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hagard

hagard, arde [ 'agar, ard ] adj.
• 1393; o. germ.; cf. all. Hagerfalk « faucon sauvage »
1Vx Fauconn. Oiseau hagard, trop farouche pour pouvoir être apprivoisé (opposé à oiseau niais). Faucon hagard.
2(XVIe) Mod. Qui a une expression égarée et farouche. effaré. L'œil hagard, agrandi par la peur, par un état de déséquilibre mental ou physique. Air, visage hagard. « Les amants séparés font des gestes hagards » (Aragon).
3Littér. Qui rend l'homme hagard, qui a un caractère inquiétant. sauvage. « La colère hagarde » (Hugo).

hagard, arde
adj. Qui a une expression farouche, effarée, égarée. Un air, des yeux hagards.

⇒HAGARD, -ARDE, adj.
A. — FAUCONN., vieilli. Faucon hagard. Faucon capturé après l'âge d'un an et qui reste farouche et difficile à apprivoiser. (Dict. XIXe et XXe s.).
B. — P. ext., lang. cour.
1. [En parlant gén. d'une pers.] Dont le comportement général traduit un état d'égarement, de désarroi, d'affolement hébété. Il arriva effaré, hagard, n'ayant pas l'air de voir ceux au milieu desquels il tomba (GOZLAN, Notaire, 1836, p. 245). Il avait l'air d'une bête forcenée. Il était livide, hagard (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 284) :
1. ... si le professeur s'avisait de l'interroger, Paul, hagard et le regard perdu, semblait revenir de si loin que toute la classe éclatait de rire.
GIDE, Si le grain, 1924, p. 513.
En partic. [Appliqué à une allure gén. ou à un trait phys. partic.]
a) Air, allure, mine hagard(e); traits hagards. L'air fou, presque hagard, les yeux à la fois vagues et dilatés (GONCOURT, Journal, 1882, p. 146). Je me rappelle son allure hagarde, son air de bête traquée (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 292) :
2. Ses traits hagards exprimaient encore l'horreur suprême, et ses yeux, tournés en dedans, avaient une expression indicible d'égarement et de tristesse.
MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 274.
b) Usuel. Œil (yeux) hagard(s), regard hagard. Œil (yeux), regard égaré(s), perdu(s), agrandi(s) par la peur, la souffrance, un état de déséquilibre physique ou mental :
3. Elle haletait, plus pâle que ses draps, secouée de frissons épouvantables, la figure convulsée, l'œil hagard, comme si une chose horrible lui eût apparu.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Confess., 1883, p. 889.
P. métaph. L'épouvante au visage étonné, la vengeance à l'œil hagard (CHATEAUBR., Martyrs, t. 2, 1810, p. 50).
c) Voix hagarde, geste(s), propos hagard(s). Les amants séparés font des gestes hagards (ARAGON, Crève-cœur, 1941, p. 24). Elle releva la tête et dit d'une voix hagarde : « D'où viens-tu? » (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 566).
2. Au fig.
a) Domaine psychologique et moral Âme/esprit hagard(e). Âme/esprit atteint(e) d'égarement, de folie. Un esprit inculte, puéril et hagard (CHARDONNE, Éva, 1930, p. 74) :
4. Ils [les bourreaux allemands] savaient qu'il est toujours une heure de la journée et de la nuit où le plus courageux des hommes se sent lâche. Ils ont toujours su attendre cette heure. Et à cette heure, ils ont cherché l'âme à travers les blessures du corps, ils l'ont rendue hagarde et folle, et, parfois, traîtresse et menteuse.
CAMUS, Actuelles I, 1944, p. 27.
b) Domaine concret, littéraire Dont l'aspect a quelque chose d'étrange, d'un peu fou. Les grands immeubles hagards, couverts d'une étrange teinte livide (MONTHERL., Songe, 1922, p. 22). Hagarde et toute sombre, la cathédrale [de Reims] se dressait sur la place déserte (SEM, Ronde nuit, 1923, p. 79).
Poét. Le vent hagard, soufflant dans son clairon, Dénoue au-dessus d'eux sa longue et folle tresse (HUGO, Légende, t. 1, 1859, p. 767).
Prononc. et Orth. : [] init. asp., fém. [-]. Att. ds Ac. dep.1694 Étymol. et Hist. 1. Ca 1393 fauconn. « qui, ayant mué à l'état sauvage, est farouche et difficilement dressable » (Ménagier, II, 317 ds T.-L. : esprevier hagart est celluy qui est de mue de haye [les mués de haye « sauvages » p. oppos. aux müés de ferme « domestiques »]); 2. 1410-17 « sauvage et inconstant » cueur hagart (Troilus, éd. Moland et d'Héricault, Nouvelles fr. du XIVe s., p. 119); 1577 « d'aspect farouche » regard hagart (R. BELLEAU, Reconnue, IV, 1, éd. Marty-Laveaux, Œuvres poétiques, II, 397); 1585 (N. DU FAIL, Contes et Discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, Œuvres Facétieuses, II, 120 : regardant ce son non accoustumé d'un œil estonné et hagard). Orig. obsc. La 1re attest. laisse supposer une dérivation de haie sur la forme norm. hague (1341 a. norm. hague de sens difficile à interpréter ds GDF., à rapprocher de formes dial. modernes comme hague « palissade » en 1780 ds LITTRÉ, hague « bâton, trique » ds MOISY, haguete « baguette » ds DELB., cf. FEW t. 16, p. 115), mais il s'agit vraisemblablement d'une étymol. pop. (cf. BL.-W.). Un empr. à un m. angl. hagger, dér. de hag « sorcière, vieille femme laide » semble confirmé sémantiquement par le fait que la forme angl. haggard, elle-même empr. en m. fr. à hagard, a été rattachée p. étymol. pop. à hag et en a pris la signification (cf. NED, s.v. haggard adj. et haggard subst. 3); cette hyp., proposée par EWFS d'apr. l'étymol. avancée par Kluge pour l'all. hager « maigre, have » et reprise par FEW t. 16, p. 113, est difficile à retenir étant donné que l'existence du m. angl. hagger n'est pas assurée (KLUGE, s.v. hager ayant d'ailleurs abandonné cette hypothèse). Fréq. abs. littér. : 651.

hagard, arde ['agaʀ, aʀd] adj.
ÉTYM. XVe; hagart, fin XIVe; sans doute orig. germanique. Cf. moyen angl. hagger « sauvage », et all. Hagerfalk « faucon sauvage ».
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I (V. 1398). Vx (fauconn.). Se disait de l'oiseau (faucon, épervier) qui, pris après une ou plusieurs mues à l'état sauvage, restait trop farouche pour pouvoir être apprivoisé (par oppos. à l'oiseau niais).
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II Cour.
1 (1410, cœur hagart; regard hagart, v. 1560). Qui a une expression égarée et farouche. Effaré. || Œil hagard (→ Engoulevent, cit.; faire, cit. 262). || Prunelle hagarde (→ Éteindre, cit. 9). || Mine hagarde. || Air, visage hagard.
1 (…) ces yeux rouges et hagards (…)
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, I, 8.
2 Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique,
Piétinant dans la boue, et cherchant, l'œil hagard,
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Derrière la muraille immense du brouillard (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, Tableaux parisiens, Le cygne.
3 (…) avec cet air suppliant et hagard de poule qui aurait perdu l'oiseau sauvage de sa couvée.
Alain-Fournier, le Grand Meaulnes, I.
4 Comme des sourds-muets parlant dans une gare
Leur langage tragique au cœur noir du vacarme
Les amants séparés font des gestes hagards
Aragon, le Crève-cœur, Les amants séparés.
(Fin XIVe). Vx ou littér. (Personnes). Qui semble farouche, sauvage. || Être hagard. || Un fou hagard. || Sortir hagard d'un sommeil cataleptique (cit.).
5 (…) pâle, hagard, bouleversé par tous ces excès d'émotions (…)
Hugo, les Misérables, II, VIII, VII.
6 Aussitôt reçue la nouvelle, elle m'entraîna, échevelée, hagarde à l'assaut de la gare du Nord.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 330.
2 (Mil. XIXe; depuis Hugo, qui a fait de hagard, comme de farouche, fauve, etc., un des mots-clefs de sa poésie). Littér. Qui rend l'homme hagard, qui a un caractère inquiétant, effrayant. Sauvage. || Une sorte d'excitation hagarde (→ Enfiévrer, cit. 3).
7 (…) Ah ! je sens la colère hagarde.
Battre de l'aile autour de mon front (…)
Hugo, la Légende des siècles, IV, Le géant, aux dieux.
8 Une seule tête pâlit
De ne voir où qu'elle regarde
Qu'une même absence hagarde.
Valéry, Poésies, « Pythie ».
Littér. (Choses concrètes). || « Les grands immeubles hagards… » (Montherlant, in T. L. F.).
CONTR. Calme, tranquille; rassurant.
DÉR. Hagardement.

Encyclopédie Universelle. 2012.