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beau

1. beau [ bo ] ( ou bel devant un nom commençant par une voyelle ou un h muet, et dans quelques loc.) , belle [ bɛl ] adj.
bel 900; lat. bellus « joli »
IQui fait éprouver une émotion esthétique; spécialt Qui plaît à l'œil (opposé à laid). admirable, charmant, délicieux, éblouissant, éclatant, enchanteur, exquis, gracieux, harmonieux, joli, magnifique , majestueux, merveilleux, mignon, ravissant, splendide, 2. superbe. Beau paysage. pittoresque. Une belle vue. Belle fleur. Belle maison. Beau et riche. fastueux, somptueux. Belle musique, beau poème. Une belle décoration. artistique, esthétique. « Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien; tout ce qui est utile est laid » (Gautier). Chose belle à voir, à entendre.
Dont le physique, et spécialt le visage, répond à certains canons de beauté. Un bel homme. adonis. Une belle femme. vénus; beauté; fam. 2. canon. Elle est assez belle. 1. bien. Un beau brin de fille. Beau comme un dieu; beau, belle comme un astre, comme le jour, comme un ange. Plaisant Beau comme un camion : très beau. Devenir beau. embellir. Loc. prov. Sois belle et tais-toi. Une belle tête. Loc. Pour les beaux yeux de qqn. À belles dents. Cela me fait une belle jambe. Le beau sexe. Adv. Porter beau : avoir belle allure. Elle porte encore beau.
Bien habillé, apprêté. Se faire beau, belle. Une belle dame. chic, élégant. Le beau monde : la société élégante, brillante. Fam. Il y a du beau linge.
IIQui fait naître un sentiment d'admiration ou de satisfaction (opposé à mauvais, médiocre).
1(Choses intellectuelles ou morales) Admirable. Un beau talent, un beau génie. Les beaux esprits. cultivé, distingué, supérieur. Une belle page. 1. fort, magistral. Une belle âme, un beau geste, une belle action. admirable, 1. bon, élevé, généreux, grand, noble, sublime. Fam. (lang. enfantin) Ce n'est pas beau de mentir. 1. bien.
2Qui est très satisfaisant, très réussi dans son genre (des choses qu'on peut voir ou constater). Une belle salade, un beau gâteau. Une belle prise. Avoir un beau jeu. Avoir beau jeu. Un beau match. Un beau voyage. agréable, intéressant. C'est la belle vie ! Avoir le beau rôle. Le bel âge : la jeunesse. De beaux résultats. 1. brillant, remarquable. Une belle situation. Un beau coup, bien exécuté. Une belle balle, bien envoyée. L'échapper belle. C'est trop beau pour être vrai. Ce serait trop beau (cette chose qu'on souhaite). Prov. Tout nouveau tout beau.
Clair, dégagé (temps). Un beau temps. clair, ensoleillé, radieux, splendide. Avoir beau temps. Il fait beau. Subst. Le baromètre est au beau, au beau fixe. Fig. Avoir le moral au beau fixe. Par ext. Un beau jour : un certain jour (passé ou à venir). Un beau jour tu le regretteras. Il est revenu un beau jour. À la belle étoile.
Calme, en parlant de la mer. On sortait le canot quand la mer était belle.
(Personnes ) Beau joueur, beau parleur.
3Par ext. Qui est grand, nombreux, important. Un beau poulet. gros. Une belle tranche de viande, de cake. Il en reste un beau morceau. 1. bon. Elle est belle femme, bien en chair. — Une belle salle. vaste. Une belle somme. coquet, rondelet; considérable. Un beau vacarme. grand. Il y a beau temps de cela : il y a longtemps. Il y a belle lurette. Loc. Au beau milieu : en plein milieu.
4 Par antiphr. Mauvais, vilain. 1. sacré. Une belle coupure, brûlure. Une belle bronchite. 1. bon, joli. C'est du beau travail ! Être dans de beaux draps. C'est un beau gâchis. On l'a renvoyé de la belle manière, sans ménagements. La belle affaire ! ce n'est pas si important. — Subst. En faire, en dire de belles (des sottises). J'en apprends de belles (des choses scandaleuses).Loc. Vous me la baillez belle. Fam. C'est du beau ! se dit à un enfant qui se conduit mal.
Augment. Un beau salaud. Un bel égoïste. Une belle menteuse. S'agiter comme un beau diable.
5Loc. verb. AVOIR BEAU (et l'inf.) :s'efforcer en vain de. « Nous avons beau faire, nous ne pouvons pas être absolument naturels » (Larbaud). On a beau dire, ce n'est pas si mal que cela. Littér. IL FAIT BEAU (et l'inf.) :il est commode de. « Il fait beau croire aux prodiges lorsque les prodiges nous arrangent » (Cocteau). Il ferait beau voir que : il serait incroyable; par ext. ce serait trop commode (menace). Il ferait beau voir qu'ils agissent sans notre avis.
6Loc. adv. BEL ET BIEN : réellement, véritablement. « Le magnifique vase [...] était bel et bien en porcelaine » (Gautier). — DE PLUS BELLE : de nouveau et encore plus fort. Recommencer de plus belle. Il pleut de plus belle.
⊗ CONTR. Affreux, hideux, laid, vilain. Mauvais , médiocre. ⊗ HOM. Bau, baud, baux (bail), bot; 2. bel. beau 2. beau, belle [ bo, bɛl ] n.
• de 1. beau
I N. m.
1Ce qui fait éprouver une émotion esthétique (sentiment d'admiration; plaisir désintéressé, spécialt du sens de la vue). beauté. Étude du beau. esthétique. Le culte du beau. « Les règles du beau sont éternelles, immuables et les formes en sont variables » (E. Delacroix).
2Choses de belle qualité. N'acheter que du beau. Elle n'aime que le beau.
II N. m. et f.
1 N. m. Un beau : vx un homme élégant. — Mod. Un vieux beau : un vieil homme trop coquet, qui cherche encore à plaire. — Faire le beau : se tenir debout sur ses pattes postérieures, en parlant d'un chien.
2 N. f. Une belle : belle femme, fille. La Belle et la Bête. « La Belle au bois dormant », conte de Perrault. Plaisant Jeune fille, jeune femme. Courtiser les belles. Il est avec sa belle, sa fiancée, sa maîtresse. ⇒ 2. mie. Ma belle, terme d'affection; terme familier et ironique. Pas d'histoire, ma belle.
III N. f.
1Arg. fam. La belle : occasion favorable, et par ext. (1860) liberté recouvrée par évasion. Se faire la belle : s'évader. « je vais risquer la belle » (Sarrazin).
2Dans un jeu, Partie qui doit départager deux adversaires (ou deux camps adverses). Faire, jouer la belle après la revanche.
⊗ CONTR. Laid, laideur. Laideron.

beau adverbe Avoir beau, faire vainement quelque chose : Il a eu beau protester, personne ne l'a écouté. Il fait beau, le temps est clair, ensoleillé. Il ferait beau voir que, il ne saurait être admis que. Porter beau, avoir une belle prestance malgré son âge. Tout beau !, du calme, n'exagérons rien ! ● beau nom masculin Caractère, nature de ce qui est beau ; la beauté : Le beau en peinture, en musique. Ce qui est beau ; objet de belle qualité : Cette boutique ne vend que du beau.beau (expressions) adverbe Avoir beau, faire vainement quelque chose : Il a eu beau protester, personne ne l'a écouté. Il fait beau, le temps est clair, ensoleillé. Il ferait beau voir que, il ne saurait être admis que. Porter beau, avoir une belle prestance malgré son âge. Tout beau !, du calme, n'exagérons rien ! ● beau (homonymes) adverbe bau nom masculin baud nom masculin baux nom masculin pluriel bot adjectifbeau (citations) nom masculin Henri Frédéric Amiel Genève 1821-Genève 1881 Le beau est supérieur au sublime parce qu'il est permanent et ne rassasie pas ; tandis que le sublime est relatif, passager et violent. Journal intime, 6 décembre 1870 Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 Le beau est toujours bizarre. Curiosités esthétiques François de Salignac de La Mothe-Fénelon château de Fénelon, Périgord, 1651-Cambrai 1715 Ce n'est pas le difficile, c'est le beau que je cherche. Lettre à l'Académie Max Jacob Quimper 1876-Drancy 1944 C'est au moment où l'on triche pour le beau que l'on est artiste. Art poétique Émile-Paul Alfred de Musset Paris 1810-Paris 1857 Rien n'est beau que le vrai, dit un vers respecté ; Et moi, je lui réponds, sans crainte d'un blasphème : Rien n'est vrai que le beau, rien n'est vrai sans beauté. Poésies, Après une lecture Jean-Jacques Rousseau Genève 1712-Ermenonville, 1778 J'ai toujours cru que le beau n'était que le bon mis en action, que l'un tenait intimement à l'autre, et qu'ils avaient tous deux une source commune dans la nature bien ordonnée. Julie ou la Nouvelle Héloïse Platon Athènes vers 427-Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C. Le beau seul a cette destination d'être parfaitement manifeste et parfaitement digne d'amour. Phèdre, 250d (traduction S. Weil) Laozi ou Lao-tseu VIe-Ve s. avant J.-C. La distance, âme du beau. Tao-tö-king, LXXX Rainer Maria Rilke Prague 1875-sanatorium de Val-Mont, Montreux, 1926 Car le beau n'est rien que le premier degré du terrible. Denn das Schöne ist nichts als des Schrecklichen Anfang. Élégies de Duino, la Première Élégie William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Le laid est beau et le beau est laid. Fair is foul, and foul is fair. Macbeth, I, 1, les sorcièresbeau (expressions) nom masculin C'est du beau !, c'est une sottise, il n'y a pas de quoi être fier. Faire le beau, en parlant d'un chien, se tenir dressé sur ses pattes de derrière. Le temps est au beau, il fait beau durablement. Vieux beau, homme âgé qui cherche encore à plaire aux femmes. Voir tout en beau, avoir une vision systématiquement optimiste des choses. ● beau (homonymes) nom masculin bau nom masculin baud nom masculin baux nom masculin pluriel bot adjectif

beau, belle
n.
rI./r n. m. Ce qui est beau, ce qui suscite un plaisir esthétique, un sentiment d'admiration. Avoir l'amour du beau.
rII./r
d1./d n. m. Un vieux beau: un homme âgé qui cherche à séduire.
d2./d Loc. Faire le beau ou (Québec) la belle, une belle: parader en parlant d'un animal, se tenir en équilibre sur ses pattes de derrière.
d3./d n. f. Une belle: une belle femme. Il courtise les belles.
Fam. Une belle: une chose surprenante. Je viens d'en apprendre une belle.
|| Jouer, faire la belle, la partie décisive quand deux adversaires ont gagné chacun une manche.
rIII/r
d1./d n. m. (Afr. subsah.) Fam. Beau-frère, beau-père.
|| Les beaux: la belle-famille. Visiter ses beaux.
d2./d n. f. Arg. (Se) faire la belle: s'évader.
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beau ou bel, belle
adj. (La forme bel s'emploie devant les noms masculins singuliers commençant par une voyelle ou un h muet. Un bel enfant, un bel homme.)
rI./r Qui suscite un plaisir esthétique, qui plaît par l'harmonie de ses formes, de ses couleurs, de ses sons. Un beau paysage, une belle femme. Ant. laid.
|| Loc. Fam. Se faire ou (Québec) se mettre beau: s'habiller avec soin.
(Québec) Faire beau: produire un bel effet.
rII./r Qui suscite l'admiration.
d1./d Qui plaît, qui satisfait intellectuellement. Une belle oeuvre, un beau talent.
d2./d Qui mérite l'estime. Un beau geste.
d3./d Distingué, raffiné. De belles manières.
|| Fam. Le beau monde: la haute société.
|| Iron. Un beau parleur.
|| Un beau joueur, qui sait perdre avec bonne grâce.
d4./d Clair, ensoleillé (temps). Le beau temps. à la belle saison.
|| Loc. Il fait beau.
|| Subst. Le temps est au beau.
|| Fig. Un beau jour, un beau matin: un jour, un matin.
d5./d (Québec) Praticable, en bon état (en parlant d'une route). La souffleuse a passé, le chemin est beau.
d6./d Qui est satisfaisant, réussi. Un beau travail. Un beau match. Faire un beau coup: réussir un coup adroit.
|| Avoir la partie belle: disposer de tous les éléments favorables.
|| N'être pas beau à voir: offrir un spectacle lamentable, désolant (en parlant de qqch ou de qqn). J'étais sur les lieux de l'accident, ce n'était pas beau à voir.
d7./d Par ext. Qui est grand, important, considérable. Une belle fortune.
|| Loc. Au beau milieu: juste au milieu.
Fig. à belles dents: V. dent.
|| Il y a beau temps que: il y a longtemps que.
d8./d Par antiphrase. Une belle entorse. De belles promesses, auxquelles on ne doit pas se fier.
(Augmentatif) Un bel égoïste. Une belle fripouille.
|| Loc. En faire de belles: faire de grosses sottises.
|| Fig., Fam. Cela te fera une belle jambe: cela te sera bien inutile.
|| L'échapper belle.
d9./d Loc. verb. Avoir beau (+ inf.). Il a beau dire, il a beau faire: quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse.
|| Il ferait beau voir: il serait étrange de voir.
|| (Québec) Avoir (bien) beau (faire, à faire, de faire qqch): avoir le loisir, la possibilité de. Tu as beau à rester à coucher ici, si tu veux.
d10./d Loc. adv. Bel et bien: réellement, incontestablement. Il a bel et bien échoué.
|| De plus belle: encore plus, plus que jamais.

⇒BEAU, BEL, BELLE, adj. et subst.
I.— [Exprime une appréciation positive et favorable]
A.— Qui cause une vive impression capable de susciter l'admiration en raison de ses qualités supérieures dépassant la norme ou la moyenne.
1. [Qualités de forme : l'impression s'exerce sur les sens de la vue ou de l'ouïe; l'appréciation est à dominance esthétique] Anton. laid.
a) [En parlant d'un animé]
[En parlant d'une pers. considérée dans son corps ou dans une partie de son corps] La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu'elle a :
1. L'une sur son front blanc va de sa chevelure
Former les blonds anneaux. L'autre de son menton
Caresse lentement le mol et doux coton.
« Approche, bel enfant, approche, lui dit-elle,
Toi si jeune et si beau, près de moi jeune et belle. »
CHÉNIER, Bucoliques, Aveux, propos et plaintes, 1794, p. 155.
2. Ainsi, le front baigné des parfums du matin,
Son beau sein rayonnant de chaleurs maternelles,
Ève, les yeux fixés sur Abel et Caïn,
Sentait l'infini bleu noyé dans ses prunelles.
DIERX, Poèmes et poésies, La Vision d'Ève, 1864, p. 7.
3. Une femme belle, ou simplement jolie, a les exigences, les vanités, les susceptibilités, tous les besoins de jouissance et de flatterie, d'un prince, d'un comédien et d'un auteur.
TAINE, Notes sur Paris, Vie et opinions de M. F.-T. Graindorge, 1867, p. 3.
4. Un beau garçon, assurément : beau de corps à cause de sa force visible, et beau de visage à cause de ses traits nets et de ses yeux téméraires...
HÉMON, Maria Chapdelaine, 1916, p. 47.
SYNT. a) Un beau front, un beau profil, un beau visage; une belle chevelure; de belles mains; un beau garçon, une belle fille, une belle jeune fille; une jeune et belle créature. b) Beau comme un astre, comme un dieu, comme le jour; beau, belle comme un ange; belle comme la lumière. c) (En parlant d'une femme d'un certain âge) Avoir de beaux restes :
5. Ce farceur de Mes-Bottes, vers la fin de l'été, avait eu le truc d'épouser pour de vrai une dame, très décatie déjà, mais qui possédait de beaux restes; ...
ZOLA, L'Assommoir, 1877, p. 762.
P. personnification (cf. infra 2 b) :
6. La France avait gardé de 1789 une puissante autorité morale sur le monde. La race était bonne et gaie, franche et vaillante, amoureuse de justice, éprise d'idéal, on lui reprochait sa mobilité, une humeur parfois querelleuse, un manque de méthode et d'obstination dans ses desseins. Mais sa haute générosité d'âme la faisait trop belle aux yeux des peuples pour qu'ils pussent se défendre, à travers tout, de l'aimer.
CLEMENCEAU, La Réparation, 1899, p. 65.
♦ [En parlant d'une collectivité, d'un groupe] Une belle race (de pers., d'animaux).
Loc. périphrastique. Le beau sexe. Les femmes. Synon. le sexe féminin :
7. Ainsi sous la domination de l'homme, le beau sexe était tout pareil à un troupeau bien conduit, et si bien morigéné, que ce troupeau en était arrivé à faire lui-même sa police, et à chasser spontanément de sa masse toutes les têtes indociles, toutes les brebis galeuses.
LARBAUD, Fermina Marquez, 1911, p. 67.
SYNT. Adorateur, amateur du beau sexe; apprécier, effrayer le beau sexe; plaire au beau sexe.
Loc adv. À belles dents; rire, sourire à belles dents (cf. aussi infra B 1). La jeune fille sourit à belles dents. Et ce beau, ce frais sourire s'épanouit jusqu'au rire (G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, p. 175).
[En parlant d'une pers. considérée dans son apparence générale, dans l'image qu'elle donne par son maintien, son allure vestimentaire, etc.] Il prisait par-dessus tout la bonne éducation et les belles manières (S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 176) :
8. ... il tremblait sans cesse que sa bouche habituée aux jurons ne prît tout d'un coup le mors aux dents et ne s'échappât en propos de taverne. Qu'on se figure le bel effet! du reste, tout cela se mêlait chez lui à de grandes prétentions d'élégance, de toilette et de belle mine.
HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 281.
9. ... Jules se sentit plus à l'aise, plus libre de ses mouvements, plus spirituel et plus gracieux; en se séparant des deux actrices, il leur fit même un salut qu'il jugea d'une distinction charmante. C'est qu'à son insu il avait le bel aplomb de l'homme qui paie et qui est convaincu qu'on l'estime; ...
FLAUBERT, La 1re Éducation sentimentale, 1845, p. 109.
SYNT. (Avoir) un beau port, une belle prestance, de belles façons; un beau rire, un beau geste; une belle allure, une belle attitude; apprendre les belles manières; un homme de bel aspect; un homme, les gens du bel air.
Le beau monde. Les gens élégants et riches. P. méton. Les beaux quartiers. Les quartiers où habite le beau monde :
10. Un cortège d'automobiles attendait de repartir; la foule lui faisait une haie d'honneur. Depuis qu'on dansait à Robinson, les rôdeurs de barrières et les braves gens de Montrouge venaient à cette porte admirer le beau monde.
RADIGUET, Le Bal du comte d'Orgel, 1923, p. 35.
11. Les clubs de Londres sont nés sous l'impulsion de Brummel. Ce roi de la mode et son émule le comte d'Orsay perpétuaient une vieille tradition, celle de l'influence française sur le beau monde de Londres.
MORAND, Londres, 1933, p. 198.
Loc. verbales. Se faire beau, se faire belle. Se parer; se farder. Achète des robes à falbalas comme la femme d'un amiral, fais-toi belle, et donne-moi le bras... (SUE, Atar Gull, 1831, p. 3). Voilà votre redingote perdue... Pourquoi diable vous faire si beau? Alliez-vous à la noce? (MÉRIMÉE, Colomba, 1840, p. 139) :
12. Elle avait eu tort de ne pas se faire belle pour venir chez lui : elle avait gardé ses vêtements de la journée; elle ne s'était même pas mis de poudre aux joues : maladroite!
ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 86.
[En parlant d'un animal] Un beau cheval, un beau chien, un beau cygne; une belle jument.
b) [En parlant d'un inanimé]
[En parlant d'un produit de la nature] Un bel arbre, un beau pays. La nature était belle, Et riait comme nos amours (T. GAUTIER, Albertus, 1833, p. 149) :
13. Et pourtant sous cette destruction fleurit la nature. La terre est verte et belle; un pauvre petit ruisseau, dont on voit une belle flaque verte, nous avertit que sans la fumée de la poudre nous verrions peut-être un beau ciel, car il y a une terre et un ciel encore.
MICHELET, Journal, 1840, p. 332.
SYNT. Un beau fruit, une belle fleur, une belle forêt; de belles roses blanches; un beau ciel, un beau lac, un beau paysage, une belle vallée; de beaux rivages, de beaux ruisseaux.
♦ [Sous le rapport de l'ouïe] Les beaux sons de cette cloche me donnaient une vive émotion (STENDHAL, Vie de Henry Brulard, t. 1, 1836, p. 197); le beau bruit léger des mouches sur les pêches du compotier (GIONO, Le Grand troupeau, 1931, p. 229).
[En parlant d'une œuvre du « génie humain »]
♦ [Œuvre d'art plastique ou musical] Un beau tableau, une belle symphonie :
14. Et quel peut être le pouvoir d'un beau morceau de musique bien exécuté, si ce n'est celui de produire des émotions dans notre sentiment intérieur!
LAMARCK, Philos. zool., t. 2, 1809, p. 285.
15. Ainsi ces beaux marbres expriment l'accord de la pensée et de la nature, et la plus belle vertu; le moindre fragment en témoigne encore. On dit communément que le nu est toujours chaste, pourvu qu'il soit beau; mais il vaut mieux dire que le nu est beau pourvu qu'il soit chaste.
ALAIN, Système des beaux-arts, 1920, p. 233.
SYNT. Un beau dessin, un beau portrait; de belles fresques; de la belle musique; un beau morceau de musique.
♦ [Œuvre, produit d'activités artisanales ou industrielles] Un beau bijou, une belle maison :
16. ... et il le conduisit lentement afin de lui laisser voir une belle et somptueuse salle à manger garnie de tableaux achetés en Allemagne, ...
BALZAC, César Birotteau, 1837, p. 279.
SYNT. Un beau chapeau, une belle toilette de bal, du beau linge; un beau navire, une belle ville, de beaux édifices.
♦ [Sous le rapport de l'ouïe] Il y a du feu dans l'âtre et des flammes de plus d'un mètre et ça fait un beau bruit doux au cœur (GIONO, Regain, 1930, p. 230) :
17. Elles rendent [les briques] sous l'outil un beau bruit limpide d'enclume battue, qui tinte du haut des échafaudages.
PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 194.
2. [En parlant d'une chose considérée du point de vue de son adaptation à une fin; l'impression s'exerce sur la sensibilité hum. ou sur les facultés de jugement intellectuel, moral, spirituel]
a) [L'appréciation porte sur la satisfaction du bien-être phys. (calme, sérénité, etc.) ou sur les qualités d'agrément, de facilité d'une expérience hum.] Anton. mauvais, vilain.
[En parlant du temps, des conditions atmosphériques, des saisons... considérés du point de vue de leur influence sur la vie et l'activité des hommes] Un bel été :
18. Comme ce pâle essaim de malheureuses ombres,
Du Styx au triple tour couvrant les rives sombres,
Au penser doux-amer de son ancien martyre
S'agite tristement et doucement soupire!
Ainsi par un beau soir, au milieu de la plaine,
La tige que le vent bat d'une tiède haleine.
MORÉAS, Ériphyle, 1894, p. 212.
19. — Tu ne sais pas ce qu'on devrait faire? Aller se promener tous les deux : c'est un si beau matin.
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 278.
SYNT. a) Un beau mois de novembre, un beau printemps; par une belle nuit d'été. b) Il fait beau temps (cf. il fait beau infra IV C 1), il fait un beau temps d'automne.
Un très beau temps clair et vivifiant; le retour du beau temps; avoir un beau temps exceptionnel (cf. avoir beau temps infra IV C 1); jouir, profiter du beau temps; la belle saison, les beaux jours. Il est vrai que je montai moins souvent au refuge. Avec l'arrivée des beaux jours ma présence devint, en bas, plus nécessaire (BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, p. 71) :
20. C'est en hiver, sous un ciel triste et sombre, que la Rome calviniste prend sa véritable physionomie, et ce n'est pas la connaître que de l'avoir rapidement visitée dans la belle saison, comme font les touristes.
COPPÉE, La Bonne souffrance, 1898, p. 79.
21. Mai amenait une alternance de pluies chaudes et de beaux jours ensoleillés qui triomphait peu à peu du gel accumulé du long hiver.
HÉMON, Maria Chapdelaine, 1916, p. 44.
Spéc. Une belle mer. Une mer calme. Quand la mer est belle. Quand la mer est calme :
22. ... ils n'osaient approcher de nos bâtimens, quoiqu'ils fussent en panne, et que la mer fût très-belle.
Voyage de La Pérouse, t. 3, 1797, p. 252.
Loc. fig. Parler de la pluie et du beau temps. Parler de tout et de rien. Il parla de la pluie et du beau temps avec sa voix traînante et monotone (E. TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, p. 136). Faire la pluie et le beau temps. Disposer de tout et de tous :
23. Les morts vont alors devenir des personnages avec lesquels il faut compter. Ils peuvent nuire. Ils peuvent rendre service. Ils disposent, jusqu'à un certain point, de ce que nous appelons les forces de la nature. Au propre et au figuré, ils font la pluie et le beau temps.
BERGSON, Les Deux sources de la mor. et de la relig., 1932, p. 142.
24. Il revint sur ses pas, avec un vague espoir, scrutant les ombres. Il dérangea un couple d'hommes qui s'entretinrent de la pluie et du beau temps, une cigarette s'alluma dans l'ombre.
ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, p. 446.
P. anal. [En parlant d'un âge de la vie comparé à une saison, de la santé correspondant à cet âge (l'idée « qui suscite l'admiration » fait place ici à celle « qui fait envie » ou « qui est l'objet d'un regret »)] Le beau temps de ma jeunesse.
Le bel âge. L'âge de l'homme jeune. Les belles années de qqn. Les jeunes années de quelqu'un. Jouir d'une belle santé. Jouir d'une bonne santé, d'une santé sans troubles :
25. Aujourd'hui que je regrette encore mes chimères sans les poursuivre, je veux remonter le penchant de mes belles années : ces Mémoires seront un temple de la mort élevé à la clarté de mes souvenirs.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 15.
26. Toutes les heures, on entrait voir si elle vivait encore. Elle ne parlait plus, tant elle suffoquait; mais, de son œil resté bon, vivant et clair, elle regardait fixement les personnes; et il y avait bien des choses dans cet œil-là, des regrets du bel âge, des tristesses à voir les siens si pressés de se débarrasser d'elle, ...
ZOLA, L'Assommoir, 1877, p. 652.
[L'accent est mis sur les qualités d'agrément ou de facilité d'une expérience hum.] Un beau voyage, un beau rêve, être de belle humeur, avoir une belle vieillesse :
27. On marchait par deux files espacées, laissant le milieu de la route libre. Les officiers s'y avançaient à l'aise, seuls; et Maurice avait remarqué leur air soucieux, qui contrastait avec la belle humeur, la satisfaction gaillarde des soldats, heureux comme des enfants de marcher enfin.
ZOLA, La Débâcle, 1892, p. 77.
28. Sur la route de Jérusalem, Jean-Jacques n'alla pas plus loin que Soleure. Et la belle aventure finit.
GUÉHENNO, Jean-Jacques, En marge des « Confessions », 1948, p. 59.
♦ Locutions
Il est beau de, c'est beau de + inf. Il est agréable de. Il est beau d'être tranquille sans autre raison que soi-même tranquille (ALAIN, Propos, 1935, p. 1279) :
29. — Chabrand! dit le capitaine, c'est beau d'être jeune, mon gars, tu connais pas ton bonheur. Dors, abruti!
GIONO, Le Grand troupeau, 1931, p. 168.
Il fait beau + inf. Il est agréable de, il est plaisant de. Il fait beau voir :
30. Mon ami avait les sens moins éveillés que moi, mais cependant il songeait aux femmes. Il faisait beau voir nos puérils enthousiasmes pour elles, nos dissertations sur la beauté et les citations que je tâchais de fourrer dans tout cela.
MICHELET, Mémorial, 1822, p. 192.
31. TIRÉSIAS. — Il fait beau croire aux prodiges lorsque les prodiges nous arrangent et lorsque les prodiges nous dérangent, il fait beau ne plus y croire...
COCTEAU, La Machine infernale, 1934, III, p. 105.
Il fait beau voir. Il est consolant de voir :
32. Ah! Il faisait beau voir l'indignation de Claudel, quand, à propos de ses drames, certains critiques employèrent des mots comme « croyance naïve » ou « foi d'un autre âge ».
MASSIS, Jugements, 1924, p. 273.
En partic. La Belle époque. La belle vie.
P. transpos. Une belle vue. (Le fait d'avoir) une vue extrêmement dégagée (sur un paysage, ...). Des terrasses du jardin, on a une belle vue sur la vallée et le bocage (GUÉHENNO, Journal d'un homme de 40 ans, 1934, p. 87) :
33. Elle m'avait proposé d'aller prendre le thé dans un hôtel de La Turbie qu'elle connaissait, d'où l'on avait une très belle vue panoramique sur la côte monégasque et la mer.
ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, p. 218.
♦ Proverbe. A beau mentir qui vient de loin.
Loc. fig.
Le beau côté des choses, le beau côté de la médaille :
34. Monseigneur Landriani est un homme d'un esprit vif, étendu, profond; il est sincère, il aime la vertu : je suis convaincu que si un empereur Décius revenait au monde, il subirait le martyre comme le Polyeucte de l'opéra, qu'on nous donnait la semaine passée. Voilà le beau côté de la médaille, voici le revers : dès qu'il est en présence du souverain, ou seulement du premier ministre, il est ébloui de tant de grandeur, il se trouble, il rougit; ...
STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, p. 130.
Avoir le beau rôle :
35. Quant au vicomte, il avait le beau rôle, d'abord dans le souper, où il s'introduisait de force, ensuite dans le pari, puisqu'il emmenait la demoiselle, et finalement sur le terrain, où il se comportait en gentilhomme.
FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, t. 2, 1869, p. 42.
36. Si c'est une histoire où mon père a eu le beau rôle, c'est exprès qu'il ne me l'a pas racontée, et il est donc inutile que je la sache.
MONTHERLANT, Le Maître de Santiago, 1947, I, 1, p. 601.
Être dans une belle passe, dans une belle veine. Si je portais le nom de ton ami, je serais dans une belle passe (BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, p. 324) :
37. Puis Sorellina est dans sa plus belle veine et sa passe la plus fortunée; tout, depuis quelques mois, lui réussit à souhait, et son existence s'arrange en papier de musique.
AMIEL, Journal intime, 1866, p. 338.
b) [L'appréciation porte sur les qualités morales ou sociales]
[Le jugement s'inspire d'une éthique de noblesse personnelle] Synon. noble, généreux. Anton. indigne, vil :
38. Les philosophes grecs et romains sont une des lectures les plus utiles et les plus attachantes qu'on puisse faire. C'est dans leurs écrits qu'on trouve les principes des grandes et belles actions qui ont illustré ces deux peuples et qui répandent un si grand intérêt sur leur histoire dont il faut s'occuper ensuite.
LACLOS, De l'Éducation des femmes, 1803, p. 476.
39. La clémence est une belle vertu royale qui rompt les courants de la colère.
HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 496.
SYNT. Une belle action, une belle cause; être animé de beaux sentiments; un beau caractère; c'est une belle âme, une belle et noble âme.
♦ Loc. Il est beau de + inf. Il est beau d'être le chêne et de savoir plier comme le roseau (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 170) :
40. L'exemple, voyez-vous, c'est le meilleur des enseignements. Dites à un conscrit qu'il est noble et beau de marcher au feu, il vous écoutera sans vous comprendre. Marchez-y devant lui, crânement, et il devient plus crâne que vous...
P. BOURGET, Le Disciple, 1889, p. 114.
41. Mais ne vaudrait-il pas mieux l'abandonner à son sort [la République] et la laisser mourir des vices de sa constitution? Sans doute, ce que vous proposez, cher Agaric, est noble et généreux. Il serait beau de sauver ce grand et malheureux pays, de le rétablir dans sa splendeur première.
A. FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, p. 203.
En partic. Une belle mort, un beau trépas. Une mort noble. Une belle mort ennoblit une vie entière. Il se mit dans l'esprit un matin que ce serait pour lui une belle mort, et bienséante, et grandiose, d'aller mourir sur le Mont Blanc (SAINTE-BEUVE, Pensées et maximes, 1869, p. 63) :
42. Ah! Si jamais vous vengez la patrie,
Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas!
BÉRANGER, Chansons, t. 3, Le Vieux sergent, 1829, p. 111.
43. ... il attira Simon Lachaume dans le couloir et se fit raconter les derniers instants. — Une belle mort, une très belle mort, fit Lartois. Puissions-nous tous avoir autant de dignité devant la fin.
DRUON, Les Grandes familles, t. 1, 1948, p. 52.
[Le jugement s'inspire d'une éthique à la fois personnelle et sociale] Il n'est pas beau de mentir. Synon. correct, conforme aux bienséances, élégant :
44. ... les mots sont jugés bons ou mauvais selon qu'il plaît et sans que l'on soit tenu à fournir un motif valable et discutable. Si l'on n'admet pas, comme jadis, l'autorité absolue de l'usage, du bel usage, on n'a pour guide que son propre goût; ...
GOURMONT, Esthétique de la lang. fr., 1899, p. 132.
Trouver beau de + inf. :
45. Il jouit dans ce moment, dit-on, d'une grande faveur; je lui en souhaite la durée : elle a commencé peu de jours avant mon arrivée à Paris, au moment où la cause du roi était désespérée; il aura trouvé beau d'accepter un ministère quand tout paraissait perdu.
LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 2, 1823, p. 177.
46. Il trouvait beau de se gouverner, sur la mer et dans des pays inconnus, par les règles de l'astronomie, science alors peu répandue et peu avancée.
JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 390.
47. Vous, Monsieur Schleiter, vous et vos semblables, vous rêvez d'une société dans laquelle l'État se chargera de faire le salut de tout le monde. Eh bien! je me demande où sera le mérite. Je trouve beaucoup plus beau de se débrouiller tout seul.
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Vue de la Terre promise, 1934, p. 128.
En partic., JEUX. Être beau joueur, se montrer beau joueur. Savoir perdre avec élégance :
48. La cour était à Fontainebleau. La démission partie, Rougon attendit avec un sang-froid de beau joueur. L'éponge allait être passée sur les derniers scandales, le drame de Coulonges, la visite domiciliaire chez les sœurs de la Sainte-Famille. S'il tombait, au contraire, il voulait tomber de toute sa hauteur, en homme fort.
ZOLA, Son Excellence E. Rougon, 1876, p. 327.
Au fig. :
49. — Allons, papa, gloussait Lucien, la bouche en croupion de poule, soyez beau joueur. Avouez que vous avez marché.
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 78.
50. Staline se montra beau joueur. D'une voix douce, il me fit son compliment : « Vous avez tenu bon. À la bonne heure! J'aime avoir affaire à quelqu'un qui sache ce qu'il veut, même s'il n'entre pas dans mes vues ».
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 78.
[Le jugement s'inspire d'une éthique de la grandeur sociale] Synon. glorieux. Les beaux temps de la chevalerie :
51. ... M. de Suffren était, depuis Louis XIV, le seul qui rappelât les grands marins de notre belle époque navale.
LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 2, 1823, p. 283.
52. ... les institutions et les croyances que nous trouvons aux belles époques de la Grèce et de Rome, ne sont que le développement de croyances et d'institutions antérieures; ...
FUSTEL DE COULANGES, La Cité antique, 1864, p. 4.
[L'accent est mis sur les qualités affectives] Ma belle amie, ma belle enfant :
53. — Bonjour, bonjour, ma chère enfant, répéta-t-il d'un ton paternel où perçait néanmoins une légère émotion. — Monsieur, fit Cerise en reculant d'un pas, encore. Seriez-vous la personne... que j'attends? ... — Oui, c'est moi, ma belle enfant!
PONSON DU TERRAIL, Rocambole, t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 213.
Fam. et condescendant :
54. — Bonjour, belles dames, bonjour, dit-il en les saluant d'un geste protecteur; vous êtes belles à croquer toutes deux, et si j'étais encore...
PONSON DU TERRAIL, Rocambole, t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859 p. 485.
c) [L'appréciation porte sur la perfection techn. d'une chose ou sur les qualités intellectuelles ou/et esthétiques d'une œuvre]
[L'appréciation porte sur la perfection techn.]
♦ [En parlant de la matière considérée du point de vue de son appropriation à la fin recherchée] Anton. médiocre. Du beau cuir, du beau granit, du beau papier épais; c'est du beau bois; du beau grain de semence; une belle mécanique :
55. Le vieux Campireali a répété mille fois qu'il donnera sa plus belle terre à qui vous aura tué.
STENDHAL, L'Abbesse de Castro, 1839, p. 179.
P. anal., JEUX. Avoir de belles cartes, un beau jeu. Avoir un jeu, des cartes favorables. Donner un beau jeu. P. métaph. :
56. Vois-tu, petite, le grand art en politique consiste à avoir deux bons yeux, quand les autres sont aveugles. Tu as toutes les belles cartes dans ton jeu.
ZOLA, La Fortune des Rougon, 1871, p. 93.
Loc. fig.
Avoir beau jeu de, à, pour + inf. N'éprouver aucune difficulté à :
57. ... M. Racine avait bien de l'esprit, et du plus méchant. Ce peintre de l'homme aurait eu beau jeu pourtant à soutenir qu'il nous est impossible de faire mieux connaître l'homme sans servir la religion catholique.
MAURIAC, La Vie de Jean Racine, 1928, p. 71.
58. Mais la mort est atroce à qui n'a pas rempli sa vie. À celui-ci la religion n'a que trop beau jeu pour lui dire : « Ne t'en fais pas. C'est de l'autre côté que ça commence, et tu seras récompensé ».
GIDE, Les Nouvelles Nourritures, 1935, p. 295.
59. Il semblait, en effet, que sous l'empire de la désillusion, certains qui, jusqu'alors, s'étaient liés à l'action du diplomate américain voulussent maintenant régler les comptes. J'eus donc beau jeu de noter, dans ma déclaration, « la confusion qui régnait en Afrique du Nord française ».
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, p. 73.
Avoir beau jeu pour + subst. :
60. Le somme finit cependant par l'envahir, de manière à la séparer du monde réel dont les rumeurs ne lui parvenaient plus. Vallombreuse, s'il eût été là, aurait eu beau jeu pour ses entreprises téméraires et galantes; car la fatigue avait vaincu la pudeur.
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 391.
Donner beau jeu (à qqn), se donner beau jeu. Donner (à quelqu'un) des moyens, des chances de réussite :
61. ... mais si vous voulez à toute force faire à ces gredins l'honneur de leur répondre, attendez du moins ma demi-feuille de Naples, qui vous donnera beau jeu.
COURIER, Lettres de France et d'Italie, 1810, p. 821.
62. De Maistre se donne beau jeu à prendre ainsi le dogme janséniste dans sa déviation et sa défaillance.
SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 165.
Donner beau jeu (à qqc.). Cela donne beau jeu aux interprétations tendancieuses ou même malveillantes (DU BOS, Journal, 1928, p. 210).
Donner, faire la partie belle (à qqn), se faire la partie belle. Même sens : Donner (à quelqu'un) des moyens, des chances de réussite. Voltaire commence par simplifier sa pensée; il se fait la partie trop belle (GIDE, Journal, 1922, p. 739) :
63. Du reste, il confessait volontiers qu'il y avait du bon dans ces idées, dont l'effrayante simplicité l'attirait. Seulement, ce serait donner la partie trop belle à Rasseneur, si l'on en contait de pareilles aux camarades.
ZOLA, Germinal, 1885, p. 1343.
64. ... ses adversaires lui faisaient la partie belle. Entêtés de leurs préjugés gallicans, ils n'admettaient pas que, sur les questions de fait, l'Église fût infaillible.
BREMOND, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 4, 1920, p. 426.
Faire beau jeu (à qqn). Lui rendre les choses plus faciles :
65. Les grands scheiks s'étaient étudiés à nous faire beau jeu, ils avaient aplani les grandes difficultés; ils permettaient le vin et nous faisaient grâce de toute formalité corporelle; ...
LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 505.
♦ [En parlant de la perfection des procédés utilisés ou du résultat obtenu] Une belle invention, faire du beau travail; c'est du beau travail, de la belle besogne (cf. aussi infra II A) :
66. ... j'invoquerai le grand et beau travail qu'a fait, sur les mots de la langue française, le citoyen Butet.
DESTUTT DE TRACY, Éléments d'idéologie, Grammaire, 1803, p. 129.
Loc. Être d'une belle venue. Être bien développé :
67. ... l'arbre était d'une belle venue, plus vigoureux que jamais, et, en cinq ans, il avait presque doublé.
STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, p. 161.
JEUX. Un beau coup, une belle balle.
P. ext. [En parlant de la relative facilité d'une action réputée pénible] Une belle opération (financière, chirurgicale, ...).
Une belle mort. Une mort facile (cf. aussi supra 2 b).
Loc. Mourir de sa belle mort. Mourir de mort naturelle :
68. Avant la prochaine guerre, aura-t-on le temps de travailler encore un peu et de mourir de sa belle mort?
GREEN, Journal, 1943, p. 46.
69. Maintenant la guerre est finie
Et le vieux général est mort
Est mort dans son lit
Mort de sa belle mort
Mais moi je suis vivant et c'est le principal
...
PRÉVERT, Paroles, Histoire du cheval, 1946, p. 25.
[L'appréciation porte sur les qualités intellectuelles ou/et esthétiques d'une œuvre envisagée du point de vue de son contenu] Anton. médiocre. Un beau poème, un beau sonnet, une belle poésie; c'est une belle œuvre, un bel ouvrage.
En partic. [En parlant d'une œuvre qui a pour moyen d'expression le lang.] Un beau discours, une belle pièce (de théâtre), un beau film :
70. C'était à l'avènement du parlant, donc en 1930-31, peu de temps après le beau film de René Clair, Sous les toits de Paris, ...
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 308.
P. méton. [En parlant de la maîtrise de l'expression] Un beau style, un beau talent. [En parlant de l'écrivain] Un bel écrivain, un beau génie.
B.— [L'appréciation porte sur l'importance d'une chose] Qui suscite l'étonnement (amusé ou critique) en raison de ses proportions dépassant la norme ou la moyenne.
1. [Importance de l'énergie ou de l'activité déployée] Une belle claque, un bel appétit; un beau désordre, un beau tapage, un beau tumulte; faire un beau vacarme; une belle bagarre, une belle dispute; une belle colère. Un beau coup de pioche; un beau coup de poing; un beau coup de sabre, d'épée. Se démener comme un beau diable. Avoir, affecter un beau sang-froid. Celui-ci, vieux joueur, avait un beau sang-froid, qui le rendait redoutable (ZOLA, La Bête humaine, 1890, p. 188) :
71. L'enfant riait. Elle le baisa, elle rattacha son maillot, tout en menaçant du poing Catherine.
— S'il était tombé, je t'aurais allongé une belle paire de soufflets.
ZOLA, La Faute de l'Abbé Mouret, 1875, p. 1425.
72. — Ce sont des raisons ridicules! fit Odette avec emportement. Des raisons inventées. Les hommes sont très habiles pour trouver de belles excuses à leur ignominie.
CHARDONNE, L'Épithalame, 1921, p. 252.
73. FANNY. — Alors, je lui donne une gifle, parce que c'était le plus sûr moyen qu'il me demande à ma mère. Et ce matin, il m'a demandée. Voilà.
MARIUS. — Eh bien, ma fille, tu es une belle menteuse.
PAGNOL, Marius, 1931, I, 9, p. 76.
Loc. adv. À belles dents. Croquer, déchirer, dévorer, manger, mordre à belles dents :
74. Les pauvres enfants étaient affamés, y compris Gavroche. Tout en arrachant leur pain à belles dents, ils encombraient la boutique du boulanger qui, maintenant qu'il était payé, les regardait avec humeur.
HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 152.
Au fig. Déchirer (qqn) à belles dents. Médire (de quelqu'un) avec un plaisir cruel :
75. Si je me rends, que dira-t-on de moi? N'est-ce pas une femme bien abjecte que celle qui obéit à point nommé, à l'heure convenue, à une pareille proposition? Ne va-t-on pas la déchirer à belles dents, la montrer au doigt, et faire de son nom le refrain d'une chanson à boire?
MUSSET, Les Caprices de Marianne, 1834, II, 1, p. 150.
76. Ensemble nous déchirions à belles dents la famille de Zaza et ses amis : cela me soulageait un peu.
S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 278.
2. [Importance quantitative] Une belle foule, un beau public; une belle somme, un beau magot, une belle dot, une belle fortune, de beaux bénéfices, de belles rentes; une belle vente, de belles spéculations; une belle prise, une belle récolte; prendre un beau poisson. Il aurait fallu attendre le coucher du soleil... c'est le moment des beaux coups de filet (MAURIAC, Asmodée, 1938, IV, 1, p. 141). Au sein de ce paysage, un lac de belle étendue, mais non immense, ... (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 1, 1834, p. 157) :
77. Tu me feras damner; tu es incorrigible. J'avais les plus belles espérances; cette fille-là sera très-riche un jour; tu me ruineras, et tu iras au diable; ...
MUSSET, Il ne faut jurer de rien, 1840, I, 1, p. 108.
78. L'autre confectionnait des sacs de tranchées dans une ou deux usines qui tournaient encore, et volait des tissus, les revendait, se faisait de beaux profits.
VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 324.
C'est beau, c'est assez beau. Le père Séchard a laissé deux cent mille francs de biens au soleil, comme on dit, et c'est assez beau déjà pour un homme qui a commencé par être ouvrier (BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, p. 312).
3. [Importance sociale, avec gén. implication de 2] Une belle position, une belle situation :
79. Il va partir pour Paris, il aura là-bas une belle situation dans le haut commerce.
ZOLA, La Faute de l'Abbé Mouret, 1875, p. 1247.
80. Il avait décidé qu'il ferait un jour un beau mariage, et dans sa tête il était arrêté qu'il épouserait une des héritières de la chocolaterie.
ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, p. 41.
4. [Importance psychol.] C'est d'un bel optimisme; une belle surprise, une belle envie :
81. Le duc de Vermandois vient d'être revêtu de la charge d'amiral; Mme de La Vallière a reçu cette marque d'une faveur insigne avec la plus belle indifférence.
JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 2, 1812, p. 6.
82. Le caractère espagnol fait une belle opposition avec l'esprit français; dur, brusque, peu élégant, plein d'un orgueil sauvage, jamais occupé des autres : ...
STENDHAL, De l'Amour, 1822, p. 161.
II.— [Beau exprime une appréciation défavorable]
A.— P. iron.
Mon beau monsieur! Ma belle dame! Mon bel ami! :
83. — Des histoires, des histoires, bel ami, fait l'avocat! Vous m'aviez pourtant bien promis de me payer selon mes conditions.
FARAL, La Vie quotidienne au temps de st Louis, 1942, p. 95.
C'est du beau travail! de la belle besogne (supra I A 2 c) :
84. Il la sentait sur lui, enlacée à lui, chaude et terrifiée, sa sœur! Alors, tout bas, de peur que quelqu'un l'écoutât, si bas qu'elle-même l'entendit à peine : « Malheur! J'avons fait de la belle besogne! » Elle eut, en une seconde, les yeux pleins de larmes...
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Le Port, 1889, p. 1336.
P. ell.
En dire, en entendre de belles (choses fâcheuses, scandaleuses, ...) :
85. DON CÉSAR. — Ô Lucindes d'amour! Ô douces Isabelles!
Eh bien! Sur votre compte on en entend de belles!
Quoi! L'on vous traite ainsi, beautés à l'œil mutin,
À qui je dis le soir mes sonnets du matin!
HUGO, Ruy Blas, 1838, I, 2, p. 343.
86. Adieu; je m'habille pour aller dîner chez la Kisseleff. Ah! l'on en a dit de belles! (...) J'ai été prudent, quoique hurlant avec les loups, mais ne parlant que des choses officielles et connues.
BALZAC, Lettres à l'Étrangère, t. 2, 1850, p. 231.
87. ... le réquisitoire de M. Manau, ainsi que l'ordre de mise en jugement, nous en apprennent de belles sur le procès qui était en voie de préparation.
CLEMENCEAU, Vers la réparation, 1899, p. 545.
En faire de belles (sottises) :
88. Ah! Te voilà! ... Eh bien, tu en as fait de belles!
GABRIELLE, ahurie. — Moi! Où ça? Quand ça? Comment ça, de belles?
PETYPON. — Mais, là-bas, chez mon oncle!
FEYDEAU, La Dame de chez Maxim's, 1914, III, 4, p. 58.
B.— P. antiphrase
1. [Avec une idée d'inefficacité] Une belle dose de naïveté; de belles phrases creuses, ronflantes :
89. — Oui, mais tout cela n'empêche pas mon comte de Monte-Cristo d'exister!
— Pardieu! Tout le monde existe, le beau miracle!
A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 582.
90. — Mais, monsieur, j'ai un peu de fièvre. Il toucha sa main. — Pas en ce moment en tous cas. Et puis la belle excuse! Ne savez-vous pas que nous laissons au grand air, que nous suralimentons, des tuberculeux qui ont jusqu'à 39?
PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 302.
91. — Votre beau-père était un ermite, c'est entendu, je l'ai mieux connu que vous... Mais le beau mérite!
MAUROIS, Climats, 1928, p. 232.
La belle affaire! La belle avance! :
92. — Deux cents francs! La belle affaire! C'est mon dû que je veux, c'est dix mille francs.
ZOLA, La Fortune des Rougon, 1871, p. 143.
93. C'était vraiment donner trop d'importance à un diplôme. Il était bachelier. La belle avance! C'est à présent que la difficulté commençait.
GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, p. 1208.
♦ Expr. Cela (me, nous, vous) fait une belle jambe :
94. Mme Rezeau n'osa pas dire : « Ça me fait une belle jambe! », mais, par suite d'une silencieuse association d'idées, elle se caressa longuement le tibia.
H. BAZIN, Vipère au poing, 1948, p. 94.
95. ... le cardinal André, en te promettant sa voix, t'a affirmé dernièrement encore que tu avais derrière toi toute l'Église.
— Voilà qui me fait une belle jambe!
— Mon ami! ...
— Nous venons de voir avec Anthime ce que valait la haute protection du clergé.
GIDE, Les Caves du Vatican, 1914, p. 710.
Un beau parleur. Une personne qui ne dit que des futilités. De belles paroles. Des paroles inutiles :
96. Toujours il avait eu la réputation d'un mauvais sujet et d'un noceur, poussé par ce besoin de faire le beau parleur autour des tables d'auberge, d'étonner la galerie par ses façons conquérantes.
MOSELLY, Terres lorraines, 1907, p. 133.
2. [Avec une idée de désagrément et en outre une idée d'importance (supra I B)]
Traiter qqn de la belle manière, de la belle façon.
Être dans de beaux draps. Être dans une situation fâcheuse. Nous voilà encore dans de beaux draps par sa faute (ZOLA, La Joie de vivre, 1884, p. 947) :
97. « Mais comme j'ai bien fait de garder mes réserves en cas de coup dur; nous serions dans de beaux draps si j'avais suivi François! », ...
DRUON, Les Grandes familles, t. 2, 1948, p. 90.
Une belle maladie, une belle bronchite; avoir une belle grippe; une belle injustice, une belle inquiétude, une belle peur; un beau scandale. Les blessures du plus profond amour suffisent à faire une assez belle haine (MALRAUX, La Condition humaine, 1933, p. 328). Ah! C'est vous, l'oncle! Eh bien, vous m'avez fait une belle peur (MONTHERLANT, Les Célibataires, 1934, p. 750) :
98. — Je ne vous ai pas chipé la lettre, mon vieux, vous l'aviez laissée traîner sur le bureau du maître avec la copie de la veille — une belle gaffe! Je me demandais même tout à l'heure si vous ne l'aviez pas fait exprès.
BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, p. 884.
Être dans un bel état :
99. — « Ah! Madame est dans un bel état! Elle a renvoyé ce matin son groom qui l'insultait. Elle croit qu'on va piller partout! Elle crève de peur! D'autant plus que Monsieur est parti! »
FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, t. 2, 1869, p. 104.
Un beau salaud :
100. « Oui, c'était un beau salaud. Et alors? À quoi ça avance, un salaud de moins sur terre? Descendre des collabos en 43, bien d'accord. Mais maintenant, ça ne sert à rien, c'est quasi sans risque, ... »
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 150.
♦ Loc. Il ferait beau voir. Il serait incroyable de voir, il serait bien étrange de voir. Je suis libre! Évidemment je suis libre. Il ferait beau voir qu'on m'empêche d'être libre (ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 409) :
101. — Nous parlerons bien, peut-être, nous autres, femmes.
— Vous autres! Rentrez vos langues dans le fourreau.
— Tiens! Tiens! Il ferait beau vous voir nous en empêcher!
GOZLAN, Le Notaire de Chantilly, 1836, p. 255.
III.— [Beau exprime une idée d'imprévisibilité ou d'inattendu]
A.— [L'idée dominante est celle de hasard, d'imprévisibilité]
Un beau jour. Un certain jour. Un beau matin, un beau soir :
102. Par je ne sais quelle aventure,
Un avare, un beau jour, voulant se bien traiter,
Au marché courut acheter
Des pommes pour sa nourriture.
FLORIAN, Fables, L'Avare et son fils, 1792, p. 146.
103. ... un beau matin, l'on peut, si l'on a cessé de plaire, être expédié, comme un simple colis, au loin, à destination d'un autre cloître.
HUYSMANS, L'Oblat, t. 1, 1903, p. 12.
Au beau milieu de. En plein milieu de.
1. [Concerne l'espace] Au beau milieu d'un terrain, de la forêt, d'une pelouse; au beau milieu du chemin, de la chaussée, de la route; au beau milieu du visage, du nez :
104. ... un enfant, une femme accroupie, par hasard, au beau milieu des routes vides, et où ne passent que des enterrements.
FROMENTIN, Voyage en Égypte, 1869, p. 140.
2. [Concerne le temps] Au beau milieu de la journée, de la nuit :
105. Et cela! Vous ne savez pas ce que c'est, vous, dame de la ville! C'est comme un avertissement de l'automne au beau milieu du printemps. Ce sont les petits chrysanthèmes d'or qui vivent là, dans l'encoignure.
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Suzanne et les jeunes hommes, 1941, pp. 189-190.
Absolument :
106. L'expression des gens parfois que l'on croise sur les trottoirs
C'est comme un cinéma permanent quand on entre au beau milieu.
ARAGON, Le Roman inachevé, 1956, p. 91.
Au fig. Au beau milieu de la conversation, d'un entretien, d'une phrase :
107. Je sentis la sueur perler à mon visage et à mes mains. J'avais jeté le mot au pire moment, au beau milieu d'une phrase...
GRACQ, Un Beau ténébreux, 1945, p. 121.
En belle vue. En évidence. Parmi les nappes, les serviettes, en belle vue, pend un morceau d'andrinople rouge (R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 713).
En belle place :
108. Le panier que nous lui envoyons au jour de l'an est en belle place sur le marbre de son secrétaire.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1958, p. 436.
B.— [L'idée dominante est celle de chose espérée (exprimée par avoir beau) et de déception (exprimée par la proposition subséquente)]
Avoir beau + inf. (avec valeur concessive). L'oncle Édouard a eu beau faire, beau s'évertuer, s'époumoner... ils démordaient pas de leur avis (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 346). J'ai eu beau donner de la voix, personne, hélas, n'est venu me détacher (CAMUS, La Dévotion à la croix, adapté de Calderon de La Barca, 1953, p. 574). J'ai eu beau chercher, je n'ai pas trouvé de solution (F. SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 107) :
109. J'avais eu beau chercher du haut de la crête les feux de la gare du plantier, pas moyen, la nuit me poussait dans le dos...
BERNANOS, Monsieur Ouine, 1943, p. 1382.
110. ... « Je suis sûr que Simon m'a menti. Il a eu beau jurer, il ne vaut pas mieux que les autres. (...) »
GREEN, Moïra, 1950, p. 83.
111. Vous avez eu beau vous entourer de précautions, nous voilà classés comme anticommunistes; ...
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 385.
Avoir beau dire et beau faire :
112. Mais ils ont beau faire et beau dire, ils n'en diront jamais pis sur mon compte qu'on n'en a dit à Cambridge dans un discours public prononcé ex cathedra, en 1844, contre notre maître en art et en critique, Goethe.
SAINTE-BEUVE, Les Cahiers, 1869, p. 148.
113. Elle était pas très mal roulée... seulement elle avait un tic et puis elle louchait... je me suis présenté comme ça du journal... elle a cru d'abord comme les autres qu'elle venait de gagner le gros lot... elle a insisté pour que je reste... elle a été me chercher des roses! ... J'avais beau dire et beau faire... elle comprenait rien...
CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 509.
114. Et l'on voyait pendre au revers ses cravates qui est-ce qui
N'aurait derrière soi cru voir soudain passer Maïakovski
On a beau faire on a beau dire il est là joue aux cartes fume
Et ses vers chantent quelque part dans la poche de ses costumes
ARAGON, Le Roman inachevé, 1956, p. 184.
IV.— [Beau, belle élément de synt. figé]
A.— [Avec valeur adj.]
1. [Avec valeur d'épithète]
a) [Exprime certaines relations de parenté] Beau-frère, beau-père, belle-mère, belle-sœur, belle famille, beaux-parents.
b) [Exprime une idée de noblesse ou de désintéressement]
Les beaux-arts, les belles-lettres.
Expr. Faire qqc. pour les beaux yeux de qqn. Faire quelque chose de manière désintéressée :
115. MADAME DUFOURÉ. — Et ma dot, monsieur? J'ai eu une dot!
DUFOURÉ. — Eh! parbleu! je m'en souviens bien. Croyez-vous que je vous eusse épousée pour vos beaux yeux? ...
BARRIÈRE, CAPENDU, Les Faux bonshommes, 1856, II, 6, p. 64.
c) [Exprime une idée d'importance qualitative ou quantitative] Cf. aussi supra I B 2.
Il y a beau jour (que), il y a beau temps (que), il y a belle lurette (que). Il y a longtemps :
116. Il y a beau jour que j'ai renoncé à rougir de ma vanité, et même à m'en corriger. De tous mes défauts, c'est celui qui m'amuse le plus.
RENARD, Journal, 1902, p. 767.
117. Le Dieu de la Genèse, il y avait beau temps, nous avait interdit « de manger de l'arbre de la connaissance », ...
GUÉHENNO, Jean-Jacques, En marge des « Confessions », 1948, p. 303.
Depuis belle lurette, depuis beau temps. Depuis longtemps. J'avais renoncé d'ailleurs, depuis belle lurette à toute espèce d'amour-propre (CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 527).
[En parlant d'une pers.] Un bel âge. Un âge avancé.
IMPR. Belle page. La page impaire d'un livre, celle qui se trouve à la droite du lecteur.
Vx ou région. (Canada). Beau dommage. Certainement :
118. — Pas à la chasse encore?
Beau dommage. Il est toujours pas allé ramasser des framboises. Il va coucher aux noirs, vous le savez ben : son affût est au bord de la baie.
G. GUÉVREMONT, Le Survenant, 1945, p. 73.
119. Vot'père a dit cinq chambres. T'auras p'têtre la tienne, Yvonne. Il faut pas se bâtir des châteaux en Espagne, beau dommage, tant qu'on aura pas vu la maison, mais ça me dit qu'on va être mieux qu'icitte.
G. ROY, Bonheur d'occasion, 1945, p. 339.
d) Expr. diverses
Être en belle humeur. Être bien disposé ou être dans de bonnes dispositions :
120. Il paraît que les Maupassant sont toujours en belle humeur, et que les facéties découlent mieux que jamais de leurs lèvres.
FLAUBERT, Correspondance, 1843, p. 139.
121. M. L'Ambert lui enseigna que promettre et tenir ne sont point synonymes : il daigna lui expliquer (car il était en belle humeur) les mérites et les dangers de la figure appelée hyperbole.
ABOUT, Le Nez d'un notaire, 1862, p. 173.
Dormir à la belle étoile. Dormir en plein air :
122. Donadieu avait passé la nuit à Lille avec beaucoup d'autres, dormi sur le trottoir, à la belle étoile.
VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 11.
Tout nouveau, tout beau :
123. Quand nous nous sommes retrouvés il y a cinq mois tu ne m'as pas déçu, au contraire : tout nouveau, tout, beau. Mais ensuite je t'ai connu, et il a fallu déchanter.
MONTHERLANT, Fils de personne, 1943, III, 1, p. 314.
2. [Avec valeur d'attribut]
a) [Exprime une idée de désagrément ou de contrariété]
La bailler belle. En faire accroire. Tu me la bailles belle, tu me prends pour un imbécile (DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, p. 130) :
124. Peur est un mot qui sonne désagréablement aux oreilles françaises. M. L'Ambert frappa du pied, marcha droit au docteur et lui dit avec un petit rire trop nerveux pour être naturel : — Parbleu! docteur, vous me la baillez belle. Est-ce que j'ai l'air d'un homme qui a peur?
ABOUT, Le Nez d'un notaire, 1862, p. 86.
125. La Sulmerre n'a point jugé à propos de m'attendre; la Sulmerre ne m'aime pas. Maudite imagination! Tu me la baillais belle avec tes vains mirages d'amour, de tendresse, de sincérité!
MILOSZ, L'Amoureuse initiation, 1910, p. 104.
La manquer belle. Manquer, perdre une bonne occasion.
L'avoir beau; l'avoir belle. Avoir des chances de réussite. Vous l'avez beau. Vous ne l'aurez jamais plus belle (Ac. 1835-1932) :
126. S'ils avaient organisé la résistance à Paris, comme je le conseillais, et forcé la main du Roi, ils l'avaient belle de boucler la sédition en cinq secs et de remettre tout en place.
L. DAUDET, Les Lys sanglants, 1938, p. 167.
b) [Exprime une idée de soulagement]
L'échapper belle. Échapper de justesse à un péril, à un danger :
127. — Le lieutenant l'a échappé belle, disait le chirurgien-major. Quelques millimètres plus bas, ce morceau de plomb mâché que je lui ai cueilli entre les côtes perforait le poumon.
DE VOGÜÉ, Les Morts qui parlent, 1899, p. 255.
128. ... la grenade éclata en l'air, le milicien tomba, et le sang ruissela sur le visage de Ximénès. Le milicien était blessé à l'épaule. Il l'avait échappé belle.
MALRAUX, L'Espoir, 1937, p. 570.
Arg. La faire belle. Avoir le dessus. Il ne pouvait pas la faire belle avec moi (ESN. 1966).
c) [Pour renforcer l'expr.] Bel et bon. C'est du bel et bon or, pur de tout alliage (GOBINEAU, Nouvelles asiatiques, L'Illustre magicien, 1876, p. 96); Est-ce qu'il n'avait pas payé la créance de bel et bon argent? (ZOLA, L'Argent, 1891, p. 292).
[Avec une idée de contrariété ou de déception] Tout cela est bel et bon, mais c'est enfantin (GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, p. 130) :
129. Tout cela est bel et bon, mais n'approfondit en rien ce que j'avais la sensation de toucher hier soir à la Celle Saint-Cloud et ce matin dans l'autobus en ce qui concerne les deux états intellectuels et moraux que postule la maxime de Vigny, ...
DU BOS, Journal, 1922, p. 140.
B.— [Avec valeur subst.]
1. [Le subst. désigne une pers.] Un beau, une belle. Un homme beau, une femme belle.
En partic.
a) Un beau. Homme d'une élégance recherchée et soucieux de plaire. Un vieux beau. Homme d'un certain âge empressé auprès des femmes. Un vieux beau, (...), dansait avec Mme Rosanette, ... (FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, t. 1, 1869, p. 147); Georges Hugo, l'air, déjà, d'un vieux beau qui serait maladroit à se faire une tête (RENARD, Journal, 1905, p. 958) :
130. Delahante, le vieil amant de Rachel, le vieux beau orléaniste, n'a plus aujourd'hui pour figure qu'une bouillie de papier mâché, tenue en place par le triangle de fer de son faux-col.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1881, p. 130.
Loc. Faire le beau
♦ [En parlant d'une pers.] Prendre des poses, des airs avantageux. P. métaph. :
131. ... Mon cerveau
N'est pas ce qu'un vain peuple pense,
C'est quand satisfaite est ma panse,
Qu'il s'éveille et qu'il fait le beau.
PONCHON, La Muse au cabaret, La Question culinaire, 1920, p. 117.
♦ [En parlant d'un chien] Se dresser sur ses pattes de derrière. P. ext. :
132. Après que le lion eut fait le beau, que le dompteur eut salué, et qu'ils eurent été récompensés tous deux par le tapage du public, Goujart eut la prétention d'emmener encore Christophe à un troisième concert.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, p. 682.
b) Une belle. Toute femme, considérée comme belle par définition. Ces stupides abandons dont les belles sont coutumières (MILOSZ, L'Amoureuse initiation, 1910, p. 179) :
133. À l'aspect de vos barbes grasses,
D'effroi vous voyez fuir les Graces;
Ou, de truffes en vain gonflés,
Près de vos belles vous ronflez.
BÉRANGER, Chansons, t. 1, Les Gourmands, 1829, p. 98.
[En apostrophe] Ma belle! Locution exprimant l'affection.
2. [Le subst. désigne une chose concr. ou abstr.]
a) Subst. masc. [En parlant du temps] Être au beau. D'ailleurs l'année était excellente : le temps était au beau fixe sans être trop chaud (JOUVE, Paulina 1880, 1925, p. 78).
b) Subst. fém.
BOT. Belle-de-jour, belle-de-nuit, belle-d'onze-heures, belle-d'un-jour.
JEUX. La belle. Partie qui doit permettre de départager les ex æquo. Jouer la belle :
134. On sait que deux joueurs jouent la belle (sous-entendu partie), lorsqu'après avoir gagné chacun une partie, ils conviennent d'en risquer une dernière, décisive en ce qu'elle ne sera pas suivie d'une revanche.
LARCH. 1861.
Arg. Attendre sa belle. Guetter la revanche, l'occasion favorable (A. DELVAU, Dict. de la lang. verte, 1866, p. 28). Faire la belle. S'évader.
3. [Beau, toujours au sing., désigne une valeur abstr.]
a) [Le beau comme valeur esthétique] Ce qui suscite une émotion, un plaisir esthétique. ... l'idée du beau, c'est cette science qu'en Allemagne on appelle l'esthétique (COUSIN, Du Vrai, du beau et du bien, 1836, p. 12). Le beau, c'est la beauté vue avec les yeux de l'âme (BREMOND, La Poésie pure, 1926, p. 126) :
135. Dans son âme d'artiste, il (Adoniram) se dit que le beau glorifie Dieu, et il cherche le beau avec une piété naïve.
G. DE NERVAL, Voyage en Orient, t. 3, 1851, p. 137.
136. Le Beau (...) c'est ce qui, dans tous les temps et dans tous les pays, trouve des âmes sur qui il agisse, et des esprits pour l'admirer, en dépit des différences de mœurs, de caractères et de préjugés.
V. COURDAVEAUX, Du Beau dans la nature et dans l'art, 1860, p. 116.
137. Le Beau, en agissant sur notre sensibilité, y produit un sentiment agréable distinct de la sensation, une jouissance intellectuelle, élevée, noble et désintéressée.
Ch. LEVÊQUE, La Science du beau, 1872, p. 6.
138. Si le beau est présence réelle de Dieu dans la matière, si le contact avec le beau est au plein sens du mot un sacrement, comment y a-t-il tant d'esthètes pervers?
S. WEIL, La Pesanteur et la grâce, 1943, p. 151.
En partic. Ce qui correspond à certaines normes d'équilibre, de plastique, de proportions harmoniques, de perfection en son genre, etc. (cf. LAL. 1968) :
139. ... nous pouvons espérer de parvenir un jour à une théorie du beau, d'après laquelle la peinture, l'architecture et la statuaire seraient traitées comme des sciences exactes...
P.-J. PROUDHON, De la Création de l'ordre dans l'humanité, 1843, p. 245.
140. On a beaucoup défini le beau en art. Ce que c'est? Le beau est ce que les yeux sans éducation trouvent abominable. Le beau est ce que ma maîtresse et ma servante trouvent d'instinct affreux.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1859, p. 587.
141. Il [le mot esthétique] me fait hésiter l'esprit entre l'idée étrangement séduisante d'une « Science du Beau », qui, d'une part, nous ferait discerner à coup sûr ce qu'il faut aimer, ce qu'il faut haïr (...) et qui, d'autre part, nous enseignerait à produire, à coup sûr, des œuvres d'art d'une incontestable valeur.
VALÉRY, Variété 4, 1938, p. 239.
Le beau idéal. ... le beau idéal change tous les trente ans, en musique (STENDHAL, Vie de Rossini, 1823, p. 17) :
142. Nos peintres sont enchantés d'avoir un beau idéal tout fait et en poche qu'ils peuvent communiquer aux leurs et à leurs amis.
E. DELACROIX, Journal 3, 1863, p. 345.
b) [Le beau comme valeur autre qu'esthétique] Ce qui suscite l'admiration en raison de sa valeur intellectuelle ou morale (cf. beauté III) :
143. ... Tasse, en peignant les chevaliers, a tracé le modèle du parfait guerrier, tandis qu'Homère, en représentant les hommes des temps héroïques, n'a fait que des espèces de monstres? C'est que le christianisme a fourni, dès sa naissance, le beau idéal moral, ou le beau idéal des caractères, et que le polythéisme n'a pu donner ce grand avantage au chantre d'Ilion.
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, t. 1, 1803, p. 358.
144. Quant au beau moral chrétien, intérieur, tout rentré et tout voilé, nous le surprenons ici dans son essence la plus pure. Port-Royal désormais ne nous en offrira point d'exemple plus accompli.
SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 290.
C.— [Avec valeur adv.]
1. Loc. verbales
Montrer beau. Avoir un aspect agréable, une jolie apparence :
145. La vigne montrait beau; le mildiou laissant la feuille, vivait sur la grappe; sous les pampres touffus des ceps bas, les grains pauvres cachaient leur laideur honteuse.
HAMP, Vin de Champagne, 1909, p. 133.
Porter beau. [En parlant d'un cheval] Avoir un beau port de tête.
P. anal. et au fig. [En parlant d'une pers.] Avoir belle prestance, belle allure :
146. ... il portait beau pourtant, la barbe en éventail, cynique et lettré, lâchant encore de temps à autre une phrase fleurie d'ancien universitaire.
ZOLA, L'Argent, 1891, p. 124.
Trouver beau. Trouver agréable :
147. L'homme trouve beau ce qui lui ressemble dans les êtres et dans les choses, ce qui le soutient, le ranime, le réchauffe, l'éclaire.
VIGNY, Le Journal d'un poète, 1861, p. 1360.
Il fait beau; avoir beau temps. Cf. supra I A 2 a. Je pense que nous aurons encore beau temps demain (DRUON, Les Grandes familles, t. 1, 1948, p. 123).
2. Loc. adv.
En beau. Sous un jour favorable :
148. Il faut placer quelque part de ces caractères d'hommes qui voient tout en beau, qui sur un seul mot qu'on leur dit d'une chose bâtissent un long roman...
CHÉNIER, L'Amérique, 1794, p. 121.
En belle (pop.) :
149. L'homme se tira vers Olivier. Il cligna de l'œil vers la cuisine où la fille rinçait les verres. — Ça semble pas, il dit, mais de temps en temps, une grognasse comme celle-là, ça te met la vie en belle. Seulement, voilà : faut du rupin.
GIONO, Le Grand troupeau, 1931, p. 90.
Tout beau (vx ou littér.). [Pour inviter au calme ou à la modération] Là, là, tout beau, nous irons au tir (BALZAC, Le Père Goriot, 1835, p. 117).
Bel et bien. Réellement, d'une manière tout à fait sûre. Oui, ma chère, et le rapt est bel et bien consommé (A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 524) :
150. Les hôtels cessaient d'être les loges d'un théâtre étrange et devenaient bel et bien des demeures éteintes exprès, barricadées sur le passage de l'ennemi.
COCTEAU, Les Enfants terribles, 1929, p. 11.
De plus belle. Encore plus fort. Crier, hurler, pleurer, rire, sangloter de plus belle; continuer, recommencer de plus belle. Ça tirait, ça claquait, ça explosait de plus belle (SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, p. 185).
REM. GÉN. Forme de l'adj. au masc. sing. Bel, forme normale du masc. en a.fr. comme l'attestent certaines appellations (Philippe le Bel) ou des loc. figées (bel et bien, bel et bon) est encore employé normalement en fr. :
lorsqu'il est antéposé à un subst. commençant par une voyelle ou par un h muet afin d'éviter la rencontre de 2 voyelles : (un bel arbre, un bel enfant, un bel habit, un bel héritage). C'est, sans doute, ce même souci qui incite quelquefois certains aut. à employer bel — postposé au subst. qu'il qualifie — devant n'importe quel terme à initiale vocalique faisant partie du même syntagme; GREV. 1969, § 345, A, N.B. 4 cite 2 ex., l'un devant à : Il entra, très bel à voir encore (G. DUHAMEL, Défense des Lettres, p. 227) l'autre devant encore : Il est beau, son nom est plus bel encore (R. Kemp dans les Nouv. litt., 2 avr. 1959);
lorsqu'un autre adj. est coordonné à l'aide de la conj. et, beau ou bel sont l'un et l'autre possibles. GREV. 1969, § 345, A, N.B. 4 rappelle les règles fixées à ce sujet par l'Office de la Langue française (cf. Fr. mod., juin-juill. 1938, p. 212) ,,... quand une seconde épithète précédée de et s'intercale entre le premier adjectif et le nom, on a le choix entre bel (...) et beau [si le nom commence par une voyelle] (...) L'Office fait observer que si le nom commence par une consonne, force est d'employer beau (...) de même lorsque les épithètes sont postposées.``
Ces règles sont le plus souvent observées, mais pas de manière absolue, ainsi que le prouvent les ex. suiv. : à côté du bel et inusable Hubert Robert (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 42), ce bel et vaste herbage (CRÉVECŒUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie, 1801, p. 286), un bel et spécieux expédient (P. BOREL, Champavert, Dina, la belle juive, 1833, p. 115), le bel et sonnant enjeu (L. CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 119), bel et plaisant effet (LARBAUD, Journal, nov. 1931, p. 255); lorsque le subst. postposé est à initiale consonantique, c'est la forme beau qui est généralement employée : ce beau et froid calcul (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 136), ce beau et froid mois de mai (MICHELET, Journal, mai 1842, p. 399), votre beau et charmant livre (HUGO, Correspondance, 1853, p. 174), un beau et charmant talent (ID., ibid., 1862, p. 386), cependant notre documentation fournit un ex. infirmant cette tendance : au bel et suggestif visage d'une femme (DU BOS, Journal, mai 1927, p. 284) et GREV. 1969, § 345, A, N.B. 4 note que ,,plus d'un écrivain, tenant compte simplement du fait que le mot suivant commence par une voyelle, emploie librement les formes en -l``. Cette affirmation semble confirmée par le fait que si les deux adj. coordonnés sont postposés au subst., les 2 formes, là encore sont possibles : un amour bel et sain (JAMMES, Les Géorgiques chrétiennes, 1911, p. 27), Mon or, si bel et si clair (MONTHERLANT, Malatesta, IV, 9 dans GREV. 1969, § 345, A, N.B. 4), quoique beau soit alors la forme la plus attendue : le temps (...) beau et chaud (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 217), ce qu'on a reconnu vrai, beau et utile (SIEYÈS, Qu'est-ce que le Tiers-état? 1789, p. 91).
PRONONC. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[bo], bel (masc.), belle (fém.) []. Enq. :/bo/. 2. Homon. : bau (solive pour affermir le bordage), baud (chien courant de Barbarie), baux (de bail), bot. GREV. 1964, § 345 rappelle : ,,Ce sont des considérations étymologiques (lat. generalis, bella, nulla, etc.) qui ont fait doubler ou non l au féminin. On hésitait jusque dans le XVIIIe siècle entre générale et généralle, naturele et naturelle, etc. Belle a entraîné le redoublement dans tous les adjectifs en -el. Dans les adjectifs en -eil et dans gentil, l a été doublé pour rendre le son mouillé.`` (Au sujet du masc. bel et du fém. belle, cf. aussi Gramm. Lar. 1964, § 296).
Pour l'expr. bel-esprit, dernière transcr. dans LITTRÉ : bè-lè-spri. GATTEL 1841 fait la rem. suiv. : ,,Au sing. ces deux mots unis par un tiret n'en font qu'un; au pl. on dit en deux mots séparés : Beaux esprits.``
ÉTYMOL. ET HIST. — A.— Adj. 1. qui fait éprouver une émotion esthétique a) 900 en parlant d'êtres humains (Eulalie, 2 dans GDF. Compl.); Xe s. épithète de courtoisie, d'affection (St Alexis, éd. Storey, 216 : bel sire), v. beau-frère, belle-sœur, etc.; b) Xe s. en parlant d'inanimés (La Passion, éd. d'Avalle, 63 : belz murs); 2. qui fait éprouver un sentiment de satisfaction ca 1100 « importante, considérable » (Roland, éd. Bédier, 517); en parlant de choses intellectuelles (Ibid., 2243 : par mult bels sermons); d'un sentiment (Ibid., 2710 : Par bel'amur); de phénomènes atmosphériques (Ibid., 157 : Bels fut li vespres); 1172-75 subst. (CHR. DE TROYES, Chevalier Lion, 807 dans T.-L.); ca 1100 en parlant de qualités morales (Roland, éd. Bédier, 3006); par antiphrase XIIe s. (Eneas, 6778 dans T.-L.). B.— Loc. 1285 loc. adv. bien et bel (ADENET, Cléomades, Ars. 3142, f° 49c dans GDF.); 1566 loc. verbale avoir bel à + inf. sens adversatif actuel (DES MASURES, David fugitif, 477 dans HUG.); 1570 loc. adv. De plus beau « de nouveau » (AUBIGNÉ, le Primtems, I, 13, ibid.).
Du lat. bellus « beau, gracieux, élégant (surtout en parlant des femmes) » dep. PLAUTE dans TLL s.v., 1856, 51; « id. (en parlant d'inanimés) » ibid., 1857, 33.
STAT. — Fréq. abs. littér. :61 696. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 96 472, b) 98 223; XXe s. : a) 88 738, b) 74 063.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — Banque 1963. — BAUDR. Chasses 1834. — BAUDR. Pêches 1827. — BAUMANN (H.-H.). Zwei kleine Studien zur romanischen Sprachgeschichte. Vox rom. 1969, t. 28, pp. 240-251. — BENVENISTE (É.). Mécanismes de transpos. Cah. F. Sauss. 1969, n° 25, p. 57. — BOUCHER 1835. — BOUILLET 1859. — BRUANT 1901. — BURGESS (G. S.). Contribution à l'ét. du vocab. pré-courtois. Genève, 1970, pp. 114-133. — Canada 1930. — CHASS. 1970. — CHESN. 1857. — DUCHÁ (O.) La Beauté, le beau. La joliesse, le joli. Philol. prag. 1959, t. 2, pp. 45-49. — DUCHÁ (O.). Les Expr. de la beauté provenant de la sphère du surnaturel. St. neophilol. 1961, t. 33, pp. 30-38. — DUCHÁ (O.). Joli, beau. Fr. mod. 1961, t. 29, pp. 263-284. — DUCHÁ (O.). Les Verbes exprimant l'action de « rendre beau ». Kwart. neofilol. 1960, t. 7, pp. 67-80. — DUCH. Beauté 1960, passim. — DUVAL 1959. — ÉD. 1967. — Électron. 1963-64. — ESCARPIT (R.). La Merveilleuse hist. de St Glinglin et de la belle Lurette. Vie Lang. 1957, pp. 165-171. — ESN. 1966. — FALK (P.). L'Échapper belle. Hist. d'une greffe. St. neophilol. 1938/39, t. 11, pp. 1-38 [Cr. PICHON (E.). Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 175-179; ROQUES (M.). Romania. 1940, t. 66, p. 112]. — Foi t. 1 1968. — FOULQ. 1971. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — FRANCE 1907. — FRANCK 1875. — GARNIER-DEL. 1961 [1958]. — GOBLOT 1920. — GOSSEN (C. T.). Zur lexikalen Gliederung des pikardischen Dialektraumes. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, p. 142. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 27. — GOUG. Mots t. 1 1962, p. 152. — Gramm. t. 1 1789. — LAFON 1969. — LAITIER 1969. — LAL. 1968. — LARCH. 1880. — LARCH. Suppl. 1880. — Lar. méd. 1970. — LE BRETON 1960 (s.v. chpile et schpile). — LE BRETON Suppl. 1960. — LERCH (E.). L'Échapper belle... Rom. Forsch. 1940, t. 54, pp. 202-226 [Cr. HASSELROT (B.). Z. rom. Philol. 1942, t. 62, p. 196]. — LE ROUX 1752. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MASSON 1970. — Méd. 1966. — Méd. Biol. t. 1 1970. — Métrol. 1969. — MICHEL 1856 (s.v. blond). — MIQ. 1967. — MONTEIL (P.). Beau et laid en lat. Paris, 1964, passim. — Mots rares 1965 (et s.v. grand-beau). — ORR (J.). Vous avez beau faire. R. Ling. rom. 1957, t. 21, pp. 197-208. — PIÉRON 1963. — PIERREH. 1926. — PIERREH. Suppl. 1926. — PIR. 1964. — RAT (M.). Joli, beau... Vie Lang. 1964, pp. 400-403. — RAT (M.). Vieilles loc., mais qui vivent toujours. Déf. Lang. fr. 1965, n° 27, p. 9. — REMIG. 1963. — RIGAUD (A.). Du beau, du bon, du bien né. Déf. Lang. fr. 1968, n° 41, pp. 13-16. — RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. Rem. lexicogr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 359. — ROUGNON 1935, pp. 274-275. — SANDRY-CARR. Haltér. 1963 (s.v. faire). — SANDRY-CARR. Manouche 1963 (s.v. choucard). — Sc. 1962. — SOÉ-DUP. 1906. — TIMM. 1892. — UV.-CHAPMAN 1956. — WILL. 1831.

beau [bo] ou bel [bɛl] (devant un nom commençant par une voyelle ou un h muet, et dans quelques locutions), belle [bɛl] adj. et n.
ÉTYM. 900, bel; du lat. bellus « joli ».
———
I Adj.
A (Au plan esthétique). Qui fait naître un sentiment d'admiration, souvent mêlé de plaisir, par des qualités d'équilibre, de proportion qui assurent, dans une norme sociale donnée, un effet d'appréciation esthétique positive. (synonymes partiels ou intensifs) Accompli, admirable, adorable, agréable, aimable, angélique, bellissime (vx), bien, bon, brillant, céleste, charmant, coquet, délicat, délicieux, distingué, divin, éblouissant, éclatant, élégant, enchanteur, esthétique, étonnant, exquis, fastueux, féerique, fin, fort, gent (vx), gentil, glorieux, gracieux, grand, grandiose, harmonieux, idéal, imposant, incomparable, joli, magique, magistral, magnifique, majestueux, merveilleux, mignon, mirifique, noble, nonpareil (vx), pareil (sans), parfait, piquant, plaisant, pur, radieux, ravissant, riche, sculptural, séduisant, somptueux, splendide, stupéfiant, sublime, superbe, supérieur; fam. et pop. bath, chic, chouette, épatant, extra, formidable, girond, hyper, pomme (aux pommes), rupin, super; cf. argot badour, baveau (fém. bavelle), bavour, lobé, schbeb, soua-soua (formes souvent archaïques).
1 Mais elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin (…)
Malherbe, Consolation à M. Du Périer.
2 Rien n'est beau que le vrai : le vrai seul est aimable.
Boileau, Épîtres, IX, à M. le marquis de Seignelay.
3 Il n'y a de beau que Dieu, et, après Dieu, ce qu'il y a de plus beau c'est l'âme, et après l'âme, la pensée, et après la pensée, la parole (…)
Joseph Joubert, Pensées, II, 2.
4 La vue de tout ce qui est extrêmement beau, dans la nature et dans les arts, rappelle le souvenir de ce qu'on aime, avec la rapidité de l'éclair (…) Tout ce qui est beau et sublime au monde fait partie de la beauté de ce qu'on aime, et cette vue imprévue du bonheur à l'instant remplit les yeux de larmes. C'est ainsi que l'amour du beau et l'amour se donnent mutuellement la vie.
Stendhal, De l'amour, XII, p. 66.
4.1 Un objet parfaitement beau comporte une parfaite simplicité qui, au premier moment, ne cause pas l'émotion que l'on ressent en présence de choses gigantesques, dans lesquelles la disproportion même est un élément de beauté.
E. Delacroix, Journal, 7 sept. 1854, t. II, p. 440.
5 Rien de ce qui est beau n'est indispensable à la vie (…) Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien; tout ce qui est utile est laid (…)
Th. Gautier, Préface de Mlle de Maupin.
(Avec un inf. compl.). || Chose belle à voir, à contempler, à entendre.
1 (Dans le domaine des perceptions visuelles et de leurs implications sensibles.)
a (En parlant des êtres humains). Qui plaît par son apparence physique.Qui possède les caractères définis par une société comme étant ceux de la beauté physique. || Un beau corps, un beau physique, de belles formes. Harmonieux, sculptural.(Personnes). || Une belle personne, un bel homme, un bel enfant. || Être beau. Fait (bien fait, fait au moule, au tour, fait à peindre, à ravir…); bien (adj. et adv. : bien balancé [fam.], bâti, conformé, découplé, foutu [fam.], moulé, proportionné, roulé [fam.], tourné…). || Il n'est pas si beau que son frère. || Elle est plus, moins belle que… || Un bel enfant, un enfant beau et fort. Amour, ange, bellot (vx), chérubin, cupidon. || Un beau garçon, un bel homme. Adonis, apollon, narcisse; archange. || Un beau blond. || Bonjour, beau blond, beau brun ! || Un beau type, un beau mec (fam.). || Un beau ténébreux.Beau comme un astre, comme un dieu, comme le jour.Une belle jeune fille, un beau brin de fille. || Une belle femme. Beauté (une beauté). || « Lorsque tu dormiras (cit. 21), ma belle ténébreuse » (Baudelaire).Belle comme un ange, comme un cœur, une déesse, une nymphe, une reine… (→ Ambiance, cit. 2; appât, cit. 19; atour, cit. 5; attifement, cit. 2; attrait, cit. 8 et 16; auréole, cit. 8). || Jeune et belle. || Vous êtes très belle ! || Devenir beau. Embellir. || Il n'est pas bien beau, pas trop beau, le pauvre. || Elle n'est pas belle, mais elle a du charme.Loc. prov. Sois belle et tais-toi.Fam. || Un beau gosse : un bel homme. || Il est beau gosse.Appellatif. || Salut, beau gosse, beau môme, beau mec.
6 La femme belle et insensée est comme un anneau d'or au museau d'une truie (…)
Bible (Sacy), Proverbes, XI, 22.
7 (…) Et des amours, desquelles nous parlons
Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle :
Pource aimez-moi, cependant qu'êtes belle.
Ronsard, Pièces retrouvées, t. VI, p. 249.
8 Il ne sert de rien d'être jeune sans être belle, ni d'être belle sans être jeune.
La Rochefoucauld, Maximes, 497.
9 Hé bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
La Fontaine, Fables, I, 2.
10 Un homme qui s'aimait sans avoir de rivaux
Passait dans son esprit pour le plus beau du monde (…)
La Fontaine, Fables, I, 11.
11 Que le bon soit toujours camarade du beau,
Dès demain je chercherai femme;
Mais, comme le divorce entre eux n'est pas nouveau,
Et que peu de beaux corps hôtes d'une belle âme,
Assemblent l'un et l'autre point,
Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.
La Fontaine, Fables, VII, 2.
12 Jamais couple ne fut si bien assorti qu'eux :
L'un bien fait, l'autre belle, agréables tous deux (…)
La Fontaine, les Filles de Minée.
13 Belle sans ornements, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.
Racine, Britannicus, II, 2.
14 — Volontiers un bel homme est fat; je l'ai remarqué.
— Oh ! il a tort d'être fat; mais il a raison d'être beau (…)
Marivaux, le Jeu de l'amour et du hasard, I, 1.
15 Les femmes extrêmement belles étonnent moins le second jour (…)
Stendhal, De l'amour, XX, p. 77.
16 La plus belle fille ne donne que ce qu'elle a (…)
A. de Musset, Carmosine, III.
17 Il faut, il faut absolument que la femme soit gracieuse. Elle n'est pas tenue d'être belle. Mais la grâce lui est propre.
Michelet, la Femme, p. 122.
18 Elle était encore très belle femme (…)
G. Sand, François le Champi, VII (→ Avenant, cit. 3).
19 Belle, oh ! belle, les bras, la gorge, les épaules, d'un ambre fin, solide, sans tache ni fêlure (…)
Alphonse Daudet, Sapho, III, p. 18.
19.1 Il s'écria :
— Permettez, une femme n'est vraiment belle que tard, lorsque toute son expression est sortie. Et développant cette idée que la première fraîcheur n'est que le vernis de la beauté qui mûrit, il prouva que les hommes du monde ne se trompent pas en faisant peu d'attention aux jeunes femmes dans tout leur éclat, et qu'ils ont raison de ne les proclamer « belles » qu'à la dernière période de leur épanouissement.
Maupassant, Fort comme la mort, éd. 1889, p. 95.
19.2 Je me connais à lire l'âge dans les lignes physiognomoniques du front : il a seize ans et quatre mois ! Il est beau comme la rétractilité des serres des oiseaux rapaces; ou encore, comme l'incertitude des mouvements musculaires dans les plaies des parties molles de la région cervicale postérieure; ou plutôt, comme ce piège à rats perpétuel, toujours retendu par l'animal pris, qui peut prendre seul des rongeurs indéfiniment, et fonctionner même caché sous la paille; et surtout, comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie !
Lautréamont, les Chants de Maldoror, VI, II, Pl., p. 224-225.
N. B. La fin de ce célèbre passage, reprise par les surréalistes, est souvent citée comme une description poétique de l'esthétique, en général.
19.3 Je la trouvais si belle que j'aurais voulu pouvoir revenir sur mes pas, pour lui crier en haussant les épaules : « Comme je vous trouve laide, grotesque, comme vous me répugnez ! »
Proust, Du côté de chez Swann, L. de Poche, p. 171.
(En parlant des différents aspects du corps). || Un beau visage (→ Aimable, cit. 2; attentif, cit. 6). || De beaux traits. || Une belle tête. || Il a une belle gueule. || De belles épaules, de beaux bras. || Vénus aux belles fesses. Callipyge. || Il, elle a de très beaux yeux.
20 Ah ! beau poil ! belle tête ! (…) ah ! beau petit nez (…) belles petites menottes ! petits ongles bien faits (…)
Molière, Second intermède de la Princesse d'Élide, 2.
21 Belle tête (un buste) dit-il, mais de cervelle point (…)
La Fontaine, Fables, IV, 14.
Fig. Pour les beaux yeux de qqn : simplement pour lui plaire, sans attendre de lui aucune récompense, aucun profit. Gratuitement (→ Œil, cit. 22, 23). → Pour la beauté (supra cit. 17) du geste.
22 J'étais réduit (…) à vous servir sans plus pour vos beaux yeux (…)
La Fontaine, Contes, « Richard Mirutolo ».
De belles dents (→ Humeur, cit. 37).Loc. fig. À belles dents. || Manger, dévorer, à belles dents, avec un appétit vorace. || Déchirer qqn, la réputation de qqn à belles dents, avec une sorte d'acharnement cruel, de satisfaction mauvaise.
23 Je le déchirerais, le traître, à belles dents (…)
Scarron, Jodelet, II, 7.
24 (…) des bédouins mangeant avec leurs doigts (…) déchiquetant, à belles dents blanches, d'immondes débris de poulets.
Loti, Jérusalem, XVI, p. 195.
Fig., fam. Cela vous fait, cela vous fera une belle jambe : vous en êtes, vous en serez bien avancé. Jambe (cit. 21, 22).
(Le subst. désignant une action, une qualité…). || Il a un très beau sourire.Un beau port, une belle prestance : une allure majestueuse. || De belles façons.
24.1 Grand, avec une belle tournure, un visage pensif et fin aux longues moustaches blondes (…), il était aux yeux de ma famille, qui le citait toujours en exemple, le type de l'homme d'élite (…)
Proust, Du côté de chez Swann, éd. L. de Poche, p. 82.
En fonction adverbiale.Porter beau : porter bien sa tête, en parlant du cheval. Fig. Avoir un port de tête prétentieux. || Cet homme porte beau.Avoir belle allure. || Cette femme, quoique déjà sur le retour, porte encore beau (Académie).
25 Il se montre tel que je l'ai vu toujours, portant beau, soigneux de sa parole.
Gide, Journal, 1906.
Loc. Le beau sexe : les femmes. Deuxième, faible, féminin; sexe (absolt le sexe).
Mon bel ami, ma belle amie, ma belle enfant, termes d'affection. || Bel ami : surnom du héros de Maupassant, dans le roman qui porte ce titre.(Pour évoquer le moyen âge). || Mon bel ami. || Beau doux ami.
26 Belle amie, ainsi est de nous;
Ni vous sans moi, ni moi sans vous !
Marie de France, Poésies, « Lai du chèvrefeuille », 1160-1180.
26.1 Sa figure resplendit et ce fut en sautant de joie qu'elle me répondit :
— Demain, comptez-y, mon bel ami, mais je ne viendrai pas !
Proust, Du côté de chez Swann, L. de Poche, p. 487.
Vx. || Belle amie : bonne amie.
Fam. (souvent iron.). Bien habillé, bien vêtu. Chic, élégant. || Un beau monsieur, une belle dame. || Se faire beau. Attifer (s'), endimancher (s'). || Vous êtes bien beau, ce matin !
(Avec un substantif désignant collectivement une catégorie sociale).Le beau monde : la société élégante, brillante, distinguée. || Les gens du beau monde. → Canaille, cit. 12.
27 Me voilà tout à coup jeté parmi le beau monde (…)
Rousseau, les Confessions, V.
27.1 Une heure avant l'ouverture des débats, il y avait du beau monde dans la grande salle des Assises, beaucoup de jolies femmes rivalisant d'élégance, même quelques vedettes de la scène, feignant de vouloir rester anonymes (…)
René Floriot, La vérité tient à un fil, p. 201.
Fam. (même valeur). Il y a du beau linge, des gens élégants.
Être beau de… : être rendu impressionnant, admirable à voir, par… || Il était beau d'indignation, de dévouement.
(En parlant des animaux). || Un beau cheval. || Belle bête ! || Il a un très beau lévrier.
28 (…) Un dogue aussi puissant que beau (…)
La Fontaine, Fables, I, 5.
28.1 Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, XXXIV, « Le chat ».
b En parlant des choses inanimées, des spectacles de la nature (→ Grandiose, harmonieux, pittoresque, riant…), ou des éléments créés par l'homme dans l'aménagement de la nature (édifices, jardins) → Artistique, esthétique, monumental… || Un beau paysage. || Une belle nature. || Un beau jardin. || Mon beau village. || De beaux monuments. || Cette ville n'est pas belle. || Cette banlieue n'est pas bien belle. || Il habite un bel endroit, un beau coin.
29 Puisque les fleurs sont le plus pur et le plus bel ouvrage de la terre (…)
Voltaire, Lettres, 73.
30 Et ces palais si grands, si beaux, si bien dorés ?
La Fontaine, Fables, III, 8.
Loc. Les beaux quartiers : les quartiers riches (d'une grande ville).Titre d'un roman d'Aragon.
(En parlant d'objets naturels). Particulièrement conforme aux critères d'appréciation, dans son genre. || Une belle pomme rouge. || Un beau rôti, une belle salade.
Régional (emploi adverbial). || Montrer beau : avoir belle apparence. || « La vigne montrait beau » (P. Hamp).
(En parlant d'objets fabriqués, de lieux aménagés…). || Un bel appartement. || Cet appartement est beau, plus beau que le mien. || Une belle pièce, vaste, de proportions harmonieuses.(Vêtements). || De beaux habits. || Une belle robe. || Il a mis son beau costume, son plus beau costume. → ci-dessus Se faire beau. — (Objets). || Un beau meuble. || Une très belle commode Louis XV. || Un bel objet fonctionnel.(Œuvres d'art). || Un beau tableau, un très beau film. || Une belle fresque. || « Comme un beau cadre ajoute à la peinture… » (Baudelaire).
30.1 (…) dans tous les châteaux en Espagne de sa jeunesse, il s'était dit qu'aucune dame comme il faut ne daignerait lui parler que quand il aurait un bel uniforme.
Stendhal, le Rouge et le Noir, éd. A. Colin, p. 30.
30.2 Il se sentait, à considérer ses brillantes amitiés, le même appui hors de lui-même, le même confort qu'à regarder les belles terres, la belle argenterie, le beau linge de table, qui lui venaient des siens.
Proust, Du côté de chez Swann, L. de Poche, p. 371.
30.3 À quelques boutiques de là, un choix presque électif se porta pour moi sur une grande cuiller en bois, d'exécution paysanne, mais assez belle, me sembla-t-il, assez hardie de forme (…)
A. Breton, l'Amour fou, Folio, p. 43.
(Qualifiant un substantif abstrait qui désigne un effet visuel). || Un beau rapport de formes, de couleurs. || On a une belle vue, de chez vous.
31 Sous la lumière crue, le sable jaune vif et la mer violette formaient le plus beau des contrastes.
A. Maurois, Ariel…, p. 349.
31.1 Aussi la couleur que nous pouvons dire vraiment belle, c'est-à-dire qui sans avoir besoin de raisonner nous remplisse d'une sorte de rêve heureux, ce n'est pas celle de l'or, ce n'est pas celle des belles étoffes, ce n'est pas même celle des pierres précieuses, de l'améthyste ou de l'opale. Non c'est celle de toute chose à l'ombre, fût-ce au fond d'une pauvre chambre, sur laquelle le soleil donne (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 299.
REM. Beau peut qualifier des objets concrets et ne faire allusion qu'à une impression subjective positive, due aux circonstances, au contexte psychologique. Être beau pour qqn, aux yeux de qqn.
31.2 (…) il sentirait palpiter partout la possibilité de sa brusque apparition : dans la cour du château, devenu beau pour lui parce que c'était à cause d'elle qu'il était allé le voir (…)
Proust, Du côté de chez Swann, L. de Poche, p. 351.
31.3 J'aurais voulu prendre dès le lendemain le beau train généreux d'une heure vingt-deux dont je ne pouvais jamais sans que mon cœur palpitât lire (…) l'heure de départ (…)
Proust, Du côté de chez Swann, L. de Poche, p. 460.
2 (En parlant du temps). Clair et dégagé. Radieux, splendide; calme, ensoleillé, limpide, paisible, pur, serein. || Un beau temps chaud, un temps beau et chaud.Avoir beau temps. || Il fait beau temps.Ellipt. || Il fait beau. || En hiver, dans cette région, il fait souvent beau mais très froid. || Il ne fait pas beau, il fait moins beau qu'hier.N. m. || Le baromètre est au beau, au beau fixe. || Le temps se met, se remet au beau. Éclaircie, embellie.Fig. Avoir le moral au beau fixe.
32 J'ai peur que (…) je ne puisse achever cette lettre que dans huit jours, auquel temps peut-être le ciel se sera remis au beau.
Racine, Lettres.
32.1 De même il disait : « Un beau temps » dans le même sens que le jardinier qui craint la pluie et pour qui tout ce qui l'annonce est laid, qui ne connaît pas la beauté d'un vilain temps. Il n'aurait trouvé aucune beauté à la pluie, à un ciel orageux, à un jour gris, à un ciel couvert (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 868.
32.2 Oui, un jour qu'il fera beau, j'irai en voiture jusqu'à la porte du parc.
Proust, Du côté de chez Swann, L. de Poche, p. 172.
Loc. Le grand beau temps.Régional. || Le grand beau.
Loc. Parler de la pluie et du beau temps. — ☑ Faire la pluie et le beau temps.
Prov. Après la pluie, le beau temps.
Fig. Il fera beau, il fera beau temps quand je ferai cela : je ne le ferai jamais (→ Aux calendes grecques, à la saint-glinglin, etc.).
Un beau jour, de beaux jours, où le temps est beau. (→ Ainsi, cit. 22; 1. air, cit. 7; été, cit. 4; fin, cit. 23). || Un beau mois de septembre. || Les beaux jours, la belle saison, où le temps est habituellement beau, le printemps, l'été. || Le Bel Été, roman de Pavese (trad. de l'ital.). Fig. Agréable, plaisant. || Par un beau matin, par une belle soirée d'été. || De beaux jours de fête. || Le souvenir d'un si beau jour. || Les beaux jours de la jeunesse. Favorable,heureux. || Oh, les beaux jours, pièce de S. Beckett. || Il a gâché ses plus belles années.
32.3 Nous répétions ces strophes si simplement rythmées, avec les hiatus et les assonnances du temps; amoureuses et fleuries comme le cantique de l'Ecclésiaste; — nous étions l'époux et l'épouse pour tout un beau matin d'été.
Nerval, les Filles du feu, « Sylvie », VI.
Le bel âge (cit. 33, 34).Un bel âge : un âge avancé. || Il a atteint un bel âge.
Fig. Un beau jour, un beau matin (cit. 19) : un jour quelconque. Certain (certain jour), inopinément.
33 (…) un beau jour, après boire (…)
La Fontaine, Contes, « Mazet de Lamporechio ».
33.1 Un jour, un beau jour. On dit comme ça, un beau jour, ça n'a pas de rapport avec la douceur de l'air, cette beauté-là. On meurt un beau jour, un beau jour la femme qu'on aime nous quitte. Beauté d'ironie ou de rien penser. Un beau jour, j'ai dit, cela vous échappe (…)
Aragon, Blanche…, III, I, p. 350.
Loc. À la belle étoile : en plein air.
34 La nuit m'ayant surpris dans un endroit où il n'y avait aucune habitation, il fallut me résoudre à coucher à la belle étoile (…)
A. R. Lesage, Estevanille Gonzalès, 46.
(En parlant de la mer). Calme, sans vagues. || On sortait le canot quand la mer était belle.Mar. || Mer belle, dont les vagues ne dépassent pas 0,5 mètre. || Mer belle à peu agitée.
En parlant de la durée. Vieilli. || Il y a bel âge, (vx) il y a beau jour.Mod. Il y a beau temps, belle lurette : il y a longtemps.
35 (…) il y a bel âge qu'on les emporta dans une clinique.
G. Duhamel, Scènes de la vie future, VI.
3 (En parlant de l'esprit, des qualités intellectuelles). Susceptible de produire des effets, des œuvres remarquables; d'une grande qualité. || Un beau génie, un beau talent, une belle intelligence. Brillant, élevé, grand, haut, profond.
Vx (langue class.), littér. ou iron. || Bel esprit ( Esprit, cit. 130 à 132) : personne dont l'esprit est orné de connaissances agréables. Cultivé, distingué. Iron. || Faire le bel esprit : avoir des prétentions à l'esprit. || Tous ces beaux esprits sont mortellement ennuyeux. || Une femme bel esprit. || Des assemblées de beaux esprits.
36 Un pédant qu'à tous coups votre femme apostrophe
Du nom de bel esprit, et de grand philosophe (…)
Molière, les Femmes savantes, II, 9.
37 Il y a eu de tout temps de ces gens d'un bel esprit et d'une agréable littérature (…)
La Bruyère, les Caractères, XVI, 9.
38 Ascagne est statuaire (…) et Cydias bel esprit, c'est sa profession.
La Bruyère, les Caractères, V, 75.
39 Une femme bel esprit est le fléau de son mari, de ses enfants, de ses amis, de ses valets, de tout le monde.
Rousseau, Émile, V.
(En parlant des disciplines et des productions intellectuelles, esthétiques). || Les beaux-arts. Art, beaux-arts. || Les belles-lettres. Lettre. || Un beau plan. || Une belle invention. || Une belle pensée, une belle expression, une belle phrase. || Un beau vers. || Un beau style. || Un beau discours, très émouvant. || Une belle page. || Une belle œuvre. || Un beau sujet. || Raconter à qqn de belles histoires, faire un beau récit.
39.1 Dans certaines dispositions, on trouve extraordinairement beaux des vers, qui au bout de quelques heures, ou de quelques instants, sont reconnus détestables. C'est qu'on a rêvé.
Valéry, Tel quel, II, Idées/Gallimard, p. 92.
39.2 Une œuvre très belle est celle qui pendant un temps donne l'impression d'être l'unique objet, — l'indispensable, le véritable. Et plus ce temps est grand, plus elle est belle. Mais je sais qu'il est toujours fini.
Valéry, Cahiers, t. II, Pl., p. 925.
Spécialt (langue class.). || Le bel usage : l'usage du langage considéré comme le meilleur, esthétiquement. || Le bel usage et le bon usage. || Le beau langage.
40 Je vis de bonne soupe, et non de beau langage (…)
Molière, les Femmes savantes, II, 7.
41 (…) Racine n'a rien fait de plus beau ni de plus touchant; il y a une prière d'Esther pour Assuérus qui enlève (…)
Mme de Sévigné, 512.
42 L'œuvre qu'on portait en soi paraît toujours plus belle que celle qu'on a faite.
Alphonse Daudet, Contes du Lundi, II, 7.
(En parlant des perceptions auditives et des arts du temps, en général). || Un beau son cristallin.(Arts musicaux). || Un beau morceau de musique. || Un beau livret d'opéra. || Une belle sonate. || Une belle interprétation.(Spectacles). || Un beau rôle.
Vieilli (en parlant des personnes; des instruments de l'art assimilés au créateur de l'œuvre). Habile. || Un beau parleur (iron.); un beau cavalier ( Bon). Vx. || Un beau mangeur ( Gros). || Un beau pinceau : un bon peintre. || Une belle plume : un bon écrivain.REM. Dans ce type d'emploi, beau peut qualifier l'action qui produit l'œuvre (ci-dessous cit. 43), le caractère, l'aspect de l'œuvre considéré comme positif (cit. 44), un élément textuel (cit. 45) et la personne qui en est la source (cit. 46).
43 Aussitôt je triomphe; et ma muse en secret
S'estime et s'applaudit du beau coup qu'elle a fait.
Boileau, Satires, VII.
44 Chez elle (l'Ode) un beau désordre est un effet de l'art.
Boileau, l'Art poétique, II, 72.
45 Un discours qui paraît trop beau met l'auditeur en défiance.
Fénelon, Dialogue sur l'éloquence, 3.
46 L'affectation de style dans le langage et dans la conversation, est un vice assez ordinaire aux gens qu'on appelle beaux parleurs (…)
d'Alembert, Mélanges littéraires, 1 t. III, p. 152.
Spécialt.Les beaux noirs : les effets de style dramatiques (Valéry, parlant de Pascal).REM. Qualifiant un nom désignant un fait de langage (discours ou contenu du discours), beau peut avoir une valeur à la fois esthétique et morale ou psychologique. || C'est une bien belle histoire. Émouvant, sublime (→ ci-dessous le sens B).
46.1 Swann racontait à Odette comment il avait été amoureux de cette petite phrase. Quand Mme Verdurin, ayant dit d'un peu loin : « Eh bien ! il me semble qu'on est en train de vous dire de belles choses, Odette », elle répondit : « Oui, de très belles » et Swann trouva délicieuse sa simplicité.
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 212.
B (Au plan moral ou psychique).
1 Qui suscite une appréciation positive par ses caractères éthiques. Admirable, digne, élevé, estimable, généreux, grand, haut, honorable, juste, magnanime, magnifique, noble, pur, saint, sublime, vertueux. || Une belle âme. || Un beau caractère. || Un beau naturel. || De beaux sentiments. || Une belle vie. || Une belle mort. || Une belle action. || Un beau destin. || De beaux faits. Glorieux. || Un beau geste. || Un beau sacrifice. || Il est beau de pardonner. || Une belle passion, une belle ardeur, un beau désespoir.
47 (…) Ou qu'un beau désespoir alors le secourût.
Corneille, Horace, III, 6.
48 Là, si tu veux mourir, trouve une belle mort (…)
Corneille, le Cid, III, 6.
49 Est-il un plus beau sacrifice ? Est-il une abnégation de soi-même et une mortification plus parfaite ?
Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 153.
50 Il est bon, il est beau, quoi qu'on en dise, que toutes nos actions soient pleines de Dieu, et que nous soyons sans cesse environnés de Dieu (…)
Chateaubriand, le Génie du christianisme, III, 5, 6.
51 Elle est belle, cette religion ! elle approche le cœur de la justice.
Chateaubriand, les Martyrs, VIII.
52 Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie.
Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau.
Hugo, les Chants du crépuscule, III, « Hymne ».
53 Décidément rien n'est beau comme la noblesse de l'âme; beau, non, il faudrait dire : sublime.
Gide, Journal, 23 juin 1891.
53.1 Le cœur humain, beau comme un sismographe.
A. Breton, Nadja, L. de Poche, p. 186.
Digne d'envie (ou de regret), autant que d'admiration.
54 Mourir pour la patrie,
C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie.
Rouget de Lisle, Roland à Roncevaux (1792; vers repris par A. Dumas dans le Chant des Girondins, inclus dans son drame Le Chevalier de Maison-Rouge, 1847).
55 Pendant la vie le bonheur peut avoir son mérite; après la mort il perd son prix; aux yeux de l'avenir, il n'y a de beau que les existences malheureuses.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, IV, 7.
56 Ô Corse à cheveux plats, que ta France était belle
Au grand soleil de messidor !
A. Barbier, Iambes, « L'idole ».
57 Il est naturel et absurde de regretter les belles choses qui ne se sont pas faites (…)
Valéry, Variété I, p. 85.
2 (Généralement en emploi négatif). Qui est socialement apprécié, correspond au code social (en parlant d'un comportement, d'une action). Bien, bienséant, convenable, correct, honnête, poli. || Il n'est pas beau de se vanter ainsi. Fam. (notamment en parlant aux enfants). || Les enfants ne doivent pas parler la bouche pleine, cela (ça) n'est pas beau. || C'est pas beau, ça !
58 Oui, nos laquais : et cela n'est ni beau ni honnête de nous les débaucher comme vous faites.
Molière, les Précieuses ridicules, 15.
Loc. Le bel air. 2. Air (cit. 17 à 19).Les belles manières.
Beau joueur : personne qui sait perdre au jeu, de bonne grâce.
3 Qui a des qualités, des agréments. Heureux; agréable, avantageux, bon, favorable, florissant, prospère. || Une belle santé, une belle vieillesse ( Fort, robuste, vigoureux). || Belle humeur (cit. 41 à 43). Gai, enjoué.Une belle entreprise. || De belles aventures. Intéressant, passionnant. || Un beau voyage (→ Âge, cit. 2). || De beaux résultats. || De belles espérances. || Une belle situation. || Un beau parti. || Ce serait trop beau. Magnifique. || Une belle occasion. Propice. || Un beau jour, une belle journée (peut être ambigu avec le sens A, 2). || « Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui » (Mallarmé). || C'était la belle époque ! Bon (le bon temps). Spécialt. || La Belle Époque.Avoir le beau rôle. || Ne voir que le beau côté des choses. || C'est trop beau pour être vrai. || Avoir la belle vie. → Vie de château. || Dormez bien, faites de beaux rêves.Prov. Tout nouveau tout beau.Chose belle à contempler, à voir.
59 Jamais l'occasion ne s'offrira si belle (…)
Corneille, Héraclius, II, 2.
60 Ne vous arrêtez pas en si beau chemin (…)
Bossuet, Bén., 2.
REM. On dirait aujourd'hui : en si bon chemin.
61 Les richesses ne sont belles à amasser que pour les dépenser facilement ensuite.
Gide, Journal, 1902.
62 Bonaparte était cependant trop avisé pour se dissimuler les périls de sa situation, qui, si belle, n'en était que plus dangereuse.
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, t. II, 15.
63 (…) ce serait vraiment trop beau, ce serait aussi trop simple.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VI, 5.
63.1 (…) elles me firent connaître une aussi belle espérance que pouvait en nourrir un chrétien des premiers âges à la veille d'entrer dans le paradis.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. I, L. de Poche, p. 466.
Fig. || Présenter une chose sous un beau jour, sous un aspect favorable, avantageux, séduisant.
64 Ce qui a le plus contribué à sa réputation est de savoir donner un beau jour à ses défauts (…)
La Rochefoucauld, Portrait du cardinal de Retz.
Beau jeu. || Aux cartes, Avoir un beau jeu, des cartes maîtresses dans son jeu ( Atout).Fig. Avoir beau jeu de… : avoir la partie belle, l'avantage dans la discussion, etc., de sorte qu'il est aisé de triompher. || Donner, prêter beau jeu.
65 Mais surtout leur (aux hommes étonnés de leur fortune) prête beau jeu le parler obscur, ambigu et fantastique du jargon prophétique (…)
Montaigne, Essais, I, 11.
66 L'indifférence d'un paysage nous donne beau jeu pour le mépriser.
Cocteau, le Grand Écart, III.
4 Qui suscite une appréciation positive par ses dimensions considérables, sa force, son intensité… Considérable, fort, grand, gras, gros, important. || Une belle prise, un beau poulet, un beau lièvre. || Une belle somme d'argent ( Coquet).Iron. || Une belle correction, une belle gifle ( Magistral).Un beau coup de fourchette. || Un bel appétit. || Un bel héritage. || Un beau coup de filet.
67 Je ferai beau bruit (…)
Molière, le Dépit amoureux, V, 9.
68 (Il) Marque entre cent moutons le plus gras, le plus beau (…)
La Fontaine, Fables, II, 16.
Un bel homme, une belle femme, de grande taille, bien en chair. || Elle est belle femme.REM. Cet emploi est ambigu avec le sens I, A, 1.
5 Par iron. Mauvais, vilain; joli (5.). || Une belle congestion pulmonaire. || Vous avez fait du beau travail, de belles affaires ! (→ Affaire, cit. 79).Nous sommes dans de beaux draps ! (cit. 5 et 6). || Voyez ce bel assemblage ! Bizarre, comique, curieux, drôle, étrange. || De beaux discours, de belles paroles. Faux; fallacieux, trompeur. || Un beau Monsieur, votre ami !Fam. || C'est un beau salaud, une belle vache. → ci-dessous la valeur intensive, 6. || C'est une belle saloperie, une belle merde, son bouquin !
69 Si ce beau Monsieur-là n'y daigne consentir ?
Molière, Tartuffe, I, 1.
70 — Croyez-vous que l'habit m'aille bien ?
— Belle demande ! (…)
Molière, le Bourgeois gentilhomme, II, 5.
71 Acclimater chez nous ces utopies, ce serait préparer un beau gâchis !
Martin du Gard, les Thibault, VIII, p. 256.
71.1 Quelle faiblesse, s'écria M. Sandré. Vous donnez à cet enfant de belles habitudes.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 204.
71.2 Verdurin ! Quel nom ! Ah ! on peut dire qu'ils sont complets, qu'ils sont beaux dans leur genre ! Dieu merci, il n'était que temps de ne plus condescendre à la promiscuité avec cette infamie, avec ces ordures.
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 288.
La belle affaire ! Affaire (cit. 50).
Vx. De belle sorte, de la belle manière : sans aucun ménagement. || Il l'a arrangé de la belle manière.
72 Monsieur le Marquis (…) vous bourre de la belle manière.
Molière, Critique de l'École des femmes, 6.
73 Le préfet s'est avisé d'y trouver à redire; là-dessus nous l'avons mené de la belle manière (…)
P.-L. Courier, Pamphlets politiques, Deuxième lettre particulière.
Tout cela est bel et bon, sans doute vrai, mais peu satisfaisant. Bon (cit. 102).
74 Monsieur, tout cela est bel et bon; mais j'en reviens toujours là :
Je vous conseille (…)
Molière, le Malade imaginaire, I, 5.
Ellipt, fam. De belles. || Il en a fait de belles (sous-entendu sottises).En faire voir de belles à qqn (des choses extravagantes ou pénibles). || En conter, en dire, en faire, en voir de belles (des choses incongrues ou stupéfiantes). || En dire de belles sur qqn : en dire pis que pendre ( Débiner, fam.). || En apprendre de belles.
75 (…) Il va nous en conter de belles.
Molière, George Dandin, III, 7.
76 (…) sale bête de malheur ! Ah bien ! c'est signe que nous en verrons de belles !
Loti, Mon frère Yves, LXVI, p. 154.
76.1 Descendez !… j'ai du nouveau… je viens d'en apprendre des belles sur le receveur !
E. Labiche, Un monsieur qui a brûlé une dame, 1.
Vx. || La donner belle. Au jeu de paume, Envoyer une balle facile à reprendre. — ☑ Mod. (fig., iron.). Vous me la donnez, vous me la baillez belle : vous voulez m'en faire accroire, me tromper. Bailler (cit. 3), moquer (se moquer du monde).
77 Cet inconnu, dit-il, nous la vient donner belle
D'insulter ainsi notre ami (…)
La Fontaine, Fables, XII, 2.
L'échapper belle. Vx. Au jeu de paume, Manquer une balle bien lancée.Mod. (fig., iron.). Échapper de justesse à un danger. Échapper.
78 Nous l'avons en dormant, madame, échappé belle.
Molière, les Femmes savantes, IV, 3.
Vx. || L'avoir belle : au jeu de paume, avoir une belle balle.Vx. Par ext. || L'avoir beau : avoir une occasion favorable.
Prov. A beau mentir qui vient de loin.
Mod. Avoir beau (suivi de l'inf.) : s'efforcer en vain de. || Vous avez beau faire, c'est inévitable. || On a beau dire, il a du mérite.
79 La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles;
On a beau la prier,
La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier (…)
Malherbe, Consolation à M. Du Périer.
80 Crois que dorénavant Chimène a beau parler,
Je ne l'écoute plus que pour la consoler.
Corneille, le Cid, IV, 3.
81 Il aurait beau faire et beau dire, je ne lui ordonnerais pas la moindre petite saignée, le moindre petit lavement, et je lui dirais : Crève, crève, cela t'apprendra une autre fois à te jouer de la Faculté (…)
Molière, le Malade imaginaire, III, 3.
82 J'avais beau vouloir faire bon visage au réveillon, tout ce que je mangeais s'arrêtait à ma gorge (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, p. 357.
83 Et la rafale avait beau souffler (…) secouer et inonder la barque, la chanson du douanier allait son train, balancée comme une mouette à la pointe des vagues.
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Les douaniers ».
84 Nous avons beau faire, nous ne pouvons pas être absolument naturels (…)
Valery Larbaud, Amants…, p. 135.
84.1 (…) je savais qu'il avait beau pleuvoir, demain, au-dessus de la barrière blanche de Tansonville, onduleraient, aussi nombreuses, de petites feuilles en forme de cœur (…)
Proust, Du côté de chez Swann, L. de Poche, p. 183.
Littér. || Il fait beau (suivi d'un inf.) : il est agréable, il est réconfortant de.Plus cour. (suivi de voir). || Il fait beau voir un pareil dévouement. — ☑ Fig., iron. Il ferait beau voir : il serait incroyable, curieux, comique; et, par ext., vraiment trop commode, trop facile, on serait mal venu de… (→ Il ne manquerait plus que…). || Il ferait beau voir que (et subj.) → Faire, cit. 209.
85 Il nous ferait beau voir, attachés face à face
À pousser les beaux sentiments !
Molière, Amphitryon, I, 4.
86 Cependant il ferait beau voir une province entière, effrayée des dangers de la société, se disperser dans les forêts.
Diderot, Pensées philosophiques, VI.
87 Il fait beau croire aux prodiges lorsque les prodiges nous arrangent et lorsque les prodiges nous dérangent, il fait beau ne plus y croire (…)
Cocteau, la Machine infernale, p. 160.
Loc. régionale (Suisse). Être beau : être dans une mauvaise situation. → Être bon (fam.), être dans de beaux draps.
6 (Intensif).Se démener comme un beau diable. || Une belle menteuse. || Un bel égoïste.Vx. || Le beau premier ( Bon).
88 Un jour un coq détourna
Une perle qu'il donna
Au beau premier lapidaire.
La Fontaine, Fables, I, 20.
Au beau milieu : en plein milieu. Milieu (cit. 11). || Au beau milieu de la pièce, d'un champ. || Au beau milieu de la journée, de l'année. || Au beau milieu d'un discours, d'un texte.
89 Vous savez ce qu'est un soufflet, lorsqu'il se donne à main ouverte, sur le beau milieu de la joue (…)
Molière, le Sicilien, 13.
Fig. || Mourir de sa belle mort, de mort naturelle.
90 Il serait plus honnête de me laisser mourir de ma belle mort.
Voltaire, Lettre à d'Argental, 30 janv. 1778.
———
II N.
A N. m.
1 Le beau : ce qui fait éprouver une émotion esthétique (sentiment d'admiration; plaisir désintéressé; spécialt plaisir du sens de la vue). Beauté. || L'amour, le goût, la recherche, le sentiment du beau. Art (cit. 82, 83, 84). || L'étude du beau, les lois du beau. Esthétique. || Une théorie du beau. || Personne qui a le culte du beau. Esthète. || Le beau idéal, absolu. Perfection. || Le beau et le sublime. || Le beau opposé à l'utile. || Le beau en musique, en peinture, en littérature.Par ext. || Le beau moral. || Du vrai, du beau, du bien, œuvre de Victor Cousin.
91 Que le bon soit toujours camarade du beau (…)
La Fontaine, Fables, VII, 2.
92 Le pathétique participe du sublime autant que le sublime participe du beau et de l'agréable (…)
Boileau, le Longin, Traité du sublime, 24.
93 Celui qui se pénètre vivement du beau, du touchant, du sublime, n'est pas loin de l'exprimer (…)
Marmontel, Œuvres, t. VI, p. 249.
94 Le beau parfait exerce à la fois toutes les facultés de l'homme, développées dans toute leur étendue; il en résulte un plaisir que toute l'âme approuve.
Joseph Joubert, Pensées, XXIII, 169.
95 Le beau est plus utile à l'art; mais le sublime est plus utile aux mœurs, parce qu'il élève l'esprit.
Joseph Joubert, Pensées, XXIII, 17.
96 Le sublime lasse, le beau trompe, le pathétique seul est infaillible dans l'art. Celui qui sait attendrir sait tout.
Lamartine, Graziella, II, 16.
97 Rien n'est beau que le vrai, dit un vers respecté;
Et moi, je lui réponds, sans crainte d'un blasphème :
Rien n'est vrai que le beau, rien n'est vrai sans beauté.
A. de Musset, Après une lecture (→ ci-dessous, cit. 2).
98 Où il faudrait ne voir que le Beau (je suppose une belle peinture, et l'on peut aisément deviner celle que je me figure), notre public ne cherche que le Vrai (…)
Baudelaire, Curiosités esthétiques, t. II, p. 22.
99 On ne peut assez répéter que les règles du beau sont éternelles, immuables et que les formes en sont variables.
E. Delacroix, Écrits, t. II, p. 87.
100 Poussin définit le beau : la délectation (…)
E. Delacroix, Écrits, t. II, p. 23.
101 L'ancienne esthétique donnait d'abord la définition du beau, et disait, par exemple, que le beau est l'expression de l'idéal moral, ou bien que le beau est l'expression de l'invisible, ou bien encore que le beau est l'expression des passions humaines (…)
Taine, Philosophie de l'art, I, p. 12.
102 Elle (la piété) nous moralise délicieusement et nous élève au-dessus des misérables soucis de l'utile; or là où finit l'utile commence le beau, Dieu, l'infini, et l'air pur qui vient de là est la vie.
Renan, Souvenirs de jeunesse, Appendice, p. 274.
103 Ce qu'il y a de surprenant, en effet, c'est que le beau n'est ici que l'honnêteté absolue, la raison, le respect même envers la divinité.
Renan, Souvenirs d'enfance…, Prière sur l'Acropole, II, I, p. 61.
103.1 Épithètes qui résument tous les sentiments du « beau »
abondant
aisé
étonnant
complet (parfait)
juste ou exact
isolé, séparé, indépendant
pur
puissant (résistant — émouvant — prolongé — enlevant)
spontané
multiple. (1903, Jupiter, III, 14.)
Valéry, Cahiers, t. II, Pl., p. 924.
103.2 Curieux calvinisme de la déf[inition] du Beau par l'universel qu'il [Kant] entend vaguement
(ciel étoilé + genus humanum)
consensus
Mais le Beau vient de chez Platon qui voyait et palpait des formes vivantes, baisait des lèvres et des joues charnues, suivait des membres de la main, (du moins, on l'espère pour lui); et las, passait au ciel où il plaçait de l'œil des lignes, des « Lois », des « Vérités », des « Standards » en soi ! (Ibid., XIII, 477.)
Valéry, Cahiers, t. II, Pl., p. 954.
103.3 Le Beau engendre soif de recommencement, infini apparent de répétition et donc est contraire à soif de nouveau. On ne peut se rassasier du même, qui est surprise paradoxale — surprise par l'attendu.
Le beau est Soif du même et le neuf, soif de l'autre. (1928-1929. AC, XIII, 347.)
Valéry, Cahiers, t. II, Pl., p. 953.
103.4 Il faut savoir que le beau est ce qui met l'esprit des hommes en mouvement. Le vrai même est faible à cô; et le bien est austère quand on s'y met.
Alain, Mars ou la Guerre jugée, in les Passions et la Sagesse, Pl., p. 555.
Vx (langue class.). || C'est du dernier beau (expression précieuse).
104 Ah ! Certes, cela sera du dernier beau.
Molière, les Précieuses ridicules, 9.
Vieilli. || Le beau d'une chose : son côté intéressant, passionnant, ou bien son côté plaisant. || Le beau de l'histoire, c'est que… Amusant, comique, drôle.
105 Tout le beau de la passion est fini (…)
Molière, Dom Juan, I, 2.
Iron. (au sens I, B, 5 de l'adj.). C'est du beau ! Joli, propre (supra cit. 34).
2 Fam. Choses de bonne qualité. || Acheter du beau. || Elle n'aime que le beau.
105.1 C'est bien fait tout de même ! c'est tout en or, et du beau ! quel travail !
Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, Folio, p. 32.
B N. m. et f.
1 N. m. Vieilli. || Un beau : un homme recherché dans sa mise, un élégant. Élégant. || Des beaux.
106 Une énorme cravate en mousseline blanche dont le nœud prétentieux avait été cherché par un Beau pour charmer les femmes charmantes de 1809.
Balzac, le Cousin Pons, Pl., t. VI, p. 527-528.
107 (…) l'homme de la vie élégante, le beau de Paris (…)
G. Sand, Elle et Lui, X.
107.1 Les jeunes beaux se pavanaient au parquet, étalant, dans l'ouverture de leur gilet, leur cravate rose ou vert pomme (…)
Flaubert, Mme Bovary, II, XV.
107.2 (…) le grand-père, créole de la Martinique, un ancien beau du Directoire, joueur, viveur, mystificateur et duelliste (…)
Alphonse Daudet, l'Immortel, p. 19.
Mod.Un vieux beau : un vieillard qui, par sa mine soignée, cherche à faire illusion sur son âge. Galant, galantin (vx).
107.3 (…) le vicomte de Brassard était donc, à la minute où je montais dans la diligence de, ce que le monde, féroce comme une jeune femme, appelle malhonnêtement « un vieux beau ». Il est vrai que pour qui ne se paie pas de mots ou de chiffres dans cette question d'âge, où l'on n'a jamais que celui qu'on paraît avoir, le vicomte de Brassard pouvait passer pour « un beau » tout court.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le rideau cramoisi ».
Vieilli. || Faire le beau : se rengorger, étaler ses grâces avec complaisance. Cœur (faire le joli cœur), parader, pavaner (se), poser, roue (faire la). || Ils font les beaux.
108 Il (Grimm) se mit à faire le beau; sa toilette devint une grande affaire (…)
Rousseau, les Confessions, IX.
108.1 Il y avait les femmes en général et les femmes en particulier (…) les femmes des pays que beaucoup de ces soldats avaient parcourus, en faisant les beaux dans leurs grands uniformes victorieux (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « À un dîner d'athées ».
Faire le beau : se dresser sur les pattes de derrière, en parlant d'un chien.
2 Une belle : une femme qui a de la beauté, de l'agrément. || La Belle et la Bête. || Courtiser les belles. || Des pièges pour attraper les belles.
109 (Celles) Que la qualité de belles
Fait reines des volontés.
La Fontaine, Fables, VIII, 13.
110 Ces femmes injustes qui s'applaudissent des incivilités que leurs amants font aux autres belles.
Molière, la Comtesse d'Escarbagnas, I, 2.
111 Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil (…)
A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, Aphorisme.
La Belle au bois dormant, conte de Perrault, et nom de l'héroïne du conte, qui s'était endormie sous l'effet d'un charme.
111.1 Notre diligence endormie ressemblait à une voiture enchantée, figée par la baguette des fées, à quelque carrefour de clairière, dans la forêt de la Belle-au-Bois dormant.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le rideau cramoisi ».
112 (…) du fond de son palais de belle-au-bois-dormant (…)
Loti, les Désenchantées, III, 17.
Ma belle; (vx) || la belle, terme d'affection; terme familier et ironique. || Pas d'histoires, ma belle !
113 D'où me vient, la belle, une rencontre si agréable ?
Molière, Dom Juan, II, 2.
114 Hé bien, ma belle, c'est maintenant que nous allons être heureux l'un et l'autre.
Molière, le Mariage forcé, 2.
Régional (Sud-Est). Appellatif familier (à une femme). || Oh, ma belle !
(Avec un possessif). Maîtresse, femme aimée. || Il était auprès de sa belle. || « Jean prends garde à toi, l'on courtise ta belle » (Passant par Paris, chanson populaire).
C N. f.
1 Belle : partie qui doit départager deux joueurs qui sont à égalité. || Jouer la belle après la revanche.
2 Argot. || La belle : l'occasion favorable, et, par ext., la « liberté recouvrée par évasion (Détenus, 1860) » (in Esnault).Faire, se faire la belle : s'évader, partir (→ Se faire la paire, la malle).
114.1 Écoutez, les filles, il faut que je me casse. Je n'irai pas une seconde fois aux Assiettes (Assises…) oui, je vais risquer la belle.
A. Sarrazin, la Cavale, p. 67.
———
III
1 Loc. adv. En beau : sous une apparence, un aspect favorable. || C'est un optimiste, il voit tout en beau. Rose.
115 Ah ! le peuple ! océan ! onde sans cesse émue (…)
Miroir où rarement un roi se voit en beau !
Hugo, Hernani, IV, 2.
116 Ils voient le monde en beau (les artistes de la renaissance flamande) et ils en font une fête, une fête réelle (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 19.
116.1 Y a-t-il, au fond de ses yeux, sur la rétine, un miroir, un petit coin que la tendresse ne voile pas, et où je ne me reflète pas en beau ?
J. Renard, Journal, 11 août 1906, p. 724.
Vieilli. Tout beau : doucement, modérez-vous.
117 Tout beau, holà, oh ! Doucement.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 3.
118 Tout beau, Monsieur, tout beau, ne courez point si vite (…)
Molière, Tartuffe, V, 7.
2 Bel et bien : réellement, véritablement, à n'en pas douter. Bien (vx bien et beau).
119 Le magnifique vase (…) que je signalais comme la pièce de faïence la plus importante de l'exposition, était bel et bien en porcelaine.
Th. Gautier, in P. Larousse.
119.1 Et vous messieurs Bonjour
Qui en assez grande pompe avez bel et bien crucifié deux femmes je crois.
A. Breton, Signe ascendant, p. 34.
3 De plus belle : de nouveau et encore plus fort. || Il avait cessé de fumer, mais il a recommencé de plus belle.
120 Et la moindre faveur d'un coup d'œil caressant
Nous rengage de plus belle.
Molière, Amphitryon, I, 1.
121 Nous avons ri de bon cœur, le Président surtout. Bastel nous a raconté ensuite, à propos de chandelles, une histoire moins convenable et nous avons ri de plus belle.
Pierre Moustiers, la Mort du pantin, p. 5.
4 Tout beau. Interj. Invitation au calme, à la modération. || Là, tout beau ! (à un animal).Vx (à une personne). Calmez-vous, vous exagérez.
tableau Principales interjections.
5 Adv. Voir ci-dessus Porter beau, supra cit. 25; montrer beau, infra cit. 30.
CONTR. Affreux, effroyable, épouvantable, hideux, horrible, ignoble, laid, monstrueux, repoussant, vilain.
DÉR. Belette, bellâtre, bellement, bellot. — V. Beauté, bellissime.
COMP. Beau-fils, beau-frère, beau-papa, beau-père, beau-petit-fils, beaux-enfants, beaux-parents. — Belle-dame, belle-de-jour, 1. belle-de-nuit, 2. belle-de-nuit, belle-doche, belle-d'onze heures, belle-d'un-jour, belle-famille, belle-fille, belle-maman, belle-mère, belle-petite-fille, belle-sœur. — Beaux-arts, belles-lettres. — Beaucoup. — Embellir.
HOM. Bau, 1. baud, 2. Baud, baux (de bail), bot. — 2. Bel.

Encyclopédie Universelle. 2012.