1. critique [ kritik ] adj.
• cretique 1372; bas lat. criticus, gr. kritikos, de krinein « juger comme décisif »; cf. crise
1 ♦ Méd. Qui a rapport à une crise; qui décide de l'issue d'une maladie. — Jour, phase critique. La période critique de l'épidémie est maintenant passée. Le malade est dans un état critique.
♢ Vieilli L'âge critique, celui de la ménopause.
2 ♦ (1762) Qui décide du sort de qqn; qui amène un changement important. ⇒ décisif; crucial. Se trouver dans une situation critique. ⇒ dangereux, difficile, grave. Le moment, l'heure est critique.
3 ♦ Sc. Qui caractérise le seuil extrême d'une discontinuité physique. Point critique : état limite entre l'état liquide et l'état gazeux. Pression, température, volume critique. Masse critique : masse minimale de matière fissile nécessaire à une réaction nucléaire en chaîne. — Par ext. Qui correspond à un seuil. Point critique d'une maladie. Chemin critique.
critique 2. critique [ kritik ] n. et adj.
• 1580; lat. criticus → 1. critique
I ♦ N. f. Examen d'un principe, d'un fait, en vue de porter sur lui un jugement d'appréciation, d'un point de vue esthétique ou philosophique.
A ♦ Jugement esthétique.
1 ♦ Art de juger les ouvrages de l'esprit, les œuvres littéraires, artistiques. Critique et histoire littéraires. Critique dramatique, artistique, musicale, cinématographique. « La critique est aisée, et l'art est difficile » (Destouches). « Par lui, et par lui seul [Sainte-Beuve], la critique est devenue la dixième Muse » (Thibaudet).
2 ♦ Jugement porté sur un ouvrage de l'esprit, sur une œuvre d'art. ⇒ analyse, appréciation, examen, jugement. Critique favorable. Faire la critique d'une pièce de théâtre, d'un roman, d'un ouvrage scientifique (cf. Compte rendu).
♢ Article de presse portant un jugement sur une œuvre d'art. Son livre a eu de bonnes, de mauvaises critiques. — Collect. Film qui a eu une bonne critique. ⇒ presse.
3 ♦ L'ensemble de ceux qui font la critique, des critiques (II). La critique a bien accueilli son livre.
B ♦ Jugement intellectuel, moral; examen de la valeur de qqch. ou qqn. Critique de la connaissance, de la vérité. La « Critique de la raison pure », ouvrage de Kant (⇒ criticisme) . Exercer une critique sévère sur soi-même. ⇒ autocritique. Critique d'un texte, quant à son contenu (critique interne), à son origine (externe). Critique historique. — Faire la critique de qqch.
C ♦
1 ♦ Action de critiquer; tendance de l'esprit à émettre des jugements sévères, défavorables. ⇒ attaque, blâme, censure, condamnation, reproche. Prêter le flanc, donner prise à la critique (⇒ critiquable) . Faire la critique de (⇒ procès) . « L'expérience de la louange et de la critique, du doux et de l'amer » (Valéry).
2 ♦ Jugement défavorable (cf. Remise en question). Une critique sévère, violente. ⇒ diatribe, éreintement, vitupération. Critique spirituelle. ⇒ épigramme, raillerie, satire. Ne pas admettre, ne pas supporter les critiques. Critiques justes, fondées. Faire, formuler des critiques.
II ♦ N. (1637) Personne qui juge des ouvrages de l'esprit, des œuvres d'art. ⇒ commentateur. Critique littéraire, critique d'art. Elle est critique de cinéma. Critique éclairé. Critique sévère (⇒ censeur) . « Le bon critique est celui qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d'œuvre » (France). « Ce ne sont pas les critiques qui font les livres » (Bernanos).
III ♦ Adj. (1667)
1 ♦ Qui décide de la valeur, des qualités et des défauts des ouvrages de l'esprit, des œuvres d'art. Considérations, jugements critiques.
2 ♦ Qui examine la valeur logique d'une assertion, l'authenticité d'un texte. Annotations, notes critiques. Étude, bibliographie critique. Édition critique, établie soigneusement après critique des textes originaux, et consignant les variantes. Appareil, apparat critique.
♢ ESPRIT CRITIQUE, qui n'accepte aucune assertion sans s'interroger d'abord sur sa valeur (cf. Doute méthodique, libre examen). L'esprit critique d'un historien, d'un sociologue. Manquer d'esprit critique. « Un esprit critique vaut par l'action qu'il exerce » (Maurras).
♢ Loc. adv. D'UN ŒIL CRITIQUE. ⇒ curieux, observateur, soupçonneux.
3 ♦ Qui critique (2o), est porté à critiquer. ⇒ négatif. Il s'est montré très critique. Être critique à l'égard de qqn, envers qqn. Esprit critique : esprit prompt à critiquer. « Un esprit critique destructeur, cruel, agressif » (Chardonne).
⊗ CONTR. Crédulité, croyance, foi, naïveté. Admiration, apologie, approbation, compliment, éloge, flatterie, louange. — Admirateur. — Crédule, naïf. Admiratif, complimenteur, élogieux, flatteur, laudatif. Constructif, 1. positif (esprit).
● critique adjectif (bas latin criticus, du grec kritikos) Qui expose à un grave danger ; dangereux : La situation est critique. Qui présente les caractères d'une crise. Où le risque de bouleversements est présent, où une décision s'impose pour éviter des conséquences fâcheuses ; crucial : Seuil critique. Nucléaire Se dit d'un milieu ou d'un système siège d'une réaction nucléaire de fission en chaîne et tel que, dans un temps donné, le nombre de neutrons produits est égal au nombre des neutrons qui disparaissent. Philosophie Selon Saint-Simon et Proudhon, se dit d'une période au cours de laquelle se produit une transformation sociale et économique (par opposition à une période organique, bornée par deux périodes critiques). Relatif à la démarche philosophique pratiquée en particulier par Kant et Marx. Physique Se dit des grandeurs (masse, température, pression, etc.) pour lesquelles se produit un changement dans les propriétés d'un corps, dans l'allure d'un phénomène. ● critique (expressions) adjectif (bas latin criticus, du grec kritikos) Âge critique, période de profondes modifications physiologiques, auxquelles viennent s'associer des modifications du comportement. Taille critique, taille d'une unité de production permettant de minimiser l'ensemble des coûts et d'optimiser l'efficacité de l'entreprise ; seuils que l'entreprise doit franchir pour être présente sur un marché et affronter ses concurrents Masse critique, masse de matière fissile contenue dans un assemblage de matériaux ayant la taille critique. Taille critique, dimension minimale d'un assemblage de matériaux, par exemple le cœur d'un réacteur nucléaire, permettant de le rendre critique pour une composition et une disposition géométrique déterminées. Amortissement critique, amortissement correspondant à la limite entre un régime oscillatoire amorti et le régime apériodique. Température critique, température au-dessous de laquelle un matériau devient supraconducteur. Point critique, état d'un système dans lequel toutes les propriétés de deux de ses phases deviennent identiques. (Exemple : transition liquide-gaz.) Température critique, température d'un point critique. ● critique (synonymes) adjectif (bas latin criticus, du grec kritikos) Qui expose à un grave danger ; dangereux
Synonymes :
- délicat
Où le risque de bouleversements est présent, où une décision...
Synonymes :
- crucial
- décisif
- grave
● critique
adjectif
(de critique)
Qui a pour objet de discerner les qualités et les défauts d'une œuvre, la valeur, l'exactitude ou l'authenticité d'un texte, d'une déclaration, d'un fait, etc. : Méthode critique.
Qui émet des jugements sévères, négatifs : Se montrer très critique à l'égard de la politique gouvernementale.
● critique
nom féminin
(grec kritikê technê, art de juger, de krinein, juger)
Art de juger les œuvres littéraires ou artistiques : Critique théâtrale.
Jugement porté sur une œuvre littéraire ou artistique : Sa critique est partiale.
Examen détaillé visant à établir la vérité, l'authenticité de quelque chose : Critique historique.
Action de critiquer quelqu'un, quelque chose ; jugement hostile, défavorable : La critique est facile.
Philosophie
Selon Kant, science du pouvoir de la connaissance rationnelle et de ses limites.
Selon Marx, élément de la pensée révolutionnaire, qui doit permettre, par la dialectique, de transformer le monde.
● critique
nom
(de critique)
Personne qui étudie les œuvres littéraires ou artistiques, pour les expliquer et les apprécier : Critique littéraire, musical. Critique d'art.
● critique (citations)
adjectif
(de critique)
Louis Pasteur
Dole 1822-Villeneuve-l'Étang, Marnes-la-Coquette, 1895
Ayez le culte de l'esprit critique.
Discours d'inauguration de l'Institut Pasteur, 14 novembre 1888
● critique (expressions)
adjectif
(de critique)
Édition critique, édition établie après collation des textes originaux.
Esprit critique, esprit de libre examen qui n'accepte aucune affirmation sans s'interroger sur sa valeur ; tendance à relever tous les défauts d'une œuvre, d'une personne ; promptitude à critiquer ; personne qui fait preuve de cette disposition d'esprit.
Regard critique, manière d'appréhender quelque chose en exerçant son esprit critique.
Sens critique, faculté de juger de la valeur de quelque chose après l'avoir soumis à un examen préalable.
● critique (citations)
nom féminin
(grec kritikê technê, art de juger, de krinein, juger)
Louis Aragon
Paris 1897-Paris 1982
La critique devrait, en matière de littérature, être une sorte de pédagogie de l'enthousiasme.
J'abats mon jeu
Éditeurs français réunis
Louis Aragon
Paris 1897-Paris 1982
La critique, c'est le bagne à perpétuité.
Traité du style
Gallimard
Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux
Paris 1636-Paris 1711
L'Académie en corps a beau le censurer,
Le public révolté s'obstine à l'admirer.
Satires
Philippe Néricault, dit Destouches
Tours 1680-Villiers-en-Bière 1754
Académie française, 1723
La critique est aisée, et l'art est difficile.
Le Glorieux, II, 5, Philinte
Gustave Flaubert
Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880
Académie française, 1880
La Critique est la dixième Muse et la Beauté la quatrième Grâce.
Carnets
Gustave Flaubert
Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880
Académie française, 1880
On fait de la critique quand on ne peut pas faire de l'art, de même qu'on se met mouchard quand on ne peut pas être soldat.
Correspondance, à Louise Colet, 1846
Jean de La Bruyère
Paris 1645-Versailles 1696
Le plaisir de la critique nous ôte celui d'être vivement touchés de très belles choses.
Les Caractères, Des ouvrages de l'esprit
Jean François Delharpe ou Delaharpe, dit de La Harpe
Paris 1739-Paris 1803
Académie française, 1776
En France, le premier jour est pour l'engouement, le second pour la critique et le troisième pour l'indifférence.
Mélanges
Jules Lemaitre
Vennecy, Loiret, 1853-Tavers, Loiret, 1914
Académie française, 1895
La critique n'est que l'art de jouir des livres.
Texte autographe reproduit dans l'Anthologie des poètes français contemporains de G. Walch
Delagrave
Gaston, duc de Lévis
Paris, 1764-Paris 1830
Académie française, 1816
La critique est un impôt que l'envie perçoit sur le mérite.
Maximes et réflexions sur divers sujets
Henri Thomas
Anglemont, Vosges, 1912-Paris 1993
Est en dessous du sujet toute critique qui ne participe pas de la poésie même.
La Chasse aux trésors
Gallimard
Paul Valéry
Sète 1871-Paris 1945
Classique est l'écrivain qui porte une critique de soi-même, et qui l'associe intimement à ses travaux.
Variété, Situation de Baudelaire
Gallimard
Aldous Huxley
Godalming, Surrey, 1894-Los Angeles 1963
Parodies et caricatures sont les plus pénétrantes des critiques.
Parodies and caricatures are the most penetrating of criticisms.
Point Counter Point, 28
Friedrich Nietzsche
Röcken, près de Lützen, 1844-Weimar 1900
Ce que nous faisons n'est jamais compris, et n'est toujours accueilli que par les louanges ou la critique.
Was wir tun, wird nie verstanden, sondern immer nur gelobt und getadelt.
Le Gai Savoir
● critique (expressions)
nom féminin
(grec kritikê technê, art de juger, de krinein, juger)
La critique, l'ensemble de ceux qui, dans les médias, portent des jugements sur les œuvres.
Critique verbale, examen auquel un philologue doit soumettre, dans les textes qu'il est en train d'établir, les termes dont il suspecte la forme et/ou le sens et qui appellent une correction.
● critique (synonymes)
nom féminin
(grec kritikê technê, art de juger, de krinein, juger)
Examen détaillé visant à établir la vérité, l'authenticité de quelque chose
Synonymes :
- analyse
- jugement
Action de critiquer quelqu'un, quelque chose ; jugement hostile, défavorable
Synonymes :
- attaque
Contraires :
- louange
● critique (citations)
nom
(de critique)
Charles Baudelaire
Paris 1821-Paris 1867
Tous les grands poètes deviennent naturellement, fatalement, critiques.
L'Art romantique
André Billy
Saint-Quentin 1882-Fontainebleau 1971
Il y a malheureusement pour un critique autant de chances d'errer en étant imprudent qu'en étant prudent.
Propos du samedi
Mercure de France
Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux
Paris 1636-Paris 1711
Soyez-vous à vous-même un sévère critique.
L'Art poétique
abbé Charles Cotin
Paris 1604-Paris 1682
Académie française, 1655
Ces gens-là n'auraient rien à dire
Si les autres n'avaient rien dit.
Les Pédants
Anatole François Thibault, dit Anatole France
Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924
Académie française, 1896
Le bon critique est celui qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d'œuvre.
La Vie littéraire
Calmann-Lévy
Remy de Gourmont
Bazoches-au-Houlme, Orne, 1858-Paris 1915
Soyez humains : si vous avez un fils qui ne sait pas distinguer les couleurs, faites-en plutôt un critique d'art qu'un mécanicien de chemin de fer.
Des pas sur le sable
Société littéraire de France
Eugène Ionesco
Slatina 1912-Paris 1994
Plutôt que le maître d'école, le critique doit être l'élève de l'œuvre.
Notes et Contre-notes
Gallimard
Jean Paulhan
Nîmes 1884-Neuilly-sur-Seine 1968
Académie française, 1963
Un critique ne doit jamais hésiter à se rendre ridicule.
Le Bonheur dans l'esclavage
Pauvert
Erik Satie
Honfleur 1866-Paris 1925
Il y a trois sortes de critiques : ceux qui ont de l'importance ; ceux qui en ont moins ; ceux qui n'en ont pas du tout. Les deux dernières sortes n'existent pas : tous les critiques ont de l'importance.
Éloge des critiques
Christian N. Bovee
1820-1904
Il n'y a probablement pas d'enfer pour les auteurs dans l'autre monde — ils ont trop à souffrir des critiques et des éditeurs dans celui-ci.
There is probably no hell for authors in the next world — they suffer so much from critics and publishers in this.
Authors
Benjamin Disraeli, comte de Beaconsfield
Londres 1804-Londres 1881
Vous savez qui sont les critiques ? Les hommes qui ont échoué en littérature et en art.
You know who the critics are ? The men who have failed in literature and art.
Lothair, 35
James Russell Lowell
Cambridge, Massachusetts, 1819-Elmwood, Massachusetts, 1891
Un sage scepticisme est le premier attribut d'un bon critique.
A wise scepticism is the first attribute of a good critic.
Among My Books, Shakespeare, once more
critique
adj. et n.
aA./a adj.
rI./r
d1./d MED Qui annonce ou accompagne une crise; qui décide de l'évolution d'une maladie. Phase critique.
|| Spécial. âge critique: ménopause.
d2./d Qui détermine un changement en bien ou en mal (en parlant d'une situation, d'une période, d'un état). Instant critique.
|| Par ext. être dans une situation critique, difficile, pénible, dangereuse.
d3./d PHYS Température critique, au-dessus de laquelle on ne peut pas liquéfier un gaz par compression.
|| PHYS NUCL Masse critique.
rII./r
d1./d Qui s'applique à discerner les qualités et les défauts d'une oeuvre, d'une production de l'esprit d'une personne. Compte rendu critique d'une pièce de théâtre. Présentation, exposé critique d'une thèse. Porter un regard critique sur qqn.
d2./d Qui cherche à établir la vérité, la justesse d'une proposition, d'un fait. L'examen critique d'une doctrine.
|| édition critique, établie après examen et comparaison des divers manuscrits ou éditions antérieures.
|| Esprit critique, qui ne tient pour vraie une proposition qu'après l'avoir établie ou démontrée, et après avoir examiné toutes les objections susceptibles de lui être opposées. Manquer d'esprit critique.
d3./d Qui porte un jugement sévère. Juger qqn en termes très critiques.
aB./a n.
rI./r n. f.
d1./d Art de juger les oeuvres littéraires et artistiques. "La critique est aisée, et l'art est difficile" (Destouches). La critique littéraire.
d2./d Jugement porté sur une oeuvre littéraire ou artistique; ensemble de ces jugements. Lire les critiques avant d'aller voir un film.
d3./d Ensemble des critiques (sens B, II). La critique a éreinté la pièce qu'il vient de monter.
d4./d Analyse rigoureuse (d'une oeuvre, d'une production de l'esprit, d'une personne). "La Critique de la raison pure", ouvrage de Kant. Critique dogmatique, historique, thématique du roman. Soumettre sa conduite à une critique vigilante.
d5./d Désapprobation, jugement négatif, sévère. Accabler qqn de critiques.
rII./r n. (Rare au fém.) Personne qui juge des oeuvres littéraires et artistiques. Critique littéraire, critique d'art.
I.
⇒CRITIQUE1, adj.
A.— Domaine des phénomènes physiol. ou naturels
1. MÉD. Caractéristique d'une crise (cf. ce mot I A), marqué par une crise. Diarrhée, sueurs critique(s); accès critiques (cf. accès2 ex. 2). Les premiers jours de la convalescence sont marqués par une période critique (Nicolle, Conseil ds Nouv. Traité Méd., fasc. 2, 1928, p. 517) :
• 1. ...il n'en est pas de même des dépôts et des abcès critiques, qui surviennent dans les maladies aiguës. Ceux-ci demandent à être ouverts plutôt et sans attendre leur parfaite maturité, de crainte qu'il ne se fasse une métastase de la matière qui a produit ces dépôts, et qui pourroit se porter sur quelque partie intérieure essentielle à la vie.
GEOFFROY, Manuel de méd. pratique, 1800, p. 256.
♦ Phase critique. ,,Celle où se dessine la crise et donc l'évolution (...) de la maladie`` (Lar. méd. t. 1 1971). Jours critiques. ,,Ceux au cours desquels se dessine l'évolution [de la maladie] dans un sens ou dans un autre`` (Lar. méd. t. 1 1971).
— P. ext. [Ne s'agissant plus de maladie] Âge critique. Période de la vie marquée par certains phénomènes qui annoncent la vieillesse, et en partic., chez la femme, arrêt de la menstruation. Synon. ménopause. Pour cette dernière période [la ménopause], on parle souvent d'âge critique mais cette expression nous paraît malheureuse parce qu'elle risque d'accentuer chez certaines personnes une anxiété néfaste (BASTIN 1970, s.v. climatère). Jours critiques. ,,Jours durant lesquels une femme a ses règles`` (Ac. 1835-1932).
2. P. anal., PHYS., CHIM., etc. Relatif à un seuil au-delà duquel se produit un changement. Pression, vitesse critique. Voltages critiques (FRIEDEL, Cristallogr., 1926, p. 315). Le recuit et la trempe du verre sont basés sur la connaissance exacte de la température correspondant à la viscosité critique et l'état vitreux (...) n'existe qu'au-dessous de cette température (C. DUVAL, Verre, 1966, p. 19).
♦ Température critique. ,,Température au-dessus de laquelle un gaz ne peut être liquéfié`` (LAITIER 1969).
— Spéc., PHYS. NUCL. Masse critique. ,,Masse minimum de combustible nucléaire qu'il faut placer dans une pile atomique pour qu'elle puisse atteindre l'état critique c'est-à-dire la production d'une réaction en chaîne`` (Sc. 1962) :
• 2. Toute sphère d'uranium 235 de masse inférieure à la masse critique est un morceau de métal inoffensif; toute sphère de masse plus grande devient instantanément le siège d'une explosion terrifiante.
GOLDSCHMIDT, L'Aventure atomique, 1962, p. 31.
B.— Domaine des faits, des éléments de situation de la vie hum.
1. Qui implique des suites de grande importance, dans un sens favorable ou défavorable. Date, heure, jour, moment critique. Synon. crucial, décisif. Le passage critique et le point décisif dans l'action (BLONDEL, Action, 1893, p. 162). Elle fut triplement critique [l'affaire Dreyfus] (PÉGUY, Notre jeun., 1910, p. 54). Âge critique où bien souvent se décide le sort de la liberté et de la personnalité de la pensée (VALÉRY, Variété V, 1944, p. 212) :
• 3. ... 1828 et 1818 furent les deux instants critiques de la Restauration (...). J'entends critiques dans le sens favorable : on semblait en voie d'une bonne solution.
SAINTE-BEUVE, Chateaubriand et son groupe littér. sous l'Empire, t. 2, 1860, p. 413.
2. En partic. Qui comporte un danger, des risques. Circonstances, époque, situation, temps critique(s). Synon. alarmant, dangereux, sérieux. Ce qui rend ses fonctions si critiques et si pénibles (MARMONTEL, Essai sur rom., 1799, p. 353). L'état critique de mon fils (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 407). Les eaux étant redevenues assez calmes, la position des naufragés était plus gênante que critique (TOULET, Mar. Don Quichotte, 1902, p. 145) :
• 4. Le bruit courait que notre fusil n'était plus à hauteur des circonstances, et qu'un certain nombre d'armes portatives étaient en mauvais état (...). Des articles des généraux Bonnal et Langlois s'étaient faits l'écho de ces inquiétudes. La vérité était moins critique.
JOFFRE, Mémoires, t. 1, 1931, p. 47.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1372 méd. jour cretique (J. Corbichon ds DELB. Rec. d'apr. DG); 2. 1762 « qui décide du sort de quelqu'un ou de quelque chose, qui amène un changement » (J.-J. ROUSSEAU, Émile, IV ds LITTRÉ); 3. 1888 phys. (Lar. 19e Suppl.). Empr. au lat. tardif criticus (cont. méd.) souvent employé en relation avec dies, empr. au gr. (Galien); cf. gr. (HIPPOCRATE, Aphorismes ds LIDDELL-SCOTT). Bbg. RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 389.
II.
⇒CRITIQUE2, adj.
A.— [En parlant d'une pers.] Qui a le don, le pouvoir de juger un être, une chose à sa juste valeur, de discerner ses mérites et défauts. Lecteur, spectateur critique :
• 1. Le soliste se trouve dans l'obligation, tout en suivant son inspiration, et même son émotion musicale, de se dédoubler, et de transformer une partie de lui-même en un auditeur critique, qui l'avertira constamment s'il est dans le juste milieu entre ce qu'il ressent et ce que le spectateur perçoit de ses propres sensations.
LALLEMENT, La Dynamique des instruments à archet, 1925, p. 223.
— P. méton. Œil, regard critique. Faculté de juger un être, une chose à sa juste valeur en faisant preuve d'objectivité. Pas mal! dit-il en examinant son travail d'un œil critique (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 13).
— En partic. Dont le discernement s'accompagne de doute quant au bien-fondé des valeurs absolues, des règles, des conventions. (Quasi-) synon. frondeur, négateur, sceptique. On ne peut songer à obtenir d'une race vive et critique cette discipline formelle, cette tenue toute rigoureuse (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 57) :
• 2. Le doute est le complice de la tyrannie. « Si un peuple ne veut pas croire, il faut qu'il serve », disait Tocqueville. — Toute liberté implique une dépendance et a ses conditions. C'est ce qu'oublient les esprits frondeurs, critiques, négatifs.
AMIEL, Journal, 1866, p. 541.
— P. ext. [En parlant d'une faculté intellectuelle, d'un sentiment] Il y avait dans son esprit un certain sens artiste, et dans sa gaieté un tour d'observation critique (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 448). Le moment où Madame Laetitia laisse tomber sur l'Empereur les claires sentences, la tendresse critique d'une mère (COLETTE, Jumelle, 1938, p. 40).
♦ Esprit critique. Esprit qui n'accepte aucune assertion sans contrôler la valeur de son contenu et son origine. La crédulité est un signe d'extraction : elle est peuple par essence. Le scepticisme, l'esprit critique est l'aristocratie de l'intelligence (GONCOURT, Journal, 1861, p. 963). L'esprit pénétrant et critique, qui savoure à loisir le charme de manier son instrument exact et sûr (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 16).
♦ Sens critique. Faculté de ne pas admettre sans contrôle, soit la réalité d'un fait, d'un phénomène, d'une idée, d'une opinion, soit la valeur, la portée d'une réalisation. Je n'écris que le matin parce que c'est le moment où le sens critique est chez moi le plus en éveil. Le soir, c'est l'heure du lyrisme (GREEN, Journal, 1946, p. 314).
♦ Intelligence critique. Même sens. Durant ce temps où il [Proust] avait renoncé à son dessein, qu'il parlât de Balzac ou de Sainte-Beuve, tout le ramenait à cette vue de ce qui dans l'œuvre ne relève pas de l'intelligence critique (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 108).
B.— [En parlant d'activités d'ordre intellectuel] Qui implique l'examen objectif, raisonné auquel on soumet quelqu'un ou quelque chose en vue de discerner ses mérites et défauts, ses qualités et imperfections.
1. [En parlant des facultés de jugement et de discernement d'une pers. dans un domaine intellectuel, littér. ou sc.] Attitude, jugement, opinion critique. Dans le premier « Faust », cette forme existe pure et belle, la pensée critique en peut suivre tous les contours (NERVAL, Faust, 1840, introd., p. 10) :
• 3. ... pour apprécier le style en vers de Molière, Boileau sut se mettre au-dessus de sa propre pratique, et c'est en cela qu'il fit preuve d'un goût critique excellent.
SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 234.
— P. méton. [En parlant d'une pers. versée dans un domaine intellectuel] Historien sérieux et solidement critique (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. XCVI).
2. [En parlant d'une activité sc., littér., et etc.] Qui implique une méthode d'examen mettant en jeu des critères variables selon les domaines, d'après lesquels il est possible de discerner les parts respectives des mérites et défauts d'une entreprise, d'une œuvre, d'un système de pensée. Analyse, démarche, exégèse, méthode, philosophie, réflexion critique. Un examen critique de ma doctrine historique (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1856, p. 264). Je voudrais (...) entreprendre un exposé méthodique et critique de ce que j'entends par médecine expérimentale (C. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 93).
— P. méton. [En parlant d'une production résultant de cette méthode] Essai critique. Il n'y a pas de travail plus urgent qu'un catalogue critique des manuscrits des diverses bibliothèques (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 217).
Rem. En ce sens, critique peut entrer comme élément dans un adj. composé : un aperçu historico-critique.
— En partic. Édition critique. Édition qui restitue la teneur d'un texte (éventuellement ses états successifs; cf. apparat2 critique) et qui comporte un commentaire explicatif. C'est en 1862 que cet éditeur plein d'amour donna sa première édition critique des poésies d'André Chénier (A. FRANCE, Vie littér., 1888, p. 305).
— P. ext.
a) [En parlant d'une production littér.] Qui relève du genre littéraire de la critique (cf. critique3 B 3 p. ext. a) représenté par les examens raisonnés des ouvrages de l'esprit. Dans le « Traité du sublime » lui-même, c'est-à-dire dans la meilleure œuvre critique de l'antiquité (RENAN, Avenir sc., 1890 p. 144). Dans l'appendice critique de « Clarissa » (volume V, p. 524), Richardson considère le peu de rôle que joue, dans la poésie dramatique, la préoccupation de la vie future (GIDE, Journal, 1931, p. 1036).
b) [En parlant d'une production de la presse écrite ou parlée] Qui rend compte, en la soumettant à un examen raisonné, de l'actualité, littéraire ou artistique. Un article critique annonçant un livre sensationnel (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 520).
C.— [En parlant du comportement d'une pers.] Qui manifeste un jugement défavorable sur les défauts de quelqu'un, les imperfections de quelque chose; qui manifeste une tendance à privilégier de tels jugements. Humeur, esprit critique (Ac. 1835-1932). Une foule considérable d'agents, qui prenaient sur place, à notre égard, une attitude hostile, ou tout au moins critique (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 524).
— En partic., domaine littér. ou artistique. Qui concerne le relevé des défauts et des imperfections d'une œuvre :
• 4. ...après m'avoir fait des éloges de mes deux peintures, il [Chenavard] est arrivé à la partie critique et une nuance de malaise s'est fait jour.
DELACROIX, Journal, 1855, p. 321.
Rem. On rencontre ds la docum. les dér. a) Critiquement, adv. D'une manière critique, avec critique. Penser critiquement (cf. RENAN, Souv. enfance, 1883, p. 389). [Elle] commença d'examiner critiquement, c'est-à-dire de mettre en doute, les directives de ma vie (GIDE, Robert, 1930, p. 1325). Mentionné par LITTRÉ, Lar. 19e Suppl. 1878-Lar. encyclop., GUÉRIN 1892. b) Criticule, subst. masc., rare et péj. Méchant critique de parti pris, sans compétence. Soufflant la technique de l'éreintement à deux ou trois criticules qui venaient prendre là le mauvais air de l'art (GONCOURT, M. Salomon, 1867, p. 160). Criticules de « La Plume » et des similaires périodiques (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1891, p. 162).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Cf. critique3.
STAT. — Critique1 et 2. Fréq. abs. littér. :1 108. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 976, b) 1 595; XXe s. : a) 1 943, b) 1 850.
III.
⇒CRITIQUE3, subst. fém.
A.— Capacité de l'esprit à juger un être, une chose à sa juste valeur, après avoir discerné ses mérites et défauts, ses qualités et imperfections. Être dénué de critique; manquer de critique. (Quasi-)synon. jugement, discernement. Cf. auto(-)critique. Quand ces événements ont quelque ancienneté, ils nous parviennent du moins dégagés de tout leur faux entourage par la sagesse et la saine critique des historiens (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 218). Son esprit avait pris une énorme étendue, et des habitudes de critique lui permettaient de juger sainement (BALZAC, Béatrix, 1839-45, p. 69).
— En partic. Esprit de libre examen qui, dans ses jugements, écarte, rejette l'autorité des dogmes, des conventions, des préjugés. L'auteur s'y montre crédule à l'excès et dénué de toute critique (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 179) :
• 1. Et ne dites pas que c'est là le scepticisme; c'est la critique, c'est-à-dire la discussion ultérieure et transcendante de ce qui avait d'abord été admis sans un examen suffisant, pour en tirer une vérité plus pure et plus avancée.
RENAN, L'Avenir de la science, 1890, p. 62.
— Péj. Tendance caractérielle à relever les défauts, les imperfections. C'est assez la critique des gens de cette cour (...). Ils appellent exagéré tout ce qu'ils ne sentent pas (STAËL, Lettres jeun., 1786, p. 63). Son vieux fonds de malice et de critique le portait à faire chercher aux gens peu soigneux les objets égarés (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 419).
B.— Examen constituant la première phase de la capacité de l'esprit à juger un être, une chose à sa juste valeur.
1. Gén. [Avec un déterm.] Examen objectif, raisonné auquel on soumet quelqu'un ou quelque chose en vue de discerner ses mérites et défauts, ses qualités et imperfections. Venons maintenant à la critique des mots (FLAUB., Corresp., 1852, p. 80). C'est par l'âpre critique de la propriété, de la rente, du fermage, du profit, que répliqua Proudhon (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 143) :
• 2. ...la parole écrite et multipliée par la presse, en portant la discussion, la critique et l'examen sur tout, en appelant la lumière de toutes les intelligences sur chaque point de fait ou de contestation dans le monde, amène invinciblement l'âge de raison pour l'humanité.
LAMARTINE, Voyage en Orient, t. 2, 1835, p. 37.
SYNT. Faire la/une critique de, passer à la critique de, procéder à la critique de, soumettre qqn/qqc. à la/une critique.
2. [Le déterm. éventuel désigne un domaine sc., littér., techn.] Méthode d'examen mettant en jeu des critères variables selon les domaines, d'après lesquels il est possible de discerner les parts respectives des mérites et des défauts d'une entreprise, d'une œuvre, d'un système de pensée. Critique biblique, expérimentale, sociale, théologique. La critique, cet art précieux d'apprécier les productions scientifiques (MARAT, Pamphlets, Les Charlatans mod., 1791, p. 271). La critique philosophique va plus loin (COURNOT, Fondem. connaiss., 1851, p. 599). La critique des sciences physiques (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p. 115).
♦ Critique historique. Méthode d'examen appliquée aux textes et aux documents qui relatent des événements, et visant à interpréter avec discernement leur contenu et à estimer leur valeur testimoniale. Les mêmes défauts de critique historique, provenant de la confusion des dates et des milieux (RENAN, Souv. enfance, 1883, p. 281).
♦ Critique verbale ou critique des textes. Méthode qui a pour objet de restituer la teneur originale d'un texte, d'un document à partir des copies qui en subsistent. Il faut avoir l'habitude de la critique des textes et de la méthode historique (RENAN, Souv. enfance, 1883 p. 238).
3. [Le déterm. éventuel désigne un domaine des Belles-Lettres ou des B.-A. ou le point de vue adopté] Examen raisonné des ouvrages de l'esprit et des productions artistiques, conduit d'après des critères variables, qui s'achève par un jugement de valeur. Critique littéraire, critique homérique. Critique des Nourritures (Thibaudet). J'ai pris pour sujet de travail la critique du dernier ouvrage philosophique de M. de Bonald (MAINE DE BIRAN, Journal, 1818, p. 145) :
• 3. Il faut traiter les choses de l'esprit avec l'esprit, et non avec le sang, la bile, les humeurs. Où n'est pas l'agrément et quelque sérénité là ne sont plus les Belles-Lettres. Quelque aménité doit se trouver même dans la critique. Si elle en manque absolument, elle n'est plus littéraire. La critique sans bonté trouble le goût et empoisonne les saveurs. La critique est un exercice méthodique du discernement.
JOUBERT, Pensées, t. 2, 1824, p. 128.
SYNT. Critique biographique, comparée, descriptive, dogmatique, explicative, grammaticale, impressionniste ou subjective, stylistique; critique d'humour; ancienne, nouvelle critique; article, livre, morceau de critique.
— P. ext.
a) Genre littéraire représenté par les examens raisonnés des ouvrages de l'esprit et des productions artistiques; p. méton., ensemble des auteurs et des travaux représentatifs du genre. Critique d'art, dramatique, littéraire, musicale. Winckelmann dans les arts, Lessing dans la critique, et Gœthe dans la poésie, fondèrent une véritable école allemande (STAËL, Allemagne, t. 2, 1810, p. 40). Puis ils en vinrent aux travaux de la critique contemporaine (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 377). Un régime qui (...) retarda la critique de cinquante ans (RENAN, Souv. enfance, 1883, p. XII).
b) Domaine de la presse écrite ou parlée. Rubrique où un journaliste attitré rend compte, en la soumettant à un examen raisonné, de l'actualité littéraire ou artistique. Critique des disques, films, livres. Thiers qui a rédigé cette année la critique du Salon dans le « Constitutionnel » (DELÉCLUZE, Journal, 1824, p. 22). Quoique la critique de la « Revue des Deux-Mondes » continuât à prononcer que j'avais eu beaucoup de talent tant que j'avais travaillé à la « Revue des Deux-Mondes », mais que depuis ma rupture, hélas! (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 150).
♦ P. méton. Ensemble des journalistes qui rendent compte de l'actualité littéraire ou artistique. Cf. compte rendu ex. 1 :
• 4. La première aussi d'un drame éhonté de Belot, auteur de romans obscènes sans intérêt, La Vénus de Gordes, que la critique a malmené sur toute la ligne et que le public va voir avant sa disparition de l'affiche.
MALLARMÉ, Correspondance, 1875, p. 81.
C.— Jugement de valeur qui constitue la seconde phase de la capacité de l'esprit à juger un être, une chose à sa juste valeur.
1. Jugement qui tient compte des mérites et défauts, des qualités et imperfections de l'être ou de la chose que l'on examine. Critique acrimonieuse, équitable, pondérée, sans parti-pris, sans passion. Malgré les critiques justes ou injustes qui lui furent adressées, la trompette marine figura longtemps dans les concerts royaux (GRILLET, Ancêtres violon, t. 1, 1901, p. 176).
— En partic. Jugement formulé par un journaliste attitré, opinion émise par une personne, à propos d'une production qui relève de sa compétence. Un concert est comme une exposition de tableaux; si l'on n'a pas le catalogue de la critique, on ne voit que des figures (FIÉVÉE, Dot Suzette, 1798, p. 137). Faydit, dans sa critique du Télémaque, emploie les mêmes insinuations (CHATEAUBR., Martyrs, t. 1, 1810, p. 27) :
• 5. Style sans couleur, composition sans harmonie, dessin incorrect, défaut de nuances et de contrastes, s'appliquent également à la critique d'un poëme, d'un tableau ou d'un morceau de musique; tout ce qu'on peut dire en fait d'éloge, sur quelque chef-d'œuvre de l'art que ce soit, est également compris dans les trois mots d'élégance, de vigueur, et surtout de grandiose...
JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 4, 1813, p. 129.
♦ P. méton.
Article, billet dans lequel un journaliste attitré rend compte d'une nouveauté littéraire ou artistique et la juge. La critique du portrait du roi par H. Vernet a paru dans le « Journal des Débats » (DELÉCLUZE, Journal, 1824, p. 50).
Ensemble des jugements ainsi rendus ou publiés. Avoir une bonne, une mauvaise critique. Il ne put échapper aux traits de la critique (Ac. 1835-1932).
2. Jugement défavorable porté sur les défauts de quelqu'un, les imperfections de quelque chose. Désarmer les critiques. Aucun véritable savant de nos jours ne s'offensera (...) d'une innocente critique de la science sous Louis XIV (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 106) :
• 6. Considéré dans son caractère général, l'écrit de M. Courier est, je ne crains pas d'en convenir, une critique de la souscription de Chambord. L'acquisition de ce domaine lui paraît une mauvaise affaire pour le prince, pour le pays, pour Chambord même.
COURIER, Pamphlets pol., Procès de P.-L. Courier, 1821, p. 112.
— P. ext. Remarque défavorable, de caractère occasionnel, motivée par le désir de reprendre tel ou tel défaut chez quelqu'un, telle ou telle imperfection dans une chose. Il se pourrait qu'il fût plus content de l'éloge que blessé de la critique (STAËL, Lettres jeun., 1786, p. 103). Je ne puis admettre la critique que vous faisiez il y a un instant des rédacteurs du « Courrier » (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 412). On rumine sur les actes les plus simples pour y loger des dessous : la critique la plus bénigne, la plaisanterie la plus inoffensive, deviennent des attentats (HUYSMANS, Oblat, t. 1, 1903, p. 216) :
• 7. La princesse paraissait s'ennuyer beaucoup, et ces dames n'avaient pas l'air de s'amuser davantage; elles s'observaient mutuellement, causaient à voix basse avec leurs voisines, et quelques traits de critique ou de médisance faisaient de tems en tems diversion à l'ennui qui les accablait.
JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 2, 1812, p. 209.
SYNT. Adresser, lancer une/des critique(s); donner prise, échapper, s'exposer, prêter (le flanc) à la/aux critique(s).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1580 subst. fém. « art de juger les œuvres de l'esprit » et « jugement porté sur ces œuvres » (J. SCALINGER, Lettres, 109 ds R. Hist. litt. Fr., t. 8, p. 502); d'où 1810 « ensemble de ceux qui font métier de cette critique » (CHATEAUBR., Martyrs, préf., p. 27); 2. 1663 « action d'émettre des jugements défavorables » (MOLIÈRE, École des femmes, I, 1). II. 1. 1637 subst. masc. « celui qui juge » (J. CRESPIN, Thresor des trois langues); 2. spéc. 1674 « celui qui juge des ouvrages de l'esprit » (BOILEAU, Ep., I ds LITTRÉ). III. 1667 adj. « qui est porté à émettre des jugements (œuvre littér.; idées) » esprit critique (BOILEAU, Sat., IX ds LITTRÉ); 1694 péj. « qui trouve à redire à tout » (Ac.); 1678 (RICHARD SIMON, Histoire critique du vieux Testament ds CIOR. 17e). Empr. au lat. class. criticus subst. masc. (empr. au gr. « qui juge les ouvrages de l'esprit », dér. de « juger, estimer »).
IV.
⇒CRITIQUE4, subst. masc.
A.— Celui qui a le don, le pouvoir de juger un être, une chose à sa juste valeur, de discerner ses mérites et défauts. J'ai dit que mon frère était grand observateur et critique judicieux pour son âge (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 470).
— En partic. Celui qui fait preuve d'objectivité dans ses jugements et sait prendre ses distances envers les conventions, les préjugés et les superstitions :
• 1. On supposa des miracles qui l'appuyaient, et on mit des fanatiques en avant, qui s'en disaient les témoins; car qui ne fait pas des miracles partout où l'on trouve des esprits disposés à y croire? On en a vu ou cru voir au tombeau du bienheureux Pâris, dans un siècle aussi éclairé que le nôtre, et au milieu d'une immense population, qui pouvait fournir plus d'un critique, mais beaucoup plus encore d'enthousiastes et de fripons.
DUPUIS, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 329.
B.— Domaine de la litt. et des B.-A.
1. Personne spécialisée dans le genre littéraire de la critique (cf. critique3 B 3 p. ext. a); personne qui examine les ouvrages d'autrui en vue de les juger d'après un ensemble de critères systématisés. Se faire le critique de (tel écrivain).
a) Domaine littér. Les critiques anglais, contemporains; les anciens critiques; les grammairiens et les critiques; les historiens et les critiques; juger, raisonner en critique. Chevassu est un homme de lettres, non un critique dramatique (RENARD, Journal, 1909, p. 1258). Classique est l'écrivain qui porte un critique en soi-même (VALÉRY, Variété II, 1929, p. 140).
b) Domaine des B.-A. :
• 2. Pour rendre moins imprécise et moins incomplète cette tentative d'explication de l'importance actuelle de Baudelaire, je devrais maintenant rappeler ce qu'il fut comme critique de la peinture. Il a connu Delacroix et Manet. Il a essayé de peser les mérites respectifs d'Ingres et de son rival, comme il a pu comparer dans leurs « réalismes » bien dissemblables les œuvres de Courbet avec celles de Manet.
VALÉRY, Variété II, 1929 p. 153.
2. Journaliste attaché à un quotidien, à un périodique, qui informe le public sur les nouveautés littéraires, artistiques, analyse ces productions et porte sur elles un jugement de valeur. Un critique influent, mordant; un grand critique. Cet homme a un très joli talent de critique et de faiseur d'articles (GONCOURT, Journal, 1886, p. 609). Le directeur de théâtre ne mesure pas la valeur d'un critique au tirage de son journal (RENARD, Journal, 1907, p. 1135) :
• 3. Je sais gré à Abel de ne pas m'avoir envoyé son livre. Je n'ai pu le feuilleter sans honte; honte non tant à cause du livre même — où je vois, après tout, plus de sottise encore que d'indécence — mais honte à songer qu'Abel, Abel Vautier, ton ami, l'avait écrit. En vain, j'ai cherché de page en page ce « grand talent » que le critique du Temps y découvre.
GIDE, La Porte étroite, 1909, p. 551.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Cf. critique3.
STAT. — Critique3 et 4. Fréq. abs. littér. :4 971. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 455, b) 7 089; XXe s. : a) 8 700, b) 8 317.
BBG. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 102, 139.
1. critique [kʀitik] adj.
ÉTYM. 1372, cretique, en méd.; du bas lat. criticus, grec kritikos, de krinein « juger comme décisif ». → Crise.
❖
1 Méd. Qui a rapport à une crise; qui décide de l'issue d'une maladie. || Phénomène critique. || Signes critiques. || La maladie entre dans sa phase critique. || Jour critique. || La période critique de l'épidémie est maintenant passée (⇒ aussi Métacritique).
♦ Temps, âge critique, où des modifications physiologiques importantes se manifestent (spécialt, la ménopause). || On dit aussi époque critique, jours critiques : époque, jours des menstrues.
2 (1762). Cour. Qui décide du sort de qqn, qui amène un changement important. ⇒ Décisif; crucial. || Se trouver dans une situation critique. ⇒ Dangereux, difficile, grave; pas (mauvais pas). || Année critique. ⇒ Climatérique. || La cérémonie en était arrivée au moment critique. ⇒ Solennel. || L'heure est critique, la catastrophe est imminente. || L'âge critique d'une vie, les périodes critiques de l'histoire d'un pays.
1 Vous êtes dans l'âge critique où l'esprit s'ouvre à la certitude, où le cœur reçoit sa forme et son caractère et où l'on se détermine pour toute la vie.
Rousseau, Émile, IV.
1.1 Juste ciel, Madame, dit Thérèse en s'interrompant, est-il possible que le sort ne m'ait jamais placée que dans des situations si critiques, qu'il devienne aussi difficile à la vertu d'en entendre les récits, qu'à la pudeur de les peindre !
Sade, Justine…, t. I, p. 65-66.
2 Nous sommes dans un âge critique, c'est-à-dire un âge où coexistent nombre de choses incompatibles, dont les unes et les autres ne peuvent ni disparaître, ni l'emporter.
Valéry, Variété IV, p. 140.
3 Nous voici arrivés à une des heures critiques (…) de l'histoire de l'Empire (…)
Louis Madelin, Vers l'Empire d'Occident, X, p. 123.
4 Dans la vie de chacun de nous, les actes tragiques ne correspondent pas toujours aux points critiques de notre destinée.
Giraudoux, Littérature.
3 Sc. Où se produit un changement important (par ex. : d'état). (1883). Phys. || Point critique : état limite entre l'état solide et l'état gazeux. || Pression, température, volume critique. || Masse critique : masse minérale de matière fissile nécessaire à une réaction nucléaire en chaîne. — Milieu, système critique, dont l'état est critique. ⇒ Criticité. || Taille critique (d'un réacteur nucléaire). || Expérience critique.
♦ Par ext. Qui correspond à un seuil. || Point critique d'une maladie. → ci-dessus, 1.
♦ Aviat. || Vitesse critique (spécialt, seuil de vitesse égal à celle du son. → Mur du son). — Mécan. || Limite critique de résistance.
❖
DÉR. Criticité, critiquer.
COMP. Métacritique.
————————
2. critique [kʀitik] n. f., n. et adj.
ÉTYM. 1580; du lat. criticus. → 1. Critique.
❖
———
I N. f. Examen d'un principe, d'un fait, en vue de porter sur lui un jugement de valeur.
1 Activité intellectuelle qui consiste à juger les ouvrages de l'esprit, les œuvres littéraires, artistiques. || Les règles de la critique. || La critique, genre littéraire. || Critique dramatique, artistique, musicale. || La critique littéraire classique. → Référer, cit. 1. || Critique esthétique. || Critique grammaticale. || Soumettre une œuvre à la critique de qqn. || Procéder à la, à une critique sévère de qqch. || Le rôle de la critique dans l'éducation du public. — ☑ Loc. prov. La critique est aisée… (cit. 2 ci-dessous, phrase souvent comprise au sens C).
1 La critique souvent n'est pas une science; c'est un métier, où il faut plus de santé que d'esprit, plus de travail que de capacité, plus d'habitude que de génie.
La Bruyère, les Caractères, I, 63.
2 — Mais on dit qu'aux auteurs la critique est utile.
— La critique est aisée, et l'art est difficile.
Destouches, le Glorieux, II, 5.
3 Si la critique est juste et pleine d'égards, vous lui devez des remerciements et de la déférence; si elle est juste sans égards, de la déférence sans remerciements; si elle est outrageante et injuste, le silence et l'oubli.
d'Alembert, Apologie de l'étude.
4 L'esprit de critique, vraiment utile à la littérature et au bon goût, qui n'est autre chose que le discernement juste et fin des beautés et des défauts d'un ouvrage (…)
d'Alembert, Éloges, Moncrif.
5 On dit qu'un homme a l'esprit de critique, lorsqu'il a reçu du ciel, non seulement la faculté de distinguer les beautés et les défauts des productions qu'il juge, mais une âme qui se passionne pour les unes et s'irrite des autres, une âme que le beau ravit, que le sublime transporte, et qui, furieuse contre la médiocrité, la flétrit de ses dédains et l'accable de son ennui.
Rivarol, Littérature, I, V, p. 111.
6 Quelque aménité doit se trouver même dans la critique; si elle en manque absolument elle n'est plus littéraire (…) où il n'y a aucune délicatesse, il n'y a point de littérature.
Joseph Joubert, Pensées, XXIII, Des qualités de l'écrivain.
7 (…) je tâche, dans ces articles de critique, d'avoir le plus de bon sens et de dire ce qui me semble la vérité le plus possible, pour éviter, non pas l'ennui, mais du moins la rouerie si fatale de ce métier.
Sainte-Beuve, Correspondance, t. I, 294, 10 juin 1833.
8 Par lui, et par lui seul (Sainte-Beuve), la critique est devenue la dixième Muse (…)
A. Thibaudet, Hist. de la littérature franç. de 1789 à nos jours, p. 292.
9 Souvent je me suis dit (…) que si la critique avait le pouvoir magique d'effacer, d'abolir ce qu'elle condamne, et que si ces arrêts, s'exécutant à la rigueur, pouvaient annihiler ce qu'elle juge déplorable ou nuisible, les destins de la littérature en seraient fâcheusement affectés.
Valéry, Variété IV, p. 41.
10 L'on a parfois appelé le XIXe siècle, siècle de la critique. Par antiphrase, sans doute : c'est le siècle où tout bon critique méconnaît les écrivains de son temps.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, I, p. 19.
11 L'on a longtemps admis qu'il existait une critique préventive, créatrice — d'un mot, rhétoricienne — propre à frayer les voies au drame et au poème (…) Mais nous commençons par le poème ou le drame, et la critique suit, de son mieux (…) Boileau, Voltaire ou La Harpe jugeaient d'un poème qu'il était aimable ou déplaisant, qu'il flattait ou froissait le goût, les règles, la nature. Mais il peut désormais suffire à Schwob, Albalat ou Gourmont d' « observer le mécanisme de la pensée humaine ».
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, I, p. 51.
2 (La critique de…; une critique). Jugement porté sur un ouvrage de l'esprit, sur une œuvre d'art. ⇒ Analyse, appréciation, examen, jugement. || Faire la critique d'une pièce de théâtre, d'un roman, d'un ouvrage scientifique. ⇒ Compte (compte rendu). || Critique détaillée, sérieuse; excellente critique. || Critique indulgente, bienveillante, enthousiaste. || Critique acerbe, féroce, impitoyable, incisive, sévère. || Critique à l'emporte-pièce, sans nuances. || Critique polémique.
12 (…) l'une des meilleures critiques qui ait été faite sur aucun sujet est celle du Cid.
La Bruyère, les Caractères, I, 30.
13 Le recueil des arrêts du goût s'appelle aussi critique. Il y a des critiques générales et des critiques particulières. Les sentiments de l'Académie sur le Cid sont une critique particulière; le traité du Sublime est une critique générale. Un poète a placé la critique à la porte du temple du goût, comme sentiment des beaux-arts.
Rivarol, Littérature, I, V, p. 112.
14 La critique sans bonté trouble le goût et empoisonne les saveurs. La critique est un exercice de discernement.
Joubert, Pensées, t. II, p. 128, in T. L. F.
♦ Par ext. (La critique, qualifié). Rubrique (écrite ou parlée) dans laquelle un journaliste rend compte de l'actualité littéraire ou artistique. || S'occuper de la critique littéraire dans un grand journal. || Critique théâtrale. || La critique cinématographique, de cinéma.
♦ Par métonymie. L'ensemble des jugements portés sur une œuvre, un ouvrage. || Avoir une bonne critique. || Cet auteur n'est pas content de sa critique.
♦ Spécialt. (La critique, une critique, qualifié par un adj.). Examen systématique (d'une œuvre) fondé sur l'analyse; méthode critique. || Faire de la critique. || Critique et théorie littéraire. || Histoire de la critique littéraire en France. || Critique impressionniste ou subjective. || Critique biographique. || Critique grammaticale, stylistique, formelle… || Critique marxiste, existentialiste, structurale. ⇒ aussi Psychocritique, sociocritique. || Critique textuelle. — Spécialt. || Nouvelle critique : critique qui considère l'œuvre dans ses significations profondes par des méthodes d'interprétation internes (linguistique, psychanalyse, sociologie…). — Critique universitaire. — Disciplines voisines de la critique littéraire. ⇒ Poétique, n. f.; rhétorique, stylistique.
♦ Critique d'un texte quant à son contenu ou critique interne (→ Textologie); quant à son origine, aux influences…, ou critique externe.
♦ Critique philologique : critique externe de l'authenticité, du sens d'un texte sur le plan philologique. — Critique historique : examen de la valeur des documents, des témoignages.
♦ Critique théologique. || Critique biblique. || Critique textuelle de la Bible. ⇒ Commentaire, exégèse, glose. — La critique des sources.
15 La critique elle-même, dont on fait tant de bruit, n'est qu'un art de conjecture, l'art de choisir entre plusieurs mensonges.
Rousseau, Émile, IV.
3 Cour. Jugement de valeur quant à une personne, ses actes (sur le plan moral). || Faire la critique de qqn. || Exercer une sévère critique sur soi-même. ⇒ Autocritique (→ Se remettre en cause).
16 Cette perpétuelle critique exercée sur moi-même, cet œil impitoyable, tantôt ami, tantôt ennemi (…)
E. Fromentin, Dominique, V, p. 74.
17 Les événements ont donné beaucoup de portée à la critique serrée et d'ailleurs fort remarquable, que votre chère belle-mère faisait de mon caractère (…)
F. Mauriac, la Pharisienne, p. 227.
4 L'ensemble de ceux qui font la critique, des critiques (→ ci-dessous, II.). || L'ensemble de la critique a bien accueilli son livre. || Recevoir le prix de la critique.
17.1 Qui publie s'expose à la critique et reconnaît les droits de la critique.
Gustave Lanson, Manuel bibliographique…, Préface, p. VIII.
B (Jugement intellectuel ou moral). Didact. (La critique, la critique de…). Examen de la valeur (d'une pensée, d'un texte) sur le plan du jugement, du raisonnement. || Critique de la connaissance, de la vérité. ⇒ Agnosticisme, doute, scepticisme. || La Critique de la raison pure; la Critique de la raison pratique; la Critique du jugement, ouvrages de Kant (⇒ Criticisme). || La Critique de la raison dialectique (Sartre). || Passer au crible de la critique. || Faire la critique d'une assertion. || Critique d'un raisonnement, d'un enchaînement logique.
C Cour. Action de critiquer, tendance de l'esprit à émettre des jugements sévères, défavorables, négatifs (la critique); jugement défavorable (une, des critiques). ⇒ Attaque, blâme, censure, condamnation, contradiction, glose; critiquer. || La critique de qqn, de qqch., exercée à l'encontre de qqn, qqch. || La critique de qqn, exercée par qqn. || La critique de votre comportement que fait X est assez sévère. || La critique de X sur les actions de Y. || Faire la critique de… (⇒ Procès). || Exercer sa critique, une dure critique sur… || La critique et la louange. — Esprit de critique : esprit négatif qui ne voit que les défauts des personnes et des choses. REM. L'expression s'emploie aussi en bonne part. → ci-dessus, cit. 4 et 5. || Donner prise, prêter à la critique. ⇒ Critiquable. || Sa conduite mérite une dure critique. ⇒ Réprimande; observation, remarque, remontrance, reproche. || Rien n'est à l'abri de sa critique. — On ne lui a pas épargné les critiques. || Critique captieuse, injuste, injustifiée. ⇒ Argutie, chicane, ergoterie. || Critique bruyante, tapageuse. ⇒ Clabaudage, clameur. || Critique amère, sévère, violente. ⇒ Diatribe, éreintement, vitupération; coup (de patte, de griffe). || Une dure critique. || Critique spirituelle. ⇒ Épigramme, raillerie. || Cela lui a attiré la critique de tous les honnêtes gens. ⇒ Animadversion, improbation, réprobation. || Ne pas admettre, ne pas supporter la critique, les critiques. || Ne pas se laisser arrêter, rebuter par les critiques, par la critique. || Critiques justes, fondées. || Faire l'objet de critiques. || Diriger ses critiques contre qqn; se répandre en critiques sur qqch. — Faire des critiques sur la valeur littéraire d'un ouvrage. ⇒ Réserve. — La Critique de l'École des femmes, comédie de Molière. — ☑ Prov. et fam. La critique est aisée… (→ ci-dessus, cit. 2) : il est plus facile de critiquer que de bien faire.
18 Le plaisir de la critique nous ôte celui d'être vivement touchés de très belles choses.
La Bruyère, les Caractères, I, 20.
19 La jeunesse, sans expérience, se livre à une critique présomptueuse (…)
Fénelon, Télémaque, X.
20 En France, le premier jour est pour l'engouement, le second pour la critique et le troisième pour l'indifférence.
La Harpe, cité par Guerlac, p. 130.
21 Toute notre critique, c'est de reprocher à autrui de n'avoir pas les qualités que nous croyons avoir.
J. Renard, Journal, 29 juil. 1895.
22 Il est aussi difficile de faire des compliments faux que de la critique sincère.
J. Renard, Journal, 3 oct. 1907.
23 L'expérience de la louange et de la critique, du doux et de l'amer, donne les résultats suivants. La louange exerce et trouble la sensibilité bien plus que ne fait la critique. La critique engendre une sorte d'action, illumine des armes dans l'âme.
Valéry, Variété III, p. 72.
24 (…) je veux tout de suite aborder avec vous les critiques que vous formulez à mon endroit.
Martin du Gard, Jean Barois, I, 3, p. 141.
♦ Par ext. (En parlant d'un acte, d'un comportement). Ce qui fait ressortir indirectement, par comparaison, les défauts, les vices de qqch. || Sa conduite est la meilleure critique de leur attitude. ⇒ Réponse. — (D'un texte). || Ce roman, cette parodie constitue une critique indirecte de nos habitudes.
———
II N. m. et f. (1637). Personne qui exerce la critique.
REM. L'homonymie avec le sens I peut limiter l'emploi du féminin.
1 Personne qui juge des ouvrages de l'esprit, des œuvres d'art. ⇒ Commentateur, métaphraste. || Faire œuvre de critique. || Les plus grands critiques sont souvent les créateurs eux-mêmes. — Spécialt. Journaliste chargé d'apprécier les nouveautés littéraires ou artistiques. || Un, une critique littéraire, dramatique; un, une critique d'art. || Critique de cinéma. || C'est Mme X la critique musicale (ou : le critique musical) de ce journal. || Critique habile, savant; critique éclairé, judicieux, subtil. ⇒ Aristarque (Littér.). || Critique sévère (⇒ Censeur), indulgent. || Critique envieux, méchant. ⇒ Zoïle (Littér.). || Les arrêts des critiques.
25 Craignez-vous pour vos vers la censure publique,
Soyez-vous à vous-même un sévère critique.
Boileau, l'Art poétique, I.
26 La plupart des critiques de profession ont un avantage dont ils ne s'aperçoivent pas peut-être, mais dont ils profitent comme s'ils en connaissaient toute l'étendue : c'est l'oubli auquel leurs décisions sont sujettes, et la liberté que cet oubli leur laisse d'approuver aujourd'hui ce qu'ils blâmaient hier.
d'Alembert, Éloges, Du Marsais.
27 Le critique qui n'a rien produit est un lâche; c'est comme un abbé qui courtise la femme d'un laïque : celui-ci ne peut lui rendre la pareille ni se battre avec lui.
Th. Gautier, Préface de Mlle de Maupin, p. 19 (éd. critique Matoré).
28 Dans l'article assurément fort remarquable qu'un critique, aussi plein d'esprit que d'urbanité, a consacré ces jours derniers à l'examen du style et de la versification de Cromwell (…)
Sainte-Beuve, Correspondance, 47, 13 août 1828, t. I, p. 96.
29 Le bon critique est celui qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d'œuvre.
France, Vie littéraire, I, Préface.
29.1 Écrivez vingt livres, un critique vous jugera en vingt lignes, et vous ne serez pas le plus fort.
J. Renard, Journal, 25 nov. 1898.
29.2 Qu'est-ce qu'un critique ? Un lecteur qui fait des embarras.
J. Renard, Journal, 23 avr. 1899.
30 Critiques. Le plus sale roquet peut faire une blessure mortelle; il suffit qu'il ait la rage.
Valéry, Rhumbs, p. 201.
31 (…) vous êtes du moins l'homme rare que les critiques les plus difficiles, les polémistes les plus aigres, ceux même qui exercent sans relâche la fonction de diminution des renommées et qui se donnent pour emploi de ruiner dans l'esprit public toute grandeur qui s'y dessine, aient dû à peu près épargner.
Valéry, Variété IV, p. 53.
31.1 L'objet d'un vrai critique devrait être de découvrir quel problème l'auteur s'est posé (sans le savoir ou le sachant) et de chercher s'il l'a résolu ou non.
Valéry, Cahiers, Pl., t. II, p. 1191.
32 Ce ne sont pas les critiques qui font les livres (…)
Bernanos, Scandale de la vérité, p. 16.
33 Allory ne touchait, aux Débats, que cent francs par semaine pour son feuilleton de critique, tout en se targuant du double auprès de ses confrères.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XIII, p. 177.
33.1 En somme, pour qui n'est pas critique né, comme Sainte-Beuve, la critique n'est qu'un instrument d'excitation personnelle. Elle est un stimulant pour notre liberté.
J.-R. Bloch, Deux hommes se rencontrent, p. 162.
➪ tableau Noms de métiers.
♦ Par ext. Personne qui juge. || « Mme Mazerelles, esprit borné, critique nulle (…) par une admiration incompréhensive » (Martin du Gard, in G. L. L. F.).
2 Vx. Personne qui critique, condamne. ⇒ Censeur, contempteur.
34 Quoi ? je souffrirai, moi, qu'un cagot de critique
Vienne usurper céans un pouvoir tyrannique (…)
Molière, Tartuffe, I, 1.
———
III Adj. (1623, in D. D. L.).
1 Didact. ou littér. Qui décide de la valeur, des qualités et des défauts des ouvrages, des œuvres d'art… || Analyses, appréciations, considérations, jugements critiques. || Dissertation, éloge critique.
35 (…) leurs ouvrages, dont j'ai fait des éloges critiques plus ou moins étendus.
La Bruyère, Disc. à l'Acad., Préface (Variante).
♦ Par métonymie. || Œil, regard, vision critique : faculté de porter un jugement impartial sur qqch.
2 Didact. Qui examine la valeur logique d'une assertion, l'authenticité d'un texte, etc. (→ ci-dessus, I., A., 2.). || Analyse, démarche, examen critique. || Annotations, notes, remarques critiques (⇒ Scolie). || Étude, bibliographie critique. || Essai critique. || Édition critique, établie soigneusement après critique des textes originaux. || Appareil, apparat critique, accompagnant le texte d'une édition.
36 Une traduction du Nouveau Testament avec des remarques littérales et critiques.
♦ Cour. || Esprit critique, qui n'accepte aucune assertion sans s'interroger d'abord sur sa valeur (→ Doute méthodique, libre examen). || L'esprit critique d'un historien, d'un sociologue. || Faire preuve, manquer d'esprit critique. — Intelligence, sens critique. || Manquer de sens critique.
37 Un esprit critique vaut par l'action qu'il exerce au moyen des clartés qu'il fait.
Ch. Maurras, cité par Julien Benda, la Trahison des clercs, III, p. 221.
♦ Par métonymie. || Un lecteur, un spectateur critique, qui analyse et juge.
♦ Un regard, un œil critique. ⇒ Curieux, observateur, soupçonneux. || Considérer qqn, qqch. d'un œil critique.
38 Marcelle lâcha la main droite de Mathieu et lui happa l'autre main au passage; elle la retourna comme une crêpe et en considéra la paume d'un œil critique.
Sartre, l'Âge de raison, XVIII, p. 285.
REM. Dans l'usage courant, ces divers emplois glissent au sens 3 et ne s'appliquent guère qu'à la critique négative.
3 Qui critique (2.); qui est porté à critiquer, à censurer. ⇒ Destructeur, négatif… (→ ci-dessus, I., 3.). || Humeur critique : disposition à faire ressortir les défauts des personnes et des choses. || La partie affirmative et la partie critique d'un système.
39 Toute parole libre et généreuse leur paraît hautaine, critique et séditieuse.
Fénelon, Télémaque, XI.
♦ Esprit critique : esprit prompt à critiquer (généralement de façon négative). ⇒ Malveillant.
40 Gardez-vous, dira l'un, de cet esprit critique
On ne sait bien souvent quelle mouche le pique.
Boileau, Satires, IX.
41 (…) un esprit critique destructeur, cruel, agressif, sans bornes (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, II, II, p. 241.
♦ Par métonymie. || Une personne critique, qui ne peut s'empêcher de dire du mal. || Vous êtes trop critique à l'égard de votre patron.
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CONTR. I. Crédulité, croyance, foi, naïveté. — Admiration, adulation, apologie, approbation, compliment, congratulation, éloge, félicitation, flatterie, louange. II. Admirateur, apologiste, approbateur, flatteur. III. Crédule, naïf. — Admiratif, apologétique, élogieux, flatteur, laudatif. — Constructif, positif (esprit).
DÉR. et COMP. Critiquement. — 1. Acritique, 2. acritique, autocritique, hypercritique, sous-critique, surcritique.
Encyclopédie Universelle. 2012.