ERGONOMIE
Le terme «ergonomie», qui dérive des mots grecs ergon , travail, et nomos , loi, a été proposé en 1949 par les chercheurs qui ont fondé la Société anglaise d’ergonomie. Technologie dont l’objet est l’aménagement du travail, pour certains, l’ergonomie est pour d’autres la science de l’activité de l’homme au travail, voire la science du travail. La Société d’ergonomie de langue française a adopté en 1988 la définition suivante: l’ergonomie est «la mise en œuvre de connaissances scientifiques relatives à l’homme et nécessaires pour concevoir des outils, des machines et des dispositifs qui puissent être utilisés par le plus grand nombre avec le maximum de confort, de sécurité et d’efficacité».
L’ergonomie fait appel à des connaissances issues de plusieurs disciplines, notamment la psychologie, la physiologie, la médecine, l’ingénierie, les sciences cognitives. Son originalité est d’essayer d’exploiter ces connaissances de manière coordonnée pour la solution de problèmes pratiques. La généralisation de l’usage de dispositifs informatiques s’est accompagnée de la naissance de l’ergonomie cognitive, spécialisation de l’ergonomie ayant pour objet les aspects cognitifs du travail. L’ergonomie se spécialise aussi selon ses champs d’application: ergonomie des processus continus, ergonomie des transports, ergonomie hospitalière, etc.
Les solutions qu’elle propose dépendent de l’état des connaissances, mais doivent aussi prendre en compte les possibilités de réalisation (techniques, organisationnelles, sociales, etc.) liées au contexte socio-économique.
Structuration du champ
Le champ propre de l’ergonomie est l’interaction entre l’homme, d’une part, ses instruments et son milieu de travail, d’autre part. La notion de système y tient une large part, puisqu’elle met l’accent sur la structure et le fonctionnement d’un ensemble d’éléments. Les systèmes concernés ici vont des systèmes élémentaires constitués par un homme et son environnement technique et organisationnel (on parle aussi dans ce cas de poste de travail) aux systèmes plus larges constitués par un ensemble plus ou moins étendu de systèmes élémentaires. Dans de tels cas, les systèmes comportent un ensemble d’hommes et un ensemble de moyens techniques, avec leur environnement physique, organisationnel, social, et constituent ce qu’on appelle aussi des systèmes sociotechniques. Cette notion de système présente toutefois un danger, celui de donner aux éléments humains et technologiques le même statut et de valoriser essentiellement les sorties du système global (efficacité, fiabilité). Mais ce danger n’est pas inéluctable, et on peut très bien utiliser une telle notion pour faire apparaître les effets du fonctionnement du système sur sa composante humaine, qui prend alors une place centrale.
Un premier découpage possible du champ de l’ergonomie repose sur la nature des systèmes pris en compte. On distinguera alors: une ergonomie des composantes (centrée sur l’utilisation de parties d’un dispositif technique, indicateurs, commandes, etc.), une ergonomie du poste de travail, une ergonomie des systèmes sociotechniques (avec des problèmes tels que la répartition des fonctions entre l’homme et la machine, la définition des formes de travail, parcellaire, élargi, enrichi, etc.). Sur des principes assez voisins repose la distinction entre l’ergonomie du produit et l’ergonomie du milieu de production. Ainsi peut-on s’intéresser à l’aménagement du tracteur pour celui qui va l’utiliser ou à l’aménagement des moyens de production de ce tracteur pour ceux qui le fabriquent. Il serait d’ailleurs souhaitable d’arriver à prendre conjointement en compte les exigences de l’utilisateur et celles du producteur.
Un deuxième découpage se fonde sur les caractéristiques de l’opérateur qui sont mises en jeu dans le travail: anthropométriques, biomécaniques, perceptives, cognitives, etc. Il n’est valable d’un point de vue ergonomique que si ces caractéristiques sont explicitement étudiées dans leurs rapports avec les conditions techniques. Le champ de l’ergonomie peut aussi être structuré à partir des modalités de l’intervention ergonomique. L’ergonomie de correction, qui vise à modifier des systèmes déjà existants, se distingue de l’ergonomie de conception, qui intervient au moment où s’élabore le projet des systèmes. La première a des possibilités limitées et reste souvent très locale: la seconde peut envisager des solutions plus radicales et profiter d’ailleurs des résultats acquis par la précédente. Enfin, l’ergonomie peut être qualifiée à partir des secteurs où elle s’exerce: ergonomies industrielle, agricole, ménagère, etc.
La démarche ergonomique: l’analyse du travail
L’ergonomie est à la fois un corps de connaissances et une méthodologie pour la mise en œuvre de celui-ci. Les connaissances sont empruntées aux disciplines auxquelles l’ergonomie fait appel, ainsi qu’aux travaux qu’elle a directement inspirés. Afin de déterminer les connaissances pertinentes pour l’aménagement ergonomique d’une situation donnée, il est indispensable de soumettre cette dernière à une analyse qui est dite en général analyse du travail et qui doit amener à identifier les problèmes et à définir les moyens et les conditions de l’action visant à les traiter. Cette analyse sera par nature multidisciplinaire: différents spécialistes y collaboreront – psychologue, médecin, ingénieur, informaticien... –, à moins qu’un ergonomiste ayant reçu une formation polyvalente ne puisse la prendre en charge.
Dans la recherche des solutions, il faut tenir compte des possibilités techniques de réalisation, mais aussi faire un effort d’innovation technique et accepter de remettre en cause des conceptions traditionnelles déficientes. C’est dire le rôle capital de l’ingénierie dans la recherche des compromis techniques les meilleurs. La pratique ergonomique a mis l’accent sur la nécessité de toujours considérer le fonctionnement des éléments humains et des éléments techniques dans leur relation mutuelle.
Dans l’analyse du travail, phase initiale et très importante de la démarche ergonomique, il est essentiel de bien distinguer différents plans. Le premier, celui des conditions de travail , est relatif à l’ensemble des facteurs qui déterminent l’activité. Ces facteurs sont constitués d’abord par les exigences imposées au travailleur: objectifs à poursuivre, critères d’évaluation de ceux-ci (par exemple, les tolérances pour l’exécution d’une pièce) et conditions d’exécution (conditions physiques, techniques, organisationnelles, sociales, etc.). Ils comprennent ensuite les caractéristiques du travailleur (physiques, intellectuelles, niveau de connaissance, expérience, etc.).
L’étude de l’activité du travailleur constitue un deuxième plan d’analyse. Elle peut être abordée par des méthodes variées: observations (directe ou avec instrument: magnétoscope, enregistreur du mouvement des yeux), enregistrements sur le terrain, entretiens, enquêtes, étude statistique des traces du travail (incidents, accidents, absences, etc.), études expérimentales, simulation. On peut enfin distinguer un troisième plan: celui des conséquences de l’activité, notamment sur le travailleur, conséquences à court et à long terme, avec les problèmes de la fatigue, de la charge de travail, de la satisfaction. Les méthodes de l’épidémiologie pourront être utilisées à ce propos pour repérer les facteurs critiques de nocivité.
L’analyse du travail commence souvent par celle de la demande qui suscite l’intervention de l’ergonomiste et par celle de la situation dans laquelle se trouve ce dernier pour y répondre. L’ensemble des informations recueillies à ce sujet contribue à l’élaboration du diagnostic qui définira clairement l’objectif de l’intervention et orientera vers les connaissances pertinentes pour la découverte de la solution.
La présentation et le traitement des informations
L’analyse de l’activité d’un opérateur ne peut se réduire à la seule description de ses gestes: elle doit aussi identifier les modes de régulation de ceux-ci. Il faut, pour cela, connaître les informations que l’opérateur prélève sur son champ de travail grâce à son système perceptif. Lorsque ce champ est perçu directement, comme dans les travaux manuels traditionnels (limage, sciage, tissage, etc.), l’analyse devra déterminer les indices prélevés pour déclencher, guider et contrôler l’action. L’observation simple ne peut alors suffire, pas plus que l’interrogation de l’intéressé, qui n’est pas toujours conscient des détails de son activité perceptive, et il faudra souvent recourir à des méthodes plus complexes.
Lorsque le champ de travail est perçu non plus directement mais par des intermédiaires, rassemblés par exemple sur un tableau de signalisation, comme dans le contrôle de processus à distance, les informations utiles ont dû être préalablement identifiées puis codées sous forme abstraite (échelle numérique) ou figurative (schéma mobile, image de télévision). Pour exploiter l’information ainsi présentée, il faut évidemment connaître le code, c’est-à-dire la loi de correspondance entre ce qui est perçu (le signifiant: ici, une couleur ou un nombre, par exemple) et le message ainsi traduit (le signifié: ici, une température, une pression, une position). L’ergonomie emprunte ainsi beaucoup à la sémiologie pour décrire ces codes ou sémies et à la psychosémiologie pour mieux comprendre les règles de leur conception et de leur utilisation. De telles connaissances sont pertinentes dans des problèmes comme ceux qui concernent les tableaux de signalisation industriels, ou les systèmes de signalisation routière, ferroviaire et maritime: problèmes de l’évidence du signal (attire-t-il l’attention?), de sa visibilité, de son intelligibilité, mais aussi de son organisation spatiale et de son rapport avec la tâche.
Les informations de caractère permanent, qui ont trait notamment aux règles de fonctionnement d’un appareil ou d’une installation, peuvent être fournies à l’opérateur sous forme graphique (notice, schéma, dessin, graphique, etc.). Pour remplir pleinement leur fonction et faciliter effectivement l’activité, ces «aides au travail» que sont, par exemple, les notices d’appareils ménagers, et qui jouent le rôle de mémoire externe, doivent tenir compte des compétences des utilisateurs et des tâches qu’ils ont à exécuter.
Les informations dont dispose l’opérateur pour sa tâche sont représentées et organisées mentalement selon un modèle. Ce modèle, dit aussi «image opérative» ou «représentation fonctionnelle», retient de la situation les traits utiles à l’action, sur lesquels vont s’effectuer les opérations nécessaires à la régulation de cette action. L’élaboration, l’organisation et la mise en œuvre de ces représentations fonctionnelles constituent des objets d’étude importants de l’ergonomie cognitive. Mieux connus, ils permettent de faciliter l’activité par une intervention pertinente sur ses phases essentielles que sont la planification de l’action, son ajustement aux conditions de l’environnement et le contrôle de ses résultats.
Cette activité cognitive, qui n’est pas observable, doit être inférée à partir des composantes observables de l’activité: mouvements des membres, mouvements des yeux, verbalisation simultanée ou provoquée, etc. Il existe un ensemble de méthodes exploitables par l’ergonomiste pour faire des hypothèses sur ces représentations fonctionnelles. Les recherches sur ce point rejoignent en partie celles qu’ont entreprises les spécialistes de l’intelligence artificielle lorsqu’elles s’efforcent de découvrir les procédures humaines afin de les assister ou d’y substituer des systèmes artificiels. On peut mentionner ici les travaux réalisés autour des systèmes experts et de leurs fonctions dans le travail.
L’étude des erreurs s’est avérée particulièrement utile pour l’analyse des activités cognitives, quand on les considère non seulement sous leur aspect négatif, mais comme révélatrices des traits de l’activité mise en œuvre. Les typologies cognitives des erreurs (erreurs de planification, erreurs d’exécution) ont été largement discutées et utilisées. Les ambiguïtés de la notion d’erreur humaine ont été justement dénoncées. Les recherches dans ce champ ont été à la fois stimulées et exploitées par les travaux conduits dans le domaine de la fiabilité et de la sécurité, notamment à propos du contrôle des processus nucléaires et chimiques.
L’étude de la charge (dite aussi coût cognitif) que représentent ces activités cognitives pour l’opérateur constitue un autre volet de l’analyse ergonomique de ces activités. Son évaluation pose des problèmes théoriques et pratiques difficiles. Elle a été abordée par des voies diverses: indicateurs physiologiques, évaluation subjective, tâche ajoutée, variations des stratégies de travail.
Quelques grandes catégories de problèmes ergonomiques
Les ambiances de travail
Les ambiances constituent encore souvent un aspect très critique des conditions de travail. Si les nuisances tenant aux conditions naturelles (froid, intempéries) tendent à s’atténuer, celles qui procèdent des développements technologiques, notamment le bruit, la chaleur, l’éclairage, les vibrations, les rayonnements, la qualité de l’air, deviennent souvent très importantes. Le rôle de l’ergonomie est d’évaluer les effets de ces ambiances et de proposer des remèdes, selon une méthodologie dont on peut esquisser quelques traits généraux.
Les mesures physiques de l’ambiance définissent un premier niveau d’analyse. Pour le bruit, par exemple, elles porteront sur le niveau sonore global et par bande de fréquence. Les variations temporelles et spatiales de ces mesures permettent aussi d’obtenir des indices utiles. L’intérêt de telles mesures est évident quand on connaît leur rapport avec les variables caractérisant le deuxième niveau, qui est celui des effets sur l’activité et sur l’organisme. La connaissance de ce rapport est souvent acquise par des expériences de laboratoire: on a pu étudier ainsi les effets des différentes variables caractérisant l’ambiance thermique sur la température centrale, le taux de sudation, la fréquence cardiaque, le niveau de performance dans diverses catégories de tâches, etc. Enfin, le troisième niveau d’analyse concerne l’effet ressenti des conditions d’ambiance, le sentiment de confort. On peut estimer un tel sentiment au moyen d’échelles d’évaluation subjective et mettre en rapport les résultats avec les mesures précédentes. Ainsi on rapportera les niveaux de bruit à des catégories d’impressions subjectives et d’audibilité de la conversation. On a défini parfois des degrés au-delà desquels on considère que certains effets deviennent nocifs. Or, pour un critère d’évaluation quelconque, il n’existe pas une valeur précise en deçà de laquelle la nocivité serait nulle et au-delà de laquelle elle deviendrait importante. Il s’agit plutôt d’une zone, le choix d’une valeur dans cette zone, la norme, ne tenant pas seulement compte des données scientifiques, mais aussi d’options sociales.
Les interventions peuvent viser la protection (vêtements contre la chaleur, casques antibruit, etc.), mais les véritables mesures ergonomiques se soucient plutôt d’éliminer les sources mêmes des nuisances. Ainsi, dans la prévention contre le bruit, on s’attachera à réduire celui-ci à sa source (en agissant sur la matériel et les installations ainsi que sur le processus de travail) et à enrayer sa propagation (isolation et zonage acoustique).
Les contraintes temporelles de travail
Ces contraintes s’exercent à plusieurs niveaux. Au niveau élémentaire du cycle de travail, elles sont particulièrement critiques lorsque le cycle est court (il est parfois inférieur à la minute) et que les opérations à exécuter doivent l’être obligatoirement dans ce temps réduit (problème des cadences), comme pour les travaux à la chaîne ou pour ceux qui sont réglés par le rythme de fonctionnement d’une machine. Dans de tels cas, on note des effets néfastes qui vont de la simple insatisfaction aux manifestations psychopathologiques (crises nerveuses, généralisation des automatismes, désintérêt social, etc.) et auxquels on cherchera à remédier par la réduction des contraintes, l’introduction de pauses, l’allongement des cycles et l’utilisation des «stocks-tampons» (donnant des possibilités de régulation de l’action intra – et intercycle). Mais un remède fondamental auquel l’ergonomie s’intéresse aussi consiste à promouvoir de nouvelles formes d’organisation du travail.
Les contraintes temporelles s’exercent ensuite sur le plan des horaires, de ce qu’on appelle souvent les rythmes de travail. La rigidité de ceux-ci est une première contrainte qui va à l’encontre de certaines autres exigences de la vie sociale (familiales, par exemple) et qu’on essaie de pallier par la formule des horaires variables. Mais les contraintes sont surtout aiguës dans le travail par équipes alternantes, système qui oblige soit à pratiquer périodiquement des changements d’horaires, soit à maintenir un horaire unique qui se trouve décalé par rapport à la journée de travail normale. Les études ergonomiques ont mis en évidence les conséquences néfastes de cette formule: perturbation des rythmes biologiques, qui ne s’ajustent que difficilement à un horaire différent de celui de l’environnement physique (surtout chez les personnes âgées), troubles du sommeil, dépense physiologique et nerveuse accrue, troubles de la vie sociale avec des effets parfois pathologiques. Des remèdes ont été proposés ici aussi dans une perspective ergonomique.
L’espace de travail
L’ergonomie de l’espace de travail commence par se soucier du poste de travail, dont elle exige d’abord que les caractéristiques dimensionnelles soient adaptées à celles de l’opérateur pour la tâche qui lui est confiée. Les objets à manipuler doivent être faciles à atteindre; la conception du plan de travail, ainsi que celle des sièges, doit faciliter l’adoption de postures confortables. Il est donc nécessaire de disposer de données précises sur les mensurations des opérateurs pouvant être affectés à tel poste. On a construit des tables anthropométriques qui fournissent ces mesures (avec leurs tendances centrales et leurs dispersions) pour des segments corporels et des populations variées. Et l’on se sert de maquettes et de mannequins pour parvenir aux solutions optimales dans les cas complexes (multiplicité des mesures, aspects dynamiques). Il importe d’ailleurs de trouver de telles solutions non seulement pour l’«homme moyen», mais aussi pour le plus grand nombre possible d’individus.
L’aménagement du poste doit aussi tenir compte des exigences perceptives. Ainsi, la nécessité de discriminer un indice dans le champ de travail ou la lecture d’un texte sur écran peut entraîner des mouvements et des postures qu’il conviendra de prendre en compte lors de la conception du poste.
Les critères d’évaluation correspondant à ces études sont très variés: mesure du coût global de l’activité (consommation d’oxygène, fréquence cardiaque), mesures locales de l’activité musculaire, gêne ressentie, changements de posture, de méthode d’exécution, erreurs, incidents, etc.
L’ergonomie s’intéresse aussi à des espaces de travail plus larges, par exemple à l’implantation des postes, qui conditionne à la fois la circulation des produits et celle des opérateurs, et aux communications entre les travailleurs, problèmes abordés par diverses techniques. L’architecture ou, plus généralement, le cadre bâti constitue enfin un nouveau champ pour l’ergonomie (conception des espaces de travail ménager, des ateliers, voire des bâtiments de l’entreprise). Il en est de même de l’aménagement des espaces de circulation.
L’ergonomie et l’organisation du travail
Le travail est régi par un ensemble de règles et de principes plus ou moins explicites qui définissent le contenu des tâches, leur mode d’exécution et de contrôle, leur organisation collective. Dans la mesure où elle s’intéresse aux systèmes sociotechniques, l’ergonomie se trouve concernée par ces problèmes, qui, pourtant, ne sont encore que rarement et très partiellement traités dans le cadre de cette discipline, alors que leur résolution conditionne très directement l’activité des travailleurs. Certes, il n’appartient pas à l’ergonomie de définir la meilleure organisation du travail, puisque celle-ci fait intervenir des critères sociaux, économiques et politiques dont l’évaluation n’est pas de son ressort. Mais l’ergonomie peut faire apparaître et permettre de prévoir certaines conséquences des solutions possibles en matière d’organisation du travail.
Dans les études ergonomiques classiques, les problèmes d’organisation ont été souvent abordés lors de l’élaboration des principes de répartition des fonctions entre l’homme et les dispositifs techniques. Plus récemment, et notamment sous l’influence des transformations liées à l’introduction des technologies informatiques, les aspects collectifs du travail se sont vu accorder une attention croissante. Les techniques intégrées de production amènent à organiser le travail en équipe en développant l’autonomie: on suggère ainsi des «groupes autorégulés» pour répondre aux caractéristiques de plus en plus discrétionnaires du travail. Il se développe aussi un courant d’études, dit «travail coopératif assisté par ordinateur», qui rejoint très directement les perspectives ergonomiques.
S’exerçant dans des champs très divers et en découvrant régulièrement de nouveaux, l’ergonomie s’enrichit sans cesse de branches nouvelles: ergonomie des interfaces homme-ordinateur, ergonomie des véhicules spatiaux, etc. L’introduction des technologies modernes dans les pays en développement (transfert de technologies) requiert un important effort d’adaptation dans lequel une place essentielle revient à l’ergonomie. Son action se traduit dans des directions multiples, et on a pu parler ici d’anthropotechnologie. L’ergonomie tend ainsi à s’étendre à tous les domaines où les activités de l’homme interviennent, même quand celles-ci ne relèvent pas du travail au sens strict: conduite automobile, sport, par exemple. Le développement de l’ergonomie dans chacun de ces domaines peut largement bénéficier des connaissances et méthodes acquises dans les autres. Cependant, l’apparition de ces nouvelles spécialisations ne doit pas faire oublier que le milieu industriel de la production est loin d’avoir tiré tout le profit possible de ce que l’ergonomie d’ores et déjà lui propose.
La diffusion des recherches et études ergonomiques se fait notamment par des revues, dont les plus connues sont Le Travail humain (français), Ergonomics et Applied Ergonomics (anglais) et Human Factors (américain). Les spécialistes français constituent une fraction importante de la Société d’ergonomie de langue française (S.E.L.F.), qui organise un congrès chaque année. L’Association internationale d’ergonomie, qui regroupe les diverses sociétés nationales, tient un congrès tous les quatre ans. En France, l’enseignement de l’ergonomie est assuré pour l’essentiel par les universités et par le Conservatoire national des arts et métiers.
ergonomie [ ɛrgɔnɔmi ] n. f. ♦ Didact. Étude scientifique des conditions (psychophysiologiques et socioéconomiques) de travail et des relations entre l'homme et la machine.
● ergonomie nom féminin Étude quantitative et qualitative du travail dans l'entreprise, visant à améliorer les conditions de travail et à accroître la productivité. (Le but de cette science est de tenter d'adapter le travail à l'homme en analysant notamment les différentes étapes du travail industriel, leur perception par celui qui exécute, la transmission de l'information et, de façon parallèle, l'apprentissage de l'homme qui doit s'adapter aux contraintes technologiques.) Qualité d'un matériel ergonomique.
ergonomie
n. f. Didac. Science de l'adaptation du travail à l'homme. (Elle porte sur l'amélioration des postes et de l'ambiance de travail, sur la diminution de la fatigue physique et nerveuse, sur l'enrichissement des tâches, etc.)
ergonomie [ɛʀgɔnɔmi] n. f.
ÉTYM. V. 1965, angl. ergonomics (1949), du grec ergon « travail », d'après economics, etc.
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♦ Didact. (psychol., sociol.). Étude scientifique des conditions (psychophysiologiques et socio-économiques) de travail et des relations entre l'homme et la machine. ⇒ aussi Analyse (du travail).
0 L'ergonomie se propose de concevoir le travail humain de manière qu'il se situe à l'intérieur de la marge d'adaptabilité de l'homme. Cette marge étant définie en fonction de critères physiologiques, psychologiques et socio-économiques, l'ergonomie est tributaire de diverses disciplines scientifiques. À la suite de l'évolution des techniques industrielles, le domaine de l'ergonomie s'est considérablement élargi. Limitée, à l'origine, à l'étude des problèmes énergétiques de l'homme au travail, l'ergonomie a considéré, par la suite, l'influence des contraintes psychiques, le rôle de l'environnement et le jeu des systèmes relationnels.
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DÉR. Ergonome ou ergonomiste, ergonomique.
Encyclopédie Universelle. 2012.