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lointain

lointain, aine [ lwɛ̃tɛ̃, ɛn ] adj. et n. m.
• 1150; lat. pop. °longitanus, de longe « loin »
I Adj.
1Qui est à une grande distance dans l'espace (du lieu où l'on est ou de celui dont on parle). distant, éloigné; loin. Un pays lointain. Lointain exil [ lwɛ̃tɛnɛgzil ]. Rumeur, musique lointaine. La Princesse lointaine : la comtesse de Tripoli dont s'était épris le troubadour Jaufré Rudel. « Pâle étoile du soir, messagère lointaine » (Musset). Avoir l'air lointain, distrait, absent.
2(Abstrait ) Qui n'est pas proche, direct. éloigné. Les causes directes et les causes lointaines de la Révolution. indirect. Ça n'a qu'un lointain rapport. Une ressemblance lointaine. 3. vague.
3Qui est très éloigné dans le temps. Passé, avenir lointain. Un souvenir lointain. Époque lointaine. reculé. Des projets lointains.
II N. m.
1(1640) Peint. Partie d'un tableau représentant de façon réaliste des lieux, des objets très éloignés du premier plan. Des lointains bleuâtres, estompés, fondus. « un lointain vaporeux qui se perd à l'horizon » (Gautier). Les lointains de Vinci, du Lorrain.
2(1685) Cour. Plan situé dans l'éloignement. DANS LE, AU LOINTAIN. arrière-plan, fond, horizon (à l'horizon), loin (au loin). « Là-bas, au lointain, nous voyons le troupeau s'avancer » (A. Daudet). Au plur., littér. Les lointains de la campagne romaine.
⊗ CONTR. Avoisinant, proche, prochain, voisin; 2. neuf, récent.

lointain nom masculin Plan situé à une grande distance : On distingue, dans le lointain, des cimes neigeuses. Partie d'un tableau, d'un dessin, représentant les lieux, objets, personnages les plus éloignés (souvent au pluriel). Un des plans de la scène les plus éloignés du public, par opposition aux premiers plans, appelés faces. ● lointain (synonymes) nom masculin Plan situé à une grande distance
Synonymes :
- arrière-plan
- fond
lointain, lointaine adjectif (latin populaire longitanus, du latin classique longe, loin) Qui est ou semble être situé à une grande distance dans l'espace : Pays lointains. Qui est situé loin dans le passé ou dans le futur : Des souvenirs lointains. Un lointain avenir. Qui est absent, inattentif à ce qui se passe, voire dédaigneux : Elle écoutait la conversation, l'air lointain. Avec qui on a des liens de parenté indirects, complexes, vagues : Un lointain cousin. Qui n'a pas de relation directe avec quelque chose d'autre, qui en est éloigné : Une lointaine ressemblance.lointain, lointaine (citations) adjectif (latin populaire longitanus, du latin classique longe, loin) Clemens Brentano Ehrenbreitstein 1778-Aschaffenburg 1842 … ô amour rempli de larmes parce que le plus proche est à jamais lointain ! … ô Lieb voll Tränen, Weil sich unendlich Nahes ewig fern ! Le Rêve du désertlointain, lointaine (synonymes) adjectif (latin populaire longitanus, du latin classique longe, loin) Qui est ou semble être situé à une grande distance...
Synonymes :
- écarté
- reculé
- retiré
Contraires :
- attenant
- avoisinant
- contigu
- environnant
- limitrophe
- proche
- voisin
Qui est situé loin dans le passé ou dans le...
Synonymes :
- éloigné
Contraires :
- actuel
- contemporain
- présent
- récent
Qui est absent, inattentif à ce qui se passe, voire...
Synonymes :
- absorbé
- distant
- distrait
Avec qui on a des liens de parenté indirects, complexes...
Synonymes :
- éloigné
Qui n'a pas de relation directe avec quelque chose d'autre, qui...
Synonymes :
- détourné
- indirect
Contraires :
- direct
- étroit
- immédiat

lointain, aine
adj. et n. m.
rI./r adj. Qui est loin (dans l'espace ou dans le temps). La Chine est un pays lointain. L'époque lointaine des pharaons.
|| Fig. Une influence lointaine, indirecte.
rII./r n. m.
d1./d Le lointain: les lieux que l'on voit au loin.
d2./d PEINT Ce qui paraît le plus éloigné dans un tableau.

⇒LOINTAIN, -AINE, adj. et subst. masc.
I. — Adjectif
A. — [Dans l'espace]
1. a) [En parlant d'un lieu] Gén. littér. Qui se trouve au loin. Synon. éloigné; anton. proche. Villes, quartiers lointain(e)s; contrées, régions, terres lointaines; astres, cieux, horizons lointains; îles, mers, montagnes lointaines; lointaines campagnes; lointains rivages. Au fond du ciel immense, (...) la lune, lointaine, solitaire et triste (MAUPASS., Mt-Oriol, 1887, p. 101).
b) [En parlant de pers., de leurs attributs] Qui vit dans, qui vient de, qui est originaire d'une contrée éloignée. Madagascar (...) je suis content que le drapeau français flotte sur ces populations lointaines, quoique, personnellement, ça ne me fasse pas la jambe plus belle (PAGNOL, Marius, 1931, I, 1, p. 14) :
1. Aujourd'hui encore, de très lointains étrangers y affluent [au Grand Hôtel], touchés par le bruissement de Paris comme le sont les astronomes par les lumières des étoiles mortes...
FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 234.
[P. allus. à l'hist. et à la litt.] La princesse lointaine. La comtesse de Tripoli dont s'était épris le troubadour Jaufré Rudel. À Londres je connus Bella, Princesse moins lointaine Que son mari le capitaine Qui n'était jamais là (TOULET, Contrerimes, 1920, p. 70) :
2. J'aimai toujours la France, dit l'officier sans bouger. Toujours. J'étais un enfant à l'autre guerre et ce que je pensais alors ne compte pas. Mais depuis je l'aimai toujours. Seulement c'était de loin. Comme la princesse lointaine.
VERCORS, Silence mer, 1942, p. 36.
c) [En parlant d'une action] Qui se déroule dans des régions situées à une grande distance. Enfermée en son ménage, elle ne connaissait guère que sa rue, et quand elle s'aventurait dans un autre quartier, il lui semblait accomplir un voyage lointain en une ville inconnue et étrangère (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Pardon, 1882, p. 657).
2. [En parlant de phénomènes visuels, sonores]
a) Qui provient de loin, dont l'origine se situe en un lieu éloigné. Lueur, lumière lointaine; chant, écho lointain; rumeur lointaine; bruit sourd et lointain. Je m'étais endormi au son lointain de ces airs de danse ronde (...) qui m'arrivaient assourdis, fondus, poétisés, à travers du tranquille silence (LOTI, Rom. enf., 1890, p. 295). Et, tandis que Joigneau rentre dans le bourg, plusieurs grondements lointains annoncent enfin l'orage (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p. 1062).
b) P. anal. Qui semble venir de loin. Il parla très bas, d'une voix lointaine, qui semblait monter du passé (ZOLA, Rêve, 1888, p. 132). Mathilde se pencha sur le front de mon ami, l'embrassa et lui dit : « Au revoir, mon enfant » d'une voix si blanche, si triste, et en même temps si solennelle, que je crus entendre l'adieu déjà lointain d'une mourante (G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 93).
3. PHYS., CHIM. (Rayonnement) infrarouge lointain. (Rayonnement) infrarouge dont la longueur d'onde est grande par rapport à celles du spectre visible. Anton. proche. Dans l'infrarouge proche et lointain existent des bandes très intenses (SCHATZMAN, Astrophys., 1963, p. 13).
(Rayonnement) ultraviolet lointain. (Rayonnement) ultraviolet dont la longueur d'onde est très éloignée de celle du spectre visible. Anton. proche. L'absorption du NACI pur incolore ne commence que dans l'ultra-violet assez lointain et l'on n'observe pas d'effet photo-électrique dans l'ultra-violet moyen et dans le visible (M. CURIE, Luminescence, 1934, p. 71).
B. — Au fig.
1. Absent, détaché, distant, qui semble se situer ailleurs.
a) [En parlant d'une pers.] Méprisant et lointain, le garçon ne les regardait pas (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 25) :
3. Octave était devenu un amoureux. Je m'en aperçus dès notre première conversation, à sa manière de rappeler un souvenir, à sa façon d'être tout à coup présent ou lointain, aux questions qu'il me posait sur un ton brûlant comme si je l'intéressais beaucoup.
CHARDONNE, Romanesques, 1937, p. 30.
b) [En parlant de la physionomie] Regards lointains. Tous quatre me dévisagent, avec une expression lointaine... Je souffre à crier, je souffre d'un plaisir affreux, comme si ma robe fût tout à coup tombée (COLETTE, Cl. s'en va, 1903, p. 7). Il avait revu ses yeux bleu de lin, curieusement lointains et idéalistes, en retrait des spectacles immédiats, réservés pour des technicités très élaborées (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 244).
c) [En parlant des activités, des attitudes] Cette ironie un peu lointaine que vous aimez chez les gens d'église (TOULET, Tendres mén., 1904, p. 109). Arthur Rance et moi étions seuls à discuter, car Rouletabille semblait parti pour quelque rêve lointain et ne s'occupait en aucune façon de ce que nous disions (G. LEROUX, Myst. ch. jaune, 1907, p. 121).
2. Qui n'a pas de rapport direct (avec quelque chose, quelqu'un).
a) Synon. de indirect. C'est dans la mesure où nous prendrons conscience des causes proches et lointaines de cet écroulement que nous aurons des chances de nous en relever (MAURIAC, Journal occup., 1944, p. 307).
b) Synon. de faible. Les rats et les souris ne présentent que de lointaines analogies avec l'homme (CARREL, L'Homme, 1935, p. 60).
c) Qui est mal connu, qui est étranger. Il admirait avec feu certains grands hommes; mais ceux-ci appartenaient à des sphères si lointaines qu'elles me paraissaient mythiques (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 108).
d) CHIM. Qui a été obtenu au terme de plusieurs réactions. La plasmoquine, dérivé lointain de la quinoléine, fut introduite en 1926 (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 439).
C. — P. anal. [Dans le temps] Qui nous reporte à une grande distance.
1. [Au passé] Reculé. Anton. récent. Époques, événements, siècles lointains; souvenir vague et lointain; (dans) un lointain passé. Une femme qui fut de mes amies — je dis fut, non qu'elle ait cessé de l'être, mais parce qu'à mesure que la vie avance, tout nous apparaît sinon passé, du moins lointain (MONTESQUIOU, Mém., t. 3, 1921, p. 229). L'asepsie était inconnue en ces temps très lointains (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 158).
[En parlant de pers.] Éloigné. L'action présente et future de l'homme, maître désormais des distances, armé de tout ce que la science met à son service, dépasse de beaucoup l'action que nos lointains aïeux ont pu exercer (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 15).
2. [Au futur]
a) Éloigné. Avenir proche ou lointain. M. Fallières (...) préparait, disait-on, une candidature plus ou moins lointaine à la présidence de la République (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 317). Cette fatigue physique accumulée, dont je ne sais trop comment elle me permettra d'atteindre sans avoir fléchi, la date encore lointaine du 1er juillet (DU BOS, Journal, 1926, p. 35).
[P. méton., en parlant d'une pers.] Je voudrais que ce lecteur encore lointain [de l'an 2000] puisse se former une idée de ce qu'était un écrivain à notre époque (GREEN, Journal, 1945, p. 184).
b) À long terme. À lointaine échéance. Le général D. Haig avait immédiatement accepté les directives que je lui avais envoyées le 23 septembre, fixant comme objectifs lointains Achiet-le-Grand, Bapaume et Bertincourt (JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 259) :
4. J'ai toujours été pour ma part très sensible à l'influence de ces perspectives toutes proches (une suite de journée, une fin de journée qui promet; alors que les perspectives de joies lointaines m'excitent assez peu...).
ROMAINS, Hommes bonne vol., 1939, p. 129.
II. — Subst. masc.
A. — [Dans l'espace]
1. Lieu, plan situé à une grande distance (de celui où l'on se trouve, de celui dont on parle).
a) Dans le lointain. À une distance perçue comme éloignée. La nuit grandissait, des becs de gaz dans le lointain s'allumaient un à un (ZOLA, Nana, 1880, p. 1474). J'entendis distinctement un grand bruit de forges dans le lointain (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Voy. Horla, 1887, p. 1326). Quelques coups de tonnerre grondèrent dans le lointain (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 136).
Au lointain (littér.). Au loin. Ô la Femme! Prudent, sage, calme ennemi, (...) Tuant tous les blessés, pillant tout le butin, Et répandant le fer et la flamme au lointain (VERLAINE, Œuvres compl., t. 2, Amour, 1888, p. 78). Lui regardait au lointain (FABRE, Xavière, 1890, p. 54). Seul, parfois, ils voyaient miroiter au lointain Dans sa vasque de pierre un lac couleur d'étain (HEREDIA, Trophées, 1893, p. 190).
Rem. Au lointain est déconseillé par certains puristes, qui recommandent les équivalents au loin et dans le lointain.
b) [Dans des descriptions de paysages] Au plur., littér. Lointains bleus, bleuâtres, brumeux, vaporeux. En été, après dîner (...) toutes les voitures du pays (Milan) se rendent au Bastion di porta Rense, élevé de trente pieds au-dessus de la plaine (...) on aperçoit les Alpes (...). C'est un des plus jolis lointains dont l'œil puisse jouir (STENDHAL, Rome, Naples et Flor., 1817, p. 111). La neige éphémère est jolie sous nos climats. Un moment, elle change les résonances et les perspectives, elle précise et rapproche les lointains (CHARDONNE, Claire, 1931, p. 213). Quelques rochers, un maigre ruisseau (très bleu quand il faisait beau) et pas d'arbres, derrière quoi il y avait des lointains aussi durs et aussi rêveurs qu'en Espagne, à ce que j'imaginais (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 190).
c) Le lointain de. La partie éloignée, reculée de. Il fit quelques pas hors de l'hôtel; il vit l'Aar avec sa belle robe verte, et, dans le lointain du ciel, une cime blanche qui flottait : il en fut bouleversé de joie (ROLLAND, J.-Chr., Antoinette, 1908, p. 906). Des lampes s'éteignaient quelque part très loin dans les brumes de la nuit éplorée, très loin, très loin, plus loin que le lointain des mers (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p. 172).
Au plur. Lui, il se déplaçait; on pouvait ainsi le suivre du regard : c'est vers en haut qu'il se déplaçait, vers les dessus et les lointains de la pierraille, du côté des grandes parois (RAMUZ, Derborence, 1934, p. 249). Habitué aux horizons torrides de la Méditerranée, j'ai été étonné de sentir que les lointains de l'Adriatique étaient froids (GIONO, Voy. Ital., 1953, p. 145).
[Désigne un plan éloigné à l'intérieur d'une pièce, d'un local] Rare. Ici, à la ganterie et aux lainages, une masse épaisse de chapeaux et de chignons barrait les lointains du magasin (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 541) :
5. Lahrier, du même coup, avait tourné la tête, et tous deux ils fouillaient le lointain de la pièce où se dandinait, saluant les murs de droite et de gauche, un petit vieux monsieur au crâne nu, au visage mangé de barbe grise.
COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 1er tabl., II, p. 37.
B. — Spécialement
1. PEINT., DESSIN. Plan le plus reculé (d'un tableau). Anton. premier plan. La magie des lointains, cette partie de la peinture qui attache les imaginations tendres, est peut-être la principale cause de sa supériorité sur la sculpture (STENDHAL, Hist. peint. Ital., t. 1, 1817, p. 152). Breughel de Velours est le plus connu avec ses paysages qui s'évanouissent en lointains d'un azur idéal (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 155).
2. THÉÂTRE, rare. Fond du théâtre, partie de la scène la plus éloignée du public. Anton. face. Chaque fois qu'un acteur quitte l'avant-scène pour aller au lointain où il doit parler, il est d'usage de lui envoyer d'avance les premiers mots (THIBAUT, Manuel souffleur, s.d., p. 79) :
6. La scène ou pour mieux dire le Plateau étant divisé en plans se partage en deux parties : celle comprenant les premiers plans se désigne par la Face; les derniers plans constituent le lointain. Face et lointain prennent également leurs désignations respectives de cour et jardin.
GENIN, Lang. planches, 1911, p. 35.
C. — P. anal., souvent littér. [Gén. dans le temps]
[Dans le passé] Époque très reculée, contexte très ancien. Nous ne pouvons les situer [les personnages de Michel-Ange, Vinci, Raphaël] dans aucun point de l'histoire positive; nous sommes obligés, pour leur trouver un monde, de les reculer jusque dans les lointains vaporeux de la légende (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 311) :
7. En d'autres temps, sans doute aurais-je été curieux du passé de madame Mauchon : mais alors, la tragédie était trop le lot commun, des heures manquaient pour s'occuper d'événements rétrospectifs que la guerre reculait vers un lointain de préhistoire.
ESTAUNIÉ, Appel route, 1921, p. 206.
[Dans l'avenir] Oh! quelle réponse rauque, excédée, à peine intelligible, où l'on sentait l'effort du malade obligé de se retourner dans son lit, de détacher ses yeux d'un lointain déjà entrevu (A. DAUDET, Nabab, 1877, p. 88). Pour Yves, c'était là une question très sérieuse, arrêter l'emplacement de cette petite maison, où il entrevoit, au fond d'un lointain mélancolique et étrange, sa retraite, sa vieillesse et sa mort (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 284).
Prononc. et Orth. : [], fém. [-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Adj. A. Dans l'espace 1. d'une chose ca 1140 un lointain reialme (Pèlerinage de Charlemagne, 68 ds T.-L.); 1269-78 loingtiens pelerinages (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 9848); 1762 « qui vient de loin » (J.-J. ROUSSEAU, Emile, IV, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, p. 679 : ma table couverte ... de charognes lointaines); b) 1283 fig. loingtien degré de lignage (BEAUMANOIR, Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 446); 2. a) d'une pers. ca 1140 « qui demeure, qui vient de loin » (GEFFREI GAIMAR, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 4498); b) fig. ) 1er quart XIIIe s. estre a Dieu lointains (RENCLUS DE MOLLIENS, Miserere, 24, 12 ds T.-L.); ) 2e moitié XIIIe s. parente lontaigne (Institutes, BN fr. 1064, fol. 46 b ds GDF.); ) 1422 lointaing immitateur des orateurs (ALAIN CHARTIER, Quadrilogue invectif, éd. E. Droz, prol., p. 1, 6). B. Dans le temps ca 1160 « qui remonte loin » molt lointaing äage (Eneas, 543 ds T.-L.). II. Subst. 1. 1155 « pays lointain » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 3846), ex. isolé; 2. 1640 peint. (A. OUDIN, Seconde partie des Rech. ital. et fr. d'apr. FEW t. 5, p. 406 b; éd. 1642, p. 342 b); 3. 1685 « plan situé dans l'éloignement » en lointain (LA FONTAINE, Filles de Minée ds Œuvres, éd. R. Groos et J. Schiffrin, t. 1, p. 334). D'un lat. vulg. longitanus (également postulé par les dér. ital. et cat., FEW, loc. cit.), dér. de longe (v. loin), peut-être d'apr. subitanus (v. soudain), class. subitaneus. Fréq. abs. littér. : 5 613. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 5 097, b) 6 970; XXe s. : a) 11 605, b) 8 806.
DÉR. Lointainement, adv. a) [Dans l'espace] Au loin, dans le lointain. Le ciel était d'un bleu profond et tendre. L'air était sec, léger. Je respirais avec délices et tout mon être s'exaltait à l'idée de cette longue marche, de cette traversée de l'immense pays qui s'étendait lointainement devant nous (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 736). Ces après-dînées de dimanche, la campagne est vide, sans même une fumée qui traîne, lointainement (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 83). P. anal. Avec les caractères de ce qui vient de loin. Les lourdes cloches de la Cathédrale voisine l'emplissent [un jardinet] de leurs volées, et le piano d'une inconnue, sonnent lointainement! (VALÉRY, Lettres à qq.-uns, 1945, p. 23). b) Au fig. Faiblement, vaguement. Je souffre moins ce matin après une bonne longue nuit, tout en sentant depuis dix minutes que lointainement la douleur recommence à poindre (DU BOS, Journal, 1927, p. 176). Quoi? quoi? s'écria Agnès d'une voix franchement étonnée, et à peine inquiète, très lointainement inquiète (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1937, p. 122). Presque aveugle et aux trois quarts sourd, on ne s'avise de rien, ou si lointainement, si obscurément qu'il vaut mieux n'en rien dire (ARNOUX, Zulma, 1960, p. 231). Dans une faible mesure, à un moindre degré. Une information lointainement analogue à l'information consciente est peut-être à la base des phénomènes d'interaction de la mécanique ondulatoire (RUYER, Cybern., 1954, p. 29). c) [Dans le temps] De beaucoup, très. L'étrangeté de ce roman pharaonique, le passé lointainement reculé dont il venait (GONCOURT, Journal, 1889, p. 1086). []. 1res attest. a) Ca 1140 dans le temps « pendant longtemps » (GEOFFROI GAIMAR, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 4309), b) 1155 dans l'espace « au loin » (WACE, Brut, éd. I Arnold, 3832) - XVIe s., HUG., rare à l'époque mod.; de lointain (suff. -ment2) : 1 du sens temporel de l'a. fr. lointain « qui dure longtemps » ca 1220 (GUI DE CAMBRAI, Barlaam et Josaphat, 10164 ds T.-L.). Fréq. abs. littér. : 20.

lointain, aine [lwɛ̃tɛ̃, ɛn] adj. et n. m.
ÉTYM. 1150; du lat. pop. longitanus, de longe « loin ».
———
I Adj.
1 Qui est à une grande distance dans l'espace (du lieu où l'on est ou de celui dont on parle). Distant, éloigné; loin. || Terres, villes lointaines (→ Exotisme, cit. 3). || Entreprendre un voyage dans un pays lointain.(1269). Qui va, qui emmène loin. || Aventures, campagnes (cit. 5), expéditions (cit. 14), courses (→ Capitaine, cit. 6) lointaines. || Navigations lointaines. || Lointain exil [lwɛ̃tɛnɛgzil] (cit. 11).Qui est localisé au loin. || Rumeur, musique lointaine. || Entendre un pas lointain (→ Intervalle, cit. 12).(V. 1140). Personnes. Qui est au loin (et dont l'absence est ressentie). || Sa fiancée lointaine. || Amis lointains.Littér. || La Princesse lointaine, la comtesse de Tripoli dont s'était épris le troubadour Jaufré Rudel; titre d'une pièce d'Ed. Rostand.|| « Pâle étoile (cit. 11) du soir, messagère lointaine » (Musset).
1 Je meurs de soif auprès de la fontaine (…)
(…) En mon pays suis en terre lointaine.
Villon, Poésies diverses « Ballade de Blois ».
2 Parfum qui fait rêver aux oasis lointaines.
Baudelaire, les Fleurs du mal, Tableaux parisiens, XCVIII.
3 Et la musique est si lointaine
Qu'elle semble venir des cieux.
Apollinaire, Alcools, p. 63.
4 (…) émigrants dont le visage d'abord, les habits maintenant, disaient l'absence et la patrie lointaine.
Camus, la Peste, p. 321.
(Déb. XXe). Par métaphore. || Avoir l'air, un air lointain, distrait, absent (→ Dédaigneux, cit. 7; flegmatique, cit. 2).(1762). Littér. || Voix lointaine, assourdie, qui semble venir de loin.
5 Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Verlaine, Poèmes saturniens, « Melancholia », VI.
6 Beaucoup de douceur lointaine dans ces yeux qui rêvent et qui sont distraits (…)
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », III.
2 (V. 1500, abstrait; lointain degré de lignaige, 1283). Qui n'est pas proche; qui n'est pas direct. Éloigné (fig.). || Les causes directes et les causes lointaines de la Révolution. Indirect. || Choses qui n'ont entre elles que des rapports lointains (→ Image, cit. 46; incise, cit. 2). || Une ressemblance lointaine. Vague. || Il n'y a dans ses dernières œuvres qu'un reflet lointain de ses premières réussites.
(XIIIe, parente lontaigne). Personnes. || Un parent assez lointain. Éloigné.
3 (V. 1160). Qui est très éloigné dans le temps. || Passé, avenir lointain (→ Bouffée, cit. 4).REM. Si le contexte n'est pas explicite, l'adj. évoque plutôt le passé que l'avenir. || Époque lointaine. Reculé (→ Berbère, cit.). || En ce temps-là, qui n'est pas fort lointain (→ Affaire, cit. 60). || Souvenir déjà lointain qui s'efface peu à peu (→ Accoutumer, cit. 13). || La Provence se faisait (cit. 232) toujours plus lointaine dans leur souvenir.(Avenir). || Perspective, échéance lointaine (→ Battre, cit. 73; escompte, cit. 1). || Lointain héritage (→ Espérance, cit. 41).
7 Je te donne ces vers afin que si mon nom
Aborde heureusement aux époques lointaines.
Baudelaire, les Fleurs du mal, Spleen et Idéal, XXXIX.
8 Je ne commets aucune indiscrétion de rapporter aujourd'hui ces propos lointains. Tout le monde les a connus ou devinés depuis.
Ch. Péguy, la République, p. 66.
———
II N. m.
1 (1640). Partie d'un tableau représentant de façon réaliste des lieux, des objets très éloignés du premier plan. || Personnages peints dans le lointain d'un tableau (→ Grouper, cit. 3). || Lointain indéterminé (→ 1. Feuillé, cit. 2). || Des lointains bleuâtres, estompés, fondus, fuyants. || Les lointains de Vinci, du Lorrain.
9 (…) les arbres y sont dessinés avec vigueur et découpent hardiment leur feuillage détaillé et troué sur un fond de ciel clair et sur un lointain vaporeux qui se perd à l'horizon.
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre…, Collection d'Espagnac.
10 Les couleurs sont plus délicates, les lointains plus pâles, tout plus irréel, non mort, mais léger et comme dématérialisé.
J. Green, Journal, 23 déc. 1963, Vers l'invisible, p. 383.
2 (1685). Cour. Plan situé dans l'éloignement.Dans le lointain, au lointain. Arrière-plan, fond, horizon (à l'horizon), loin (au loin). || Apercevoir dans le lointain (→ Azur, cit. 3). || Le regard s'étend dans le lointain (→ Esplanade, cit. 4). || Nuages qui passent dans le lointain. || Voir la côte s'estomper (cit. 6) dans le lointain. || « Là-bas, au lointain nous voyons le troupeau s'avancer » (Daudet). || « Une ville gothique (cit. 12) éteinte au lointain gris » (Verlaine).REM. Au lointain est critiqué par certains puristes. — Au plur. (Littér.). || Des lointains. || Lointains bleuâtres (→ Béer, cit. 5). || Les lointains de la campagne romaine (→ Heurter, cit. 35).
11 (…) le goût des points de vue et des lointains vient du penchant qu'ont la plupart des hommes à ne se plaire qu'où ils ne sont pas.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, IV, XI.
12 Voici, certes, le plus beau site que nous ayons vu, dit-elle. Je ne l'oublierai jamais. Voyez donc, Victor, quels lointains, quelle étendue et quelle variété.
Balzac, la Femme de trente ans, Pl., t. II, p. 725.
13 Les lointains étaient tellement estompés de vapeurs, et les franges de l'horizon tellement effilées sur le bord, qu'il n'était guère possible de savoir le point précis où commençait le ciel et où finissait la terre (…)
Th. Gautier, Mlle de Maupin, XI.
14 (…) la vive lumière les éblouissait, ils regardaient au ras de l'horizon plat des lointains crayeux des faubourgs (…)
Zola, l'Assommoir, VIII, t. II, p. 26.
15 (…) il nous semble toujours que nous devons entendre dans le lointain son bruit familier; mais non, c'est partout le silence.
Loti, Mon frère Yves, XLVI.
3 (Av. 1863). Littér. Lieu ou temps très éloigné. || Dans le lointain des âges : dans un passé très reculé.
16 (…) la notion et le confus désir des ailleurs : le trouble des inconnaissables lointains (…)
Loti, Ramuntcho, I, IV.
17 (…) Phèdre se lève, elle aussi, et introduit, avec les vers suivants, une indication toute nouvelle et inattendue, qui l'écarte de nous, la situe dans le passé et dans une sorte de lointain exotique, oriental, étrange.
Gide, Attendu que…, p. 190.
CONTR. Accessible, adjacent, approchant, avoisinant, environnant, proche, prochain, voisin. — Alentour. — Direct, frappant; frais, imminent, neuf, nouveau, récent.
DÉR. Lointainement.

Encyclopédie Universelle. 2012.