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EXOTISME
EXOTISME

Une œuvre d’art est appelée exotique (du grec exôtikos ) non pas à cause de la seule présence d’éléments étrangers (comme tapis et étoffes d’Orient chez les peintres flamands et vénitiens, instruments musicaux étranges dans l’Histoire de Persée de Piero di Cosimo aux Uffizi de Florence, armure japonaise dans le portrait de sir Neill O’Neill par J. M. Wright à la Tate Gallery de Londres), mais lorsqu’elle est inspirée par les émotions provoquées par l’évocation de pays étrangers ou par leur contact, en particulier par certains pays de l’Orient ou du Midi. La gamme de ces émotions va de la fascination pour des coutumes inusitées et bizarres (aspects qui ont frappé les premiers la fantaisie des Européens), ou pour des passions exaspérées et même monstrueuses (les premiers exemples dans ce sens se trouvent chez les dramaturges élisabéthains inspirés par Sénèque et Giraldi Cinthio), à la jouissance d’une vie plus riche et libre de toute contrainte morale. Cette vie, les romantiques et les décadents l’imaginèrent dans un Orient que les rapports des voyageurs leur faisaient supposer plongé dans une atmosphère excitante et voluptueuse (cf. le Supplément au Voyage de Bougainville de Diderot), et les continuateurs modernes des tendances romantiques (Sherwood Anderson, D. H. Lawrence) la localisèrent chez des peuples primitifs censés être les dépositaires d’instincts que la civilisation et la cérébralité ont taris ou détruits au sein de la société industrielle.

Exotisme décoratif

Les premières manifestations de l’exotisme en Europe appartiennent à l’histoire des motifs décoratifs plutôt qu’à celle des sentiments et de la sensibilité. On connaît les influences des arts byzantin, arabe, persan sur l’ornementation médiévale, à la suite d’événements historiques tels que la prise de Constantinople par les croisés en 1204, l’émigration en Italie des tisserands arabes de la Sicile, la présence des Maures en Espagne ou le commerce des villes maritimes, Venise surtout. Les orfèvres et tisserands du Moyen Âge introduisirent dans leurs œuvres les lettres de Damas, appelées aussi lettres moresques ou lettres sarrasines (c’est-à-dire des imitations d’inscriptions arabes), comme, entre la fin du XVIIIe et le commencement du XIXe siècle, les hiéroglyphes égyptiens furent utilisés par les décorateurs du Consulat et de l’Empire; plus tard, les entrelacs, les nœuds décoratifs et les feuillages appelés cosse de pois font leur apparition dans les reliures de la Renaissance française. Au Portugal, les artistes empruntent leurs motifs au monde de la navigation et des grandes découvertes: câbles, astrolabes, sphères armillaires, plantes marines et tropicales (cloître de Belem).

L’Extrême-Orient

Chinoiseries

Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, on se représentait l’Orient surtout turc et persan; puis les missions des Jésuites firent connaître l’Extrême-Orient. Déjà à la fin du XVIe siècle, on fabriquait en Chine des porcelaines destinées au marché européen; mais la légende littéraire de ce pays remontait au Million de Marco Polo: c’était le Cathay, l’empire de la fleur du lotus, pays de l’éternel après-midi, où s’élevait le palais de Kubla Khan (K b 稜l y kh n), que Coleridge devait rendre immortel dans un des chefs-d’œuvre de la poésie romantique. Le Million était en effet un million de mensonges, mais les Voyages de sir John Mandeville , voyages imaginaires d’un chevalier inexistant (seconde moitié du XIVe siècle), renchérirent sur les mensonges. Dérivés de plusieurs sources, ces racontars jouirent d’une immense popularité et, quoiqu’ils offrent plutôt un témoignage de la mentalité médiévale que des pays et des coutumes décrits, ils fixèrent une vision de l’Orient qui ne pouvait pas être démentie, car, peu après leur divulgation, la dynastie Ming, qui s’empara du pouvoir après la chute de l’empire des Tartares, inaugura une politique xénophobe qui empêcha l’entrée des étrangers pendant presque deux siècles. Une fois les relations rétablies, au commencement du XVIe siècle, de nouveaux traits complétèrent l’évolution du fabuleux empire; on exalta le caractère industrieux des Chinois, producteurs de merveilleuses soieries, leur sagesse dans l’administration de la justice, les qualités magiques de leur boisson nationale, le thé. Le jésuite Matteo Ricci révéla les préceptes de Confucius, le Hollandais Nieuhoff parla d’un empire gouverné par les philosophes, et ce fut l’origine de l’utopie chère au XVIIIe siècle. Leibniz, Voltaire, le physiocrate Quesnay, et, à leur suite, des souverains, des dames de la cour et des ecclésiastiques, Louis XV et Frédéric II, la Pompadour et Goethe y virent le reflet de leurs aspirations. Watteau, Boucher, Huet, Pillement soulignèrent les aspects bizarres et voluptueux du pays heureux où des mandarins aux moustaches tombantes et aux robes solennelles ornées de dragons discutaient les préceptes de Confucius sous les toits bordés de sonnettes des pavillons de jade. L’art européen fut redevable à la Chine non seulement de toute une série de motifs bizarres, libres variations sur l’art chinois, mais aussi de l’introduction de nouvelles matières, la porcelaine, la laque, et de nouveaux modes dans le traitement de l’architecture et l’agencement des jardins. Il s’agit d’un phénomène d’hybridation plutôt que d’un simple pastiche, de la fécondation artificielle de deux civilisations différentes, qui parvint à créer une espèce inédite. Désormais, chaque palais important a son cabinet chinois; tout un style, le rococo, naquit du baroque sous l’influence de la bizarrerie orientale. À l’opposé du jardin classique, italien, il y eut le jardin chinois, appelé aussi anglais, car sa diffusion en Europe fut due à l’anglomanie continentale. Ce goût créa dans les pays du Nord une variante exotique du rococo qui a ses chefs-d’œuvre à Pillnitz, Sans-Souci, Pagodenburg, Claydon House, Alton Towers, Woburn. Ce sont là les aspects les plus connus de l’influence orientale, mais il ne faut pas oublier la contribution chinoise à la démonologie occidentale, qui se vérifia dès le Moyen Âge, lorsque les représentations d’êtres infernaux par Zhao Mengfu, peintre à la cour de K b 稜l y kh n, furent aperçues par les missionnaires franciscains et transmises grâce à eux à l’iconographie occidentale: l’enfer gothique a un caractère oriental très prononcé (démons avec ailes de chauve-souris). Et on peut aussi rappeler les armures des guerriers des XIVe et XVe siècles: profils dentelés, écailles, masques sur les épaules, les genoux, les coudes, sur le modèle des cuirasses des Yamas et des Lokap las des VIIIe et IXe siècles. De la Chine était venue aussi cette surprenante coiffure féminine en forme de selle et de corne, le hennin, très à la mode au Moyen Âge et qui prit une forme pyramidale pendant le XVe siècle.

L’influence japonaise

Au XIXe siècle, les Européens eurent de l’art japonais une connaissance moins fantaisiste que de l’art chinois au siècle précédent; le sens historique s’était développé entre-temps, de sorte qu’il n’y eut pas de déformations trop aberrantes. L’influence de la technique et du style des artistes japonais est perceptible chez plusieurs peintres célèbres de l’impressionnisme et du post-impressionnisme, quoique les artistes japonais qu’ils admiraient aient été considérés dans leur pays comme de simples producteurs d’estampes populaires. Et de même que le style chinois s’était allié au rococo, l’influence japonaise marqua la première phase de l’Art nouveau.

En revanche, l’influence des techniques musicales de l’Orient en Europe a une étendue très limitée; on peut citer la polytonalité à distance d’un demi-ton employée par Giacomo Puccini, dans Turandot , pour des effets de couleur locale; La Princesse jaune , de Camille Saint-Saëns, 1872; la scène du sérail dans l’Oberon (1826) de Carl Maria von Weber; la Salomé (1905) de Richard Strauss; Mârouf, savetier du Caire (1914), de Henri Rabaud; Sadko (1867), de Nicolaï Rimski-Korsakov.

L’exotisme avant le romantisme

Il manque à la mode des chinoiseries cet ardent désir de délivrance des sens qui caractérise l’exotisme romantique: un âge intellectuel comme le XVIIIe siècle admira surtout la civilisation raffinée des Chinois. On fit des Orientaux les porte-parole de la censure des mœurs européennes. On doit à un Italien, Giovanni Paolo Marana, l’invention d’un nouveau type de satire: L’Espion du grand seigneur est la version française (1684) d’un texte italien perdu. Les Lettres persanes de Montesquieu et certains des Contes orientaux de Voltaire firent suite à cette utilisation satirique de l’exotisme.

Au XVIIe siècle, l’exotisme ne va pas en général au-delà du nom des personnages dans les romans à sujet prétendument oriental, souvent à clef; mais la divulgation des Mille et Une Nuits en France et en Angleterre au commencement du XVIIIe siècle favorisa l’essor d’un nouveau genre de contes orientaux et de fables d’un coloris décidément exotique (par exemple Jacques Cazotte en France avec ses Contes arabes , et plus tard Christoph Martin Wieland en Allemagne), mais on trouve un exotisme de caractère romantique seulement dans le plus célèbre de ces contes, Vathek de William Beckford (1786), un pastiche à mi-chemin entre les Mille et Une Nuits et les contes philosophiques, dans le cadre assez sinistre des relations amoureuses de l’auteur. L’assaisonnement oriental servit aussi à ajouter du piquant à des contes galants comme le fameux Sopha de Crébillon, et Les Bijoux indiscrets de Diderot.

Le mythe du noble sauvage est une variante de l’exotisme, d’un caractère plus moral que sensuel. C’est un mythe qui paraît destiné à surgir dans les civilisations ayant atteint un stade avancé de développement, et dont les aspects artificiels peuvent blesser les sensibilités. C’est ainsi qu’à l’époque hellénistique philosophes et historiens, comme Éphore (IVe s. av. J.-C.), étudient les peuples barbares (Scythes, Thraces, Celtes) d’un point de vue moral et découvrent chez eux les vertus que les hommes civilisés ont perdues. Au XVIIIe siècle, l’Amérique et l’Océanie apparaissent comme des paradis de pureté et d’innocence, véritables réincarnations de l’âge d’or. Dans le Supplément au Voyage de Bougainville (1772), Diderot s’attarde sur les coutumes des heureux habitants de Tahiti. Dans Paul et Virginie (1787), Bernardin de Saint-Pierre développe le rêve édénique de Rousseau dans le cadre exotique de la nature tropicale: dans cet ouvrage, la scène a pour décor une île africaine, mais en général les idylles de ce genre se déroulent en Amérique. Les Bermudes avaient offert aux poètes anglais, au milieu du XVIIe, l’image des îles fortunées, où le printemps est éternel et où les oranges luisent parmi le feuillage (E. Waller, Battle of the Summer Islands , et surtout la poésie «Bermudas» de Andrew Marvell). Goethe devait évoquer plus tard ce type de paysage idéal, mais situé en Europe méditerranéenne, par les vers célèbres: «Kennst du das Land... ». L’idylle d’un Européen avec une fille de la nature, une belle sauvage, est un thème commun à plusieurs contes du XVIIe siècle; au XIXe, Chateaubriand l’introduit dans Les Natchez , où il apparaît déjà pénétré de ce sentiment nostalgique et de ces assaisonnements sensuels qui sont propres à l’exotisme moderne.

Un thème romantique

On trouve le rêve exotique chez Heinse (Ardinghello ,1787), Wackenroder (Herzensergiessungen eines kunstliebenden Klosterbruders , 1797), Coleridge (Kubla Khan , 1798), et chez Thomas Wainewright, qui doit sa renommée surtout au portrait que donna de lui Oscar Wilde dans Intentions («Pen, Pencil and Poison»). Devançant Gautier, Wainewright dépeint avec une voluptueuse fantaisie un monarque oriental. Le goût pour les pays luxurieux et sanglants est commun aux artistes majeurs et mineurs de la période romantique, à Gautier comme à Pétrus Borel, à Berlioz (par exemple, l’orgie des brigands dans Harold en Italie , 1834) comme à Delacroix, et venait en partie de Byron, qui avait placé dans une île grecque l’idylle entre un homme usé par la civilisation et une innocente fille de la nature (épisode de Haidée dans Don Juan ).

Théophile Gautier fut le fondateur de l’esthétisme exotique. Dans Mademoiselle de Maupin (1835-1836) le protagoniste, d’Albert, soupire après le monde païen, monde serein de la Grèce ou monde orgiaque de la Rome impériale et de l’Orient aux belles reines meurtrières (Une nuit de Cléopâtre , 1843). Gautier fut aussi le premier à esquisser la figure de la femme fatale dont les avatars s’échelonnent à travers tous les âges et tous les pays, archétype qui résume en soi toutes les séductions, tous les vices et toutes les voluptés (Études de mains: Impéria ), vraie quintessence de l’exotisme, qui devait se développer dans la courtisane de Flaubert (Marie, dans Novembre ), dans la reine de Saba et la Ennoia de La Tentation de saint Antoine , qui devait se colorer de masochisme dans Swinburne et se sublimer dans la Joconde de Walter Pater, pour se divulguer enfin avec la Salomé d’Oscar Wilde et les héroïnes de Gabriele D’Annunzio. L’aspiration de Flaubert à un Orient barbare et sauvage, pétri d’or, de marbre, de pourpre, de sang aussi, exhalant à la fois des miasmes putrides et des parfums, se traduit dans les visions troubles de la Tentation et de Salammbô . Baudelaire offre l’exemple d’un exotisme parfait, lui qui aspira toujours à un monde différent et même à s’évader anywhere out of the world , et pourtant n’apprécia nullement le voyage à Madagascar qu’il entreprit dans sa jeunesse. Car il ne donne pas dans l’exotisme, celui qui, attiré par un pays étranger, s’y trouve pleinement satisfait, mais plutôt celui qui idolâtre l’image fantastique d’une terre lointaine. Un passage des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand peut être à cet égard considéré comme exemplaire: «Il serait trop long de raconter quels voyages je faisais avec ma fleur d’amour; comment, main en main, nous visitions les ruines célèbres, Venise, Rome, Athènes, Jérusalem, Memphis, Carthage; comment nous franchissions les mers, comment nous demandions le bonheur aux palmiers d’Otahiti, aux bosquets embaumés d’Amboine et de Tidor; comment, au sommet de l’Himalaya, nous allions réveiller l’aurore; comment nous descendions les fleuves saints , dont les vagues épandues entourent les pagodes aux boules d’or; comment nous dormions aux rives du Gange, tandis que le bengali, perché sur le mât d’une nacelle de bambou, chantait sa barcarolle indienne.» Ce passage a été amplifié par Villiers de l’Isle-Adam dans la dernière partie d’Axel : «Veux-tu venir vers les pays où passent les caravanes, à l’ombre des palmiers de Kachmyr ou de Mysore? Veux-tu venir au Bengale...». Également typique d’une phase ultérieure de l’exotisme romantique, le rêve de d’Albert dans Mademoiselle de Maupin : «Tibère, Caligula, Néron, grands Romains de l’empire... moi aussi je voudrais bâtir un pont sur la mer et paver les flots; j’ai rêvé de brûler des villes pour illuminer mes fêtes; j’ai souhaité être femme pour connaître de nouvelles voluptés...» L’usage de stupéfiants orientaux (opium, haschisch) fut très répandu chez les romantiques qui assouvissaient leur soif de sensations exotiques dans les «paradis artificiels» (Gautier, Baudelaire, De Quincey): un exotisme de couleurs, mais aussi de parfums (par exemple «Parfum exotique» dans Les Fleurs du Mal ) et parfois aussi d’habitudes (Baudelaire eut pour amante une mulâtresse).

Romantisme et exotisme vont tellement ensemble qu’à vouloir citer tous les écrivains qui cultivèrent des penchants exotiques il faudrait nommer la plupart des romantiques et des décadents. Les pays qui ont fourni le plus grand nombre de thèmes exotiques, du XIXe siècle à nos jours, ont été l’Espagne (Mérimée, Hugo, Gautier, Pierre Louys, Albert Samain, Henri de Montherlant parmi les Français, Clemens Brentano), le Levant (Hugo, Les Orientales ; Fernand Freiligrath), la Russie (à la fin du XIXe siècle, après que le vicomte de Vogüé eut fait connaître le roman russe), les mers du Sud (H. Melville, R. L. Stevenson, J. Conrad), le Japon (Lafcadio Hearn, les Goncourt, Pierre Loti, qui du reste raffolait de tout l’Orient), le Mexique (D. H. Lawrence, Gerhardt Hauptmann).

Exotisme et arts

Lorsque Jean Bérain, à la fin du XVIIe siècle, inventa ses bizarreries chinoises, il ne fit rien d’autre que de substituer des singes (les «babouineries»), des mandarins, des idoles et des parasols aux faunes, aux statues et aux éventails des grotesques de la Renaissance. Précurseur de l’engouement romantique pour le Levant, mais dénué de toute sensibilité romantique lui-même, le peintre genevois Jean-Étienne Liotard (1702-1789) vécut pendant cinq ans en Turquie, adopta le costume turc et se laissa pousser la barbe (portrait à Dresde): il peignit plusieurs modèles en costumes turcs, telle la comtesse de Coventry (Genève, musée d’Art et d’Histoire). Au XIXe siècle, l’exotisme inspira de plus en plus de peintres: on citera Delacroix, l’Ingres des bains turcs et des odalisques, Horace Vernet, Marilhat, Decamps, Fromentin, Gauguin, Henri Rousseau (le Douanier, qui s’inspira des illustrations des romans de J. Verne, et peignit une flore tropicale de fantaisie). En architecture, le pavillon de Brighton est une des dernières et plus extravagantes folies de style oriental (à rappeler aussi la pagode de Haga Park, en Suède), amalgame de motifs chinois et indiens, commandé par le prince-régent, devenu Georges IV; la Favorita , près de Palerme, est un autre exemple du même goût. Le peintre Gustave Moreau subit l’influence de la mythologie indienne: sa Salomé dans L’Apparition (Musée d’Orsay, Paris) peut être considérée comme la suprême incarnation de l’Orient lascif et cruel, interprétation confirmée par les pages de Huysmans dans À rebours. De même que la prise de Constantinople avait favorisé l’adoption de motifs orientaux par l’art occidental, certains événements politiques ont inspiré plusieurs exotismes du XIXe siècle. La campagne de Napoléon attira l’attention sur l’Espagne; la conquête de l’Algérie fournit des thèmes de scènes arabes aux peintres français; méconnu jusqu’alors, le Japon fut révélé par l’ouverture de relations avec l’Europe en 1863; la colonisation de l’Afrique et la fondation du musée de l’Homme ouvrirent la voie à l’influence de la sculpture nègre; l’arrivée en Europe des contingents de soldats américains à la fin de la Première Guerre mondiale introduisit en Europe le fox-trot dont le rythme syncopé de ragtime était très répandu chez les Noirs de l’Amérique du Nord. D’autres danses aux rythmes encore plus syncopés et rapides, dérivées du fox-trot, apparurent, puis d’autres encore d’un mouvement plus lent et pourvues d’un refrain qui insistait sur une phrase nostalgique, en particulier les blues dont la mélodie, inspirée des anciens spirituals des temps de l’esclavage, devait surtout impressionner la sensibilité des Blancs. Enfin, autour des années 1930-1935, apparut la vogue du jazz; cette musique influencera en particulier le compositeur américain George Gershwin (1898-1937) qui essaya d’introduire le chant nègre et le popular song dans l’opéra (Porgy and Bess ).

exotisme [ ɛgzɔtism ] n. m.
• 1845; de exotique
1Caractère de ce qui est exotique. Décoration qui met une note d'exotisme dans une maison. Rechercher l'exotisme.
2Goût des choses exotiques, des mœurs, coutumes et formes artistiques des peuples lointains (souvent appréhendées de manière superficielle). « Remplis de clinquant, de verroteries, de beaux noms étrangers, les livres de Morand sonnent pourtant le glas de l'exotisme » (Sartre).

exotisme nom masculin (de exotique) Caractère de ce qui évoque les mœurs, les habitants ou les paysages des pays lointains : Roman plein d'exotisme. Goût des choses exotiques : L'exotisme est une mode littéraire, artistique.exotisme (citations) nom masculin (de exotique) Victor Segalen Brest 1878-Huelgoat 1919 L'exotisme est tout ce qui est Autre. Jouir de lui est apprendre à déguster le Divers. Équipée Plon

exotisme
n. m.
d1./d Caractère de ce qui est exotique.
d2./d Goût pour les choses exotiques.

⇒EXOTISME, subst. masc.
A.— Caractère de ce qui est exotique. Goût de l'exotisme. Trois femmes en peignoir de soie filant du dos au talon; et un négrillon, vêtu de nankin et de babouches. Pour ce jeune Normand, (...) c'était d'un exotisme bien tentant (GONCOURT, Journal, 1860, p. 709). Ces reliefs d'exotisme colonial que j'imagine aussi bien à Dakar ou à Saint-Louis (GIDE, Journal, 1910, p. 306). Avant leur colonisation par des nègres sans exotisme, des Russes sans Russie (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 35) :
Le Japon lui-même s'enthousiasma. La simplicité de l'action n'obligeait pas à comprendre les dialogues et le petit peuple parisien eut pour l'étranger un exotisme plus fascinant que celui, déjà rebattu, des cow-boys. On fredonna partout le refrain qui servait de leitmotiv au film, Sous les toits de Paris ...
SADOUL, Cin., 1949, p. 225.
B.— Goût pour ce qui est exotique. C'est comme les gens qui se piquent d'exotisme, de couleur locale, etc. (CLAUDEL, Corresp. [avec Gide], 1899-1926, p. 142). Nostalgies religieuses, dépaysement des amours, exotismes sociaux, goûts des départs et de l'ailleurs (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 78). Dans cet ailleurs que l'exotisme cherche au delà des océans lointains (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 94).
Prononc. et Orth. :[]. Cf. é-1. Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1860 (GONCOURT, loc. cit.). Dér. du rad. de exotique; suff. -isme Fréq. abs. littér. :58. Bbg. JOURJON (A.). Rem. lexicogr. R. de Philol. fr. 1915/16, t. 29, p. 202.

exotisme [ɛgzɔtism] n. m.
ÉTYM. 1845, Bescherelle; de exotique, et -isme.
1 Caractère de ce qui est exotique. || Goût de l'exotisme. || Décoration qui met une note d'exotisme dans une maison. || De riches vacanciers, amateurs d'exotisme (→ Plagiste, cit.).
1 Ce qui fait le charme et l'attrait de l'Ailleurs, de ce que nous appelons exotisme, ce n'est point tant que la nature y soit plus belle, mais que tout nous y paraît neuf, nous surprend et se présente à notre œil dans une sorte de virginité.
Gide, Journal, 27 août 1935.
2 Goût des choses exotiques (→ Exotique, cit. 7).
2 L'orientalisme est une forme d'exotisme, de même que la chinoiserie.
Louis Réau, Dict. d'art, article Exotisme.
3 Remplis de clinquant, de verroteries, de beaux noms étrangers, les livres de Morand sonnent pourtant le glas de l'exotisme; ils sont à l'origine de toute une littérature qui vise à anéantir la couleur locale, soit en montrant que les villes lointaines dont nous avons rêvé dans notre enfance sont aussi désespérément familières et quotidiennes pour les yeux et le cœur de leurs habitants que la gare Saint-Lazare ou la Tour Eiffel pour notre cœur et pour nos yeux (…)
Sartre, Situations II, p. 227.
4 En somme l'exotisme révèle bien ici sa justification profonde, qui est de nier toute situation de l'Histoire.
R. Barthes, Mythologies, p. 165.

Encyclopédie Universelle. 2012.