rompre [ rɔ̃pr ] v. <conjug. : 41; subj. imp. inus.> I ♦ V. tr.
1 ♦ Vieilli (ou dans quelques expr.) Séparer en deux ou en plusieurs parties (une chose solide et rigide) par traction, torsion, ou choc. ⇒ briser, casser; rupture (cf. Mettre en pièces). « il est telle occasion où le verre ne se brise point sous le choc qui a rompu l'acier » (France). — Rompre le pain, le partager à la main. — Se rompre le cou, les os. — Loc. fig. Rompre la cervelle, la tête à qqn, l'assourdir. Applaudir à tout rompre. Rompre la glace. Rompre des lances. Rompre en visière.
♢ Pronom. « Quelque vaisseau avait dû se rompre » (Zola).
2 ♦ Briser (une chose souple). ⇒ arracher. Bateau qui rompt ses amarres. Rompre un lien. — Fig. Rompre ses liens, ses chaînes : se libérer.
3 ♦ Littér. Enfoncer par un effort violent. Le fleuve, la mer a rompu les digues.
4 ♦ Défaire (un arrangement, un ordre de personnes ou de choses). Rompre les rangs, les quitter de manière à ne plus former un rang. Rompre les faisceaux.
5 ♦ Fig. et vx Arrêter ou détourner (une action, un mouvement). — Mod. et littér. (Chasse) Rompre les chiens, leur faire quitter la voie qu'ils suivent en les rappelant; fig. interrompre un entretien mal engagé. « Craignant des questions plus précises [...] il rompit délibérément les chiens » (Martin du Gard). — Rompre un enchantement, un charme, l'empêcher d'agir. Fig. Le charme est rompu.
6 ♦ (v. 1210) Faire cesser, arrêter le cours de. ⇒ interrompre. Rompre le silence, le faire cesser par un son, et spécialt par la parole. — Rompre l'équilibre, l'uniformité. « Cinq ou six pages de verve répandues dans son ouvrage auraient rompu la continuité de ses observations » (Diderot).
♢ Spécialt Interrompre (des relations). Rompre les relations diplomatiques. « les amitiés trop exclusives étaient tournées en ridicule, et on les persécutait si bien, qu'on réussissait parfois à les rompre » (Larbaud). — Dénoncer; cesser de respecter (un engagement, une promesse). ⇒ rupture. Rompre un accord, un traité. ⇒ se dégager, dénoncer, enfreindre. Rompre ses fiançailles, une liaison. Rompre un engagement, un pacte, un serment. ⇒ annuler, manquer (à). Rompre un marché, le résilier. — Cesser de respecter (une prescription). Rompre le carême.
7 ♦ (XVIe) Littér. Rompre qqn à un exercice, l'y accoutumer (⇒ rompu, 5o) .
II ♦ V. intr. (XIIe)
1 ♦ Vieilli Se séparer brusquement en deux ou plusieurs parties, sous l'effet d'une force. ⇒ casser, céder. Tirer sur la corde jusqu'à ce qu'elle rompe. « Je plie et ne romps pas [dit le roseau] » (La Fontaine).
2 ♦ (1835) Milit. Cesser d'être dans un certain ordre. Rompre à droite, à gauche. Absolt Rompez ! se dit pour congédier un soldat. « Rompez ! Et gare à vous ! » (Céline).
♢ Escr. Reculer. Par anal. Se dit d'un boxeur.
3 ♦ (1636) Renoncer soudain à des relations d'amitié (avec qqn). ⇒ se brouiller (cf. Couper les ponts). Rompre avec sa famille. — Spécialt Se séparer (en parlant d'amants, d'amoureux). « Il n'avait pas le courage de rompre » (Laclos). Ils ont rompu. ⇒ se quitter, se séparer.
♢ Par ext. Rompre avec (qqch.) : cesser de pratiquer; abandonner, renoncer à. Rompre avec une habitude, avec les traditions. Il a rompu avec son passé.
⊗ CONTR. Nouer, souder. 1. Contracter; entretenir.
● rompre verbe transitif (latin rumpere) Littéraire. Casser quelque chose d'un coup en deux ou plusieurs morceaux : Rompre un morceau de bois d'un coup sec. Enfoncer quelque chose, le faire céder sous l'effet d'une forte pression : Le fleuve menace de rompre ses digues. Faire cesser quelque chose, en empêcher la continuation : Rompre un équilibre. Interrompre des relations, y mettre fin : Rompre une amitié. Dénoncer un engagement, le considérer comme nul : Rompre un contrat. Littéraire. Habituer quelqu'un à quelque chose, l'y expérimenter : Cela les avait rompus au maniement des armes. Provoquer la dislocation d'un front ennemi par une action offensive. Arrêter la fermentation d'une pâte levée en la retournant et en la fractionnant. Modifier une couleur en y mêlant sa complémentaire ou une teinte voisine de celle-ci. ● rompre (difficultés) verbe transitif (latin rumpere) Conjugaison Le p se maintient à toutes les formes : je romps, tu romps, il rompt. ● rompre (expressions) verbe transitif (latin rumpere) Applaudir à tout rompre, ne pas ménager ses applaudissements. Familier. Rompez !, allez-vous-en ! Rompre le silence, y mettre fin par un bruit, un son ; se décider à prendre la parole dans un groupe de personnes qui se taisent. Rompre les rangs, se séparer à la fin d'un exercice d'ordre serré (au commandement : Rompez les rangs !). ● rompre (synonymes) verbe transitif (latin rumpere) Littéraire. Casser quelque chose d'un coup en deux ou plusieurs morceaux
Synonymes :
- briser
- casser
Enfoncer quelque chose, le faire céder sous l'effet d'une forte pression
Synonymes :
- arracher
- crever
- emporter
Faire cesser quelque chose, en empêcher la continuation
Synonymes :
- anéantir
- défaire
- déranger
- détruire
- ruiner
Interrompre des relations, y mettre fin
Synonymes :
Dénoncer un engagement, le considérer comme nul
Synonymes :
- annuler
- dénoncer
- résilier
- se dégager
● rompre
verbe transitif indirect
Cesser délibérément toutes relations avec quelqu'un, un groupe : Il a rompu avec ses amis.
Mettre fin à une liaison amoureuse : Ils ont rompu après dix ans de mariage.
Renoncer soudain à quelque chose, s'en libérer complètement et définitivement : Avoir de la peine à rompre avec une habitude.
Être très différent de quelque chose, constituer une rupture : Cet ouvrage rompt avec la tradition.
● rompre
verbe intransitif
Littéraire. Céder, être partagé brusquement en deux ou plusieurs morceaux : La corde a tenu bon et n'a pas rompu.
En escrime, reculer.
● rompre (citations)
verbe transitif indirect
Eugène Labiche
Paris 1815-Paris 1888
Académie française, 1880
Mon gendre, tout est rompu !
Un chapeau de paille d'Italie
François, duc de La Rochefoucauld
Paris 1613-Paris 1680
On a bien de la peine à rompre quand on ne s'aime plus.
Maximes
● rompre (synonymes)
verbe transitif indirect
Cesser délibérément toutes relations avec quelqu'un, un groupe
Synonymes :
- en finir
- lâcher (populaire)
- laisser tomber (familier)
Mettre fin à une liaison amoureuse
Synonymes :
- plaquer (populaire)
- quitter
Être très différent de quelque chose, constituer une rupture
Synonymes :
- renoncer
- se libérer
● rompre (synonymes)
verbe intransitif
Littéraire. Céder, être partagé brusquement en deux ou plusieurs morceaux
Synonymes :
- casser
- céder
- craquer
rompre
v.
rI./r v. tr.
d1./d Briser, casser, faire céder. Rompre le pain. Le fleuve a rompu les digues.
— Fig. Applaudir à tout rompre, avec transport.
|| v. Pron. Les amarres se sont rompues.
d2./d Faire cesser. Rompre un enchantement.
|| Annuler. Rompre un marché. Rompre des fiançailles.
|| Cesser de respecter (un engagement). Rompre ses voeux, un contrat.
d3./d Défaire, déranger, troubler dans son ordre ou sa régularité. Rompre la monotonie. Rompre le rythme.
|| Rompre les rangs: se disperser, en parlant d'une troupe rangée en ordre serré.
d4./d Rompre qqn à, lui donner par la répétition, l'habitude, une aisance parfaite en matière de. Rompre qqn au maniement des armes.
rII./r v. Pron. La digue s'est rompue.
rIII/r v. intr. Renoncer aux relations qu'on avait (avec qqn).
— Absol. Ils ont rompu.
|| Rompre avec une habitude, une pratique, y renoncer.
⇒ROMPRE, verbe
I. — Empl. trans.
A. — 1. [Rompre implique l'idée d'une séparation brutale, d'une cassure causée par un choc, une torsion, une traction] Séparer d'un seul coup en deux ou plusieurs parties une chose solide et rigide. Synon. briser, mettre en pièces (v. pièce III B). Rompre une ampoule pharmaceutique, un bâton, la glace (v. infra 3), un mât, le pain. La lettre (...) était pliée de telle sorte, avec un tel luxe de losanges et d'angles, que pour la lire il eût fallu rompre le cachet: or, le cachet était parfaitement intact (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 321).
♦ Rompre le pain. Le partager à la main. L'entretien dura sur ce ton jusqu'au repas, qui fut mélancolique. Il y eut de grands silences pendant lesquels on entendait le bruit du pain que l'on rompt (DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 133).
♦ Rompre qqn, rompre l'échine, les os à un condamné. Lui faire subir le supplice de la roue. [Un criminel] fut saisi par la justice, et rompu vif le 13 décembre 1782 (CHATEAUBR., Lib. Presse, Opin. Police Presse, 1827, p. 179). Celui-là, lorsque le bourreau lui rompit les os, fut laid à voir et à entendre (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 676).
— P. anal. (souvent à la forme passive). Briser de fatigue. Léopold d'Auverney, dont les travaux de la guerre ne pouvaient rompre le corps, paraissait éprouver une fatigue insupportable dans ce que nous appelons les luttes d'esprit (HUGO, Bug-Jargal, 1826, p. 15). J'ai subi une crise des plus dures — crise de vingt-quatre heures — toute intellectuelle. J'en suis abîmé. Cette fois j'ai eu une peine de tous les diables à me f... de moi. J'en suis rompu (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1908, p. 415).
— GRAV. Rompre une planche. La détruire pour empêcher un réemploi. (Dict. XIXe et XXe s.).
2. Empl. pronom. Se briser, se casser. Mon bambou se rompt sous le poids de mon corps (BOREL, Rhaps., 1832, p. 101). Les piques trop faibles se rompaient (FLAUB., Salammbô, t. 1, 1863, p. 108).
♦ P. exagér. Se rompre le cou, les os. Se blesser sérieusement dans une chute. Les rues sont éclairées à l'huile, excepté les nuits où l'on compte sur la lumière de la lune. Si l'almanach se trompe ou si la lune se cache, il est permis à tous les Athéniens de se rompre le cou (ABOUT, Grèce, 1854, p. 402). Athanase Georgevitch (...) proposait que l'on se jetât tous par la fenêtre, quittes à se rompre les membres (G. LEROUX, Roul. tsar, 1912, p. 135). Se rompre le corps. Se fatiguer à l'extrême. Elle s'est rompu le corps ce matin à la classe de danse, elle sort d'une répétition où les évolutions sont difficiles comme les combinaisons d'un casse-tête chinois (BALZAC, Comédiens, 1846, p. 305).
♦ OPT., vx. La lumière se rompt. La lumière se réfracte. (Dict. XIXe et XXe s.).
3. Expr. fig.
♦ Rompre la glace. Faire les premiers pas dans une entreprise périlleuse; se décider à entrer en conversation avec quelqu'un. Sa femme est moins insipide qu'elle ne le semble. Elle a le cœur gros de l'abandon de son mari, et elle en dit du bien par le besoin qu'elle aurait d'en dire du mal, et l'impossibilité de rompre la glace (CONSTANT, Journaux, 1804, p. 93). Notre hôte n'a pas fait la moindre allusion, et puisqu'il n'a pas rompu la glace, notre position est entière (AUGIER, Pierre de touche, 1854, p. 108).
♦ Rompre des lances pour qqn. Prendre la défense de quelqu'un. Le célèbre Spallanzani rompait des lances en faveur du « résurrectionnisme » (J. ROSTAND, La Vie et ses probl., 1939, p. 102):
• 1. S'il m'arrive encore de rompre des lances pour Musset, ce n'est pas seulement pour son théâtre, qui a le tort de ne nous laisser jamais oublier Shakespeare, et dont je ne suis pas fou (...) mais le Musset des Nuits me désarme encore...
MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 56.
♦ Rompre la paille (vx). ,,Rompre tout commerce d'amitié avec quelqu'un`` (HAUTEL t. 2 1808). Puisque la paille est rompue, puisque, vous et vos amis, vous êtes brouillés avec les juifs (A. FRANCE, Anneau améth., 1899, p. 357).
♦ Rompre le pain (avec connotation relig.). Partager son repas (rappelant la Cène). Il la voyait allongée sur le lit. Elle s'était signée. Elle joignait les pieds, et ses yeux, maintenant, étaient pleins de son âme. Elle sentait, elle, que Dieu était là, comme dans les maisons où il entrait pour rompre le pain avec ses amis, en Terre-Sainte (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 289).
♦ Rompre la cervelle, le crâne, les oreilles. Importuner par un bruit trop fort, fatiguer. Finiras-tu, reprit Jacques et veux-tu ne pas me rompre la tête de tes sornettes? (BALZAC, Annette, t. 2, 1824, p. 23). Ils éclatèrent simultanément d'un rire en cascade (...) guttural, fabriqué, faux (...) qui me rompait le tympan (ARNOUX, Zulma, 1960, p. 328).
♦ À tout rompre, loc. adv. À grand bruit, avec grand enthousiasme. Applaudir à tout rompre. Et les dames de s'écrier, et moi d'appeler à tout rompre, et gens d'accourir, et chien d'aboyer (BALZAC, Œuvres div., t. 2, 1831, p. 321).
♦ À rompre la poitrine. (Le cœur, le sang bat) avec une extrême violence. Son cœur battit pourtant à lui rompre la poitrine, lorsqu'un agent de police se présenta à la porte de Berlin pour échanger quelques mots avec M. de Buddenbrock (SAND, Ctesse de Rudolstadt, t. 1, 1844, p. 187).
B. — [Rompre implique une notion d'arrachement] Briser tout ce qui retient, attache. Rompre un lien, ses amarres. Pascal, par distraction à son travail, venait de rompre la bande d'un journal oublié sur sa table, Le Temps (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 9).
— P. métaph. Rompre ses chaînes, ses fers, un joug, des nœuds. Calmez un emportement qui peut rompre le dernier fil qui la retient à la vie (COTTIN, Cl. d'Albe, 1799, p. 220):
• 2. ... il fait tout ce qu'il faut pour qu'une ère nouvelle puisse apparaître, d'une manière presque mécanique, et qu'elle puisse rompre tout lien avec l'idéologie des temps actuels, malgré la conservation des acquisitions de l'économie capitaliste.
SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 113.
♦ Empl. pronom. Le chef-d'œuvre du démon est de nous faire tirer nous-même sur la corde jusqu'à ce qu'elle se rompe (GREEN, Journal, 1939, p. 178).
C. — [Rompre implique la notion de destruction, de dislocation] Provoquer la rupture de tout ce qui constitue un obstacle, un dispositif, une position. Illustre serviteur de Marie, hâtez-vous de m'apprendre quel ordre souverain vous a fait descendre dans ces grottes mobiles. Les temps sont-ils accomplis? Faut-il rassembler les nuages? Faut-il rompre les digues de l'océan? Abandonnant l'univers au chaos, doit-je remonter avec vous dans les cieux? (CHATEAUBR., Martyrs, t. 2, 1810, p. 234). L'empereur se croit décidément inférieur aux Français du côté des talents, et c'est par cette raison qu'il a imaginé de limer leur force au lieu de la rompre (J. DE MAISTRE, Corresp., 1812, p. 152).
— Au fig., fam. Rompre les ponts. Cesser toute relation avec quelqu'un. Sabin a tout lâché, rompu les ponts (ARNOUX, Paris, 1939, p. 49). V. pont I A 2 b.
— TECHN. MILIT. Rompre l'encerclement, le front, les lignes ennemies. Boursouq comprit qu'il ne pourrait rompre ce front. Il feignit de renoncer à son entreprise (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 97).
♦ Rompre les rangs. Se disperser. Rompez les rangs! Rompez! (v. infra II B). Je croyais qu'ils [les fédérés] allaient tout casser (...) mais leur chef (...) leur fit ce petit discours: « Le premier cochon qui touche quelque chose, je lui brûle la gueule... Rompez les rangs! » (A. DAUDET, Contes lundi, 1873, p. 180). On leur avait fait mettre l'arme au pied, avec défense de rompre les rangs et de s'asseoir (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 123).
— Empl. pronom. L'aumônier les bénit, leur donna l'absolution; puis l'armée se rompit en colonnes (MORAND, Parfaite de Saligny, 1947, p. 172).
D. — [Rompre implique la notion d'interruption, de cessation] Arrêter, faire cesser, mettre un terme à. Rompre le cours, l'effort, l'équilibre, la monotonie, la violence. [Edmée] résolut de décider son père à rompre un peu l'habitude de notre vie et à transporter notre établissement à Paris (SAND, Mauprat, 1837, p. 176):
• 3. Toutes ses illusions étaient perdues, qu'il [Sieyès] en nourrissait peut-être une encore: c'était qu'on adopterait enfin cette Constitution-modèle qu'il avait de longue main élaborée, qui devait rompre le flot de la démocratie en le divisant...
SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 5, 1851, p. 213.
♦ CHASSE. Rompre les chiens. ,,Faire cesser leur poursuite, les empêcher de suivre la voie empaumée`` (BURN. 1970). Au fig. Détourner, interrompre des propos. Il aurait voulu s'expliquer, il lui semblait que cette brouille ne serait vraiment liquidée que s'ils en parlaient à cœur ouvert; et il était tout prêt à reconnaître ses torts. Mais de nouveau, Dubreuilh rompit les chiens (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 485).
♦ ESCR. Rompre la mesure. Reculer en parant. Rompre la mesure à son adversaire. Empêcher son attaque. Chicot, tirant l'épée à son tour: Tenez, c'est là que je vous toucherai (...) Nicolas David, étonné, rompt quelques mesures: Ah! ah! vous ne vous attendiez pas à cela? (DUMAS père, Dame Monsoreau, 1846, III, 6, p. 232). Rompre la semelle. Reculer de la longueur du pied. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦ Rompre un dessein, un projet. On entrevoit même, à cet instant inespéré, un plan tout à fait grandiose et souriant (...) que les événements rompirent (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 312).
♦ Rompre un entretien, la colère, le sommeil de qqn. Mademoiselle avait calculé cela peut-être pour piquer Gaspard, peut-être pour rompre une conversation trop difficile (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 207).
♦ Rompre le silence. Mettre fin à un temps de silence en se décidant à prendre la parole. « On ne parle pas de la guerre, à Lunéville? » demanda-t-il, pour rompre le silence (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 210).
♦ Rompre l'équilibre, la monotonie, l'uniformité. Les jardins qu'il aménage sont beaux; mais pouraient l'être bien davantage. Le plus souvent il saccage, souille et rompt l'harmonie (GIDE, Feuillets d'automne, 1949, p. 1085).
♦ PEINT. Rompre les couleurs. Atténuer l'éclat des couleurs en y mêlant d'autres teintes:
• 4. Les filles d'Arles s'habillent: toutes leurs harmonies sont assez bonnes. Ce sont des atténuations de couleur avec le noir. Les couleurs doivent être rompues et doivent dans l'harmonie ne pas lutter d'intensité avec le noir. Des verts atténués, des gris tourterelle et des bleus cendrés.
BARRÈS, Cahiers, t. 2, 1898, p. 80.
♦ Rompre une amitié, une liaison, des relations. Certains [pays riverains africains] ont été jusqu'à bloquer momentanément les avoirs français ou même rompre leurs relations diplomatiques avec la France (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 144).
♦ Rompre un accord, un traité, un pacte, un engagement, un serment, ses fiançailles, ses vœux; rompre un marché. Le résilier. Si demain, avant dix heures, je ne reçois point votre consentement, tremblez tous, un seul mot peut rompre le mariage que vous projetez, et ce mot je le dirai (GILBERT DE PIXER., Coelina, 1801, I, 17, p. 24). Empl. pronom. J'avais le délire et je disais, paraît-il, des choses si énormes, que le mariage se rompit pour de bon cette fois (ARÈNE, J. des Figues, 1870, p. 145). Je n'ai pas appris d'elle [ma mère] qu'entre mères et enfants un amour indéformable et rigide, qu'on nomme sacré, ne se rompt qu'au prix de malédictions ou d'un grand bruit injurieux (COLETTE, Pays connu, 1949, p. 53).
♦ Rompre son ban (vieilli). Fuir le lieu de son internement; revenir au lieu de résidence où l'on est interdit de séjour. J'ai entendu le docteur Rambo dire qu'il n'a pas un an de vie; Dieu le punit d'avoir rompu son ban en se sauvant traîtreusement de la citadelle (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 472).
♦ RELIG. Rompre le jeûne. Ne pas respecter le temps du jeûne. Rompre le carême. Rompre le sabbat, c'est-à-dire aller à la campagne le dimanche, est un des plus grands péchés aux yeux des méthodistes (STENDHAL, Corresp., 1826, p. 435).
E. — Rompre qqn à qqc.; qqn à + inf. L'entraîner à. Je sors de chez Mme Pallard à minuit et demi, j'y ai perdu 9 livres et ne m'y suis guère amusé; mais cela me rompt à la société; j'y suis encore bien loin du sang-froid désirable (STENDHAL, Journal, 1806, p. 263). Empl. pronom. [Gibbon] se rompit à écrire correctement tant en français qu'en latin (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 8, 1853, p. 442).
— [Le compl. d'obj. dir. désigne un être vivant] Faire, façonner en vue d'une pratique, d'un exercice particulier. — Que pensez-vous de mon alezan, mon cher marquis? demanda Mehlen (...). — Il manque peut-être un peu d'étoffe (...) Il n'a jamais chassé? — Il s'y fera, dit Mehlen, comme eût dit d'un adversaire: je le romprai (VIALAR, Bien-aller, 1952, p. 93).
II. — Empl. intrans.
A. — Se séparer d'un coup en deux ou plusieurs parties. Et si les échelons rompent, est-ce donc à dire que nous soyons rompus? (BARRÈS, Amit. fr., 1903, p. 253).
— Expr. proverbiale. [P. allus. à la fable de La Fontaine: Le Chêne et le roseau, livre I, XXII] Plier mais ne pas rompre. P. antiphr. Je ne plie pas, mais je romps (RENARD, Journal, 1906, p. 1057).
B. — Abandonner un certain ordre, céder du terrain, refuser le combat. Rompez! (v. rompre les rangs, supra I C). Comme Levraut s'approchait, il lui adressa seulement un coup de pied (...) Le chien para en rompant (RENARD, Lanterne sourde, 1893, p. 112). À dix heures, alors que rompre, c'eût été avouer la victoire des Français, il ordonnait de ne pas accepter le combat (BARRÈS, Scènes et doctr., t. 2, 1902, p. 135).
— ESCR. Rompre d'une semelle. Reculer en plaçant un pied derrière l'autre; p. ext., reculer. Inutiles efforts de Julien pour faire rétrograder son siècle: le temps ne recule point, et le plus fier champion ne pourroit le faire rompre d'une semelle (CHATEAUBR., Ét. ou Disc. hist., t. 1, 1831, p. CXII). J'y crèverai! (...) mais, les cent mousquetaires y fussent-ils ensemble, je ne romprai pas d'une semelle (DUMAS père, Jeunesse Mousquet., 1849, I, 2, p. 42).
♦ P. anal., BOXE. Reculer devant l'adversaire. (Ds PETIOT 1982).
C. — Mettre brusquement un terme (à des relations, un propos, un entretien, etc.). Et moi je sais aussi dissimuler sans doute? Monsieur Alfred n'est pas un rival qu'on redoute? Mais j'entends quelque bruit; — (et rompant là-dessus): Vite, séparons-nous de peur d'être aperçus (SAINTE-BEUVE, Tabl. poés. fr., 1828, p. 107).
— [En parlant d'amants, d'amoureux] Mettre fin à une liaison, se séparer. Rompre avec qqn. Il ne faut pas croire que de rompre avec une femme dont l'inconséquence est notoire et qui ne veut pas m'épouser, puisse former le sujet d'une accusation positive (CONSTANT, Journaux, 1803, p. 48). C'était la fin. Elle le savait. Elle voulait rompre (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 71). [Plus gén. en parlant d'amis] Synon. se brouiller, couper les ponts (v. pont I A 2 b). « Gérard de Nerval n'était pas de sa nature assez fort pour avoir le goût de la solitude, le plus fier plaisir des âmes fortes. » Rompre avec ses adversaires, puis sans les rejoindre, rompre encore avec ses amis (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1906, p. 43).
— Rompre avec qqc. Rompre avec ses habitudes, avec les traditions. Que serait-ce donc s'il pouvait (...) renaître pour l'avenir sans rompre avec le passé! (STAËL, Corinne, t. 1, 1807, p. 95).
D. — Au fig. Rompre en visière à, avec qqn ou qqc. Prendre violemment à partie quelqu'un ou quelque chose. D'ailleurs, Diane rompit en visière aux projets de la reine [Catherine de Médicis], en coquetant avec les Guise et donnant sa fille au duc d'Aumale (BALZAC, Cath. de Médicis, Introd., 1843, p. 43):
• 5. Pendant des jours entiers, après avoir si longtemps cherché à se concilier son quartier et ses relations, il rompait en visière avec eux. En apparence, au moins, il se retirait alors du monde et, du jour au lendemain, se mettait à vivre dans la sauvagerie.
CAMUS, Peste, 1947, p. 1445.
REM. Rompeur, -euse, adj. et subst. [En parlant d'une chose] (Celui, celle) qui peut rompre. La providentielle peau de banane (...) un peu plus écrasée mais toujours prête à son office sournois de rompeuse de membres (...) de luxatrice d'articulations (ARNOUX, Double chance, 1958, p. 212).
Prononc. et Orth.:[], (il) rompt []. Homon. rond et formes de rompre. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. Ind. prés. je romps, tu romps, il rompt, nous rompons, vous rompez, ils rompent; imp. je rompais; passé simple je rompis; fut. je romprai; impér. romps, rompons, rompez; subj. prés. que je rompe; subst. imp. que je rompisse; part. prés. rompant; part. passé rompu, -ue. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. a) fin Xe s. « mettre en pièces, briser » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 231); ) 1541 terme biblique rompre le pain (CALVIN, Institution chrétienne, IV, 17, éd. J.-D. Benoit, t. 4, p. 384: L'Apostre dit que le pain que nous rompons est la communion du corps de Christ); ) 1601 rompre la glace fig. « faciliter l'issue d'une affaire difficile » (OL. DE SERRES, Préf. ds GDF. Compl.); ) 1612 rompre des lances (R. DE MENOU, La Pratique du cavalier, 4e partie, ch. 14 ds LIVET Molière, p. 54); fig. 1718 rompre une lance pour qqn (Ac.); ) 1648 rompre en visière qqn fig. (SCARRON, Roman comique, I, 13); ) 1686 rompre les chaînes fig. (BOSSUET, Le Tellier ds LITTRÉ); ) 1694 rompre le fil d'un discours (Ac.); b) ca 1150 « déchirer » (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 857); c) 1527 à tout rompre « tout au plus » (SEYSSEL, tr. THUCYDIDE, VII, 5 ds HUG.); d) 1549 fig. rompre les oreilles à (EST.); e) ca 1590 rompre qqn à « le plier à la pratique de quelque chose » (MONTAIGNE, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, 154); 2. a) 1100 « séparer en deux par la force » (Roland, éd. J. Bédier, 1265); b) ) 1253 rompre une terre « donner un premier labor à une terre en friche » (Chart. de Guill. Maengo, de la Seigneur. de Surgères ds DU CANGE, s.v. rumpere); ) 1508 « défoncer un ouvrage » (Comptes du chateau de Gaillon, 108 ds IGLF); c) ) ca 1470 « rendre une voie impraticable en la défonçant » (GEORGES CHASTELLAIN, Chroniques, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 2, p. 96); ) 1723 typogr. rompre une planche (SAVARY); d) ca 1470 « pénétrer dans un dispositif ennemi » (GEORGES CHASTELLAIN, op. cit., p. 267); e) ) id. « dissoudre un groupement » rompre une armée (ID., ibid., t. 1, p. 273); ) 1673, nov. « mettre fin à une assemblée » (Mme DE SÉVIGNÉ, Corresp., éd. R. Duchêne, p. 615); 3. a) ca 1155 « interrompre les effets d'un engagement » (WACE, Brut, 2361 ds T.-L.); b) ca 1165 « cesser de respecter une prescription » (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 13893, ibid.); 4. a) 1258, mars « arrêter le cours de l'eau » (Chartes de la Haute-Marne, éd. J. G. Gigot, p. 85); b) 1470 rompre le coup « rendre sans effet » (GEORGES CHASTELLAIN, op. cit., t. 3, p. 158); c) 1561 terme de chasse rompre les chiens (DU FOUILLOUX, La Vénerie, fol. 39 ds TILANDER Nouv. Mél., p. 21); d) 1665 rompre les mesures (Cardinal DE RETZ, Mém., éd. A. Feillet, I, 96); 1721 terme d'escr. (Trév.); 5. a) 1680 « changer de couleur par l'action de l'air (du vin) » (RICH. t. 2); b) 1723 rompre la laine (SAVARY); 1762 rompre une couleur (Ac.). B. Verbe intrans. 1. ca 1145 « se briser » (WACE, Conception Notre-Dame, éd. W. R. Ashford, 76); 1530 se plier que de rompre (PALSGR., p. 660); 2. 1370 « interrompre brusquement des relations existantes » (ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, 452); 3. 1661 rompre en visière à qqn (MOLIÈRE, École des Maris, I, 4). C. Verbe pronom. 1. ca 1400 « ruiner » (EUSTACHE DESCHAMPS, Balade, éd. G. Raynaud, VII, 140); 2. déb. XVIe s. « se briser, se casser » (JEAN MOLINET, Chroniques, 299, éd. G. Doutrepont et O. Jodogne, t. 2, p. 509); 3. 1534 se rompre le coul (RABELAIS, Gargantua, 43, éd. R. Calder et M. A. Screech, p. 255); 4. 1628 « cesser brusquement de se manifester » (MALHERBE, Questions Naturelles de Sénèque, I, 1, éd. M. L. Lalanne, I, 477); 5. 1653 « éclater contre un obstacle en parlant d'une masse d'eau » (VAUGELAS, Quinte Curce, Livre six, ch. IV ds RICH. t. 2); 6. 1690 « donner une image réfractée » (FUR.). Du lat. rumpere « briser, casser avec force »; « rompre avec une idée accessoire d'arrachement, d'éclatement ». Rumpere s'emploie au sens physique comme au sens moral (v. ERN.-MEILLET). Fréq. abs. littér.:3 433. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 4 918, b) 4 460; XXe s.: a) 5 032, b) 4 985. Bbg. ARVEILLER (R.). R. Ling. rom. 1976, t. 40, p. 234. — LANLY (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 264-265. — QUEM. DDL t. 6, 18, 21.
rompre [ʀɔ̃pʀ] v.
CONJUG. je romps, tu romps, il rompt [ʀɔ̃], nous rompons; je rompais; je rompis, nous rompîmes; je romprai; je romprais; romps, rompons, rompez; que je rompe, que nous rompions; que je rompisse (inus.); rompant; rompu.
ÉTYM. V. 1200; rumpre, 980; lat. rumpere.
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I V. tr.
1 (Vieilli, ou dans des expr.; le v. courant est casser). Séparer en deux ou en plusieurs parties (une chose solide et rigide) par un effort brusque, soudain : traction, torsion, choc. ⇒ Briser, casser, pièce (mettre en pièces), rupture.
REM. Jusqu'au XVIIe s, rompre s'employait aussi au sens de « déchirer » (Molière, Mme de Sévigné, Racine, in Littré), et au sens de « casser, fragmenter avec un instrument » (→ Caillou, cit. 1). De nos jours, il tend à être remplacé par casser, dans l'usage courant, sauf quand on veut insister sur le caractère délibéré de l'opération : Rompre une ampoule pharmaceutique (→ Introduire, cit. 13). Dans les autres cas, l'emploi de rompre est stylistique.
1 (…) il est telle occasion où le verre ne se brise point sous le choc qui a rompu l'acier.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, XIX, in Œ., t. VIII, p. 256.
♦ ☑ Loc. Vx. Rompre la paille. ⇒ Paille. ☑ Vx. Rompre l'anguille au genou. — ☑ (1555). Rompre le pain (cit. 2), le diviser, le partager à la main.
2 (…) le bruit du pain que l'on rompt, ce bruit qui ne ressemble à nul autre (…)
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, V, X.
♦ ☑ Par exagér. Rompre les côtes, le cou, l'échine, les os à qqn (→ Haleine, cit. 24). — ☑ Se rompre le cou : faire une chute grave, se blesser grièvement, se tuer (au fig. → Cou, infra cit. 9). || S'exposer à se rompre les os (→ Enrager, cit. 14). — De quoi se rompre la jambe (→ Descente, cit. 4.1).
3 (…) le samedi, lorsque le travail manquait à Rognes, elle se louait à Cloyes, portant des fardeaux à se rompre les reins.
Zola, la Terre, II, VI.
♦ ☑ (1549). Fig. Rompre la cervelle, le crâne, les oreilles (cit. 9), la tête à qqn, l'assourdir.
♦ ☑ (Av. 1780). Applaudir à tout rompre, très fort.
♦ ☑ Rompre la glace (cit. 9 et 11). — ☑ Rompre des lances (cit. 7 et 8). — Rompre en visière : rompre la lance dans la visière du heaume de l'adversaire. Fig. → ci-dessous II., 4.
♦ Vx. || Rompre l'échine, rompre les os à un condamné. ⇒ Disloquer, éreinter (vx), rouer. || Rompre la nuque (→ 2. Masse, cit. 2). (1659). Par ext. || Rompre un criminel sur la roue (Académie, 1694).
2 Briser (une chose souple). ⇒ Arracher. || Rompre un lien. || Rompre une chaîne d'un coup de marteau (→ 2. Manille, cit.). — Le navire a rompu ses amarres.
♦ ☑ (1686). Fig. Rompre ses chaînes, ses fers : s'échapper, se libérer. || Rompre des attaches (cit. 17), une chaîne (cit. 6 et 8), des liens (cit. 9), des nœuds (cit. 11). ⇒ Briser, cit. 4 et 15. — ☑ Rompre le joug.
3 Vieilli ou littér. Enfoncer par un effort violent. || Le fleuve, la mer a rompu les digues. ⇒ Crever, emporter, enfoncer… || Rompre les ponts. — Fig. Interrompre des relations (avec qqn). || Les ponts ne sont pas rompus. ⇒ Couper. — Vx. || Rompre une porte, un coffre-fort. ⇒ Forcer, fracturer.
♦ (V. 1460). Vx. Rendre (une voie) impraticable, en défonçant… || Rompre un chemin (⇒ Route, étym.).
♦ (V. 1460). Par ext. Enfoncer, faire céder (une troupe). || Rompre l'arrière-garde (cit. 1), les lignes (→ Frapper, cit. 16). || Les Suédois furent rompus, enfoncés (cit. 16). — Rompre le front, l'encerclement… (contr. : encercler).
4 Défaire (un arrangement, un ordre de personnes ou de choses). || Rompre le carré. ☑ Loc. (1807). Rompre les rangs, les quitter de manière à ne plus former un rang. || Rompez les rangs ! || Rompre les faisceaux (cit. 6).
♦ Escr. || Rompre la semelle (→ ci-dessous, II., 2.).
5 Fig., vx. Arrêter ou détourner (une action, un mouvement…). || Rompre le cours, l'effort, l'impétuosité, la violence (de l'eau, du vent, etc.). Cf. Mme de Sévigné, Bossuet, Buffon, in Littré. — Rompre un coup, l'amortir (Buffon). Fig. || Rompre le coup (tour critiqué par Voltaire chez Corneille [Commentaires sur Rodogune, I, 2; Nicomède, I, 1]), en annuler les effets. — Escr. || Rompre la mesure à son adversaire, l'empêcher de porter le coup. ⇒ Mesure.
4 Rompez ses premiers coups; laissez pleurer Pauline.
Corneille, Polyeucte, I, 1.
♦ ☑ Mod., littér. (Chasse). Rompre les chiens, leur faire quitter la voie qu'ils suivent en les rappelant. Fig. ⇒ Chien (cit. 35).
♦ Vx. Faire échec à…, empêcher de réussir. || Rompre les desseins de qqn, un projet, un voyage (Molière, Corneille). — Rompre son dessein, son entreprise, y renoncer.
♦ Rompre un enchantement, un charme, l'empêcher d'agir. ☑ Fig. Le charme est rompu.
6 (V. 1210). Faire cesser, arrêter le cours de… ⇒ Interrompre; couper (court). — Vx. || Rompre un tête-à-tête, le sommeil de qqn, le troubler. || Rompre la colère de qqn, la faire tomber (Corneille, Fléchier).
♦ (Déb. XIIIe). || Rompre le silence, le faire cesser par un son, et, spécialt, par la parole (→ Fixité, cit. 4). || « Tu frémiras (cit. 13) d'horreur si je romps le silence » (Racine). || Son perçant qui rompt le silence. || Se décider à rompre le silence, à parler.
♦ Rompre la monotonie, l'uniformité… (→ 2. Original, cit. 11). || Niches (2. Niche, cit. 1) qui rompent une surface plane. || Digressions (cit. 1) qui rompent l'unité du sujet. || Rompre l'équilibre.
5 — J'ai forcé votre père à rompre le silence, à me confier le secret.
Beaumarchais, la Mère coupable, II, 20.
6 Cinq ou six pages de verve répandues dans son ouvrage auraient rompu la continuité de ses observations délicates et en auraient fait un ouvrage charmant.
Diderot, Sur les femmes.
♦ Peint. → ci-dessous, Rompu (3.).
7 (…) les coloristes savent rompre habilement, avec des glacis et des reflets, cette teinte qui boit la lumière et dont on doit éviter l'emploi autant que possible.
Th. Gautier, Portraits contemporains, « Paul Delaroche ».
♦ (V. 1370). Spécialt. Interrompre (des relations). || Rompre les mauvaises relations de qqn (→ Passivité, cit. 1). || Rompre les relations (cit. 13) diplomatiques. — Rompre une amitié, une liaison. ⇒ Dénoncer (→ Inexpérience, cit. 1).
8 (…) je veux causer un moment avec vous; j'ai rompu tout autre commerce.
Mme de Sévigné, 648, 6 sept. 1677.
9 On écrivait sur les murs les noms de ceux qui devenaient des inséparables; les amitiés trop exclusives étaient tournées en ridicule, et on les persécutait si bien, qu'on réussissait parfois à les rompre.
Valery Larbaud, Fermina Marquez, XVI.
♦ (1555). Dénoncer, cesser de respecter (un engagement, une promesse). ⇒ Rupture. || Rompre un accord, un traité… ⇒ Défaire, dégager (se), dénoncer, déroger (à), enfreindre. || Rompre un projet de mariage. || Rompre ses fiançailles. — Rompre un mariage : se dégager de la promesse de mariage (→ Encourager, cit. 10; promettre, cit. 25). Par ext. Se séparer, divorcer, en parlant des époux (dans ce sens, certains recommandent l'emploi de casser, pour éviter l'amphibologie). — (Rompre des cédules, 1515, in D. D. L.). || Rompre ses vœux, un engagement, un pacte (cit. 3), un serment. ⇒ Annuler, dénouer, dissoudre, manquer (à); → Frivole, cit. 10; loyauté, cit. 1; parjure, cit. 1. || Rompre un marché, le résilier.
10 Rompez, rompez tout pacte avec l'impiété.
Racine, Athalie, I, 1.
11 J'ai fait réflexion que, pour vous épouser, je vous ai dérobée à la clôture d'un couvent, que vous avez rompu des vœux qui vous engageaient autre part (…)
Molière, Dom Juan, I, 3.
12 (…) de part et d'autre on avait toujours agi de mauvaise foi et avec l'arrière-pensée de rompre ses engagements, dès qu'on y trouverait son avantage.
Mérimée, Hist. du règne de Pierre le Grand, p. 31.
♦ ☑ (1875). Rompre son ban (au fig., vx, désobéir).
♦ (1656). Cesser de respecter (une prescription). || Rompre le carême (cit. 2 et 3), le jeûne (cit. 2). — Vx. Transgresser (une règle).
7 (1580). Littér. || Rompre qqn à un exercice, l'y accoutumer (→ ci-dessous, Rompu, 6.).
12.1 Il les avait rompus à conjuguer exactement leurs efforts (…)
Roger Vercel, Remorques, 1935, p. 56.
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II V. intr. (V. 1155).
1 Vieilli. Se séparer brusquement en deux ou plusieurs parties, sous l'effet d'une force. ⇒ Casser, céder. || Le fil rompt (→ Dévider, cit. 5). || Si la corde ne rompt pas (→ Jeu, cit. 61). || Tirer sur la corde jusqu'à ce qu'elle rompe. || « Je plie (cit. 11) et ne romps pas ». — Par exagér. || Mon cœur palpitait à rompre (→ Peur, cit. 21). — Par métaphore :
13 Les nœuds qu'on veut trop serrer rompent. Voilà ce qui arrive à celui du mariage quand on veut lui donner plus de force qu'il n'en doit avoir. La fidélité qu'il impose aux deux époux est le plus saint de tous les droits; mais le pouvoir qu'il donne à chacun des deux sur l'autre est de trop.
Rousseau, Émile, V.
♦ Vieilli. || Rompre de : être chargé au point de se briser. || Les poiriers rompent de fruits (→ Donner, cit. 46).
2 (1835). Milit. Cesser d'être dans un certain ordre. || Rompre à droite, à gauche. — (1907). || Rompez !, se dit pour congédier un soldat.
14 Vous irez chez lui à l'essai ! Rompez ! Et si vous nous avez trompés on vous foutra à l'eau ! Rompez ! Et gare à vous !
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 174.
♦ (1859). Escr. Reculer. || Sauter de côté, rompre… (→ Dialecticien, cit. 3, par métaphore). || Ne pas rompre d'une semelle (→ Lâche, cit. 8). — (1925). Par anal. Se dit d'un boxeur. || « Il se mit à rompre, à éviter le corps à corps » (Match, 20 nov. 1934).
♦ (1870). Vx. Fuir, se disperser. || Les ennemis rompirent brusquement.
3 (1636). Renoncer soudain à des relations d'amitié (avec qqn). ⇒ Brouiller (se), désaccorder (se); → Couper les ponts. || Rompre avec qqn (→ Dos, cit. 14). || Il a rompu avec ses anciennes relations. ⇒ Finir (en); → Tourner le dos à…, laisser tomber (fam.). — Rompre avec Dieu (→ Matérialisme, cit. 4). — REM. Sans complément, rompre ne s'emploie plus que dans le sens spécial ci-dessous; son emploi était plus large au XVIIe s. — La bagatelle (cit. 12, La Bruyère) qui les a fait rompre, qui les a désunis, séparés.
♦ (1636). Spécialt. Se séparer (en parlant d'amants, d'amoureux). || Il n'avait pas le courage de rompre (→ Empêcher, cit. 8). || Ils ont rompu (→ Blessure, cit. 11). || « On a bien de la peine à rompre quand on ne s'aime plus » (cit. 23). ⇒ Quitter (se), séparer (se). || Le Plaisir de rompre, comédie de J. Renard (1897).
15 On a beau voir, pour rompre, une raison puissante,
Une coupable aimée est bientôt innocente;
Tout le mal qu'on lui veut se dissipe aisément,
Et l'on sait ce que c'est qu'un courroux d'un amant.
Molière, le Misanthrope, IV, 2.
♦ (Fin XVIIe). || Rompre avec (qqch.), cesser de pratiquer; abandonner, laisser, renoncer à… || Rompre avec une habitude. Contr. : accoutumer (s'). || Rompre avec un langage trop convenu (cit. 30), avec les traditions (→ Exciter, cit. 7; et aussi peindre, cit. 8).
16 Rompre avec les choses réelles, ce n'est rien; mais avec les souvenirs ! Le cœur se brise à la séparation des songes, tant il y a peu de réalité dans l'homme.
Chateaubriand, Vie de Rancé, p. 100.
4 ☑ (1870). Littér. Rompre en visière à… qqn (→ le sens propre dans l'emploi transitif I., 1.) : attaquer qqn, lui dire en face et brusquement qqch… || Mon dessein « Est de rompre en visière à tout le genre (cit. 2) humain » (Molière). — Par ext. || Rompre en visière à, avec qqch., s'attaquer violemment à…
17 Depuis la guerre, on rencontre un plus grand nombre de provinciales qui osent rompre en visière à l'étiquette.
F. Mauriac, la Province, p. 45.
18 Bien loin d'avoir rompu en visière avec la morale publique, le Roi aurait plutôt trouvé en elle une complice dans ses débordements.
Louis Bertrand, Louis XIV, III, IV.
——————
se rompre v. pron.
1 (1559). Se briser, se casser (→ Fibre, cit. 2). || Qui se rompt facilement. ⇒ Cassant, fragile. || Se rompre avec violence. ⇒ Éclater. || Appui, support qui se rompt brusquement. ⇒ Lâcher; craquer.
19 L'effort qu'il fit, quoique vain, fut fort violent; la ceinture de ses chausses s'en rompit et le silence aussi de l'assistance, qui se mit à rire.
Scarron, le Roman comique, II, VII.
20 Quelque vaisseau avait dû se rompre, un filet de sang coulait de sa bouche.
Zola, la Terre, III, IV.
♦ (1690). Vx. || La lumière se rompt en passant d'un milieu dans un autre (→ Optique, cit. 1), elle se réfracte. — (1653). || Les flots se rompent, se brisent.
3 Se rompre à divers exercices (→ ci-dessous, Rompu, 6.).
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rompu, ue p. p. adj.
1 (XIIe). Arraché, cassé. || Attache rompue, liens rompus. || Maille (cit. 1) rompue. || Les amarres (cit. 4) étaient rompues. — Brisé, enfoncé. || Avoir une côte rompue. — Vx. || Chemin rompu, impraticable.
♦ (1690). Blason. || Arme, pièce rompue, brisée, présentant une solution de continuité. || Chevron rompu, dont la pointe du bout est coupée.
➪ tableau Termes de blason.
♦ Vx. || Rayons rompus, réfractés (→ Réflexion, cit. 2).
2 Vx. Battu, enfoncé. || Armées défaites et rompues.
3 Fig., vx. Détruit, supprimé. On dit encore : le charme est rompu. — (1671). Mod. Annulé. || Fiançailles rompues, mariage rompu (→ Remmancher, cit.).
21 Il croit pouvoir enfin ce qu'encore il n'a pu,
Et que ce qu'on diffère est à demi rompu.
Corneille, Polyeucte, I, 1.
22 Mon voyage est rompu; on ne change pas à tout moment de résolution, et je ne partirai point.
Marivaux, la Seconde Surprise de l'amour, I, 11.
23 Mon gendre, tout est rompu !
E. Labiche, Un chapeau de paille d'Italie, I, 6.
♦ (Déb. XVe). || Équilibre rompu; harmonie rompue. — (1680). || Couleur rompue, ton rompu : couleur mélangée à une autre ou interrompue localement par une autre couleur (reflet), ton d'intensité variable (ombre, éloignement).
23.1 Mêlé avec le ton orange transparent de la palette laque jaune, vermillon, cadmium, il donne un ton rompu charmant,
E. Delacroix, Journal, 15 janv. 1853, t. II, p. 141.
24 (…) l'écarlate intense, les verts rayés, les tons rompus, reliés, achèvent par leur harmonie délicieuse et élégante la poésie de ce luxe aristocratique et voluptueux.
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 229.
4 Vx. Interrompu par des arrêts ou des changements brusques. || Batterie de tambour rompue.
♦ ☑ Loc. fig. Mod. À bâtons rompus. ⇒ Bâton (cit. 17, 18, 18.1 et supra).
♦ (1673). || Style rompu.
♦ Math. Vx. || Nombre rompu, fractionnaire (→ Incommensurable, cit. 1).
5 (XIIIe). Personnes. Extrêmement fatigué. ⇒ Échiné, éreinté, fourbu, moulu, roué; fam. crevé, flapi. || Être rompu de fatigue, de travail. || Rompu par les fatigues (→ Épave, cit. 2).
25 Quoique son frêle corps eût la vigueur de l'acier, elle était rompue, et son sommeil était si profond qu'elle semblait morte.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, XVI.
♦ ☑ Avoir les bras rompus.
♦ N. m. Vx. ⇒ Roué.
26 Pardieu ! si je n'ai connu, ce grand rompu de Saint-Rémy, comme on dit dans Brantôme !
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le rideau cramoisi », p. 35.
6 (1578, in D. D. L.). || Rompu à… : très exercé à… ⇒ Dressé, expérimenté, expert, habile, habitué (→ Entendre, cit. 76; exercice, cit. 6).
27 (…) ses larges mouvements exprimaient (…) l'agilité d'une ménagère rompue au travail (…)
France, l'Orme du mail, VI, Œ., t. XI, p. 63.
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CONTR. Attacher, lier, nouer, souder; contracter (un engagement); entretenir; coaliser (se), engager (s').
DÉR. Rompement, rompis, rompu (n. m.).
Encyclopédie Universelle. 2012.