étourdir [ eturdir ] v. tr. <conjug. : 2>
1 ♦ Faire perdre à demi connaissance, affecter subitement la vue, l'ouïe, le sens de l'orientation de (qqn). ⇒ abrutir, assommer. Choc, commotion qui étourdit. Le coup de poing l'a étourdi. ⇒fam. sonner.
2 ♦ Fig. et vx Causer de l'étonnement, de la stupeur à (qqn). ⇒ ébranler , étonner, hébéter. « les extrêmes douleurs Étourdissent l'esprit et restreignent les pleurs » (Mairet).
3 ♦ Causer une sorte de griserie, d'ivresse, de vertige à (qqn). Le vin l'étourdit. ⇒ griser (cf. Faire tourner la tête). Étourdi d'avoir valsé trop longtemps. « je me sentis étourdi d'une vapeur de joie, de gloire, de fortune, de mondanité » (Marivaux).
4 ♦ Fatiguer par le bruit, les paroles. ⇒ abrutir, assourdir, fatiguer, soûler. Ces petits garçons « qui nous étourdissent de leur babillage, de leur toupet » (Romains).
5 ♦ S'ÉTOURDIRv. pron. Perdre la claire conscience de soi-même. Boire pour s'étourdir. Par anal. S'étourdir de paroles. ⇒ s'enivrer , se griser. Chercher à s'étourdir pour oublier son chagrin, son inquiétude, ses soucis. ⇒ se distraire. « la jeunesse et la beauté même avaient besoin de s'étourdir jusqu'au vertige et de s'enivrer de mouvement jusqu'à la folie ! » (Lamartine).
⊗ CONTR. Exciter, réveiller, stimuler.
● étourdir verbe transitif (latin populaire exturdire, mettre dans l'état d'une grive étourdie par les raisins, du latin classique turdus, grive) Frapper les sens d'une sorte d'engourdissement, faire perdre à demi connaissance à quelqu'un : Étourdir son adversaire d'un coup de poing. Causer une sorte d'ivresse, griser quelqu'un : Après l'apéritif, il se sentit déjà étourdi. Détourner l'esprit de quelqu'un des problèmes qui le préoccupent, le griser : Il l'emmenait tous les soirs à des fêtes pour l'étourdir. Fatiguer, importuner quelqu'un par du bruit, des paroles, etc. ; abrutir, abasourdir : Tout ce brouhaha m'a étourdi. ● étourdir (citations) verbe transitif (latin populaire exturdire, mettre dans l'état d'une grive étourdie par les raisins, du latin classique turdus, grive) Claude Adrien Helvétius Paris 1715-Paris 1771 Il y a des gens qu'il faut étourdir pour les persuader. Notes, maximes et pensées ● étourdir (expressions) verbe transitif (latin populaire exturdire, mettre dans l'état d'une grive étourdie par les raisins, du latin classique turdus, grive) Vieux. Étourdir la douleur, la rendre moins vive ; distraire l'esprit de ses chagrins. ● étourdir (synonymes) verbe transitif (latin populaire exturdire, mettre dans l'état d'une grive étourdie par les raisins, du latin classique turdus, grive) Frapper les sens d'une sorte d'engourdissement, faire perdre à demi...
Synonymes :
- assommer
- sonner (populaire)
Causer une sorte d'ivresse, griser quelqu'un
Synonymes :
- enivrer
- griser
Fatiguer, importuner quelqu'un par du bruit, des paroles, etc. ; abrutir...
Synonymes :
- abrutir
étourdir
v. tr.
d1./d Assommer, amener au bord de l'évanouissement. Ce coup l'a étourdi.
d2./d Fatiguer, importuner. étourdir qqn par son bavardage.
d3./d v. Pron. Se distraire, perdre la pleine conscience de soi-même. Chercher à s'étourdir pour oublier un chagrin.
⇒ÉTOURDIR, verbe trans.
A.— [L'obj. désigne gén. une pers.]
1. Ébranler (quelqu'un) par un choc physique ou moral, au point, parfois, de lui faire perdre conscience momentanément. Synon. abrutir, abasourdir, assommer, sonner (pop.). Les trèfles et les luzernes filaient sous le galop malin de la bête; le vertige étourdissait les oreilles, cerclait la tête, noyait les mains de sueur (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 251).
— Emploi pronom. (Quasi-)synon. s'évanouir. Quand je me sentais m'étourdir, je regardais plutôt en l'air... Ça m'atténuait les malaises de relever la tête (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 680).
— Au fig. Jeter dans un trouble moral. Mon amour me trouble et m'étourdit tellement que j'ai oublié tout d'abord ce que j'avais à faire ici (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 144).
♦ Emploi abs. :
• 1. ... comme s'il redoutait une parole de Berthe ou un silence, il poursuivait son discours sans interruption, cherchant à dire, non pas sa pensée, mais ce qui pouvait étourdir, émouvoir, flatter, et il avait l'air d'un discuteur agité.
CHARDONNE, Épithal., 1921, p. 437.
2. P. ext.
a) Fatiguer, importuner par un bruit, par des paroles lassantes. Étourdir les oreilles. Synon. assourdir, bassiner (fam.), casser les oreilles (fam.), incommoder. Elle s'endormait en écoutant ses professeurs, tellement la fatigue des leçons l'étourdissait (ZOLA, Œuvre, 1886, p. 103). Le bruit des marteaux sans nombre, qui nous étourdissait tout à l'heure, nous parvient assourdi et nous rassure. (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 299) :
• 2. J'aime marcher à travers la ville, le soir, dans la chaleur du genièvre. Je marche des nuits durant, je rêve, ou je me parle interminablement. Comme ce soir, oui, et je crains de vous étourdir un peu, merci, vous êtes courtois. Mais c'est le trop-plein; dès que j'ouvre la bouche, les phrases coulent.
CAMUS, Chute, 1956, p. 1480.
— Au fig. Que le poltron s'amuse à vivre tant qu'il voudra, c'est son métier; mais qu'il ne vienne point nous étourdir de ses impertinences sur le malheur de ceux qui ne lui ressemblent pas (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 114).
b) Provoquer une sorte de griserie, d'ivresse. Lecouvreur buvait le moins possible. Quelques apéritifs suffisaient pour l'étourdir, lui enlever le goût du travail (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 61) :
• 3. ... j'étais dans une espèce de ravissement en parcourant les rues désertes, les cloîtres abandonnés, surtout en revenant contempler la cathédrale; un vent violent achevait de m'étourdir et de m'enivrer.
AMPÈRE, Corresp., 1827, p. 435.
— Au fig. Tout le régime n'est funeste que parce qu'il met en jeu, contre l'intérêt du public, tout ce qui tente, grise, étourdit les particuliers (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 43) :
• 4. Trop de pouvoir est mauvais à l'homme. Être prêtre, être roi, être Dieu, c'est trop. Le bourdonnement confus de toutes les volontés éveillées qui demandent à être satisfaites à la fois assourdit le pauvre cerveau de celui qui peut tout, étourdit son intelligence, dérange la génération de sa pensée et le rend fou.
HUGO, Rhin, 1842, p. 440.
• 5. ... car écrire! ce n'est pas se faire rougir, ni affronter l'indifférence — mais bien l'ambition d'abord de saisir un lecteur idéal et de le traîner sans s'émouvoir — ou encore de l'éblouir, l'étourdir, le réduire par la vérité supérieure et la force magique, oui merveilleuse!
VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1891, p. 126.
— Emploi pronom. réfl. Rechercher une joie factice pour tromper un ennui, une inquiétude. Besoin de s'étourdir; chercher à s'étourdir. (Quasi-)synon. s'amuser, se divertir. Deux sentiments uniques (...) pèsent sur l'Europe entière (...) : l'inquiétude et l'ennui (...). On s'étourdit par une excitation factice : au front, des massacres sans but; à l'arrière, la fête (BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 83).
B.— [L'obj. désigne un inanimé]
1. [Inanimé abstr.] Rendre moins vive, moins sensible une sensation physique, une souffrance morale. Étourdir une douleur, un chagrin. Synon. endormir. Si nous venons au bal c'est pour étourdir sa douleur (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 4, 1859, p. 288).
— Vx. Étourdir la grosse faim. La calmer en mangeant un peu (Ac. 1835-1878).
2. [Inanimé concr.]
a) ART CULIN. Étourdir la viande. Lui faire subir une légère cuisson (Ac. 1932).
b) Arg. Voler, dérober. Fallait l'embobiner, pour le ravoir et lui étourdir son magot (ZOLA, Terre, 1887, p. 359).
Prononc. et Orth. :[], (j')étourdis []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1086 Ricard Estordit nom propre (Exon. Domesday Book, IV, II ds Z. rom. Philol. t. 8, p. 335); 1. 1176 « frapper d'une sorte d'engourdissement du cerveau (par commotion, vertige, ivresse...) » (CHR. DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 2035); ca 1200 part. passé adj. cum home esturdi (Chanson de Guillaume, éd. Mc Millan, 385); d'où a) 1629 « causer de la stupeur, de l'étonnement » (MAIRET, Soliman, V, 2 ds LITTRÉ); b) 1670 pronom. « perdre la claire conscience de soi-même, de ses actes » (BOSS., Duch. d'Orléans ds ROB.); c) 1677 « rendre moins sensible » (ID., Connaiss., I, 16 ds LITTRÉ); 2. XVe s. « importuner, lasser par une action répétée » (Ch. D'ORLÉANS, Rondeaux, éd. P. Champion, CCXCV, 2); en partic. 1615 part. prés. adj. son estourdissante crierie (MONTLYARD, Heroglyphiques de Jean-Pierre Valerian, XXIV, 33 ds R. Hist. litt. fr. t. 12, p. 143). Formé sur un lat. pop. exturdire, dér. de turdus « grive », signifiant prob. « avoir le cerveau étourdi, comme une grive ivre de raisin »; cf. ca 1200 « être ivre » (Aliscans, éd. Wienbeck-Hartnacke-Rasch, 4306-07) d'où le sens de « étourdir ». Fréq. abs. littér. :535. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 757, b) 881; XXe s. : a) 975, b) 570. Bbg. SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 239, 280. — SAIN. Sources t. 1 1972 [1925], p. 88.
étourdir [etuʀdiʀ] v. tr.
ÉTYM. Fin XIe, estordir; estourdir, v. 1190 en parlant du vin, « rendre ivre »; du lat. pop. exturdire, de ex-, et lat. class. turdus « grive », par allus. au comportement de la grive gorgée de raisins.
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♦ Sujet n. de chose ou (plus rare) n. de personne.
1 Faire perdre à demi connaissance, affecter subitement la vue, l'ouïe, le sens de l'orientation de (qqn). ⇒ Abrutir, assommer. || Choc, commotion, ébranlement nerveux qui étourdit. || Le coup de poing l'a étourdi. ⇒ Fam. Sonner. || La trépidation du train, le mouvement du bateau étourdissent (→ Bourdonner, cit. 6). — P. p. adj. || Il est encore tout étourdi (→ ci-dessous, cit. 3). || Être étourdi par l'ivresse, par un tour de valse.
1 (L'aigle) Choque de l'aile l'escarbot,
L'étourdit (…)
La Fontaine, Fables, II, 8.
2 (…) cela ne fera que vous étourdir, et il ne faut rien pour vous émouvoir en l'état où vous êtes, et vous ébranler le cerveau.
Molière, le Malade imaginaire, II, 2.
3 Elle écoutait mal. Elle était tout étourdie. Le battement de ses artères faisait dans sa tête un bruit assourdissant. Autour d'elle, tout était flou et chancelait, les arbres, les façades des maisons.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 156.
4 (…) il porta à son visage la taie d'oreiller qu'il avait volée. Ce parfum l'étourdissait; il ferma les yeux.
J. Green, Léviathan, p. 107.
2 (1629). Fig. et vx. Causer à (qqn) de l'étonnement, de la stupeur. ⇒ Abasourdir, ébranler, étonner, hébéter, saisir, stupéfier.
5 De relever du coup dont ils sont étourdis.
Corneille, Pompée, II, 4.
6 (…) pour un temps les extrêmes douleurs
Étourdissent l'esprit et restreignent les pleurs (…)
3 Causer à (qqn) une sorte de griserie, d'ivresse, de vertige. || Le vin l'étourdit. ⇒ Chavirer, enivrer, griser, tourner (la tête). || Son bonheur l'étourdit. — Au participe passé :
7 (…) je me sentis étourdi d'une vapeur de joie, de gloire, de fortune, de mondanité (…)
Marivaux, le Paysan parvenu, V.
8 Étourdis des éclairs d'un instant de plaisir (…)
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Souvenir ».
9 Les tentures, chefs-d'œuvre de l'industrie lyonnaise, rattachées par des cordelières d'or, étourdissaient les regards.
Balzac, Un début dans la vie, Pléiade, t. I, p. 729.
4 Fatiguer, importuner, lasser par le bruit, les paroles. ⇒ Abasourdir, assourdir, fatiguer, incommoder. → Casser la tête, les oreilles de (qqn). || Le bruit de la rue l'étourdit (→ Bruyant, cit. 5). — Sujet n. de personne. || Vous m'étourdissez de votre bavardage (→ Chemin, cit. 24; corbeau, cit. 6). || Étourdir qqn de réclamations, de plaintes. || Ces enfants nous étourdissent.
10 Vous nous venez encore étourdir la tête ?
Molière, George Dandin, II, 7.
11 Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles, dont vous embarrassez les ignorants et nous étourdissez tous les jours.
Molière, la Critique de l'École des femmes, 6.
12 (…) un de ces petits garçons pétulants que nous sommes habitués à voir à Paris (…) et qui nous étourdissent de leur babillage, de leur toupet (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIII, p. 209.
5 (1677). Compl. n. de chose. || Étourdir une douleur physique, faire qu'elle soit moins sensible. ⇒ Diminuer, endormir. || Ce remède ne guérit pas, il ne fait qu'étourdir la douleur. — Étourdir une douleur morale, faire que l'esprit en soit moins occupé. ⇒ Distraire. || Étourdir un souci, une inquiétude. || Voyager pour étourdir son chagrin.
13 Il aime mieux étourdir le sentiment qu'il a de ses fautes que d'avoir le chagrin de les connaître.
Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu, I, 16.
♦ (Compl. n. de personne). Rendre moins sensible à la douleur. || Étourdir, chercher à étourdir qqn en le détournant des pensées, des soucis qui l'absorbent. ⇒ Distraire.
14 Il faut étourdir Angélique à force de jeux, d'amusements et de petites fêtes, et tâcher, s'il se peut, d'empêcher qu'elle continue à réfléchir à l'engagement que j'exige d'elle.
6 Vx. || Étourdir sa vie : vivre dans l'étourdissement, s'étourdir.
15 Jamais les cœurs sensibles n'aimèrent les plaisirs bruyants, vain et stérile bonheur des gens qui ne sentent rien, et qui croient qu'étourdir sa vie c'est en jouir.
Rousseau, Émile, V.
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s'étourdir v. pron.
♦ Perdre la claire conscience de soi-même, de ses états, de ses actes, des réalités. || Boire pour s'étourdir. ⇒ Enivrer (s'), griser (se). — (1670). Par anal. || S'étourdir de paroles. || Chercher à s'étourdir pour oublier son chagrin, son inquiétude, ses soucis. ⇒ Distraire (se; → cit. 8 et 16). — (1666). || S'étourdir dans une vie de plaisir.
16 Je ne puis plus soutenir ces grandes paroles par lesquelles l'arrogance humaine tâche de s'étourdir elle-même pour ne pas apercevoir son néant.
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre.
17 Un homme gai n'est souvent qu'un infortuné qui cherche à donner le change aux autres et à s'étourdir lui-même.
Rousseau, Émile, IV.
18 (…) tout l'éclat des plaisirs bruyants fut mis en œuvre (pour célébrer cette fête) Spectacles, festins, feux d'artifice, rien ne fut épargné. L'on n'avait pas le temps de prendre haleine, et l'on s'étourdissait au lieu de s'amuser.
Rousseau, Rêveries, 9e promenade.
19 Pressé d'échapper au sentiment intérieur qui l'oppresse, il semble vouloir s'étourdir en s'abandonnant à une joie expansive.
Ph.-P. Ségur, Hist. de Napoléon, VIII, 10.
20 (…) comme si toute joie n'eût été qu'une démence passagère, et comme si, pour saisir un éclair de bonheur, la jeunesse et la beauté même avaient besoin de s'étourdir jusqu'au vertige et de s'enivrer de mouvement jusqu'à la folie !
Lamartine, Graziella, II, VII.
21 À partir de ce jour, le mouvement de Paris nous saisit, et nous fûmes entraînés dans ce tourbillon où les plus fortes têtes risquent de s'étourdir, où les cœurs les plus robustes ont mille chances pour une de faire naufrage.
E. Fromentin, Dominique, XII.
22 Tous descendent alors dans les rues, s'étourdissent à parler, se querellent ou se convoitent (…)
Camus, la Peste, p. 137.
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CONTR. Exciter, réveiller, stimuler. — Charmer.
DÉR. Étourdissant, étourdissement.
Encyclopédie Universelle. 2012.