STENDHAL, Souv. égotisme, 1832, p. 49). Pour cause de compression du personnel, notre camp fut dissous (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 122).
c) [L'obj. désigne un lien moral, une alliance] Rompre, briser. Dissoudre une coalition. Le partage égal achève de dissoudre tous les liens qui unissent les membres d'une famille (DELACROIX, Journal, 1854, p. 207). Je vaincs le cœur le plus dur, je dissous les liens les plus solides (CLAUDEL, Ville, 1901, II, p. 454) :
• 4. ... pour compléter la France du Nord, il fallait venir à bout des Hollandais. Pour venir à bout des Hollandais, il fallait d'abord dissoudre leurs alliances.
BAINVILLE, Hist. de France, t. 1, 1924, p. 242.
2. DR. Séparer les éléments constituant un groupe institutionnel ou une relation juridique entre personnes, et par là mettre fin à l'existence de ce groupe ou à cette relation.
a) DR. CIVIL et CANONIQUE. Dissoudre un mariage. Déclarer, faire que le lien conjugal n'existe plus. D'après la doctrine catholique, il n'y a que la mort qui puisse dissoudre le mariage (Ac. 1932). En ce temps, pour dissoudre un mariage, il fallait aller à Rome; avoir à sa dévotion quelques cardinaux, et paraître devant le souverain pontife, armé de la faveur du roi (BALZAC, Me Cornélius, 1831, p. 239).
— Emploi passif et emploi pronom. à sens passif. Le mariage est dissous par la mort de la femme (Code civil, 1804, art. 1570, p. 290) :
• 5. Le mariage est un contrat et il se dissout par le consentement des parties. Tu comprends? Par le consentement des parties. Un contrat, ça se dissout par le consentement des parties. Je suis sûr d'avoir lu ça quelque part.
CLAUDEL, L'Échange, 1954, II, p. 760.
b) DR. COMM.
— Faire cesser l'activité et l'existence d'une société.
♦ Emploi passif et emploi pronom. à sens passif. Une société de commerce qui se dissout par la retraite de l'un de ses associés (Ac. 1835-1932). Il apprit que l'association « Andrew Ewart, Liçaliçali et C° » était dissoute par suite du décès de M. Andrew (FRANCE, Jocaste, 1879, p. 49).
— Mettre fin à un contrat. Synon. annuler. Dissoudre des contrats vicieux (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 131).
♦ Emploi pronom. à sens passif. Cf. ex. 5.
c) DR. CONSTIT. Mettre fin, avant son terme légal, au mandat d'une assemblée délibérante. Dissoudre l'assemblée. Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat (Doc. hist. contemp., 1875, p. 38).
— Emploi pronom. à sens passif. Pendant les premiers dix-huit mois d'une législature, l'Assemblée ne peut être dissoute (LIDDERDALE, Parlement fr., 1954, p. 67).
d) DR. PUBL. Mettre fin à l'existence d'un parti, d'une association. Nos congrégations ont été dissoutes, chassées et poursuivies (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. XXXII). L'Association des Frères musulmans a été dissoute pour activités nuisibles à l'ordre public (Figaro, 19-20 janv. 1952, p. 3, col. 7).
B.— [Correspond à I B]
1. Vieilli. [L'obj. désigne une pers.]
a) [Le suj. désigne une source de chaleur] Faire perdre ses forces physiques ou morales. Le chez-soi est intolérable; il y a quinze enfants dans la maison et la chaleur m'y dissout (BALZAC, Lettres Étr., t. 3, 1850, p. 361).
— Emploi pronom. à sens passif. Une chambre à poêle [un Bureau] est un matras où se dissolvent les hommes d'énergie, où s'amincissent leurs ressorts, où s'use leur volonté (BALZAC, Melmoth, 1835, p. 323).
b) Péj. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Ôter la rigueur morale, l'honnêteté à. Synon. corrompre, gâter.
— Emploi pronom. à sens passif. Perdre son identité, son intégrité morale. Si le caissier a de l'imagination, si le caissier a des passions, ou si le caissier le plus parfait aime sa femme, et que cette femme s'ennuie, ait de l'ambition ou simplement de la vanité, le caissier se dissout (BALZAC, Melmoth, 1835 p. 320). Blaise se dissout pour ainsi dire dans cette atmosphère d'érotisme militaire, de sentimentalisme de garnison (ARNOUX, Solde, 1958, p. 204).
2. Usuel [L'obj. désigne un inanimé concr. ou une pers.] Faire disparaître en absorbant (dans un ensemble). Une petite pluie fine qui dissolvait la lumière des phares, se mit à tomber (CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 1659). On ne voyait pas les montagnes qu'enveloppait et dissolvait la brume au sein d'un bain gris (ARNOUX, Solde, 1958 p. 25) :
• 6. ... la dilatation progressive de la rêverie jusqu'au point suprême ou l'immensité née intimement dans un sentiment d'extase dissout et absorbe, en quelque manière, le monde sensible.
BACHELARD, La Poétique de l'espace, 1957, p. 177.
a) Dissoudre dans
— [L'obj. désigne un inanimé] :
• 7. C'est le véritable secret de la peinture de clair-obscur que d'enlever à chaque objet sa personnalité physique, sa pesanteur propre et son contour net, pour le dissoudre dans le grand corps du tableau dont il ne constitue alors avec ses voisins que des éminences plus ou moins fortes...
LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 65.
♦ Emploi pronom. à sens passif. Être absorbé, disparaître dans. Un grand viaduc enjambe (...) la vallée creuse, plate. Sa réalité, sa masse, se dissolvent dans la brume (BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 47). La forme [des figures de Renoir] tend à se dissoudre dans une lumière dansante (C. ROGER-MARX, Renoir, 1937, p. 30).
— [L'obj. désigne une pers.] Je n'ai rien à objecter à je ne sais quel nirvâna qui tend à nous dissoudre dans le grand Tout (PROUST, Sodome, 1922, p. 955) :
• 8. ... il [Pascal] ne se laisse pas absorber par ce décor [salle d'hôpital] lisse et blanc qui rend les gens anonymes comme leurs draps, les dissout dans des populations vagues, malodorantes, plaintives et ennuyées.
H. BAZIN, Lève-toi et marche, 1952, p. 191.
♦ Emploi pronom. réfl. Les romantiques chercheront à en briser les limites [de l'instant], à se baigner immédiatement dans l'infini, à s'y dissoudre voluptueusement, abandonnés au flux de la vie (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 57).
♦ Emploi pronom. à sens passif et emploi subjectif. Disparaître dans. Une de ces béatitudes matérielles et ruminantes où il semble que la créature commence à se dissoudre dans le Tout vivant de la création (GONCOURT, Man. Salomon, 1867, p. 443). Enfin Reine (...) atteint l'eau libre, s'y laisse glisser sans bruit, s'y dissout (H. BAZIN, Bur. mariages, 1951, p. 135) :
• 9. Chaque être ne trouve sa félicité qu'au point précis où il échappe à sa nature finie et où il a la sensation de l'infini (...) le point où il se donne sans se perdre encore, où il se sent dissoudre dans une existence supérieure en percevant cette dissolution comme une invasion de délices.
AMIEL, Journal intime, 1866, p. 310.
b) Se dissoudre en. Emploi pronom à sens passif. [Le suj. désigne un inanimé] Se transformer en, se fondre en. Il me semble que j'écris beaucoup ce matin (...). C'est que j'ai passé une mauvaise nuit (...) la méchante nuit tend à se dissoudre en paroles nombreuses (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1913, p. 433). Les lumières de l'avenue se dissolvaient en nébuleuses, vagues et misérables (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 694).
Rem. On rencontre ds la docum. dissolutif, ive, adj., vx, méd. et chim. Qui a la propriété de dissoudre. Remèdes dissolutifs, vertu dissolutive (Ac. 1798-1878). Synon. usuel (dis)solvant. Attesté en outre ds BESCH. 1845, Lar. 19e-20e, LITTRÉ, GUÉRIN 1892, DG, ROB. et QUILLET 1965.
Prononc. et Orth. :[], (je) dissous [disu]. Mais [ss] double ds LAND. 1834, LITTRÉ, DG et, facultativement, BARBEAU-RODHE 1930. Le verbe est admis ds Ac 1694-1932. Conjug. (cf. absoudre) a) [disu-] : ind. prés. 1re, 2e, 3e pers. sing., impér. prés. sing. dissous, dissout; part. passé dissous, dissoute. b) [-] : ind. fut., cond. prés. c) [disolv-] : ind. imp., impér. prés. plur. dissolvons, dissolvez; part. prés. dissolvant; subj. prés. dissolve. Le passé simple de l'ind. et l'imp. du subj. n'existent pas. LITTRÉ préconise je dissolus, que je dissolusse. On rencontre néanmoins chez certains aut. cités ds LITTRÉ dissolvit (THÉNARD, Chimie, t. IV, p. 573, éd. de 1832). DUPRÉ 1972 qualifie dissolva de gros barbarisme. Étymol. et Hist. Fin XIIe s. li mollece de l'omme nos avoit dissoluz (Sermons de St Bernard, 121, 17 ds T.-L.); 1269-78 que ce soit a mes dissolu (un lien) (J. DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 19066); ca 1516 chim. dissoudre et distiller tes drogues (Complainte de nature à l'alchymiste errant ds Rose, éd. Méon, 1814, IV, 127, 36); av. 1563 dissous part. passé (LA BOÉTIE, Lettre de consol., p. 343, Feugère ds GDF. Compl.); 1673 subst. méd. dissolvant (DENIS, Huitième Conférence, 31 janv. d'apr. P. Gason ds Fr. mod., t. 23, p. 218). Empr. au lat. class. dissolvere « détruire » et refait d'apr. absoudre. Fréq. abs. littér. :784. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 086, b) 944; XXe s. : a) 812, b) 1 412. Bbg. ARVEILLER (R.). R. Ling. rom. 1971, t. 35, p. 219 (s.v. dissolutif). — QUEM. Fichier (s.v. dissolutif).
dissoudre [disudʀ] v. tr. [CONJUG. absoudre.]
ÉTYM. 1190, fig.; du lat. dissolvere, de dis-, et solvere « délier, rompre, relâcher », d'après absoudre.
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1 Vx (en emploi concret). Décomposer (un agrégat, un organisme) par la séparation des parties. ⇒ Décomposer, dissocier. || Dissoudre les corps, la matière. ⇒ Anéantir, détruire.
1 Tout Paris, en dernier lieu, était en alarmes; il était persuadé qu'une comète viendrait dissoudre notre globe le 20 ou 21 de mai.
Voltaire, Lettres, 4013, 17 juin 1773, À Hamilton.
2 (V. 1660). Désagréger (un corps solide ou gazeux) au moyen d'un liquide (dissolvant) dans lequel se disséminent les molécules. || L'eau dissout le sucre. ⇒ Absorber. || Dissoudre le savon (→ Cuire, cit. 8). || Corps que l'on peut dissoudre. ⇒ Soluble. || Dissoudre en partie une substance. ⇒ Mordre (sur), ronger. — Géol. || L'eau dissout lentement les roches, les calcaires.
2 L'eau est à la surface de la Terre l'agent chimique le plus actif, grâce aux sels et aux gaz qu'elle renferme en dissolution. À l'état de pureté, elle ne dissout que les chlorures et les sulfates, ainsi que les carbonates alcalins; mais, chargée d'acide carbonique, elle dissout tous les carbonates et décompose les silicates.
Émile Haug, Traité de géologie, t. I, p. 360.
♦ Faire macérer des plantes, des fruits, des fleurs dans un alcool pour en dissoudre les sucs.
♦ Par ext. Faire fondre (ce qui s'était solidifié). || Mettre un plat au feu pour dissoudre les graisses. ⇒ Déprendre. — Fig. || « Une petite pluie fine qui dissolvait la lumière des phares » (Camus, in T. L. F.).
♦ Fig. et littér. Avoir une action dissolvante, destructrice sur (qqn).
♦ Dissoudre (qqch.) dans (qqch.) : faire disparaître (qqch.) dans (une chose plus vaste, un milieu).
3 Littér. Faire disparaître, en détruisant la cohésion, en séparant les éléments constitutifs. || Dissoudre un empire, la puissance d'un empire. ⇒ Ruiner. || Dissoudre une alliance, une amitié. ⇒ Briser, dénouer, rompre. || Dissoudre les forces, les énergies, les sentiments. ⇒ Annihiler.
3 (…) on sait quelle était la méthode la plus ordinaire à La Rochefoucauld pour montrer que les vertus de l'homme n'existent pas; il les dissolvait, pour ainsi parler, chacune dans le vice qui en était l'excès ou, simplement, qui était proche voisin d'elle (…)
Émile Faguet, Études littéraires, XVIIe siècle, Descartes, p. 36.
4 Mais, en revanche, n'est-ce point au sommeil et aux songes, que nous demandons de dissoudre les ennuis (…)
Valéry, l'Arbre et la Danse, p. 135.
4 Dr. Mettre légalement fin à (une association). || Dissoudre un mariage. ⇒ Annuler, rompre. || Dissoudre la communauté. || Dissoudre et liquider une société. || Dissoudre un parti. || Dissoudre une assemblée, l'Assemblée nationale (⇒ Dissolution).
5 Le droit de dissolution appartenant au gouvernement, considéré par un certain parti comme une survivance du despotisme royal, est au contraire la condition indispensable de tout régime parlementaire et la garantie la plus efficace du corps électoral, de la souveraineté nationale contre les excès de pouvoir, les visées tyranniques, toujours à craindre, d'un parlement. Le gouvernement peut et doit dissoudre le parlement, quand il estime que la politique suivie par lui ne répond pas à la volonté du pays; il provoque ainsi un véritable reférendum; il doit convoquer les électeurs dans un délai en général très court et se soumettre au verdict prononcé par eux.
L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. II, p. 811.
♦ Dissoudre une société, une entreprise.
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se dissoudre v. pron.
1 Se dissoudre en : se transformer en. || La neige se dissout en eau. ⇒ Résoudre (se). || La glace commence à se dissoudre. ⇒ Fondre. || Se dissoudre dans un liquide.
5.1 Il était évident que l'icefield, base de l'île, se dissolvait peu à peu, que les eaux relativement plus chaudes en rongeaient la surface inférieure.
J. Verne, le Pays des fourrures, t. II, p. 144.
♦ (Abstrait). Se perdre, disparaître. || Énergies, forces qui se dissolvent. || Courage qui se dissout. ⇒ Affaisser (s'). — Civilisation, monde qui se dissout.
6 Dans une société, qui se dissout et se recompose, la lutte des deux génies, le choc du passé et de l'avenir, le mélange des mœurs anciennes et des mœurs nouvelles, forment une combinaison transitoire qui ne laisse pas un moment d'ennui.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 229.
7 Les générations passent, les nations se dissolvent : la langue reste, persiste de siècle en siècle, au moins dans ses formes principales.
Fustel de Coulanges, Leçons à l'impératrice…, p. 27.
8 J'avais laissé depuis des mois ma pensée se dénouer et se dissoudre; je m'en ressaisissais enfin, jouissais de la sentir active et j'aimais ce calme pays qui l'aidait à se recueillir.
Gide, Si le grain ne meurt, II, I, p. 323.
2 Être annulé. || Le mariage, la communauté se dissout.
9 Le mariage se dissout : 1o Par la mort de l'un des époux; 2o Par le divorce légalement prononcé (…)
Code civil, art. 227.
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dissous, dissoute p. p. adj.
1 Qui a subi la dissolution. — Qui est passé à l'état de solution. || Gaz dissous (dans un liquide).
2 Parti dissous. || Assemblée dissoute.
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CONTR. Associer, combiner, composer, constituer, cristalliser, précipiter, solidifier. — Raffermir. — Proroger (une assemblée).
DÉR. V. Dissolu. — Dissolvant.
Encyclopédie Universelle. 2012.