moral, ale, aux [ mɔral, o ] adj. et n. m.
• 1270; n. m. 1212; lat. moralis, de mores « mœurs »
I ♦ Adj.
1 ♦ Qui concerne les mœurs, les habitudes et surtout les règles de conduite admises et pratiquées dans une société. Conscience morale. Sens moral : discernement du bien et du mal. Préceptes moraux. ⇒ maxime, sentence. Jugement moral. Impératifs, principes moraux. Obligation, loi morale. « Nos acquisitions morales ne sont que le résultat de l'éducation qui nous apprend à plier nos appétits et nos tendances à des impératifs sociaux » (Ch. Bardenat).
2 ♦ Qui concerne l'étude philosophique de la morale (I, 1o). ⇒ éthique. Théorie morale. « l'enseignement presque tout moral des grands philosophes antiques » (A. Gide).
3 ♦ Qui est conforme aux mœurs, à la morale (I, 2o); qui est admis comme tel. ⇒ correct, 1. exemplaire, honnête, juste. Une conduite morale. — Spécialt ⇒ édifiant; moralisateur. « Êtes-vous édifié ? Voilà une histoire morale, [...] les méchants ont été punis et les bons récompensés » (Sartre).
♢ (Personnes) Qui a une conduite conforme à la morale. ⇒ probe, vertueux.
4 ♦ Philos. Qui concerne l'action et le sentiment (opposé à logique, intellectuel). Certitude morale. ⇒ intime. « la preuve dite morale qui conclut à l'existence de Dieu » (Sartre).
5 ♦ Relatif à l'esprit, à la pensée (opposé à matériel, physique).⇒ intellectuel, mental, spirituel. Portrait moral. ⇒ psychique, psychologique. Souffrances physiques et morales. Force morale. — Dr. Personne morale. — Vx Sciences morales, qui étudient l'homme sur le plan spirituel (psychologie, sociologie, morale, histoire) (cf. mod. Sciences humaines). Académie des sciences morales et politiques.
II ♦ N. m. (du sens I, 5o) LE MORAL.
1 ♦ (1754) Vieilli L'ensemble des facultés morales, mentales (caractère, esprit, âme). — Au moral : sur le plan moral, spirituel.
2 ♦ (1823) Cour. État psychologique (de qqn), en tant qu'aptitude à supporter ou à affronter plus ou moins bien les problèmes, les difficultés. Avoir bon, mauvais moral. Et comment va le moral ? ⇒ mental. Le moral est bon, est bas. « M. Homais s'était efforcé de le raffermir, de lui remonter le moral » (Flaubert). Cela a atteint, entamé son moral. Il lui a sapé le moral. — Loc. Avoir le moral à zéro, très bas. Avoir le moral au beau fixe, un moral d'acier. Le moral des troupes : disposition des subalternes à accomplir leur tâche.
♢ Absolt Avoir le moral : être optimiste. Ne pas avoir le moral (cf. Être abattu, découragé, déprimé; broyer du noir; avoir le cafard, fam. le bourdon).
⊗ CONTR. Amoral, immoral. Corporel, matériel, 1. physique.
⊗ HOM. Moreau.
● moral nom masculin singulier (de moral) Ensemble des facultés mentales, de la vie psychique : Le physique influe sur le moral. État psychologique de quelqu'un qui lui permet d'affronter les événements, les difficultés, les problèmes, etc. : Le moral du malade a baissé. ● moral (expressions) nom masculin singulier (de moral) Avoir le moral ou avoir (un) bon moral, être optimiste, gai. ● moral (synonymes) nom masculin singulier (de moral) Ensemble des facultés mentales, de la vie psychique
Synonymes :
- mental
● moral, morale, moraux
adjectif
(latin moralis, de mores, mœurs)
Qui concerne les règles de conduite pratiquées dans une société, en particulier par rapport aux concepts de bien et de mal : Réflexions morales.
Qui relève de la conscience que l'on a de ce qui est bien : Avoir l'obligation morale de faire quelque chose.
Qui se conduit selon les règles de comportement communément admises dans une société ; qui est conforme aux bonnes mœurs : Un auteur très moral. Un film moral.
Qui est relatif à l'esprit, à l'intelligence, à la pensée : Douleur morale. Il fait preuve d'une grande force morale.
● moral, morale, moraux (citations)
adjectif
(latin moralis, de mores, mœurs)
Alphonse Allais
Honfleur 1854-Paris 1905
Il faut vous dire qu'à la suite d'une chute de cheval j'ai perdu tout sens moral.
Silvérie
Flammarion
Maurice Barrès
Charmes, Vosges, 1862-Neuilly-sur-Seine 1923
Ce n'est pas la raison qui nous fournit une direction morale, c'est la sensibilité.
La Grande Pitié des églises de France
Plon
Julien Benda
Paris 1867-Fontenay-aux-Roses 1956
Le propre de l'action morale est précisément de créer son objet en l'affirmant.
La Trahison des clercs
Grasset
Isidore Ducasse, dit le comte de Lautréamont
Montevideo 1846-Paris 1870
Le roman est un genre faux, parce qu'il décrit les passions pour elles-mêmes : la conclusion morale est absente. Décrire les passions n'est rien ; il suffit de naître un peu chacal, un peu vautour, un peu panthère.
Poésies, I
Roger Martin du Gard
Neuilly-sur-Seine, 1881-Sérigny, Orne, 1958
La loi morale, c'est nous qui l'avons faite, ce n'est pas nous qui avons été faits par elle.
Un taciturne
Gallimard
Charles-Louis Philippe
Cérilly, Allier, 1874-Paris 1909
Toutes les crises morales de la littérature sont les crises morales de la bourgeoisie.
In Littérature contemporaine, par G. Le Cardonnel et Ch. Velay
Mercure de France
Marcel Proust
Paris 1871-Paris 1922
On devient moral dès qu'on est malheureux.
À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs
Gallimard
Immanuel, en français Emmanuel Kant
Königsberg 1724-Königsberg 1804
Le ciel étoilé au-dessus de ma tête et la loi morale au fond de mon cœur.
Der bestirnte Himmel über mir und das moralische Gesetz in mir.
Critique de la raison pratique
Herbert Spencer
Derby 1820-Brighton 1903
Nul ne peut être tout à fait libre tant que tous ne le sont pas ; nul ne peut être tout à fait moral tant que tous ne le sont pas ; nul ne peut être tout à fait heureux tant que tous ne le sont pas.
No one can be perfectly free till all are free ; no one can be perfectly moral till all are moral ; no one can be perfectly happy till all are happy.
La Statique sociale, I, 2
Oscar Fingal O'Flahertie Wills Wilde
Dublin 1854-Paris 1900
Il n'existe pas de livre moral ou immoral. Un livre est bien écrit ou mal écrit, c'est tout.
There is no such thing as a moral or an immoral book. Books are well written, or badly written. That is all.
Le Portrait de Dorian Gray, Préface
● moral, morale, moraux (expressions)
adjectif
(latin moralis, de mores, mœurs)
Contes moraux, contes destinés à faire ressortir une idée morale.
Sens moral, capacité à discerner le bien du mal, à se référer à ce qui est bien.
Théologie morale, partie de la théologie qui traite des règles de la conduite humaine.
Valeur morale, valeur d'ordre spirituel ou éthique.
Vertus morales, dispositions à bien agir à l'égard de soi-même ou à l'égard des autres, dans la communauté humaine. (On les classe ordinairement autour des quatre vertus fondamentales : la justice, la prudence, la tempérance et la force, dites vertus cardinales.)
● moral, morale, moraux (synonymes)
adjectif
(latin moralis, de mores, mœurs)
Qui concerne les règles de conduite pratiquées dans une société...
Synonymes :
- édifiant
Contraires :
- déshonnête
- immoral
- libertin
- libre
Qui se conduit selon les règles de comportement communément admises...
Synonymes :
- honnête
- vertueux
Contraires :
- malhonnête
Qui est relatif à l'esprit, à l'intelligence, à la pensée
Synonymes :
- mental
Vertus morales
Synonymes :
- vertus naturelles
moral, ale, aux
adj. et n. m.
rI./r adj.
d1./d Qui concerne les moeurs, les règles de conduite en usage dans une société. Jugement moral. Obligation morale.
|| Relatif au bien, au devoir, aux valeurs qui doivent régler notre conduite. Conscience, doctrine morale.
— Sens moral: faculté de discerner le bien du mal. écrivain, livre moral.
d2./d Relatif à l'esprit, au mental. Santé morale.
|| DR Personne morale: être collectif ou impersonnel auquel la loi reconnaît une partie des droits civils exercés par les citoyens.
rII./r n. m. Disposition d'esprit. Avoir bon moral. Remonter le moral d'une troupe.
— Au moral: sur le plan intellectuel ou spirituel.
I.
⇒MORAL1, -ALE, -AUX, adj.
A. — 1. a) Vieilli. Qui a rapport aux moeurs, aux coutumes, traditions et habitudes de vie propres à une société, à une époque. L'histoire morale de l'humanité. Bientôt vous verrez la civilisation retourner en arrière, les moeurs devenir farouches, les usages durs, et l'édifice de la société rentrer dans l'état moral des douzième et treizième siècles (Le Moniteur, t.2, 1789, p.427). Quand nous voyons les mêmes phénomènes moraux, produits constamment pendant des milliers d'années, chez des peuples aussi éloignés l'un de l'autre, et observés dans des tems et par des hommes si différens, nous sommes bien autorisés à conclure qu'ils sont l'effet d'une institution qui leur est commune (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p.298). Ces populations ont évolué au point de vue moral (DAVAU-COHEN 1972):
• 1. ... W. Laurence (...) distingue entre les variations congénitales et naturelles, transmissibles par l'hérédité, affectant les caractères physiques ou moraux qui différencient les races de l'espèce humaine, et d'autre part les variations acquises, dues au climat, à l'habitat, à la nourriture, qui n'affectent que l'individu et qui ne sont pas transmises par l'hérédité.
Hist. sc., 1957, p.1368.
— En partic. Qui a pour objet les moeurs d'une société, d'une époque, sans intention moralisatrice particulière. Ouvrage moral. Bien plus que ses contes moraux ou ses tracts esthétiques, Anna Karénine, Ivan Ilitch, La Puissance des Ténèbres, Résurrection, nous apportaient la substance de sa doctrine [de Tolstoï] (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p.76).
b) Qui concerne les règles ou principes de conduite, la recherche d'un bien idéal, individuel ou collectif, dans une société donnée. N'étant plus soutenus par de grandes idées morales, par le patriotisme ou par la terreur, qui les rendait naguère exécutoires, les décrets de la République créaient des millions et des soldats dont rien n'entrait ni au Trésor ni à l'armée (BALZAC, Chouans, 1829, p.9). La crise morale où le pays se débattait révélait à tous les yeux l'usure d'un système qui avait abouti à l'impuissance dans la corruption (DE VOGÜÉ, Morts, 1899, p.367). Chaque homme qui dresse devant moi la question de son regard m'appelle à la responsabilité morale, soit qu'il me sollicite à une conversion spirituelle par l'attrait de sa présence, soit que, par sa dégradation, il se porte comme un reproche vivant contre l'insuffisance de mon propre rayonnement (MOUNIER, Traité caract., 1946, p.485):
• 2. Nous ne savons pas quel est le fondement de l'obligation morale, ou, si l'on aime mieux poser le problème à la façon des anciens, nous ignorons quel bien nous devrions poursuivre de préférence; et si les uns disent le bonheur, d'autres, avec non moins de vraisemblance et d'autorité, recommandent l'obéissance à Dieu, la recherche de la perfection, l'intérêt particulier ou général, etc. Et cette incertitude si grave n'entraîne, ne permet aucune hésitation dans la pratique!
LÉVY-BRUHL, Mor. et sc. moeurs, 1903, p.41.
SYNT. Code, devoir, enseignement, idéal, jugement, niveau, précepte moral; convenances, discipline, exigence, expérience, liberté, ligue morale(s); grandeur, laideur, noblesse, perversion, pureté, rigueur morale; un discours de haute portée morale; sociologie de la vie morale.
♦Autorité morale. Un système de gouvernement n'est jamais fondé sur la force, mais sur l'autorité morale. Et l'autorité morale n'est faite que de respect (J.-R. BLOCHDest. du S., 1931 p.208).
♦Conscience morale.
♦Loi morale. Tout est permis à qui détient la puissance... Mais l'homme qui a choisi d'être citoyen d'un monde sans loi morale ne devrait jamais quitter sa cotte de mailles, ni boire aucun breuvage avant qu'un esclave y ait trempé ses lèvres, et surtout n'ajouter foi ni à l'amitié, ni à l'amour, ni à la fraternité des armes (MAURIAC, Journal 2, 1937, p.143).
♦Sens moral. Conscience de ce qui est bien. Être totalement dépourvu de sens moral; n'avoir aucun sens moral; affaiblissement, perversion du sens moral. Le sens moral qui s'éveille à l'aspect du juste et de l'injuste s'exalte en s'attachant à l'un, en se sentant opprimé par l'autre (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p.66).
♦Valeurs morales. Celui qui a su, après avoir lutté contre lui-même, s'élever vers la vérité (...) peut se permettre d'avoir une échelle de valeurs morales quelque peu différente de celle en usage dans la société (FREUD, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1959, p.465).
— Spécialement
♦HIST. POL. Ordre moral. Politique conservatrice et cléricale. En attendant, l'ordre moral s'installe [en Grèce] et tout son appareil: les minijupes sont interdites aux filles, les cheveux longs aux garçons. L'Église, en revanche, leur est recommandée: obligation est faite à tous les écoliers d'aller à la messe et même d'y communier (L'Express, 1er mai 1967, p.55, col.2).
♦THÉOL. Vertus morales.
— Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Par quelles phases s'accomplit la liaison du moral et du religieux, dans les sociétés anciennes? (Traité sociol., 1968, p.85).
2. a) [P. oppos. à amoral] Qui peut être apprécié ou jugé selon les notions de bien et de mal. Faire souffrir autrui sans le vouloir ne constitue pas un acte moral: c'est un acte amoral ou moralement (éthiquement) neutre (FOULQ.-ST-JEAN 1962):
• 3. Le système de philosophie qui m'est propre a l'avantage de rattacher la partie intellectuelle de l'homme à ce qui le constitue être moral [it. ds le texte], c'est-à-dire à la volonté, à la libre activité, qui seule constitue le moi, la personnalité.
MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p.134.
b) [P. oppos. à immoral]
) Qui est conforme aux principes, à l'idéal de la conduite. Acte, dénouement moral; conduite, vie morale; une manière parfaitement morale de faire quelque chose. Comment, mon enfant, ton mari s'enferme avec des femmes nues, et tu as la simplicité de croire qu'il les dessine? (...) La religion défend ces horreurs-là, ça n'est pas moral (BALZAC, Mais. chat, 1830, p.56). Je la ramène [une femme] à son mari; je ne l'abandonne pas, et je fais une chose surprenante, romanesque et morale (LARBAUD, Amants, 1923, p.164). V. bonté ex.1.
— En partic. Qui a pour but l'éducation, l'élévation du sens moral. Synon. moralisant, moralisateur. Discours, film moral; histoire morale. Une question plus importante, c'est de savoir si un tel ouvrage est moral, c'est-à-dire si l'impression qu'on en reçoit est favorable au perfectionnement de l'âme (STAËL, Allemagne, t.3, 1810, p.262). Elle use, pour le convaincre, du ton pathétique et moral, elle fait appel à son «esprit de droiture et de vérité» (MASSIS, Jugements, 1923, p.47).
) Qui agit conformément aux règles de la morale, conformément aux bonnes moeurs. Duroc était pur et moral, tout à fait désintéressé pour recevoir, extrêmement généreux pour donner (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.321). Un homme normal et moral, un père de famille qui témoigne en justice, et à qui tout le monde serre la main (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.847):
• 4. [Dieu] a fait l'homme et il a assigné un terme à sa vie. Il l'a fait moral et religieux, lui a donné une loi et lui a interdit l'iniquité; il veille sur toutes ses voies.
Théol. cath. t.4, 1 1920, p.1012.
3. Qui est relatif à la réflexion philosophique sur le bien et le mal, à une théorie particulière des règles de conduite. Les deux grandes écoles morales de l'antiquité, Stoïcisme et Épicurisme, ont adopté le principe commun de l'identité du bonheur et de la vertu, mais elles l'ont conçu de façons différentes (G. PASCAL, La Pensée de Kant, Paris, Bordas, 1966, p.142). En dépit du fait qu'il n'a laissé aucune oeuvre écrite, ni donné aucun enseignement formel, Socrate peut être considéré comme le fondateur des études morales (V.-J. BOURKE, Hist. de la morale, trad. de J. Mignon, Paris, Éd. du Cerf, 1970, p.18):
• 5. Il est temps de le dire, le but de la philosophie morale est moins d'apprendre aux hommes ce qu'ils ignorent, que de les faire convenir de ce qu'ils savent, et surtout de le leur faire pratiquer.
BONALD, Législ. primit., t.1, 1802, p.73.
♦Théologie morale.
B. — Qui concerne l'esprit, le psychisme ou qui est de nature spirituelle.
1. a) [P. oppos. à physique] Choc, désarroi, équilibre, réconfort, suicide moral; fatigue, force, gifle, hygiène, misère, résistance, santé, torture morale. C'est la qualité de l'urbanisme qui arbitre le bien-être physique et moral de chaque groupe humain (Gds ensembles habit., 1963, p.28). V. accablement ex. 14, affirmer ex. 39, beauté ex. 27:
• 6. [Zola] n'est pas de ceux pour qui la douleur morale est plus noble que la souffrance physique. En quoi plus noble, puisque nos sentiments sont aussi involontaires que nos sensations?
LEMAITRE, Contemp., 1885, p.277.
♦Sciences morales.
— Spécialement
♦DR. Personne morale.
♦PSYCHIATRIE, vx. Mental, psychique. Faites-le coucher, c'est moral, purement moral, de l'eau de fleur d'orange, des calmants (SUE, Atar-Gull, 1831, p.20):
• 7. Les affections morales produisent communément ces effets: elles font battre le coeur, elles font éprouver des sensations dans les viscères, elles dérangent l'acte de la digestion...
BROUSSAIS, Phrénol., 1836, p.6.
♦RHÉT., vieilli. Sens moral. Sens figuré. De ce que les constellations d'été accompagnaient la saison des jours longs, brillans et chauds, et celle des fruits, des moissons, elles furent censées des puissances de lumière, de fécondité, de création, et, par transition du sens physique au moral, des génies, des anges de science, de bienfaisance, de pureté et de vertu (VOLNEY, Ruines, 1791, p.252).
b) [P. oppos. à matériel] Appui, avantage, bénéfice, contrat, dommage, échec, patrimoine, résultat moral; assistance, caution, situation morale. Il a eu la rouerie — à demi inconsciente, je le veux bien — de transformer sa défaite en victoire morale; il a affecté le désintéressement, le détachement (MAURIAC, Noeud vip., 1932, p.301). S'il est grave qu'un individu acquière des avantages matériels ou défende ces avantages matériels au prix de concessions morales, dans la vie de l'État, il en va autrement (Procès Pétain, t.2, 1945, p.1047):
• 8. Nous avons beaucoup à faire pour réaliser pleinement et pour assurer les droits énoncés dans cette déclaration. Mais le fait qu'ils nous soient soumis avec le soutien moral de cinquante-huit nations sera un grand pas en avant.
Déclar. univ. dr. homme, 1949, p.18.
2. En partic. Qui repose sur la croyance, l'opinion, le sentiment et non sur la matérialité des faits ou sur la rigueur du raisonnement. Impossibilité morale. Nous avons vu que le terme «preuve morale de l'existence de Dieu» a plusieurs sens: 1o Simple appel au sentiment; 2o Preuve de Kant fondée sur le fait de l'existence de la loi morale en nous (J. LAGNEAU, Cours sur Dieu, 1892-93 ds Célèbres leçons et fragments, Paris, P.U.F., 1964, p.299). À ce sujet, on a quelques certitudes morales très sérieuses et fort peu d'éléments scientifiquement démontrables (MEYNAUD, Groupes pression Fr., 1958, p.137).
— PHILOS. Nécessité morale.
Prononc. et Orth.:[], plur. [-o]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1212 trad. de Li Moralia in Job (Frère ANGIER, Vie de St Grégoire, 2940, éd. P. Meyer ds Romania t.12, p.192: Nomez sont [les livres] en son evescal: Li Dialoge et li Moral, l'Ezechiel, les Omelies); 2. 1270 vertu morale «vertu ayant pour principe la lumière de la raison» (BRUNET LATIN, Tresor, éd. F. J. Carmody, II, XXX, p.200). 3. 1370-72 «qui est conforme aux moeurs, à la morale» (N. ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, p.524: bonne vie moral et pratique); 4. 1403, 16 mai «qui concerne l'étude philosophique de la morale» philosophie morele (EUSTACHE DESCHAMPS, Lettres, éd. G. Raynaud, VIII, 20, 287); 5. 1694 «fondé sur l'opinion, le sentiment, la croyance, et non sur les faits rigoureux ou un raisonnement» (Ac.); 6. 1746 «relatif à l'âme, à l'esprit, par opposition au physique» (DIDEROT, Œuvres philosophiques, p.47 d'apr. L. UNDHAGEN, p.134). B. Subst. masc. 1. 1752 «ensemble des facultés morales, état mental» (ID., Recherches philosophiques sur l'origine et la nature du beau, ibid.); 2. 1775 «éthique» (G.-F. COYER, Voyages d'Italie, II, p.294, ibid., p.163); 3. 1823 «état d'esprit, énergie qui permet de supporter les difficultés» (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, p.142: le moral des deux armées ne pouvait se comparer). Empr. au lat. moralis «relatif aux moeurs». Fréq. V. moral2. Bbg. GESTER (F.W.). Moral. In: Comparative studies in key-words of culture. Bonn, 1959, t.2, pp.1-24. — QUEM. DDL t.17. — UNDHAGEN (L.). Morale et les autres lexèmes formés sur le rad. moral-. Lund, 1975, pp.43-58, 125-138, 160-164.
II.
⇒MORAL2, subst. masc.
A. — Vieilli. Ensemble des facultés morales, spirituelles, et des phénomènes de la vie psychique; état de l'esprit. Les femmes, nées dans un climat sain où la corruption des moeurs n'a dégradé le moral, ni altéré le physique, y brillent de fraîcheur (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p.15). Une constitution délicate lui avait donné les moyens d'observer plus en détail, et de sentir plus directement les relations intimes du physique et du moral (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.29). V. additionnel ex. 1.
— Loc. adv. Au moral. Sur le plan spirituel. Nous avons recueilli cette enfant après son passage à Grenoble. Elle y avait souffert au physique et au moral (BERNANOS, Crime, 1935, p.773).
B. — Disposition de l'esprit qui porte une personne à réagir plus ou moins vigoureusement dans des circonstances difficiles. Tous ces détails, cet ensemble de choses agit prodigieusement sur le moral des honnêtes gens (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p.732). Le pauvre violoncelliste, dans les veines de qui passaient sans doute (...) quelques parcelles de la mâle vertu de son collègue cardiaque au moral d'acier (...) se recolla tant bien que mal (ARNOUX, Solde, 1958, p.266). Peut-être le moral de la troupe serait-il plus haut si les distractions qui lui étaient offertes ne débouchaient pas finalement et uniquement dans quelque bistrot miteux ou quelque cinéma bon marché? (Serv. milit. et réf. armée, 1963, p.51):
• ♦ Le vin! Quelle puissance! Des hommes dont le moral est en loques, abattus, abrutis, il vous les transforme en une troupe nerveuse, éveillée et qui repart en chantant.
BENJAMIN, Gaspard, 1915, p.44.
SYNT. Bon, mauvais moral; moral bas, élevé, e.cellent, de fer; avoir, garder, perdre le moral; avoir le moral solide; affaiblir, casser, épuiser, maintenir, remonter, ruiner, saper, soutenir le moral (des blessés, des troupes); briser le moral de l'adversaire.
— Loc., fam.
♦Avoir le moral à zéro. Manquer de confiance, être très découragé. On avait faim, on avait le moral à zéro, on se disait que chez vous, ou trouverait peut-être le moyen de se débrouiller (AYMÉ, Le Vin de Paris, La Bonne peint., Paris, Gallimard, 1947, p.200).
♦Le moral des troupes. [En ne parlant pas des militaires] [R. Stevens, premier assistant de R. Polanski pour le tournage du film Le Bal des vampires] loua une demi-douzaine de scooters des neiges ainsi que des chenillettes pour transporter l'équipe. Par-dessus tout, il sut maintenir le moral des troupes en faisant rire tout le monde chaque fois qu'un scooter se renversait, qu'une chenillette restait bloquée dans la neige ou que l'équipe se perdait et mettait plusieurs heures pour arriver au bon endroit et découvrait qu'un épais brouillard y interdisait le tournage (R. POLANSKI, Roman, trad. par J.-P. Carasso, Paris, Laffont, 1984, p.280).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. V. moral1.
STAT. — Moral1 et 2. Fréq. abs. littér.:15103. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 26631, b) 17044; XXe s.: a) 19995, b) 20348.
moral, ale, aux [mɔʀal, o] adj. et n. m.
ÉTYM. 1270; n. m., 1212; lat. moralis « relatif aux mœurs », de mores. → Mœurs.
❖
———
I Adj.
1 (V. 1265). Littér. ou didact. Qui concerne les mœurs, les habitudes et surtout les règles de conduite admises et pratiquées dans une société. ⇒ Mœurs. || Réalité morale. || Phénomènes moraux et juridiques (→ Éthique, cit. 3). || Engagement (cit. 11) politique et moral. || Audaces (cit. 16) morales. || Inégalité (cit. 3 et 4, Rousseau) morale et inégalité naturelle. || Acquisitions morales (→ Habitude, cit. 2). || Histoire morale d'un peuple. — Crise morale. || Idées (cit. 60), notions morales (→ Justice, cit. 16). || Sentiments moraux. || Vertus morales (→ Attribuer, cit. 7; habitude, cit. 5) opposées aux vertus surnaturelles (en théologie). || Attitude, expérience morale. || Conscience morale. ⇒ Conscience. || Sens moral : discernement du bien et du mal. || Délicatesse (cit. 18) morale. || Valeurs morales (→ Concret, cit. 3, humanisme, cit. 3). || Sens de la hiérarchie (cit. 15) morale. || Jugement moral (→ Amoral, cit. 2). || Impératifs (cit. 5), principes moraux. || Obligation, loi morale. ⇒ Loi (cit. 53, 54 et 58). — Sur le plan, au point de vue moral. || Arguments (cit. 8) d'ordre moral. — Littér. || Réflexions ou sentences et maximes morales, de La Rochefoucauld. || Conte, ouvrage moral.
1 Si le sens moral se développait en raison du développement de l'intelligence, il y aurait contre-poids et l'humanité grandirait sans danger, mais il arrive tout le contraire : la perception du bien et du mal s'obscurcit à mesure que l'intelligence s'éclaire; la conscience se rétrécit à mesure que les idées s'élargissent.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 321.
1.1 On décrivait — il n'y a pas très longtemps encore — une folie morale qui procédait, chez ceux qui en étaient atteints, de la « perte du sens moral » (…) les bases fondamentales de cette construction nosologique (aujourd'hui définitivement ruinée) postulaient l'existence et l'indépendance d'une fonction psychique particulière, le sens moral, en vertu de laquelle l'individu eût été capable de discriminer le Bien et le Mal.
L'accord est fait sur l'absence de réalité psychologique d'une telle « faculté ».
Nos acquisitions morales ne sont que le résultat de l'éducation qui nous apprend à plier nos appétits et nos tendances à des impératifs sociaux (…) Le sens moral ne représente, dès lors, qu'un des aspects de l'adaptation de l'homme à son milieu.
2 (1403). Qui concerne l'étude philosophique de la morale (au sens 1). ⇒ Éthique. || Théorie morale. || Fragment (cit. 4) moral ou philosophique. || Les grands problèmes moraux de la science (→ 1. Avocat, cit. 17).
2 Ah ! que je compris bien, dès lors, que l'enseignement presque tout moral des grands philosophes antiques ait été d'exemple autant et plus encore que de paroles !
Gide, l'Immoraliste, p. 156.
3 (1370). Cour. Qui est conforme aux mœurs, à la morale (2.); qui est admis comme tel. ⇒ Honnête, juste. || Une manière parfaitement morale de… (→ Humaniser, cit. 10). || Son comportement n'est pas très moral. || Sa conduite est peu morale. || Des actes moraux. — Spécialt. ⇒ Édifiant. || Fiction à objet moral (→ Apologue, cit. 4). || Voilà une histoire bien morale, très morale. ⇒ Exemplaire. || Ce film n'est pas moral.
3 (…) le livre (le « Diable boiteux » de Lesage) n'était peut-être pas très moral; ce n'est pas assurément la morale du Catéchisme qu'il prêche, c'est celle de la vie pratique : n'être dupe de rien ni de personne.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 5 août 1850.
4 Je ne veux pas dire que la poésie n'ennoblisse pas les mœurs (…) que son résultat final ne soit pas d'élever l'homme au-dessus du niveau des intérêts vulgaires; ce serait évidemment une absurdité. Je dis que, si le poète a poursuivi un but moral, il a diminué sa force poétique (…)
Baudelaire, Trad. E. Poe, Notes nouvelles.
5 Il se peut que jouer de l'argent ne soit pas très moral.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, I, p. 12.
6 — Eh bien, mon maître ? Êtes-vous édifié ? Voilà une histoire morale, ou je me trompe fort : les méchants ont été punis et les bons récompensés.
Sartre, les Mouches, I, 3.
♦ (Personnes). || « Ces êtres… charmants, point hypocrites (cit. 20), point “moraux” auxquels je voudrais plaire » (Stendhal). — C'est un auteur très moral, peu moral (amoral ou immoral).
7 Corneille est plus moral, Racine plus naturel.
La Bruyère, les Caractères, I, 54.
4 (V. 1361). Philos. « Qui concerne l'action et le sentiment » (Lalande), par oppos. à logique, à intellectuel ou à métaphysique. || Sur le plan logique et sur le plan moral (→ Famille, cit. 33). || Facultés intellectuelles et morales (→ Ilotisme, cit. 2). || Certitude morale. || Nécessité morale.
8 (…) je distinguerai ici deux sortes de certitude. La première est appelée morale, c'est-à-dire suffisante pour régler nos mœurs, ou aussi grande que celle des choses dont nous n'avons point coutume de douter touchant la conduite de la vie (…)
Descartes, Principes de philosophie, IV, §205.
9 (…) la preuve dite morale, qui conclut à l'existence de Dieu du grand besoin que nous en avons.
Sartre, Situations I, p. 227.
5 (1746, Diderot). Cour. Relatif à l'esprit, à la pensée (par oppos. à matériel, physique). ⇒ Intellectuel, spirituel. || Le beau idéal (1. Idéal, cit. 8) moral. || L'homme matériel et l'homme moral (l'âme, l'esprit). || Portrait physique et moral d'un personnage. — Énergie, force morale (→ Ascétique, cit. 2). || Courage moral (→ Fermeté, cit. 5). || Sensations, douleurs, joies morales et physiques, matérielles (→ Bienfait, cit. 14; épreuve, cit. 29). || Fortune (cit. 37), grandeur matérielle (cit. 6) et morale. || Agonie (cit. 2), ankylose (cit. 2), asphyxie (cit. 3), épidémie (cit. 7), plaie, torture morale (→ Interrogatoire, cit. 2). || Misère morale (→ Élément, cit. 1). || Suicide moral (→ Attentat, cit. 12).
10 Ah ! c'est bien malheureux de n'avoir pas une force physique adéquate à sa force morale.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, p. 192.
♦ (Mil. XVIIIe). Didact., vx. || Sciences morales, qui étudient l'homme sur le plan de l'esprit (psychologie, sociologie, morale, histoire : sciences humaines). || Académie des sciences morales et politiques.
♦ Ling. (vx). || Sens physique et sens moral, propre et figuré (→ Grand, cit. 52).
11 On pourrait dire que la plupart des mots présentent un sens physique et un sens moral, selon qu'on les prend au propre ou au figuré.
H. Bergson, le Rire, p. 87.
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1 (1752). Vieilli. L'ensemble des facultés morales, mentales; le caractère, l'esprit, l'âme ou ce qui s'y rapporte, par oppos. au physique (→ Corrompre, cit. 21, Rousseau; homme, cit. 3). || Rapport du physique et du moral de l'homme, ouvrage de Cabanis (1802). — (1764). Mod. || Au moral : sur le plan moral, spirituel… (→ Ère, cit. 5; exercice, cit. 7; grand, cit. 22; guerre, cit. 12).
12 Commençons par distinguer le moral du physique dans le sentiment de l'amour.
Rousseau, De l'inégalité parmi les hommes, I.
13 Au moral comme au physique, j'ai toujours eu la sensation du gouffre (…)
Baudelaire, Journaux intimes, « Mon cœur mis à nu », LXXXVII.
♦ Spécialt, vx. || Au moral : au sens figuré (→ Gros, cit. 22).
2 (1823). Cour. État affectif, disposition temporaire quant à l'énergie, la volonté, la « fermeté à supporter les périls, les fatigues, les difficultés » (Littré). || Le moral est bas, est bon. || Le moral des troupes. ⇒ Combativité, esprit. || Atteintes au moral de l'armée. ⇒ Démoralisation. || Notre malade a bon moral. || C'est le moral qui est atteint. ☑ Il faut lui remonter le moral. ☑ Il, elle a un moral d'acier. ☑ Il lui a cassé le moral.
14 M. Homais, néanmoins, s'était efforcé de le raffermir, de lui remonter le moral.
Flaubert, Mme Bovary, II, VI.
♦ ☑ Loc. fam. Avoir le moral à zéro, très bas; être découragé.
15 On avait faim, on avait le moral à zéro, on se disait que chez vous, on trouverait peut-être le moyen de se débrouiller.
M. Aymé, le Vin de Paris, « La bonne peinture », p. 200.
♦ Absolt ☑ (1917). Avoir le moral : avoir un bon moral; être optimiste. || J'ai pas le moral, ce matin !
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CONTR. Amoral, antimoral, immoral. — Déshonnête, désordonné, illicite, relâché. — Corporel, matériel, physique.
DÉR. et COMP. Morale, moralement, moraliser. Amoral, antimoral, immoral.
HOM. Morale.
Encyclopédie Universelle. 2012.