guenille [ gənij ] n. f.
• 1664; « chiffon » 1611; gnippe 1605; dial. Ouest, altér. possible de guenipe (→ nippe), p.-ê. rad. guen- « eau, boue », du gaul. °wadana « eau »
1 ♦ Au plur. Vêtement en lambeaux. ⇒ haillon, hardes, loque, nippe. Une vieille femme « accroupie, vêtue de guenilles terreuses » (A. Gide ). En guenilles.
2 ♦ Fig. Chose méprisable, d'importance nulle. « Le corps, cette guenille » (Molière). « Guenille, si l'on veut; ma guenille m'est chère » (Molière).
● guenille nom féminin (ancien français guenipe, d'un radical gaulois wádana, eau) Littéraire. Chose méprisable, sans valeur. ● guenille (citations) nom féminin (ancien français guenipe, d'un radical gaulois wádana, eau) Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Guenille, si l'on veut : ma guenille m'est chère. Les Femmes savantes, II, 7, Chrysale
guenille
n. f.
d1./d (Souvent au Plur.) Haillons, vieilles hardes.
d2./d (Québec) Chiffon (sens 1). Essuyer le plancher avec une guenille.
⇒GUENILLE, subst. fém.
A. — Morceau d'étoffe sans valeur; chiffon en lambeaux. Synon. loque. Un ouvrier (...) de quelques guenilles fait une colle, et, de cette colle, du papier (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. « Censeur » 1820, p. 36). Antonio l'avait débarrassé [le cheval] en un clin d'œil des guenilles dont il lui avait enveloppé les pieds (MÉRIMÉE, Carmen, 1847, p. 14).
1. P. méton., gén. au plur. Vêtement misérable, déchiré, sale. Synon. défroque, hardes, nippes, oripeaux. Porter des guenilles; être vêtu de guenilles. Aux fenêtres, le long des perches, pendent et flottent au vent les guenilles rapiécées, les chemises effilochées, les jupons sordides (DU CAMP, Hollande, 1859, p. 121). Après avoir rattaché avec des épingles de sûreté, sur leurs enfants, les guenilles multicolores qu'elles ne songent jamais à rapiécer (MORAND, Londres, 1933, p. 167) :
• 1. — Mais, aussi, pourquoi êtes-vous en haillons? Avouez que ça vous fait plaisir. — C'est vrai, dit-il, (...) c'est vrai que je me sens plus à l'aise quand je suis dans ces guenilles. Quand j'ai des vêtements propres, je ne suis plus moi-même...
MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 823.
♦ Loc. vieillie. Être après les guenilles de qqn. Le poursuivre, être à ses trousses. Du vin fraudé Mit le juge après mes guenilles (BÉRANGER, Chans., t. 3, 1829, p. 242).
2. Loc. adj. En guenilles
a) [En parlant d'une pers.] Vêtu de guenilles. Synon. déguenillé. La charité! La charité! murmura à mes oreilles une petite fille en guenilles, qui marchait pieds nus dans la poussière (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 118). Ces multitudes qui grouillent et s'amassent, pomponnées, ornées, parées ou en guenilles (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 22).
b) [En parlant d'un vêtement] Usé, en pièces, en lambeaux. Quelques marmots (...) vêtus de chemises en guenilles, trop courtes par derrière ou par devant (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 53). Les hommes avaient la barbe longue et sale, des uniformes en guenilles (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Boule de suif, 1880, p. 114).
3. P. métaph. Son génie [de Musset] comme le duc de Glocester, s'est noyé dans un tonneau et, vieille guenille maintenant, s'y effiloque de pourriture (FLAUB., Corresp., 1852, p. 450). J'emportais partout avec moi ma guenille de bonne élève (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 120) :
• 2. On a été chercher du neuf à l'étranger, mais ce neuf est vieux (nous travaillons en vieux). (...) Sainte-Beuve ramasse les défroques les plus nulles ravaude ces guenilles, dédaigne le connu et ajoutant du fil et de la colle, continue son petit commerce...
FLAUB., Corresp., 1853, p. 326.
B. — Au fig.
1. Vx ou littér. Personne déchue physiquement ou moralement. Synon. loque. Je te retrouve les traits déjà flétris par la débauche, les joues marbrées de bleu, un homme? Non! une guenille (GOBINEAU, Nouv. asiat., 1876, p. 55). Les tyrannies dépravent également l'esclave et le maître, font de l'un un monstre d'égoïsme, de l'autre une guenille avilie (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 350). Tu me prends déjà pour un vieillard? Pour un gâteux? Pour une baderne? Pour une guenille, un débris (QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 80).
2. Chose méprisable, de peu d'importance. Synon. bagatelle. Ce n'est qu'une guenille.
— En partic. Corps humain envisagé sous son aspect mortel, périssable. Les bras étendus en croix, je suis resté une grande heure et demie à chauffer ma guenille au soleil et à faire le lézard (FLAUB., Champs et grèves, 1848,p. 386). Pauvre Verlaine au tombeau! (...) Grand poète évadé enfin de sa guenille de tribulation et de péché (BLOY, Journal, 1896, p. 225) :
• 3. L'insolence du poème [de jeunesse où Baudelaire chante l'affreuse Sarah] exprime la réaction réflexive : plus le corps qui s'abîme en de sales voluptés sera souillé, contaminé, plus il sera objet de dégoût pour Baudelaire lui-même, et plus le poète se sentira regard et liberté, plus son âme débordera cette guenille malade.
SARTRE, Baudelaire, 1947, p. 101.
REM. 1. Guenille, subst. fém. Synon. de guenillon au sens B. Qu'elle soit marquise ou grisette (...) À l'existence fais risette. Même guenille-guenillon Elle est azur et vermillon [Pour toi, poète!] (RICHEPIN, Paradis, 1894, p. 108). 2. Guenillard, -arde, adj. a) [En parlant d'une pers.] Vêtu de guenilles. Synon. déguenillé, guenilleux. Emploi subst. Trois guenillards sont assis devant une porte où se lit en grandes lettres Seccion de la Mendicidad (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 31). b) [En parlant d'un inanimé concr.] Misérable, délabré. Le salon est guenillard, plein de gouttières et d'ennui (AMIEL, Journal, 1866, p.384).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. 1694-1932; la dernière éd. enregistre le mot au plur., les autres éd. soulignant cependant qu'on emploie surtout le puriel. Étymol. et Hist. [1605 gnippe ds BL.-W.3-5 et FEW t. 14, p. 113a, BEROALDE DE VERVILLE ds HUG.]; 1. 1611 « haillon; vieux chiffon troué » (COTGR.); d'où 1664 « vêtement sale et déchiré » (MOLIÈRE, Mariage forcé, 4); 2. 1672 fig. (ID., Femmes savantes, II, 7 : Le Corps, cette guenille, est-il d'une importance); 3. 1808 « personne vieille, sale et mal habillée » vieille guenille (HAUTEL); 1846 « personne dénuée de toute vigueur physique et morale » (BALZAC, Cous. Bette, p. 94 : mon mari?... cette guenille). Mot [prob. plus anc. que ses 1res attest. cf. Robert le guenilly, poit. cité par H. LEWICKA ds Kwart. neofilol. t. 1, p. 76] essentiellement représenté dans les dial. du Centre et de l'Ouest (cf. FEW, loc. cit.), issu de guenipe, par substitution de suff. d'apr. broutille, fondrille (v. effondrilles). Fréq. abs. littér. : 357. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 418, b) 1 024; XXe s. : a) 600, b) 251. Bbg. HUBSCHMID (J.). Mfr. gasne « étang ». Z. rom. Philol. 1953, t. 69, pp. 268-273. - QUEM. DDL t. 17 (s.v. guenillard). - SAIN. Sources t. 1 1972 [1925], p. 321; t. 2 1972 [1925], p. 201, 295, 330.
guenille [gənij] n. f.
ÉTYM. 1611; gnippe « chiffon », 1605; mot dial. de l'Ouest; p.-ê. altér. de guenipe, d'après les mots en -ille, de guener « mouiller », par le sens « chiffon pour essuyer »; p.-ê. (Guiraud) avec infl. du lat. pop. vanicula, de vanus « vain », d'où « objet sans valeur ».
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b (1664). Au plur., le plus souvent. Habit, vêtement misérable, en lambeaux. ⇒ Défroque, haillon, hardes, nippes (→ Brasier, cit. 1; cas, cit. 9; flanc, cit. 9). || Un gueux attifé (cit. 2) de guenilles. || Fillette pauvre trempée de pluie sous ses guenilles (→ Dérisoire, cit. 2). — En guenilles : vêtu, couvert de guenilles. → ci-dessous, cit. 2. — Fig. → cit. 4. || Mendiant en guenille(s). ⇒ Déguenillé. — Qui forme des guenilles. || Un habit en guenilles.
1 (…) que je n'aie des habits raisonnables, pour quitter vite ces guenilles (…)
Molière, le Mariage forcé, 2.
2 (…) la voilà qui se cache, tant elle est malpropre et en guenilles.
Mme d'Aulnoy, Deux contes de fées, « L'oiseau bleu ».
3 (…) partout des guenilles trouées, de vieux manteaux graisseux et déteints aux intempéries (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 228.
4 Et la misère en guenilles de ces faubourgs (…)
Verhaeren, les Villes tentaculaires, « Les usines ».
5 On finit par découvrir, derrière une hutte, une vieille femme borgne, accroupie, vêtue de guenilles terreuses.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 221.
♦ Par métaphore. || La guenille philosophique (→ Haillon, cit. 6, Hugo).
♦ Par anal. (Stylistique). || Les guenilles : la vulve (Georges Bataille, Madame Edwarda, in Cellard et Rey), à cause de l'aspect flasque que prennent parfois les nymphes.
2 (1672). Fig. Chose méprisable, d'importance nulle. || « Le corps (cit. 4), cette guenille » (Molière).
6 Guenille, si l'on veut; ma guenille m'est chère.
Molière, les Femmes savantes, II, 7.
7 (…) chacun voulait sauver sa guenille de vie, comme si le temps n'allait pas, dès demain, nous arracher nos vieilles peaux, dont un juif bien avisé n'aurait pas donné une obole.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 223.
3 (1846). Fig. et littér. Homme usé par l'âge, la maladie, ou dénué de toute vigueur morale. ⇒ Loque (→ aussi Chiffe).
8 — Mon Dieu, comme vous disposez de moi (…) dit alors madame Marneffe. Et mon mari (…) — Cette guenille ?
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 222.
9 (…) et je te retrouve les traits déjà flétris par la débauche, les joues marbrées de bleu, un homme ? Non ! Une guenille ! Tu le sais toi-même.
A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques, p. 57.
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DÉR. Guenilleux, guenillon.
COMP. Déguenillé.
Encyclopédie Universelle. 2012.