reproche [ r(ə)prɔʃ ] n. m.
1 ♦ Blâme formulé à l'encontre de qqn, jugement défavorable sur un point particulier, pour inspirer la honte ou le regret, pour amender, corriger. ⇒ admonestation, objurgation, remontrance, réprimande, semonce. Paroles de reproche. ⇒ observation, remarque. Graves reproches. Reproches justifiés, mérités, fondés. Faire des reproches à qqn. ⇒ blâmer, réprimander. « Ces jours-là je me fais de grands reproches » (Duhamel)(cf. S'en vouloir). Faire reproche à qqn de son indifférence. « Il vint trouver votre père, l'accabla de reproches » (Musset). Faire à qqn le reproche de se dérober. — Par ext. Critique, objection, sans blâme moral. Le seul reproche que je ferais à cette cuisine, c'est... « Le plus mortel reproche que puisse encourir une jeune revue, c'est d'être pudibonde » (A. Gide). — Par ext. Attitude, expression qui laisse entendre qu'on porte un jugement défavorable sur qqch., que l'on blâme la personne à qui on s'adresse ainsi. Un ton, un air de reproche. « ses beaux yeux pleins de surprise, de tristesse et de reproche » (Montherlant).
♢ Loc. adj. SANS REPROCHE(S) : à qui on ne peut rien reprocher, qui n'a pas de torts. ⇒ parfait; irréprochable. « Ces créatures sans reproche et sans souillure » (Hugo). Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche. — Loc. adv. Soit dit sans reproche : sans prétendre faire de reproches. « Ces quatre cents écus en or que monsieur le marquis, soit dit sans reproche, avait oubliés dans les fontes de ses pistolets » (Vigny).
2 ♦ Fig. et littér. Événement, chose, personne qui constitue un reproche. Sa présence est un vivant reproche pour elle. « Mme de Staël se dresse comme un reproche entre moi et tous mes projets » (B. Constant).
3 ♦ Dr. Reproche de témoin : le fait de récuser, de rejeter le témoin (⇒ récusation; reprocher, 3o) .
⊗ CONTR. Compliment.
● reproche nom masculin Ce qu'on dit à quelqu'un pour lui exprimer son mécontentement, sa désapprobation sur son comportement : Vos reproches sont fondés. Mouvement, attitude de réprobation de celui qui reproche quelque chose à quelqu'un : Air de reproche. Critique faite sur quelque chose : Je n'ai aucun reproche à faire à cette voiture. ● reproche (citations) nom masculin François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Il y a des reproches qui louent et des louanges qui médisent. Maximes ● reproche (expressions) nom masculin Sans reproche, à qui l'on ne peut rien reprocher. ● reproche (synonymes) nom masculin Ce qu'on dit à quelqu'un pour lui exprimer son mécontentement...
Synonymes :
- critique
- désapprobation
- grief
- réprobation
Contraires :
- félicitation
reproche
n. m.
d1./d Blâme, remontrance adressés à qqn sur sa conduite. Il m'a fait des reproches amers.
— Sans reproche(s): à qui l'on ne peut rien reprocher, parfait.
d2./d DR Reproche d'un témoin, sa récusation.
⇒REPROCHE, subst. masc.
A. — 1. Parole, écrit ou mimique par lesquels on signifie à quelqu'un sa désapprobation ou son mécontentement à l'encontre de ce qu'il a fait ou dit. Synon. admonestation, remontrance. La réserve digne où elle s'enveloppait (...) dissimulait mal, pourtant, les reproches muets de son regard (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 403). Les clercs de sa chapelle se plaignirent seulement de sa dévotion excessive, de ses interminables stations à l'église après lesquelles ils trouvaient le repas froid, ou trop cuit. Dans la bouche des chapelains du duc le reproche était évidemment fort grave (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 47).
— En partic.
a) [Constr. avec différents compl. prép.]
♦ Reproche de qqn (désignant celui qui reproche). Tout reproche de ma mère, le moindre de ses froncements de sourcils, mettait en jeu ma sécurité: privée de son approbation, je ne me sentais plus le droit d'exister (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 42). Au fig. Un regret sourd qui serait assez voisin d'un reproche de conscience, j'allais dire d'un remords (AMIEL, Journal, 1866, p. 413).
♦ Reproche de qqc., de + inf. (désignant ce que l'on reproche). Nul ne vouloit laisser ternir sa gloire par le reproche honteux d'avoir fui ou quitté la croix (COTTIN, Mathilde, t. 1, 1805, p. 78). Pour les deux sous de satisfaction vaniteuse que lui procurera cette élection, quels reproches de manque de caractère ça lui vaudra-t-il un jour et quelle diminution de l'homme lui amènera ce petit grandissement! (GONCOURT, Journal, 1896, p. 960).
Rare. Reproche que + prop. Monsieur, lui dit Julien, croyez-vous qu'avec tout autre précepteur, vos enfants eussent fait les mêmes progrès qu'avec moi? (...) comment osez-vous m'adresser le reproche que je les néglige? (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 60).
♦ Reproche sur qqc., (plus rarement) au sujet de, à propos de qqc. (désignant ce qui motive le reproche). Toutes ses cajoleries, dont je n'étais pas tout-à-fait dupe, ne m'empêchèrent pas de lui adresser quelques reproches sur sa conduite (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 95). Non! non! je n'accepte aucun reproche au sujet de cette situation que je viens de perdre (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 31).
♦ Rare. Reproche contre qqn. Un reproche subsiste contre lui: c'est l'opiniâtreté avec laquelle il poursuit de ses invectives la cour romaine et les souverains pontifes (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 277).
b) [Combiné avec faire] Faire reproche à qqn de qqc., de + inf., de ce que + prop.; faire un, des reproches à qqn (de qqc., sur qqc., de ce que + prop.). Il s'oublia jusqu'à lui faire des reproches de ce qu'elle laissait son père seul beaucoup trop longtemps (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 262). Elle demanda: « Est-ce une scène? Avez-vous l'intention de me faire des reproches? (...) » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Bord du lit, 1883, p. 895). Au fig. Ma conscience ne me fait aucun reproche, protesta le curé de Mégère, avec un pauvre sourire. Vous ne pouvez d'ailleurs comprendre ce que je sens (BERNANOS, Crime, 1935, p. 792).
♦ Se faire un, des reproches (de qqc., sur qqc., de ce que + prop.). Se faire de grands reproches. Où est-il l'homme qui n'ait aucun reproche à se faire? Où est-il l'homme qui puisse regarder en arrière de sa vie sans éprouver un seul remords ou sans connaître aucun regret? (STAËL, Corinne, t. 2, 1807, p. 296). Il se faisait un reproche de sacrifier à de vaines considérations du monde quelques heures d'un plaisir qu'il supposait devoir être très-piquant (SOULIÉ, Mém. diable, t. 2, 1837, p. 319).
c) Loc. adv. [Empl. dans le dialogue, pour demander à l'interlocuteur de ne pas interpréter ou prendre comme un reproche ce qui est dit] Sans reproche; soit dit sans reproche. Je suis venu cinq fois à Besançon, sans reproche, pour te voir. Toujours visage de bois. J'ai aposté quelqu'un à la porte du séminaire; pourquoi diable est-ce que tu ne sors jamais? (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 178). Sans reproche, vous autres, vous ne m'avez jamais donné que du tourment (BERNANOS, Mouchette, 1937, p. 1314).
SYNT. Adresser un reproche à qqn; accabler qqn de reproches; s'exposer à un reproche; encourir un reproche; subir des reproches; être blessé par un reproche; parole, regard plein(e), chargé(e) de reproche(s); s'adresser à qqn, regarder qqn avec reproche; reproche amical, amer, dur, fondé, juste, mérité, sec, sévère, violent.
d) Loc. adj. Accent, paroles, regard, ton de reproche. [Pour exprimer une attitude, un geste, un acte qui est une manifestation de reproche] Elle ne put s'empêcher de murmurer: « Quel caractère! » sur un ton de déception et de reproche qu'elle-même en fut tout émue (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 260).
2. Critique portant sur tel aspect d'une œuvre d'art ou de l'esprit, d'une situation. Ils ont prétendu que la doctrine du philosophe allemand [Kant] n'étoit qu'un ancien système dans un langage nouveau. Ce reproche n'est pas fondé (STAËL, Allemagne, t. 4, 1810, p. 145):
• 1. Musicien accompli, savant plus qu'aucun autre, il [Saint-Saëns] a été (...) capable d'écrire (...) n'importe quel genre de musique. On en a conclu qu'il manquait de personnalité, comme on a dit aussi qu'il était sec et dur. La réponse à ces reproches est dans son œuvre, dans quelques scènes de Samson, dans le rôle de Catherine d'Henry VIII.
DUMESNIL, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 154.
— En partic.
a) Reproche de qqc. (désignant ce que l'on critique). Pour répondre au reproche de la non-conservation des bois exposés aux intempéries, on a préconisé de développer l'emploi de bois « préservés » par divers procédés (Industr. fr. bois, 1955, p. 7).
b) [Combiné avec faire] Je ne fais qu'un reproche à la prostitution, c'est que c'est un mythe (FLAUB., Corresp., 1853, p. 217). Personne n'attribue plus à la société une origine accidentelle ou contractuelle. S'il y avait un reproche à faire à la sociologie, ce serait plutôt d'appuyer trop dans l'autre sens (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 108).
B. — P. méton.
1. Objet, personne qui apparaît comme le signe d'une faute. Être un reproche vivant. Étais-je donc l'enfant du devoir, celui dont la naissance est fortuite, ou celui dont la vie est un reproche? (BALZAC, Lys, 1836, p. 5):
• 2. ... quand elles apercevaient venir de loin les acquéreurs des biens de leur famille (...) elles rentraient (...). C'était moins pour s'épargner à elles-mêmes un regret sur des biens dont elles avaient fait le sacrifice à Dieu, que par délicatesse, de peur que leur présence ne parût un reproche à ces parvenus.
RENAN, Souv. enf., 1883, p. 23.
2. Loc. adj. Sans reproche(s). Qui ne mérite aucun reproche. Synon. irréprochable, parfait. Des hommes graves (...) dont la vieillesse respectable couronne une vie sans reproche (MARAT, Pamphlets, Offrande à la Patrie, 1789, p. 13). Longue lettre d'un éditeur me démontrant qu'il n'a rien à se reprocher. Je le savais. Tous les éditeurs sont sans reproches. C'est un privilège qu'ils ont en commun avec les femmes et les domestiques (BLOY, Journal, 1898, p. 273).
♦ Loc. adj. Sans peur ni reproche.
C. — DR. (avant 1958). Reproche de témoin. ,,Moyen invoqué par une partie pour faire écarter du débat la déposition d'un témoin, en invoquant une cause déterminée par la loi`` (CAP. 1936). Synon. récusation. V. reprochable dér. 1 s.v. reprocher ex. de ROLAND-BOYER 1983.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1100 reproce « honte, opprobre » (Roland, éd. J. Bédier, 2263); 2. ca 1165 « action de reprocher quelque chose à quelqu'un » (BENOÎT DE STE-MAURE, Roman de Troie, 3657 ds T.-L.); 3. a) 1339 reproce « contestation (d'un compte) » (Tabul. S. Joan Laudun. ds DU CANGE, s.v. reprochare); b) 1402, juin « récusation en justice » (Compte de l'hôpital St-Jacques, Arch. Tournai ds GDF.); 1549 reproches « raisons qu'on produit pour récuser les témoins » (EST.); 4. fin XVe s. le chevalier sans reproche (OLIVIER DE LA MARCHE, éd. H. Beaune et J. D'Arbaumont, I, 90). Déverbal de reprocher. Fréq. abs. littér.:3 385. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 5 676, b) 3 921; XXe s.: a) 4 707, b) 4 615.
reproche [ʀ(ə)pʀɔʃ] n. m.
ÉTYM. V. 1160; « honte », 1080, Chanson de Roland; de reprocher. REM. Souvent fém. du XVe au XVIIe; encore chez B. Constant « d'amères reproches », Lettre du 11 mars 1788.
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1 Blâme formulé à l'encontre de quelqu'un; paroles ou écrits par lesquels on exprime un jugement défavorable sur un point particulier, pour inspirer la honte ou le regret (⇒ Blâme), pour amender, corriger (⇒ Admonestation, objurgation, remontrance, réprimande, semonce). || Paroles, discours, lettres de reproche (→ Mordant, cit. 4). || Reproches publics. || Reproches sévères, vifs, violents. || Les reproches les plus amers (→ Hurler, cit. 18). || Témoigner sa désapprobation, son mécontentement par des reproches. || Reproches affectueux. || Léger reproche. ⇒ Observation, remarque, représentation. || Reproches justifiés (→ Imitation, cit. 2), injustes. || Reproches d'une personne lésée. ⇒ Grief, plainte. || Suite de reproches graves. ⇒ Réquisitoire. || Reproches perpétuels. ⇒ Récrimination. — Faire des reproches à qqn. ⇒ Reprocher; fam. attraper, engueuler. — Le reproche d'immoralité. ⇒ Accusation. || Le juste reproche qu'il osait lui faire qu'elle prodiguait le bien d'autrui… (→ Dissipation, cit. 1). || Faire reproche à qqn de… || Accabler (cit. 18), assassiner (cit. 20) qqn de reproches (cf. Chanter pouilles). || Éclater, se répandre en reproches. || Litanie, avalanche, torrent… de reproches. — (Sans idée de blâme moral). || On a fait à cet écrivain le reproche de… ⇒ Critique, objection. — Encourir (→ 1. Encourir, cit. 4) un reproche, les reproches de qqn (⇒ 1. Foudre). || Recevoir, essuyer des reproches. ⇒ fam. Écoper. || Échapper à un reproche (→ Étaler, cit. 41). || Répondre aux reproches (→ Éclairer, cit. 13). || Se justifier (cit. 20) d'un reproche. — Allus. littér. || « Il y a des reproches qui louent… » (→ Louange, cit. 4, La Rochefoucauld).
1 En reproches honteux j'éclate contre vous.
Racine, Alexandre, IV, 2.
2 Orsini revint à cette époque. Il vint trouver votre père, l'accabla de reproches, l'accusa d'avoir trahi sa confiance (…)
A. de Musset, les Caprices de Marianne, I, 12.
3 Le reproche d'immoralité, en matière de science, ne prouve absolument rien.
Zola, Thérèse Raquin, Préface 2e éd.
♦ Par ext. || Un ton, un air, une expression de reproche.
4 Il la vit lever vers lui ses beaux yeux pleins de surprise, de tristesse et de reproche, comme une chienne regarde sa brute de maître qui vient de la frapper sans raison.
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 47.
♦ (Reproche fait à soi-même). || Se faire de grands reproches (→ Exigeant, cit. 5). ⇒ Reprocher (se). || Reproches de la conscience. ⇒ Remords. || « Vous ne sentiez au cœur ni remords ni reproche » (→ Agitation, cit. 7).
♦ ☑ (1527). Sans reproche ou sans reproches : à qui on ne peut adresser de reproches, qui n'a pas de torts. ⇒ Parfait; irréprochable. || Une vie sans reproches (→ Couronner, cit. 12). || Créatures sans reproche (→ Expiation, cit. 7). || Le chevalier sans peur et sans reproche : surnom de Bayard. — ☑ Loc. adv. (1597). Sans prétendre faire de reproches. Soit dit sans reproche (→ 2. Fonte, cit. 1).
5 Bientôt la grande figure du marquis apparut. Il regarda le sang de ses enfants, se tourna vers les spectateurs muets et immobiles, étendit les mains vers Juanito, et dit d'une voix forte : « Espagnols, je donne à mon fils ma bénédiction paternelle ! Maintenant, marquis, frappe sans peur, tu es sans reproche. »
Balzac, El Verdugo, Pl., t. IX, p. 875.
2 Littér. Événement, chose qui constitue un reproche. || Être un vivant reproche pour quelqu'un.
6 (…) je m'en repentirai, mais Mme de Staël se dresse comme un reproche entre moi et tous mes projets.
B. Constant, Journal intime, Fin juin 1805.
7 (…) elles rentraient et allaient prier à la chapelle afin de ne pas les rencontrer. C'était moins pour s'épargner à elles-mêmes un regret sur des biens dont elles avaient fait le sacrifice à Dieu, que par délicatesse, de peur que leur présence ne parût un reproche à ces parvenus.
Renan, Souvenirs d'enfance…, I, Œ. compl., t. II, p. 735.
8 (…) au moins suis-je d'une race où il n'y a point de reproche (…)
Molière, George Dandin, II, 2.
4 (1549). Dr. || Reproche de témoin : le fait de reprocher (2.) le témoin.
9 Nous en avons pourtant (des témoins), et qui sont sans reproche.
Racine, les Plaideurs, III, 3.
10 Madame Goëzman, sommée ensuite d'articuler ses reproches, si elle en avait à fournir contre moi, répondit : « Écrivez que je reproche et récuse monsieur, parce qu'il est mon ennemi capital, et parce qu'il a une âme atroce connue pour telle dans tout Paris, etc. ».
Beaumarchais, Mémoires… dans l'affaire Goëzman, p. 60.
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CONTR. Compliment, excuse, félicitation.
Encyclopédie Universelle. 2012.