pitoyable [ pitwajabl ] adj.
• fin XVe; piteable 1240; de pitié
1 ♦ Vieilli Qui est enclin, accessible à la pitié. ⇒ humain. Fanny, « plus pitoyable que les hommes, n'ayant point encore le cœur et la peau durcis » (Zola).
2 ♦ Mod. Digne de pitié, qui inspire la pitié. ⇒ déplorable, malheureux, misérable, navrant. Une détresse pitoyable. « Il semble que son état, déjà si pitoyable, ne puisse qu'empirer » (A. Gide).
3 ♦ Qui inspire, mérite une pitié méprisante. ⇒ piteux ; lamentable, minable. Son attitude a été pitoyable.
⊗ CONTR. Cruel, impitoyable. Enviable. Excellent.
● pitoyable adjectif Qui excite la pitié : Être dans un état pitoyable. Qui est mauvais, sans valeur, sans mérite aucun ; minable : Écrire d'une manière pitoyable.
pitoyable
adj.
d1./d Digne de pitié. Sa situation est pitoyable.
d2./d Piteux, lamentable.
⇒PITOYABLE, adj.
A. —Vx. Qui a pitié, qui est enclin à éprouver ce sentiment. Anton. impitoyable. Âme, coeur pitoyable. Cette tendresse pitoyable des paysans pour les pauvres soldats emmenés en captivité (ZOLA, Débâcle, 1892, p.470). Ils disaient qu'ils avaient trouvé le roi Charles doux, gracieux, pitoyable et miséricordieux (A. FRANCE, J. d'Arc, t.1, 1908, p.507). Maintenant, il pouvait partir; il s'en irait en une gratitude infinie (...). Il l'avait vue douce, bonne, pitoyable, ce qu'elle était, enfin (MALÈGUE, Augustin, t.2, 1933, p.95):
• 1. Au lieu de se montrer terrible et dure envers les vaincus, comme en germinal et en prairial, la Convention cette fois fut très douce et pitoyable, elle ne fusilla que deux insurgés et ne déporta personne.
ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.378.
♦Pitoyable à. Être pitoyable à la souffrance de qqn. Elle devenait véritablement éloquente, maternelle aux misérables, pitoyable aux opprimés (HUYSMANS, À rebours, 1884, p.110).
— [P. méton.] Lieux pitoyables. ,,Les hôpitaux, maladreries, etc., où l'on exerce l'hospitalité, la charité`` (Ac. 1798-1878).
B. —Qui fait pitié, qui suscite la compassion. Pitoyable victime; air, détail, détresse, drame pitoyable; cris, plaies pitoyables. Une pauvre maigre femme, (...) —épuisée et pitoyable comme les femmes de la campagne, épuisées à quarante ans par une vie de bêtes de somme (GONCOURT, Journal, 1860, p.733). Lorsqu'elle vit ce petit corps pitoyable et touchant, tout son coeur se fondit (ROLLAND, J.-Chr., Amies, 1910, p.1205). Ce corps humain blanchâtre, étendu sous les Oliviers, ce gisant semblable à tous les autres, écrasé, pitoyable, suant le sang devant la mort (MALÈGUE, Augustin, t.1, 1933, p.122):
• 2. Il se plaignait surtout de cette jointure, où la douleur devint bientôt insupportable. Le bras étendu, il soupirait, en ne quittant pas des yeux sa main, une main pitoyable aux phalanges enflées de noeuds, au pouce dévié et comme cassé d'un coup de marteau.
ZOLA, Joie de vivre, 1884, p.939.
C. —Péj. Qui suscite la moquerie ou un mépris apitoyé. Synon. lamentable, minable, misérable. Auteur, écrivain, peintre, poète pitoyable; conduite, discours, raisonnement, style pitoyable. Il arrivait pitoyable au bureau, le teint boueux, la cravate lâche, le faux-col en accordéon (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 5e tabl., 1, p.163):
• 3. Elle aimait assez à entendre ces prédications de passage, et y trouvait parfois une diversion aux sermons assez pitoyables ou ridicules que venaient faire, aux grandes fêtes, les écoliers des Bernardins.
SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t.1, 1840, p.95.
— Loc. Il est pitoyable! Si ce n'est pas pitoyable! Il est, si ce n'est pas malheureux, lamentable. «Si ce n'est pas pitoyable!» fit le socialiste, en haussant de dégoût les épaules (FLAUB., Éduc. sent., t.1, 1869, p.177).
REM. 1. Pitoyer, verbe intrans., hapax. ,,Apitoyer, rendre pitoyable`` (RHEIMS 1969). Si tu savais ce que je souffre Dans ce misérable suspens, (...) Des cieux flambants de toutes joies Au gouffre plein d'ombre et de mal, Tu pitoierais —et tu pitoies? — (VERLAINE, Ds les limbes, 1894, p.110). 2. Pitoyeux, -euse, adj. Qui éprouve de la pitié. Ça me foutait en rebrousse des manières comme ça!... pitoyeuses... soucieuses... (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.294).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1re moit. XIIes. piteable «qui est enclin à la pitié, miséricordieux» (Psautier de Cambridge, éd. F. Michel, 85, 5); ca 1485 pitoyable (Mistère du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 37214); b) 1316 «fait, inspiré par la pitié» (JEHAN MAILLART, Comte d'Anjou, éd. M. Roques, 5143); c) XIIIes. piteauble «qui inspire de la pitié» (Ordin. Tancrei, ms. Salis, f° 43e ds GDF. Compl.); 2. 1680 pitoyable «mauvais en son genre, médiocre» (RICH.). Piteable, dér. de pitié; suff. -able; la forme pitoyable par assimilation à l'évolution de apitier en apitoyer. A évincé l'a. m. fr. pitable «doux, enclin à la pitié» (XIIIe-XIVes., v. GDF.), dér. de piteux. Fréq. abs. littér.:610. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 543, b) 690; XXes.: a) 1456, b) 884.
DÉR. Pitoyablement, adv. a) D'une manière propre à susciter la pitié. L'enfant, qui ne trouvait plus de lait, criait (...). Pitoyablement petit, le teint blême et brouillé, les yeux enflammés, sa mère le contemplait avec une sollicitude douloureuse (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p.74). b) Médiocrement. Échouer pitoyablement. Très troublé et sentant la sueur glacer mon front, je bredouillais pitoyablement une phrase (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p.319). — []. Att. ds Ac. dep. 1694. — 1res attest. 1262 piteiablement «d'une manière propre à inspirer la pitié» (JEAN LE MARCHANT, Miracles N. D. de Chartres, éd. P. Kunstmann, VII, 99), 1559 pitoyablement (AMYOT, Periclès ds Vies des Hommes illustres, éd. L. Clément, p.45); de pitoyable, suff. -ment2, a signifié également «pieusement» (XIIIe-XVIes., v. GDF.). — Fréq. abs. littér.: 27.
BBG. —BLONDHEIM (D. S.). Essai d'un vocab. compar. des parlers rom. des Juifs au Moy. Âge. Romania. 1923, t.49, p.387.
pitoyable [pitwajabl] adj.
ÉTYM. Fin XVe; piteable, v. 1120; de pitié.
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1 Littér. ou style soutenu. Qui est enclin à la pitié, accessible à la pitié. ⇒ Généreux, humain. → Aimer, cit. 4. — Par ext. || Un regard pitoyable, de pitié (→ Larme, cit. 23).
1 (…) La Caverne et sa fille, très pitoyables de leur naturel, s'affligèrent par complaisance ou par contagion et je crois même qu'elles en pleurèrent.
Scarron, le Roman comique, I, XII.
2 Elle (Fanny) n'était pas mauvaise fille, plus pitoyable que les hommes, n'ayant point encore le cœur et la peau durcis par la rude existence au grand air.
Zola, la Terre, I, II.
2.1 Enfin M. de Charlus était pitoyable, l'idée d'un vaincu lui faisait mal, il était toujours pour le faible, il ne lisait pas les chroniques judiciaires pour ne pas avoir à souffrir dans sa chair des angoisses du condamné et de l'impossibilité d'assassiner le juge, le bourreau, et la foule ravie de voir que « justice est faite ».
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 775.
3 J'étais pâle et malheureux de m'être vu fou, moi qui crains tant de le devenir. Laquedem, pitoyable, me consola (…)
Apollinaire, l'Hérésiarque…, p. 20.
2 (1538; piteauble, XIIIe). Cour. Digne de pitié. ⇒ Piteux (2.); déplorable, malheureux, misérable, pauvre. → Allégorie, cit. 2; écumant, cit. 3; foudroyer, cit. 16. || Une pitoyable cohorte (→ 1. Exode, cit. 3). || Condition, situation pitoyable, spectacle pitoyable. ⇒ Douloureux, funeste, malheureux, navrant, triste (→ Aveulir, cit. 1; empirer, cit. 6). || Blessés en pitoyable état (cit. 9).
4 Est-il possible qu'on laisse comme cela un pauvre malade tout seul (…) Voilà qui est pitoyable !
Molière, le Malade imaginaire, I, 1.
3 Iron. Qui inspire, mérite une pitié méprisante, de la dérision. ⇒ Piteux (3.); lamentable (par exagér.), mauvais, médiocre, méprisable, minable, 2. moche. || Auteur pitoyable, qui écrit d'une manière pitoyable, a un style pitoyable. || Livres pitoyables (→ Occulte, cit. 7). || Raisonnements pitoyables.
5 Quels pitoyables vers ! quel style languissant !
Boileau, Épîtres, X.
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CONTR. Cruel, impitoyable, inhumain, mauvais, piteux (vx). — Enviable, heureux. — Bon, excellent.
DÉR. Pitoyablement.
COMP. Impitoyable.
Encyclopédie Universelle. 2012.