emparer (s') [ ɑ̃pare ] v. pron. <conjug. : 1>
• 1514 ; enparer « munir, fortifier » 1323; a. provenç. amparar, lat. pop. °anteparare « disposer par-devant »
1 ♦ Prendre violemment ou indûment possession de (un pays, un bien). ⇒ conquérir, enlever, occuper, prendre (cf. Mettre la main sur). « En 1453, les Turcs s'emparent de Constantinople » (Bainville). « Le premier venu peut, en s'emparant du télégraphe et de l'imprimerie nationale, gouverner une grande nation » (Baudelaire). Un individu s'est emparé de mon sac. ⇒ 2. voler. — (Abstrait) Ils se sont emparés du marché européen. ⇒ accaparer. S'emparer du pouvoir.
2 ♦ Littér. Se rendre maître (d'un esprit, d'une personne) au point de dominer, de subjuguer. « Pour s'emparer de ta volonté » (Fromentin).
♢ Cour. (sujet chose) ⇒ envahir, gagner. Le sommeil s'empara de lui. Émotion, colère, peur qui s'empare de qqn. « Une rêverie douce et profonde s'empare alors de ses sens » (Rousseau).
3 ♦ Se saisir avidement (de qqch.) en vue d'une utilisation. Le gardien de but réussit à s'emparer du ballon. « Ce travail d'ordonnance, auquel se livre malgré moi mon esprit sur tout ce dont il s'empare » (A. Gide).
⊗ CONTR. Abandonner, perdre; rendre, restituer.
emparer (s')
v. Pron.
d1./d Se saisir (d'une chose), s'en rendre maître par des moyens violents ou irréguliers. S'emparer du pouvoir, d'un héritage, d'une ville.
d2./d Se saisir vivement (de qqch) pour tel ou tel usage. Il s'est emparé de l'outil dont j'avais besoin.
d3./d Envahir, dominer (qqn) en parlant d'une sensation, d'un sentiment, etc. La colère s'empara de lui.
emparer (s') [ɑ̃paʀe] v. pron.
ÉTYM. 1514; « munir, fortifier », 1323 (→ Rempart); anc. provençal amparar « protéger »; du lat. pop. anteparare « se protéger devant », de ante et parare « préparer, arranger ».
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1 Prendre violemment ou indûment possession de (quelque chose).
♦ Prendre par les armes, par la conquête. ⇒ Assurer (s'), capturer, conquérir, enlever, envahir, occuper, prendre; → Se rendre maître de. || S'emparer d'une ville (→ Algarade, cit. 1). || Les soldats se sont emparés de tout le pays (→ Blanc, cit. 38). || S'emparer d'une place forte. || L'action de s'emparer d'une ville. ⇒ Prise, rapt.
1 Autre événement, lointain celui-là, riche, lui aussi, de conséquences. En 1453, les Turcs s'emparent de Constantinople.
J. Bainville, Hist. de France, VI, p. 119.
♦ Prendre (le bien d'autrui en général, privé ou public). ⇒ Accaparer, approprier (s'), attribuer (s'), emporter, escroquer, intercepter, prendre, usurper, voler; fam. allonger (s'), appuyer (s'), enlever, faucher, rafler, soulever…; → Mettre le grappin sur; mettre la main sur. || S'emparer du bien d'autrui, d'un héritage, d'un trésor. || S'emparer de papiers importants. || S'emparer du poste, de l'emploi de qqn (→ Croc-en-jambe, cit. 3). || S'emparer des postes-clés d'un État, d'un régime, du pouvoir. || S'emparer d'un secret (→ Confier, cit. 7).
2 Du palais d'un jeune lapin
Dame belette, un beau matin
S'empara : c'est une rusée.
La Fontaine, Fables, VII, 16.
3 En somme, devant l'histoire et devant le peuple français, la grande gloire de Napoléon III aura été de prouver que le premier venu peut, en s'emparant du télégraphe et de l'imprimerie nationale, gouverner une grande nation.
Baudelaire, Journal intime, « Mon cœur mis à nu », XLIV.
4 S'emparer de ce qui ne peut se défendre, c'est une lâcheté.
Gide, la Symphonie pastorale, p. 78.
2 Fig. (Le compl. désigne des personnes ou des qualités humaines). Se rendre maître (d'un esprit, d'une personne), au point d'exercer une domination entière, de recouvrir de son autorité, de son influence. || S'emparer du cœur, de la confiance, de la volonté, de l'attention de qqn. ⇒ Capter, forcer (→ Avance, cit. 30). || S'emparer de qqn, ne pas lui laisser de liberté, l'accaparer. || Orateur qui s'empare de son auditoire. ⇒ Subjuguer. || Comédien, virtuose qui s'empare du public dès les premiers moments. ⇒ Conquérir.
5 Personne ne conspire avec la pauvre Julie pour s'emparer de ta volonté et la lui amener pieds et poings liés.
E. Fromentin, Dominique, p. 234.
6 Elle sentait, de seconde en seconde, qu'il s'emparait d'elle davantage : et, réciproquement, qu'il lui appartenait davantage, dans la mesure même où elle cédait à son amour.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 162.
♦ (Sujet n. de chose). ⇒ Envahir, gagner.
7 (…) l'ombre s'empare du côté du pays que la chaleur a fatigué pendant l'autre moitié du jour; tout semble un peu soulagé.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 192.
♦ (Le sujet désigne un état, un sentiment, une idée). Prendre possession de (qqn). || Le sommeil s'empara de lui. ⇒ Gagner (→ Défaillir, cit. 7). || La rêverie s'empara de toute son âme (→ Contemplateur, cit. 1). ⇒ Envahir. || Émotion, colère, hilarité, peur… qui s'empare de qqn. || Idée, doctrine, manie qui s'empare d'un esprit. ⇒ Occuper. || Spectacle qui s'empare des yeux, de l'attention. ⇒ Capter, fasciner.
8 (La première figure) Riche d'un agrément, d'un brillant de grandeur
Qui s'empare d'abord des yeux du spectateur (…)
Molière, la Gloire du Val-de-Grâce, 94.
9 Les vertus devraient être sœurs,
Ainsi que les vices sont frères.
Dès que l'un de ceux-ci s'empare de nos cœurs,
Tous viennent à la file, il ne s'en manque guère.
La Fontaine, Fables, VIII, 25.
10 Un vertige s'emparait de lui (…)
Renan, Souvenirs d'enfance…, IV, II.
11 L'idée, d'ailleurs plausible, d'une embolie provoquée par les troubles phlébitiques, s'était immédiatement emparée de son esprit.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 194.
12 Le démon de la vitesse et du joyeux vagabondage ne s'était pas encore emparé du monde.
Georges Lecomte, Ma traversée, p. 91.
3 Se saisir de (qqch.) en vue d'une utilisation, d'une jouissance. || Le joueur, le gardien de but s'empare du ballon. — Fig. || Cet intrigant s'empare de toutes les occasions (→ Faire flèche de tout bois). — Abstrait. || C'est un esprit qui s'empare d'une idée et l'exploite jusqu'au bout. || Son imagination, son intelligence s'emparait du moindre fait pour en tirer des idées brillantes.
13 La nuit, quand de si loin le monde nous sépare,
Quand je rentre chez moi pour tirer mes verrous,
De mille souvenirs en jaloux je m'empare;
Et là, seul devant Dieu, plein d'une joie avare,
J'ouvre, comme un trésor, mon cœur tout plein de vous.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « À Ninon ».
14 Le critique ne doit pas s'emparer méchamment des faiblesses que présentent souvent les plus beaux talents, de même que l'histoire ne doit point abuser des petitesses qui se rencontrent dans presque tous les grands caractères.
Hugo, Littérature et philosophie mêlées, Fantaisies satiriques et morales.
15 Tout ce que j'écris ce matin, j'aurais dû le noter aussitôt; le temps m'a manqué. Ce travail de simplification, d'ordonnance, auquel se livre malgré moi mon esprit sur tout ce dont il s'empare, travail excellent s'il aboutit à l'œuvre d'art, est déplorable ici où le particulier importe plus que l'essentiel.
Gide, Journal, 19 mai 1913.
♦ Figuré :
16 La puissante lumière de l'été s'empare (…) du moindre objet, l'exhume, le glorifie ou le dissout.
Colette, la Naissance du jour, p. 119.
♦ S'approprier (une chose abstraite) comme un dû exclusif.
17 Les grands croient être seuls parfaits, n'admettent qu'à peine dans les autres hommes la droiture d'esprit, l'habileté, la délicatesse, et s'emparent de ces riches talents comme de choses dues à leur naissance.
La Bruyère, les Caractères, IX, 19.
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DÉR. Emparement.
Encyclopédie Universelle. 2012.