épais, aisse [ epɛ, ɛs ] adj.
• espes sens 4 1080; var. espois; lat. pop. °spissia, de spissus « épais »
1 ♦ Qui est gros, considéré dans son épaisseur (2o) [opposé à mince]. Un mur épais. Une épaisse tranche de pain. Crêpe épaisse, steak épais. Verre épais et opaque. Papier épais. ⇒ 1. fort. Couverture épaisse et chaude. Une épaisse couche de peinture, de fard. « une couche [de neige] inégale, très mince sur le bord de l'appui, plus épaisse vers le fond » (Robbe-Grillet).
♢ Qui mesure (telle dimension), en épaisseur. Une couche épaisse de deux centimètres.
2 ♦ (XVIIe) Dont l'abondance de matière nuit aux formes (opposé à fin, svelte). Avoir des doigts épais, des mains épaisses. ⇒ 1. court, gros. Taille, silhouette épaisse. ⇒ empâté, massif, ramassé. Visage aux traits épais. Lèvres épaisses. ⇒ charnu. Aux lèvres épaisses. ⇒ lippu. — « c'est une femme rude, épaisse » (Suarès). ⇒ trapu; fam. mastoc. — Loc. fam. Il n'est pas épais : il est maigre.
3 ♦ (XVIe) Qui manque de finesse intellectuelle. ⇒ grossier, lourd, pesant. Un esprit épais. « Les Béotiens, les plus épais de tous les Grecs » (Montesquieu). « les personnes simples, d'entendement épais et d'esprit peu compliqué » (Nerval). Une plaisanterie épaisse.
4 ♦ Dont les constituants sont nombreux et serrés (opposé à clairsemé).⇒ compact, dru, fourni, serré. Feuillage épais. Épaisse toison. Chevelure épaisse. D'épais sourcils. Au plus épais de : à l'endroit le plus épais. « Maurice était à son aise, au plus épais de la foule » (Sartre).
♢ (Liquide) Qui a de la consistance, qui ne coule pas facilement (opposé à clair, fluide).⇒ consistant, pâteux, visqueux. Soupe, sauce, bouillie épaisse. Huile épaisse. Son sang est trop épais. Vin épais.
♢ (Gaz, vapeur) Qui est dense, qui ne laisse pas passer la lumière (opposé à léger, transparent). Un brouillard épais (cf. À couper au couteau). Une épaisse fumée. — Par ext. Littér. Dense comme la matière, la substance. Ombre épaisse. « Mais quelle épaisse nuit tout à coup m'environne ? » (Racine). « Ce silence épais, presque solide » (F. Mauriac). ⇒ profond.
5 ♦ Adv. D'une manière serrée. Semer épais. ⇒ dru. — Fam. Beaucoup. Il n'y en a pas épais ! ⇒ lourd.
⊗ CONTR. Mince, 2. fin. 1. Délié, 1. effilé, élancé, svelte. Délicat, subtil, vif. Clairsemé; clair, fluide. Léger, transparent.
● épais adverbe D'une manière dense, serrée : Semer trop épais. ● épais (expressions) adverbe Familier. Il n'y en a pas épais !, il n'y en a pas beaucoup. ● épais, épaisse adjectif (ancien français espes, du latin spissus, avec l'influence de l'ancien français espeis, du latin spissare, épaissir) Dont les proportions, les dimensions sont importantes relativement à d'autres choses de même type : Avoir des lèvres épaisses. Une épaisse couche de neige. Qui est d'aspect massif, sans finesse, sans sveltesse : Elle a une taille épaisse. Se dit d'une matière consistante, peu fluide, d'une vapeur, d'un gaz dense ; pâteux, visqueux : Une épaisse fumée. Dont les éléments sont drus, touffus, serrés : Un bois épais. Qui manque de finesse, de pénétration ; obtus : C'est un brave garçon, mais un peu épais. Qui donne l'impression d'une grande densité : Nuit épaisse. ● épais, épaisse (expressions) adjectif (ancien français espes, du latin spissus, avec l'influence de l'ancien français espeis, du latin spissare, épaissir) Épais de tant, Indique l'épaisseur d'un corps : Une planche épaisse de 2 cm. Au plus épais de, dans la partie la plus dense de quelque chose, au cœur de quelque chose. Avoir la langue épaisse, avoir la langue pâteuse ou la parole embarrassée. ● épais, épaisse (homonymes) adjectif (ancien français espes, du latin spissus, avec l'influence de l'ancien français espeis, du latin spissare, épaissir) épée nom féminin ● épais, épaisse (synonymes) adjectif (ancien français espes, du latin spissus, avec l'influence de l'ancien français espeis, du latin spissare, épaissir) Dont les proportions, les dimensions sont importantes relativement à d'autres...
Synonymes :
- fort
- gros
Contraires :
- mince
- plat
Qui est d'aspect massif, sans finesse, sans sveltesse
Synonymes :
- pesant
- râblé
- trapu
Contraires :
- élancé
- frêle
- grêle
- menu
- svelte
Se dit d'une matière consistante, peu fluide, d'une vapeur, d'un...
Synonymes :
- pâteux
- visqueux
Contraires :
- fluide
- léger
- liquide
Dont les éléments sont drus, touffus, serrés
Synonymes :
- compact
- dense
- dru
- fourni
- impénétrable
- opaque
Contraires :
- clairsemé
Qui manque de finesse, de pénétration ; obtus
Synonymes :
- balourd
- lourd
- obtus
Contraires :
- fin
épais, aisse
adj., adv. et n.
rI./r adj.
d1./d Qui a telle épaisseur. Rempart épais de deux mètres.
|| Absol. Dont l'épaisseur est grande. Du drap épais.
d2./d Gros, massif. Avoir la taille épaisse.
d3./d Consistant, pâteux. Sirop épais.
d4./d Serré, dense. Herbe épaisse. Chevelure épaisse.
|| Opaque. Brume, obscurité épaisse.
d5./d Fig. Obtus, lourd. Intelligence épaisse.
d6./d (Québec) Fig., Fam. Qui manque d'éducation, de délicatesse. Avoir l'air épais.
rII./r adv.
d1./d De manière serrée, dense. L'herbe a poussé épais.
— (Ellipt.) Fam. En avoir épais sur le visage (en parlant de saleté, de maquillage, etc.).
⇒ÉPAIS, AISSE, adj.
I.— [Caractérisant l'étendue]
A.— [Appliqué à une seule dimension]
1. [Avec une idée de comparaison formulée ou implicite] Qui est relativement important quant à l'épaisseur (cf. ce mot I A). Couche épaisse; lignes épaisses; d'épais volumes. Dans les mammifères en général, le cuir est aussi plus épais dans la région du dos, et beaucoup plus mince dans celle du ventre (CUVIER, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 558). De larges nappes de couleur, cernées d'un épais trait expressif (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 112) :
• 1. ... il y avait, remplis par un petit esclave à mesure qu'il y buvait, (...) un verre, à parois très minces, de thé à la menthe bouillant, un vaste verre, de la grandeur d'un pot à confitures, et à parois très épaisses, d'eau pure qu'on maintenait glacée.
MONTHERLANT, Encore un instant de bonheur, 1934, p. 696.
SYNT. Épiderme épais; papier, livre épais; rideaux, tapis épais; couche, croûte, cuirasse épaisse; neige épaisse; une épaisse couverture; d'épaisses murailles.
— Emploi adv.
a) [Indiquant la manière] En faisant des parts importantes. « Coupe épais, mon minou », fit-elle d'une voix paresseuse (MARTIN DU G., Thib., Belle sais., 1923, p. 968).
b) [Indiquant la quantité] Une ouvrière (...) ça ne gagne pas épais (LABICHE, Frisette, 1846, 14, p. 253). Le soleil écrasé sur nous était étendu sur les prés (...) comme une couche de beurre roux sur du pain. Il y en avait épais (GIONO, Eau vive, 1943, p. 101).
2. [Suivi d'un compl. indiquant la mesure de cette dimension] Cette veine était si mince, épaisse à peine en cet endroit de cinquante centimètres (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1164). Lanière plate large comme la main, épaisse d'un doigt (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 387).
— Emploi subst. Il y a de la neige deux pieds d'épais (Ac. 1798-1878).
B.— [Appliqué à plusieurs dimensions qui définissent une surface ou un volume]
1. Dont les proportions sont importantes, qui a un aspect massif. L'épais carré de l'Espagne et de l'Arabie; la longue arête de l'Italie et de l'Hindoustan (MICHELET, Introd. Hist. univ., 1831, p. 411). D'admirables chevaux (...) de ce modèle appelé « hunter », massif, ramassé, près de terre, à l'ossature carrée, aux membres épais (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 181) :
• 2. Le type pycnique ou épais se distingue par la prépondérance relative des dimensions horizontales sur les verticales; le type leptosome ou grêle se caractérise par la prépondérance relative des dimensions verticales sur les horizontales et par le profil anguleux.
DELAY, Ét. de psychol. méd., 1953, p. 155.
— Spéc., avec une valeur péj.
a) [En parlant d'un être vivant ou d'une partie du corps] Corps épais; personne, taille épaisse. Son nez vaste et charnu, ses lèvres épaisses, apparaissaient comme de puissants appareils pour pomper et pour absorber (FRANCE, Orme, 1897, p. 80). L'épaisse cuisinière ressemblait à une grosse poule dont le plumage se fût gonflé au-dessus des pattes (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 38) :
• 3. « C'est là vraiment l'homme barbare. Ses membres trapus, son cou épais et court, je ne sais quoi de hideux qu'il a dans tout le corps, le font ressembler à un monstre à deux pieds... »
HUGO, Le Rhin, 1842, p. 446.
♦ P. ext. Qui manque de finesse, de délicatesse, de grâce. Face épaisse, visage épais. Une face lippue, des traits maigres et épais (ARNOUX, Juif Errant, 1931, p. 138).
b) Au fig. Sottise, vulgarité épaisse. Votre interlocuteur laisse percer une si épaisse bêtise, une si énorme ignorance (GONCOURT, Journal, 1895, p. 864).
2. Emploi subst. avec valeur de neutre. La partie la plus épaisse d'un membre. Il a de gros muscles qui font de l'ombre le long de ses bras et sur ses hanches, et à l'épais de ses cuisses (GIONO, Regain, 1930, p. 131).
II.— [Caractérisant la constitution ou l'état de la matière]
A.— [Appliqué à un ensemble de pers. ou de choses] Qui est constitué d'éléments nombreux et rapprochés les uns des autres. Bois épais; chevelure épaisse; foule épaisse. Une grêle épaisse était tombée sur les dalles (QUINET, All. Ital., 1836, p. 155). [Des] faces rouges embroussaillées de moustaches épaisses et de favoris buissonnants! (VERNE, 500 millions, 1879, p. 138) :
• 4. ... là commençaient insensiblement les fourrés d'ormes, d'abord clairsemés et libres, puis épais et taillés, enfin, percés par une allée fort belle et de tout repos, ...
BOYLESVE, La Leçon d'amour dans un parc, 1902, p. 95.
SYNT. Arbres, buissons, feuillages, taillis épais; barbe, crinière épaisse; bataillons, rangs épais.
— Emploi adv. Cette graine ne doit pas être semée si épais (Ac. 1835-1932).
— Emploi subst. Au plus épais (de). À l'endroit le plus épais, le plus dense. Au plus épais de la brousse, d'une forêt, de la cohue, de la foule. Au plus épais des masses ennemies (MICHELET, Insecte, 1857, p. 281).
♦ Au fig. Au cœur, au plus fort de. Au plus épais de la bataille, du danger, du tumulte. Si la crise arrive, vous me verrez au plus épais (LAMART., Corresp., 1830, p. 37).
B.— Qui est fait d'une matière serrée, compacte, ayant une forte cohésion ou une forte concentration.
1. Domaine concr. Boue, gelée, pâte épaisse. Il faut observer un régime exact, s'abstenir des alimens âcres, salés, ou épais et visqueux (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 206).
a) [En parlant d'un liquide] Qui est consistant, peu fluide. Café, vin épais; crème, sauce épaisse. Une écuellée de lait de chèvre, épais comme du fromage et doux comme du miel (ABOUT, Grèce, 1854, p. 452). Le sang se transforme en une encre grasse, épaisse (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 322) :
• 5. ... à cause de nos dents trop faibles qui branlaient dans leurs alvéoles, le biscuit de mer sec nous était une nourriture impossible; cuit dans l'eau il faisait une bouillie épaisse où nos dents se prenaient et restaient.
GIDE, Le Voyage d'Urien, 1893, p. 57.
Rem. On rencontre épais suivi d'un compl. prép. au sens de « rendu épais par (quelque chose) ». Elles [des eaux] sont vert-olive foncé, épaisses de matière vivante et de nourriture (MICHELET, Oiseau, 1856, p. 293).
— P. méton. Langue épaisse. Chargée d'une salive épaisse et p. ext. qui articule difficilement. M. Jageot (...) avait la langue épaisse et blanchâtre (CHAMPFL., Bourgeois Molinch., 1855, p. 214) :
• 6. Ses idées confuses tourbillonnaient; il tâchait de les rattraper; il se demandait soudainement : — hein! ... plaît-il?... d'une langue épaisse; et les yeux fermés, s'obstinait à essayer de se représenter l'image de la Belcredi.
BOURGES, Le Crépuscule des dieux, 1884, p. 250.
— P. métaph. Son épais rire se mouillait d'une salive jubilante (GONCOURT, Journal, 1873, p. 953). Une voix épaisse, comme enrouée, gronda (ZOLA, E. Rougon, 1876, p. 359) :
• 7. ... Joseph sombra tout à fait dans un sommeil affreux, dans un sommeil épais, noir et gluant comme est, paraît-il, le pétrole natif dans les entrailles du sol.
DUHAMEL, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 219.
b) [En parlant d'une substance gazeuse] Qui est fortement condensé, saturé. Brouillard épais; brume épaisse; d'épaisses vapeurs. L'air était épais et sombre (JANIN, Âne mort, 1829, p. 181). Les foyers rougeâtres d'où montait une épaisse fumée (THARAUD, Dingley, 1906, p. 79) :
• 8. Le lendemain, au lever du jour, un brouillard assez dense rampait lourdement sur les eaux du fleuve. Une partie des vapeurs qui saturaient l'air s'était condensée par le refroidissement et couvrait d'un nuage épais la surface des eaux.
VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 3, 1868, p. 101.
— P. métaph. Une bonne odeur lourde, épaisse à couper au couteau (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 28).
c) P. ext. [Appliqué à ce qui est assimilé à une substance matérielle] Qui a une apparence compacte, est impénétrable à la vue. Obscurité épaisse; ténèbres épaisses. L'ombre plus épaisse l'enveloppa (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Dimanches Paris, 1880, p. 294). Comme la nuit est épaisse et comme les lumières de ces flambeaux ont de la peine à la percer! (SARTRE, Mouches, 1943, II, 2e tabl., 8, p. 83) :
• 9. ... le rouge, cette couleur si obscure, si épaisse, plus difficile à pénétrer que les yeux d'un serpent, — le vert, cette couleur calme et gaie et souriante de la nature, je les retrouve chantant leur antithèse mélodique jusque sur le visage de ces deux héros.
BAUDELAIRE, Salon, 1846, p. 136.
— Emploi abstr. Un entraînement à la joie qui l'emporte souvent sur des tristesses et des noirceurs des plus épaisses (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1833, p. 84). Une épaisse obscurité enveloppe cette histoire (FRANCE, Île ping., 1908, p. 179).
2. Au fig., péj. Qui donne une impression de lourdeur, de pesanteur.
a) [En parlant d'une pers., de ses facultés intellectuelles] Qui manque de finesse, de pénétration, de subtilité. Âme, intelligence épaisse. L'épais, le béotien Éraste (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 345). Ces préoccupations d'affaires qui gâtent l'intérieur et rendent l'esprit épais (SAND, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 44) :
• 10. Cette maîtresse, en contact avec ses élèves, me parut bien épaisse et bien placide; je fus étonnée du peu d'acuité, du peu d'élan, du peu de flamme de sa physionomie.
FRAPIÉ, La Maternelle, 1904, p. 44.
b) [En parlant des manifestations de l'esprit ou de la sensibilité] Qui manque d'aisance, d'élégance, de raffinement. Joie, satisfaction épaisse. Gaîté, quelquefois profonde et fine, le plus souvent épaisse et obscène (SAINTE-BEUVE, Tabl. poés. fr., 1828, p. 252). Qu'ils écrivent sur les prisons en bon vieux style épais! (FLAUB., Éduc. sent., 1845, p. 68). Comme j'essuyais les épais compliments d'Adolphe Retté (GIDE, Si le grain, 1924, p. 526) :
• 11. Ensuite, en face du désordre de la monarchie européenne de l'époque, basée sur les principes matériels les plus injustes et les plus épais, elle éclaire la hiérarchie organique de la monarchie aztèque établie sur d'indiscutables principes spirituels.
ARTAUD, Le Théâtre et son double, 1938, p. 152.
Prononc. et Orth. :[], fém. [-]. Enq. : /epe, (D); — s/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 subst. el plus espès en parlant d'une mêlée, d'une bataille (Roland, éd. J. Bédier, 3529); 2. ca 1150 « dense, compact » espesse pluie (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 237); XIVe s. « qui manque de fluidité » (Recettes méd., 2 ds T.-L.); 3. ca 1160 en parlant d'un corps à trois dimensions et par opposition à la longueur et à la largeur (ou à la hauteur) mur espès (Enéas, 441 ds T.-L.); 4. av. 1564 « dont l'aspect extérieur est massif, grossier, lourd, pesant » (Calvin ds DOCHEZ); 1677 un homme épais (MIÈGE). La forme a. fr. espes, encore en usage au XVIIe s. est issue du lat. class. spissus « épais, dense, compact »; la forme mod. épais est due par une évolution analogue à celle de roide, raide, à l'infl. de l'a. fr. espeis, espois (ca 1200 ds T.-L.) qui existait à côté de espes. Les formes espeis, espois sont elles-mêmes issues d'un croisement de espes avec le subst. a. fr. espeisse, espoisse « épaisseur » (XIIe s. ds T.-L.) et le verbe a. fr. espeissier, espoissier « épaissir » (XIIe s., ibid.), du lat. pop. spissia, , class. spissare « rendre épais ». Fréq. abs. littér. :4 638. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 6 862, b) 6 977; XXe s. : a) 6 855, b) 6 007. Bbg. GRUNDT (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Franso, 1972, p. 153.
épais, aisse [epɛ, ɛs] adj.
ÉTYM. 1080, espes, au sens 6.; var. espois; du lat. pop. spissia, de spissus « épais ».
❖
1 (V. 1160). Qui est gros, considéré dans son épaisseur (2.), opposé à mince. || Un mur épais. || Une épaisse tranche de pain. || Verre épais et opaque. || Un papier, un volume épais. ⇒ Fort. || Une étoffe, une couverture épaisse et solide. || Drap épais. ⇒ Corsé, grossier. || Voile épais. || Épaisse armure (→ Battre, cit. 54). || Une épaisse liasse de billets de banque : un matelas. || Une épaisse couche de peinture, d'or (→ Dorure, cit. 1), de fard. || Veine épaisse dans une mine (→ Charbon, cit. 2). || Un flot épais. ⇒ Abondant. || Une épaisse masse d'eau (→ Balayer, cit. 6). — (Dans une seule dimension). || Trait épais, large. || Écriture épaisse. ⇒ Gras, empâté.
1 À la première tartine épaisse devait succéder une seconde tartine mince (…)
Colette, la Chatte, p. 30.
2 Une mauvaise écriture, irrégulière, épaisse, avec des parties tracées à la hâte, et d'autres inutilement appuyées.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, VI, p. 68.
3 Très myope, il portait un nez busqué, olivâtre, des lunettes dont les verres étaient épais comme des lentilles de télescope.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 53.
3.1 Dans l'embrasure des fenêtres, la neige s'est accumulée en une couche inégale, très mince sur le bord de l'appui, plus épaisse vers le fond, formant du côté droit une masse déjà importante qui comble l'encoignure et monte jusqu'au carreau.
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 32.
♦ Épais de (suivi d'un nombre) : qui mesure en épaisseur. || Une couche épaisse d'un centimètre.
2 (Av. 1564). Êtres vivants et animés; parties du corps. Dont l'abondance de matière nuit aux formes (opposé à fin, svelte). || Formes épaisses. ⇒ Massif, mastoc, râblé, ramassé, trapu. || Carrure, corpulence épaisse, courte et épaisse. ⇒ Courtaud. || Silhouette, taille épaisse. || Chevilles épaisses. || C'est un homme râblé et épais. || Une femme épaisse (→ Doux, cit. 35). || Cheval épais. || Visage aux traits épais. — Lèvres épaisses. ⇒ Charnu. || Aux lèvres épaisses. ⇒ Lippu (→ Bouche, cit. 3). || Doigts épais, mains épaisses. ⇒ Court, gros.
4 Il nous distribuait des coups de férule avec une agilité qu'on n'eût point attendue de son épaisse corpulence.
France, le Crime de S. Bonnard, t. II, I, p. 340.
5 (…) il est bon, même s'il est injuste : ses lèvres le disent, excellentes, épaisses, obstinées et généreuses.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », p. 210.
6 Il a de grandes oreilles, hautes et épaisses, plus longues que le nez.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », p. 210.
♦ ☑ Fam. Il n'est pas épais : il est mince, maigriot.
3 (XIVe). D'un liquide. Qui a de la consistance, qui ne coule pas facilement (opposé à clair, fluide). ⇒ Butyreux, concret (vx), consistant, gluant, pâteux, visqueux. || Masse épaisse. ⇒ Magma. || Dépôt épais. || Une lie épaisse. || Bouillie, crème, huile épaisse. || Liqueur, encre épaisse. || Vin épais. || Son sang est trop épais. || Boisson épaisse et imbuvable (→ fam. Il y a à boire et à manger là-dedans). || Rendre plus épais. ⇒ Épaissir.
7 (…) le bassin de marbre, plein d'une eau de laque, rare, épaisse et dormante (…)
Edmond Jaloux, le Jeune Homme au masque, XIII, p. 204.
8 Cette liqueur épaisse l'écœura.
J. Green, Adrienne Mesurat, p. 198.
♦ Par métonymie. || Langue épaisse, chargée de sécrétions épaisses. ⇒ Pâteux.
♦ (D'un gaz, d'une vapeur). Dense, qui ne laisse pas passer la lumière (opposé à léger, transparent). || Air, nuage épais (→ Cacher, cit. 3). || Ciel épais. ⇒ Bas, couvert, obscur (→ Déchirure, cit. 5). || Vapeur, brume, fumée épaisse. ⇒ Dense. || Un brouillard épais, compact, à couper au couteau. || Nuit, ombre épaisse. ⇒ Profond (→ Brunir, cit. 2). — Fig. Qui donne une impression de densité pénible. || La pièce est plongée dans un épais silence. || Il est tombé dans un sommeil épais. ⇒ Lourd. — Vieilli (d'un sentiment pénible). || Elle est écrasée sous un épais chagrin.
9 (…) le soleil de Provence dissipe au moins à midi les plus épais chagrins (…)
Mme de Sévigné, 351, 27 nov. 1673.
10 Mais quelle épaisse nuit tout à coup m'environne ?
Racine, Andromaque, V, 5.
11 La nuit était épaisse et sourde, l'eau était profonde.
Hugo, l'Homme qui rit, II, Conclusion, IV.
12 Il y a là un air humide et lourd comme une rosée de plomb, et des ténèbres épaisses comme une pâte empoisonnée (…)
Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, III, 3.
13 Le silence de Calèse, à cette heure avancée, ce silence épais, presque solide (…)
F. Mauriac, le Nœud de vipères, p. 243.
14 (…) une vapeur épaisse et nauséabonde planait (…)
Camus, la Peste, p. 197.
4 (XVIe). Abstrait; psychologique. Qui manque de finesse, de vivacité. ⇒ Grossier, lent, lourd, pesant. || Esprit épais. ⇒ Obtus. || Pensée épaisse et vulgaire (→ Amenuisement, cit. 2). || Sensibilité épaisse. || Cœur épais. ⇒ Dur (→ Croyance, cit. 16). || Ignorance épaisse. ⇒ Crasse. || Plaisanterie épaisse. || Le mensonge est un peu épais. ⇒ Gros. — (Personnes). || Il est un peu épais, mais intelligent. || Un garçon épais et obtus.
15 (…) que son intelligence est épaisse, et qu'il fait sombre dans son âme !
Molière, les Précieuses ridicules, 5.
16 (…) pour son esprit, je vous avertis par avance qu'il est des plus épais qui se fassent (…)
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, I, 2.
17 Les Béotiens, les plus épais de tous les Grecs (…)
Montesquieu, Grandeur et décadence des Romains, 5.
18 (…) il n'était pas de gens qui lui fussent si odieux que les personnes simples, d'entendement épais et d'esprit peu compliqué.
Nerval, Contes et facéties, « La main enchantée ».
19 (…) cette sorte de joie, pleine de sagesse un peu triviale, d'art un peu fruste, d'esprit un peu épais (que j'aime tant en lui).
Gide, Feuillets, in Journal, Pl., p. 664.
5 (V. 1150). Dont les constituants sont nombreux et serrés (opposé à clairsemé). ⇒ Fourni, serré, touffu. || Forêt épaisse. || Dôme, feuillage, ombrage épais. || D'épais fourrés. ⇒ Impénétrable. || Haies très épaisses (→ Clos, cit. 7). || Herbe épaisse, gazon épais. || Cheveux, poils, sourcils épais. ⇒ Dru (→ Abriter, cit. 2; aviver, cit. 2). || Barbe, crinière, toison épaisse.
20 Il est sur ma montagne une épaisse bruyère
Où les pas du chasseur ont peine à se plonger.
Qui plus haut que nos fronts lève sa tête altière,
Et garde dans la nuit le pâtre et l'étranger.
A. de Vigny, Poèmes philosophiques, « La maison du berger ».
21 (…) un homme (…) au visage massif et creusé, barré d'épais sourcils.
Camus, la Peste, p. 23.
♦ Une terre épaisse, un sol épais. ⇒ Compact. || L'épais humus (→ Forêt, cit. 3, Chateaubriand). || Foule épaisse. || Rangs épais. ⇒ Serré.
6 N. m. || Le plus épais de : la partie la plus dense, la plus serrée de (une chose). || S'enfoncer au plus épais de la forêt. || Au plus épais de la mêlée. — Vx. || Dans le plus épais de…
22 Nous nous enfonçâmes dans le plus épais du bois (…)
A. R. Lesage, Gil Blas, IV, XI.
23 (…) Maurice était à son aise, au plus épais de la foule.
Sartre, le Sursis, p. 162.
B Adv. || Semer épais. || Couler épais. — Fig. et fam. Beaucoup. || Il n'en a pas fait épais. ⇒ Lourd. || Il n'y en a pas épais.
❖
CONTR. Fin, mince; délié, effilé, filiforme, fluet, maigre, menu. — Élancé; clair, clairet, fluide. — Diaphane, léger, subtil, transparent; clairsemé.
DÉR. Épaissement, épaisseur, épaissir.
Encyclopédie Universelle. 2012.