1. geste [ ʒɛst ] n. m.
• XVe; lat. gestus
1 ♦ Mouvement du corps (principalement des bras, des mains, de la tête) volontaire ou involontaire, révélant un état psychologique, ou visant à exprimer, à exécuter qqch. ⇒ attitude, mouvement. Faire des gestes en parlant. ⇒ gesticuler. S'exprimer par gestes. ⇒ mimique, pantomime. Le langage par gestes des sourds-muets. ⇒ gestuel. Loc. Encourager qqn de la voix et du geste. Joindre le geste à la parole. Ne pas faire un geste : ne pas bouger. — « Les gestes de l'orateur sont des métaphores » (Valéry). Gestes lents, brusques, vifs. « Ses gestes incohérents trahissaient sa fébrilité » (Martin du Gard). Précision des gestes du chirurgien. Les gestes rituels de la prière. Gestes codés (⇒ gestique) .
♢ Simple mouvement expressif ou caractéristique (du bras, de la main, de la tête). Faire un geste de la main. ⇒ signe. Un geste d'adieu. Geste approbateur de la tête. ⇒ hochement. Geste du salut, du serment. « Taor leva la main droite, geste universel qui signifie paix » (Tournier). « Le geste auguste du semeur » (Hugo). Un geste déplacé, obscène. — Loc. Avoir le geste large : être généreux, faire des largesses.
2 ♦ (Abstrait) ⇒ 1. acte, 1. action. Geste d'autorité, de générosité. Faire un beau geste. Pour la beauté du geste. Loc. Faire un geste : intervenir en faveur de qqn; se montrer généreux (cf. Avoir un bon mouvement). Ne pas faire un geste pour (et l'inf.) :ne rien faire pour (cf. Ne pas lever le petit doigt).
geste 2. geste [ ʒɛst ] n. f.
• 1080; lat. gesta « exploits »
1 ♦ Vx ⇒ exploit. — Hist. littér. Ensemble des poèmes épiques du Moyen Âge, relatant les exploits d'un même héros. ⇒ 1. cycle. La geste de Guillaume d'Orange. Chanson de geste.
2 ♦ (1615) Au plur. Cour. Les FAITS ET GESTES de qqn, toute sa conduite. La police interrogea le prévenu sur ses faits et gestes.
● geste nom masculin (latin gestus) Mouvement du corps, principalement de la main, des bras, de la tête, porteur ou non de signification : Faire des gestes en parlant. Manière de mouvoir le corps, les membres et, en particulier, manière de mouvoir les mains dans un but de préhension, de manipulation : Métier qui demande une précision dans le geste. Action remarquable qui frappe par sa générosité, sa noblesse, etc. : En agissant ainsi, il a fait un beau geste. ● geste (citations) nom masculin (latin gestus) Louis Aragon Paris 1897-Paris 1982 Pas un geste, pas un cillement qui ne m'engage à fond, qui ne fasse dévier ma vie. Le Libertinage Gallimard Henri Bergson Paris 1859-Paris 1941 Les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l'exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique. Le Rire P.U.F. Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 […] Pendant que, déployant ses voiles, L'ombre, où se mêle une rumeur, Semble élargir jusqu'aux étoiles Le geste auguste du semeur. Les Chansons des rues et des bois, Saison des semailles, le Soir ● geste (difficultés) nom masculin (latin gestus) Genre et sens 1. Un geste n.m. = un mouvement du corps. 2. Une geste n.f. = un ensemble de poèmes épiques du Moyen Âge relatant les hauts faits de personnages historiques ou légendaires (latin gesta, exploits). La geste du roi Arthur. Le mot est employé comme terme technique d'histoire littéraire, et dans la locution courante les faits et gestes de quelqu'un (= ses actions et sa conduite). ● geste (expressions) nom masculin (latin gestus) Avoir le geste large, être généreux. Faire un geste, manifester sa bonne volonté par une action généreuse ou symbolique. N'avoir qu'un geste à faire, être capable d'obtenir quelque chose sans le moindre effort, sans rencontrer d'obstacle. ● geste (homonymes) nom masculin (latin gestus) geste nom féminin ● geste (synonymes) nom masculin (latin gestus) Action remarquable qui frappe par sa générosité, sa noblesse, etc.
Synonymes :
- action
● geste
nom féminin
(latin gesta, exploits)
Ensemble de longs poèmes, composés du XIe au XIVe s., où sont chantés les hauts faits de personnages historiques ou légendaires.
● geste (difficultés)
nom féminin
(latin gesta, exploits)
Genre et sens
1. Un geste n.m. = un mouvement du corps.
2. Une geste n.f. = un ensemble de poèmes épiques du Moyen Âge relatant les hauts faits de personnages historiques ou légendaires (latin gesta, exploits). La geste du roi Arthur. Le mot est employé comme terme technique d'histoire littéraire, et dans la locution courante les faits et gestes de quelqu'un (= ses actions et sa conduite).
● geste (expressions)
nom féminin
(latin gesta, exploits)
Chanson de geste, un des poèmes de cet ensemble.
● geste (homonymes)
nom féminin
(latin gesta, exploits)
geste
nom masculin
geste
n. f.
d1./d LITTER Groupe de poèmes épiques du Moyen âge, consacrés aux exploits d'un héros. La Geste de Charlemagne.
— Par ext. La geste d'El Hadj Omar.
|| Chanson de geste: l'un des poèmes appartenant à cet ensemble. (V. encycl. chanson.)
d2./d (Plur.) Cour. Faits et gestes d'une personne, ses actions, sa conduite.
————————
geste
n. m.
d1./d Mouvement volontaire ou instinctif d'une partie du corps, notam. des bras et des mains, pour faire ou exprimer qqch. Faire des grands gestes.
d2./d Action (au sens symbolique et moral). Avoir, faire un beau geste.
|| (Afr. subsah.) Plaisant Faire le geste national: dans la rép. dém. du Congo, donner un pourboire.
I.
⇒GESTE1, subst. masc.
A. — 1. [Le geste désigne une activité corporelle particulière d'une pers.]
a) Mouvement extérieur du corps (ou de l'une de ses parties), perçu comme exprimant une manière d'être ou de faire (de quelqu'un). Elle se voyait agir, pas à pas, geste à geste, avec cette aisance qu'on a dans les songes (ZOLA, Rêve, 1888, p. 130). Elle surveillait d'instinct ses gestes et raidissait volontairement sa démarche (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 363). Le jeune homme devint tout d'un coup plus maladroit dans ses gestes (CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 1601) :
• 1. À l'Opéra-Comique, dans la baignoire (11 mai), elle n'avait pas fait un geste, paralysée par la timidité. Mais si, ce geste, Costal l'avait fait, il est douteux qu'elle se fût cabrée.
MONTHERL., Démon bien, 1937, p. 1242.
SYNT. Geste brusque, familier, gracieux, grand, instinctif, involontaire, large, lent, machinal, rapide; ébaucher, esquisser, réprimer, retenir un geste; pas un geste!
— P. métaph. Ma générosité à geste court (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 16) :
• 2. Le doute ressemble à ces mouches importunes qu'on chasse et qui reviennent toujours. Il s'envole sans doute au premier geste de la raison...
J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 222.
— [Avec un compl. prép. introd. par de et désignant une partie du corps] Synon. de mouvement. Je me rappelais surtout un geste charmant de ta narine quand, couchée près de moi, tu te retournes sur le côté pour me voir (FLAUB., Corresp., 1846, p. 342).
— [P. anal. de comportement; en parlant d'un animal] Vous ne vous tromperez jamais en interprétant les gestes d'un chat : vous voyez s'il veut jouer, fuir, ou sauter (BALZAC, Théor. démarche, 1833, p. 639).
— Locutions
♦ Les moindres gestes. Me racontant, selon son habitude, les moindres paroles et les moindres gestes de leur soirée (GIDE, Journal, 1917, p. 640). Un esprit chrétien rigoureux y règle les moindres gestes de la vie quotidienne (MAURIAC, Vie Racine, 1928, p. 10).
— En partic.
) [En tant qu'il double, sur le plan corporel, un vécu psychol.] Mme Chanteau eut un geste triomphant, pour dire qu'elle le savait bien (ZOLA, Joie de vivre, 1884, p. 916). Je reconnaissais les gestes obséquieux et réticents, les brusques scrupules de son père (PROUST, Swann, 1913, p. 160). Il n'acheva pas la phrase commencée, il ne l'appuya d'aucun geste (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 222).
SYNT. Geste amical, décidé, énergique, irréfléchi, résolu, tragique, vif, violent. [Avec un compl. désignant le sentiment ou la réaction de celui qui accomplit le geste] Geste d'admiration, de colère, de confiance, de découragement, de dédain, de désespoir, d'effroi, d'énervement, d'étonnement, d'ignorance, d'impatience, d'impuissance, de lassitude, de mépris, de résignation, de révolte.
♦ P. anal. et au fig. Le grand geste de dédain avec lequel la Russie écarte ce chant de l' Internationale (MALRAUX, Conquér., 1928, p. 164).
♦ Loc. Joindre le geste à la parole. La veuve d'Édouard! la reine! Chapeau bas, (Joignant le geste à la parole.) Chapeau bas devant elle! (DELAVIGNE, Enf. d'Édouard, 1833, II, 9, p. 86). Il joint le geste à la parole et carde le capitonnage (COLETTE, Dialog. bêtes, 1905, p. 43) :
• 3. C'était par sévérité que, joignant le geste au reproche, il m'avait plus d'une fois fait connaître la vigueur de son bras et l'éclat sonore de sa large main.
TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 16.
) [En tant qu'il signifie à lui seul un message, un sentiment, un jugement] Elle m'encouragea par un geste, et je lui demandai le rendez-vous (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 164). D'un grand geste du bras, comme s'il exorcisait un énergumène, il le bénit une seconde fois (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1256) :
• 4. Les muets interlocuteurs interrogèrent ensuite le même jeune homme sur la mère de celle dont il venait de leur faire un si charmant portrait; il la leur dépeignit par des gestes si comiques, il indiqua si plaisamment la courbe de son nez de perroquet que son menton est au moment de rejoindre, que tous les yeux se portèrent sur cette bonne dame...
JOUY, Hermite, t. 3, 1813, p. 264.
♦ [Constr. pop.] Il faisait un geste que je me tire (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 195).
♦ Faire le geste de + inf. Il fit le geste d'avaler le contenu du flacon (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 634). Tais-toi! cria-t-il, en faisant le geste de la frapper (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 31). Il fait le geste de pédaler à toute vitesse sur une bicyclette invisible (CLAUDEL, Soulier, 1944, 1re part., 2e journée, 1, p. 995).
♦ En partic. [Avec une valeur symbolique ou relig.] Un rite peut se définir comme une suite de gestes, répondant à des besoins essentiels, gestes qui doivent être exécutés suivant une certaine eurythmie (L. BENOIST, Signes, symboles et mythes, Paris, P.U.F., 1975, p. 95).
♦ [P. oppos. à une action réelle, efficace] Synon. de faux-fuyant. Sa mère, en haussant les épaules, prétendait que tout cela c'étaient des gestes (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 125).
b) [Le geste est saisi dans son aspect terminal] Attitude corporelle résultant d'un geste. Des statues (...) qui m'ont paru d'un beau geste et d'une belle expression (BARB. D'AUREV., Memor. 4, 1858, p. 93) :
• 5. La main repliée à demi et au repos près de la joue est comme une position de sommeil; c'est un geste qu'on ne voit point dans l'éloquence, mais c'est plutôt le geste de l'auditeur et du juge, surtout lorsqu'il arrive à un certain degré d'indifférence.
ALAIN, Propos, 1923, p. 532.
c) P. ext. (à rapprocher de B). Ensemble organisé de gestes, correspondant à une action déterminée. Sa main tâtonne, trouve une poignée, ouvre d'un coup. L'hésitation a suivi le geste, au lieu de le devancer (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 306) :
• 6. ... Alban avait vu tout à l'heure le geste exquis d'un gamin qui, une petite rose étant tombée pendant la marche, l'avait ramassée et, à cet âge où le geste instinctif est de prendre, l'avait soigneusement reposée.
MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 479.
— [P. anal. de comportement] Le geste du chien qui mord au jarret pour accélérer le troupeau (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 321). Le geste endormi d'un rameau qui se délivre de son poids de neige (GIONO, Roi sans divertiss., 1947, p. 124).
2. [Le geste désigne les habitudes familières d'une pers.; s'emploie seulement au sing.] Ensemble des gestes habituels (de quelqu'un). Il y avait dans le geste, dans l'attitude, dans le regard de cet homme, une sorte de fascination (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 217). Une créature dont le visage, la tournure et le geste parlent et disent ce qu'elle est (HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 44).
— Loc. fréq. Avoir le geste (+ adj.). Il avait le geste abondant, sec et très expressif (DU CAMP, Mém. suic., 1853, p. 10). Il avait l'œil clair, le geste libre, la parole nette (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 46). Il avait des manières vulgaires et le geste arrogant (ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 677).
B. — Au fig., p. méton. [Abstraction faite du comportement corporel correspondant] Action (en tant qu'elle peut être perçue et interprétée par un tiers). Geste d'amitié. Joseph s'est dessaisi d'une somme considérable. Il (...) n'entend donner à ce geste aucune publicité (DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p. 115). J'avais demandé à passer par Stalingrad, geste d'hommage à l'égard des armées russes (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 59) :
• 7. ... dès le lendemain, il entrerait à l'hôpital du Havre. Il ne doutait pas qu'il y serait accepté : ou bien on le considérerait comme indigent, et il serait pris sans payer, ou bien on tablerait que sa famille, l'heure venue, aurait le geste nécessaire.
MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 904.
— Locutions
♦ Faire un geste. Donner un gage de sa bonne volonté sans s'engager réellement pour autant. Lui, c'est un amateur, il y est entré parce qu'il trouvait ça bien, pour faire un geste. Nous, on ne pouvait pas faire autrement (SARTRE, Mains sales, 1948, 3e tabl., 3, p. 99). Faire (avoir) un geste (généreux). En matière d'assistance, apporter une contribution modeste à défaut d'une plus importante. Monsieur Alessandrovici, vous avez eu un geste généreux. C'est très beau, c'est très chic, très noble (AYMÉ, Tête autres, 1952, p. 236).
♦ Ne pas faire un geste pour (+ inf.). Ne pas empêcher. L'admirable, c'est que personne ne fit un geste pour le retenir (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 180). Ne pas faire le moindre geste. Ne pas intervenir. Il ne fera pas le moindre geste en faveur de la communauté; et c'est moi qui ai dû monter sur l'échelle pour enduire de bleu les plafonniers du couloir (GIDE, Journal, 1943, p. 171).
♦ P. exagér. N'avoir qu'un geste à faire (pour). Pouvoir obtenir (quelque chose) aisément. Si pourtant il savait que parfois il n'aurait qu'un geste à faire, et que ce geste parfois je l'attends (GIDE, Porte étr., 1909, p. 586) :
• 8. ... Jaurès n'aurait eu qu'un cri à pousser, un geste de la main à faire, pour que cette foule fanatisée se jetât, derrière lui, tête baissée, à l'assaut de n'importe quelle Bastille.
MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 448.
♦ Un beau geste. Une action noble, généreuse. Mille francs, c'est un beau geste (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 79). En me donnant votre part vous avez eu, comme on dit dans les journaux, un geste magnifique (MONTHERL., Célibataires, 1934p. 819) :
• 9. ... le beau geste du père l'avait marqué : il garda toute sa vie le goût du sublime et mit son zèle à fabriquer de grandes circonstances avec de petits événements.
SARTRE, Mots, 1964, p. 3.
REM. 1. Gesté, -ée, adj. rare. Dont les mouvements sont nobles (d'apr. RAYMOND 1832 et BOISTE 1834). Vous êtes bien mal gesté, vous êtes un mauvais garnement (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 293). 2. Gestique, subst. fém., rare, néol. ,,Ensemble des gestes, comme moyen d'expression d'une personne`` (GILB., 1971). 3. Gestuaire, subst. gén. masc. Ensemble des gestes (supra A 1) possibles de l'homme. Il doit s'adapter plastiquement à ce corps (...) mais aussi à ses attitudes privilégiées et à sa gestuaire (SERRIÈRE, T.N.P., 1959, p. 115). Sémiologie. ,,Nomenclature de gestes, donnant matière, substance à un système signifiant`` (Média 1971). Pour un gestuaire des bandes dessinées (C. BREMOND ds Langages. Paris, n° 10, juin 1968, p. 94).
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1213 masc. gest du corps (Faits des Romains, éd. L.F. Flutre, 724, 8); 1495 geste (J. DE VIGNAY, Mir. hist., XXVII, 58, éd. 1531 ds Delb. Notes mss : Le geste de l'homme en tout acte doit estre gracieus). Empr. au lat. gestus « attitude, mouvement du corps, geste ». Fréq. abs. littér. : 11 671. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 6 428, b) 12 122; XXe s. : a) 22 320, b) 24 232. Bbg. GOHIN 1903, p. 295. - QUEM DDL t. 18 (s.v. gestique).
II.
⇒GESTE2, subst. fém.
A. — HIST. LITTÉR. Ensemble de poèmes en vers du Moyen Âge, narrant les hauts faits de héros ou de personnages illustres. La geste de Guillaume d'Orange, la geste des Lorrains. Les jongleurs qui y retiennent les passants ne sont pas seulement des chanteurs de geste (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 214).
♦ Chanson de geste. Un des poèmes de cet ensemble. Nos chansons de geste expriment l'enthousiasme pour ces grands personnages (BARRÈS, Cahiers, t. 10, 1913, p. 188). Savez-vous ce que me rappelle cette neige? Certaine scène d'une chanson de geste allemande (MONTHERL., Maître Sant., 1947, I, 3, p. 605) :
• C'est encore lui [le peuple] qui fournit leur public le plus ordinaire à ceux qui « chantent de geste », c'est-à-dire aux jongleurs qui, sur les places des villes, aux champs de foire, souvent auprès des monuments qui recèlent des reliques du passé, déroulent, en s'accompagnant de la vielle, la longue épopée des héros d'autrefois, contée en d'innombrables chansons de geste.
FARAL, Vie temps st Louis, 1942p. 114.
— P. ext. Histoire glorifiante (d'un peuple, d'un groupe social, d'un individu). L'aventure de ces trois prêtres viendrait tout naturellement se placer dans la série de la geste lorraine (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 84). Eugène Sue et les autres épiques de la Geste Française du temps de Louis-Philippe (CLAUDEL, Corresp. [avec Gide], 1923, p. 238). Je n'osais plus m'enchanter de ma geste future mais dans le fond j'étais terrorisé (SARTRE, Mots, 1964, p. 135).
B. — Loc. fréq. Les faits et gestes (de qqn). L'ensemble de sa conduite telle qu'elle se donne à voir. Elle semblait attentive aux faits et gestes de son frère (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 220). Tenez-moi, je vous prie, au courant de vos faits et gestes (TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Gobineau], 1855, p. 227). Des inspecteurs chargés d'épier mes faits et gestes (PROUST, Fugit., 1922, p. 444).
Rem. ,,Les dictionnaires font de gestes, dans la locution : les faits et gestes de quelqu'un, un mot féminin pluriel. Le point est à souligner car geste mot masculin conviendrait, quant au sens, tout aussi bien à l'expression`` (DUPRÉ 1972).
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. 1694-1932. Au plur. jusqu'en 1878. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « histoire rapportée par écrit des hauts faits d'un peuple ou d'une famille » [L. Foulet] (Roland, éd. J. Bédier, 1443 : Il est escrit en la Geste Francor; 1685 : Il est escrit es cartres e es brefs, Ço dit la Geste...); ca 1170 (CHR. DE TROYES, Erec, éd. M. Roques 6617 : Cesar, l'empereres de Rome, Et tuit li roi que l'en vos nome An diz et an chançons de geste...); à nouv. en 1831 chanson de bonne geste (FAURIEL ds R. des Deux-Mondes, 7, 554 d'apr. FEW t. 4, p. 119b, note 1); 2. XIIIe s. [mss] « actions, hauts faits » (Chevalerie Vivien, éd. A.L. Terracher, 1635, leçon des mss A1, A2), sens très attesté au XVIe s. (HUG.). Empr. au lat. gesta (plur. neutre du part. passé du class. gerere « accomplir, exécuter, faire ») « actions, hauts faits, exploits » à l'époque class. et jusqu'au Moy. Âge cf. IXe s., EGINHART, De Vita Karoli, éd. L. Halphen, prol., p. 2, note a), qui a pris à l'époque médiév., le sens de « récit, histoire » (NIERM.); gesta a été en fr. adapté en subst. fém. singulier. Bbg. PEETERS (L.). Le Faire et le dire dans la Chanson de Roland. R. Lang. rom. 1975, t. 81, pp. 377-383.
1. geste [ʒɛst(ə)] n. m.
ÉTYM. XVe; gest, 1213; lat. gestus « attitude, geste, mimique, jeu »; de gestum, supin de gerere « faire ».
❖
1 Mouvement du corps (principalement des bras, des mains, de la tête) volontaire ou involontaire, révélant un état psychologique, ou visant à exprimer, à exécuter quelque chose. ⇒ Attitude (cit. 8 et 13), mouvement. || Les gestes sont des signes. || Étude des gestes. ⇒ 2. Kinésique. || Ensemble de gestes significatifs. ⇒ Gestique, gestualité, gestuel (n. f.). || Faire beaucoup de gestes en parlant. ⇒ Gesticuler. || L'expression par gestes. ⇒ Mimique, pantomime. || Perte de la capacité d'exécuter des gestes. ⇒ Apraxie. || Langage par gestes des sourds-muets (⇒ Dactylologie). || Guetter les moindres gestes de qqn (→ Faiblesse, cit. 31). || Grande abondance de gestes. || Gestes démonstratifs (cit. 4), expressifs (cit. 1). || Imiter, mimer les gestes de qqn. || Geste fait instinctivement. || Geste instinctif, habituel, machinal (→ Feuilleter, cit. 4). || Gestes lents, brusques (cit. 3), gracieux, naturels et simples (→ Attirer, cit. 29). || Gestes rudes (→ Carrure, cit. 1), vifs (→ Animation, cit. 4). ⇒ Manière. || La maladresse de ses gestes (→ Enfantin, cit. 5). || Précision des gestes chez un chirurgien (cit. 1), un prestidigitateur. || Gestes apprêtés, calculés, contraints (cit. 2). ⇒ Contorsion, minauderie. || Gestes convulsifs, fébriles. || Gestes désordonnés, excessifs (cit. 7). ⇒ Gesticulation. || Gestes pleins de chaleur, de fougue. || Geste de recul (→ Approche, cit. 7). || Gestes stéréotypés. || Gestes rituels. || Gestes de l'amour, de la prière.
♦ (Le geste). Ensemble des gestes, des gestes habituels et caractéristiques (d'une personne). → ci-dessous, cit. 2, 3. — Ensemble de gestes (dans une circonstance). — ☑ Loc. Joindre le geste à la parole (→ Accentuer, cit. 1; ci-dessous, cit. 4). ☑ Animer (cit. 13), encourager qqn de la voix et du geste. || Autorité dans le geste et dans le regard (→ Enflammer, cit. 9). — Le Geste et la Parole, ouvrage de Leroi-Gourhan.
1 Les mouvements du cœur peints d'une adresse extrême Par des gestes puisés dans la passion même,
Bien marqués pour parler, appuyés, forts, et nets,
Imitant en vigueur les gestes des muets.
Molière, la Gloire du Val-de-Grâce, vers 147-150.
2 (…) ils sont comme pétris de phrases et de petits tours d'expression, concertés dans leur geste et dans tout leur maintien (…)
La Bruyère, les Caractères, V, 15.
3 (…) le geste et le port de la femme actuelle donnent à sa robe une vie et une physionomie qui ne sont pas celles de la femme ancienne.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Le peintre de la vie moderne, IV.
4 (…) chez un orateur, le geste (…) rivalise avec la parole. Jaloux de la parole, le geste court derrière la pensée et demande, lui aussi, à servir d'interprète.
H. Bergson, le Rire, p. 32.
5 Dans un défaut, dans une qualité même, le comique est ce par où le personnage se livre à son insu, le geste involontaire, le geste inconscient.
H. Bergson, le Rire, p. 111.
6 (…) l'hôpital avait enseigné à Edmée des gestes professionnels, non point doux mais assurés, qui atteignent un point visé sans avertir ni effleurer la zone environnante.
Colette, la Fin de Chéri, p. 125.
7 Ses gestes incohérents trahissaient sa fébrilité.
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 69.
8 Les gestes de l'orateur sont des métaphores. Soit qu'il montre nettement entre le pouce et l'index la chose bien saisie; soit qu'il la touche du doigt, la paume vers le ciel. Ce qu'il touche, ce qu'il pince, ce qu'il tranche, ce qu'il assomme, ce sont des imaginaires, actes jadis réels, quand le langage était le geste; et le geste, une action.
Valéry, Autres rhumbs, p. 149.
9 Le geste est, dans l'art, le plus puissant moyen d'expression, en ce qu'il décèle une âme si profondément pénétrée, qu'impatiente de se manifester, elle choisit les signes les plus rapides.
Henri Guerlin, l'Art enseigné par les maîtres, p. 100-101.
10 La piété doit être sans gestes, comme la douleur, et j'oserai presque dire : aussi silencieuse.
Montherlant, les Jeunes Filles, p. 64.
♦ Représentation d'un geste, des gestes. || La posture et le geste en sculpture, en peinture.
11 Si le geste baroque se déploie en s'éloignant du corps, celui de Latour est dirigé vers le corps, comme ceux qui expriment le recueillement ou le frisson. Il est rare que les coudes quittent la poitrine de ses personnages et les doigts de ses mains offertes (dans le Saint Sébastien par exemple) ne sont pas tendus.
Malraux, les Voix du silence, p. 380.
12 Sans doute, quand il a bu, il a le verbe haut et le geste prompt (…)
M. Jouhandeau, Chaminadour, Contes brefs, V, III.
2 Spécialt. Simple mouvement expressif ou caractéristique, du bras, de la main, de la tête. ⇒ Signe. || Faire un geste de la main. || Saluer d'un geste de la main. || Geste approbateur (cit. 5) de la tête. ⇒ Hochement. || Geste circulaire, emphatique (cit. 1) des bras. || Un grand geste du bras. || Geste évasif, impérieux, menaçant (→ Brûlant, cit. 8). || Geste pudique (→ Attirer, cit. 29), impudique, obscène. || Accomplir (cit. 14), avoir, ébaucher (cit. 7), esquisser (cit. 7), réprimer un geste d'assentiment, de contrariété (cit. 3), de dénégation, de protestation, d'effroi, de refus, de reproche. || Ce geste l'a trahi. || Geste du salut, du serment. || « Le geste auguste (cit. 14) du semeur ».
13 Si de fortune par la rue
Quelque courtisan je salue,
Ou de la voix, ou du bonnet,
Ou d'un clin d'œil tant seulement,
De la tête, ou d'un autre geste (…)
Ronsard, Odes, III, XXVII.
14 Je réponds d'un geste de tête (…)
Molière, Amphitryon, III, 1.
15 Elle traversa une salle et posa sa main en passant sur l'épaule de Chéri, mais il sut qu'elle voulait, par ce geste de tendresse et de possession délicate, faire rougir d'envie et d'irritation une jeune infirmière brune (…)
Colette, la Fin de Chéri, p. 43.
16 Mais c'est en vain qu'elle tourna la poignée, d'un geste d'abord hésitant, puis de plus en plus nerveux, puis affolé.
Bernanos, Sous le soleil de Satan, Prologue, IV.
17 Elle savait bien qu'elle aussi elle avait de ces petits gestes qu'avaient les femmes. Mais les siens étaient choisis, longuement médités, lourds d'intentions. C'était de les prendre sous le bras, de leur mettre la main sur l'épaule la plus proche (et non sur l'autre, ce qui serait enlacer). Par ces gestes, elle voulait dire : « Je suis une camarade, un frère pour vous, rien de plus… »
Montherlant, le Songe, I, VI.
♦ Représentation d'une attitude (résultant d'un geste).
♦ ☑ Loc. N'avoir qu'un geste à faire pour (obtenir telle ou telle chose) : pouvoir l'obtenir facilement (avec un simple geste de demande).
18 En de pareils moments de paroxysme, Jaurès n'aurait eu qu'un cri à pousser, un geste de la main à faire, pour que cette foule fanatisée se jetât, derrière lui, tête baissée, à l'assaut de n'importe quelle Bastille.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 57.
♦ ☑ Avoir le geste large : être généreux, donner, accorder généreusement.
3 Fig. ⇒ Acte, action (→ Coudée, cit. 3). || Geste d'autorité (→ Briser, cit. 9), de bravoure, de clémence, de générosité. || En faisant cela, il a fait un beau geste (Académie). — Faire un geste, faire le geste de… Spécialt. ☑ Faire un geste : donner qqch. ☑ Faire un petit cadeau, pour le geste : faire un cadeau plus symbolique qu'important. ☑ C'est le geste qui compte. — ☑ Ne pas faire un geste pour (et inf.) : ne rien faire pour…
19 (…) ces gens, assez neufs sur la ferme, butés, rapaces, étaient incapables à tout jamais d'apprécier un geste désintéressé comme celui de ma mère.
Gide, Si le grain ne meurt, I, VI.
20 Il reconnaît, avec loyauté, qu'on ne peut accuser le gouvernement d'aucun geste provocateur.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 77.
♦ ☑ (1615; étymologiquement rattaché à 2. geste, mais compris dans ce sens). Loc. Les faits et gestes de qqn, sa conduite, ses activités. || La police interrogea le prévenu sur ses faits et gestes.
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DÉR. Gestique, gestuaire, gestuel.
HOM. 2. Geste.
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2. geste [ʒɛst] n. f.
ÉTYM. 1080; du lat. gesta « exploits », plur. neutre du p. p. de gerere « faire ». → 1. Geste.
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1 Vx. ⇒ Exploit.
1 (…) ce grand chroniqueur des gestes d'Alexandre (…)
Boileau, Épîtres, XI.
2 (XIIe). Hist. littér. Ensemble de poèmes épiques du moyen âge, relatant les exploits d'un même héros. ⇒ Cycle. || La Geste de Guillaume d'Orange, du Roi (Charlemagne). || Chanson de geste, un de ces poèmes.
2 La geste de Doon de Mayence, qui est proprement la geste féodale, raconte la lutte de la féodalité contre la royauté (…) Cette geste décrit surtout les exploits des quatre fils d'Aymon (…) La principale chanson de cette geste, Renaud de Montauban (XIIIe siècle) […] raconte leurs multiples aventures (…)
M. Braunschvig, Notre littérature…, t. I, p. 25.
♦ (XIIe). Par ext. ⇒ Épopée.
3 Déjà il y a une Geste noire; d'abord l'âge d'or de l'Afrique, puis l'ère de la dispersion et de la captivité, puis l'éveil de la conscience, les temps héroïques et sombres des grandes révoltes (…)
Sartre, Situations III, p. 276.
3.1 La poésie grecque est d'abord séparée de celles de l'Inde, de Babylone et d'Israël par le monde dont elle témoigne; et si l'œuvre d'Homère appartient à son propre génie, le monde d'Homère appartient à la mémoire dont il est né, à celle qui l'a transmis : il est élu par la Grèce entière. La poésie oratoire et chantée, liée à la danse, exprime le monde successeur du sacré, fait surgir la geste des dieux des mythes qui la précédaient, la garde de se dégrader en contes; et tout art grec est poésie.
Malraux, la Métamorphose des dieux, p. 58 (1957).
REM. L'expression les faits et gestes (→ ci-dessus, 1. geste) se rattache étymologiquement à ce sens de gesta, et geste devrait donc y être du féminin; en fait, c'est 1. geste, n. m., qui est perçu.
4 On ne parle ici que des discours, et des faits et gestes de la Brinvilliers.
Mme de Sévigné, 530, 1er mai 1676.
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HOM. 1. Geste.
Encyclopédie Universelle. 2012.