GHANA
La république du Gh na (ancienne Gold Coast britannique) est un État de l’Ouest africain, indépendant depuis 1957. Il doit son nom au président Kwame Nkrumah qui le lui a attribué en souvenir de l’ancien royaume du Gh na, bien qu’il ne recouvre pas le même territoire. Sa superficie est de 238 000 kilomètres carrés pour environ 16,5 millions d’habitants au début des années 1990.
Longtemps on a pu croire à une sorte d’identité entre ce pays et son chef, tant celui-ci a représenté une certaine idée de l’Afrique, dont il entendait être un prophète, voire un réalisateur, mais sa chute provoquée – sans qu’aucun sursaut ne se produise dans le pays – montre la précarité de son œuvre, l’extrême complexité des problèmes africains (économiques, politiques, religieux, culturels), tandis que demeure l’appel à un indispensable essor. La pensée de cet homme, le bilan de son œuvre et son relatif échec sont, à plusieurs égards, significatifs.
Le fait que le docteur Nkrumah ait suivi des études aux États-Unis l’a rendu conscient de la solidarité existant entre les Africains, les Antillais et les Noirs américains. Il a donc pu, parmi d’autres, concevoir la doctrine et même la mystique du panafricanisme, cherchant avant tout l’indépendance pour toutes les nations colonisées, mais au profit d’États-Unis d’Afrique. De même, le développement a été envisagé par lui comme un véritable droit, et non pas comme le fruit d’une aide économique. Enfin, il s’est fait le champion du «non-alignement» dans son refus de se soumettre à l’un des deux blocs. Cette doctrine, avant tout pragmatique, s’inspire en partie du marxisme, mais en le critiquant, notamment par le refus de la lutte des classes; elle préconise le passage direct de la société communautaire traditionnelle à la société socialiste. Elle ne prend pas appui, comme le fait le président du Sénégal, Léopold Senghor, sur la pensée chrétienne dans sa formulation teilhardienne. Il est difficile de dire, à cause du flou qui la caractérise, si elle est matérialiste ou spiritualiste; elle veut sauvegarder, en tout cas, les valeurs de la religion ancestrale. Or le Nord est musulman, tandis que le Sud est animiste ou chrétien (on compte 500 000 catholiques et protestants).
Le bilan de ce dessein et de cette action est difficile à établir. Il comporte, certes, des éléments positifs, comme l’avènement d’une véritable conscience nationale, sensible dans toutes les fonctions et les couches de ce peuple, mais aussi des éléments négatifs dans la mesure même où une certaine valeur d’exemple, en se voulant par trop messianique, échappe, par là même, à sa visée.
Depuis le renversement du président Nkrumah en 1966, le Gh na vit dans l’instabilité politique permanente. Les difficultés économiques, déjà suscitées par divers excès du président déchu, ont connu une amplification telle que ce pays qui fut le plus prospère de l’Afrique de l’Ouest a pris un retard important.
1. Un peuple sur sa terre
Le milieu naturel
Situé sur le golfe de Guinée, le Gh na est limité à l’ouest par la Côte-d’Ivoire, à l’est par le Togo, au nord par le Burkina Faso. Le pays a un relief peu accusé, puisque les hauteurs du nord et du sud-est ne dépassent pas 900 m.
Le réseau hydrographique est commandé par la vallée des Volta (Volta Noire et Volta Blanche) sur laquelle a été édifié le barrage d’Akosombo qui a déterminé la création d’un immense lac artificiel de 8 500 km2 à l’intérieur du pays.
Les oppositions régionales sont d’ordre essentiellement climatique, liées au régime des pluies. La région du sud-ouest est une zone de forêt équatoriale qui reçoit de fortes précipitations (plus de 2 m) au cours de deux saisons de pluies (mai à juillet et octobre-novembre). La température est relativement élevée (32 0C à Kumasi). Le climat de cette zone détermine sa végétation et ses potentialités économiques (bois, tubercules, bananes, ananas et surtout cacao).
Au sud-est, le climat est beaucoup plus sec puisqu’il ne tombe que 750 mm de pluie à Accra. La température reste assez élevée avec des écarts réduits (de 22 à 32 0C en moyenne). Les possibilités économiques sont plus limitées sur le plan agricole (élevage, céréales).
Au nord, la zone soudanienne, avec une seule saison des pluies (1 m de précipitations), est le domaine de la savane, avec comme principales activités l’élevage et la culture du mil.
Le milieu humain
Peuplé d’environ 16,5 millions d’habitants, le Gh na connaît comme d’autres pays africains un dynamisme démographique important. Sa population s’est accrue à un rythme de 2,4 p. 100 par an de 1960 à 1970 et ce taux se serait élevé à 3,4 p. 100 entre 1980 et 1987. Cette croissance s’explique par une réduction importante du taux de mortalité qui serait tombé de 24 p. 1 000 en 1960 à 13 p. 1 000 entre 1985 et 1990, alors que dans le même temps le taux de natalité restait pratiquement stationnaire (46 p. 1 000). Le taux de croissance global est donc très voisin du taux naturel. À la différence de la Côte-d’Ivoire, le Gh na n’attire plus un grand nombre d’immigrants.
Cette population relativement nombreuse constitue un potentiel important. Avec une densité dépassant 60 habitants au kilomètre carré, le Gh na est un pays africain peuplé. Sur le plan qualitatif, cette population est relativement bien formée, puisque le taux de scolarisation est proche de 70 p. 100 dans le primaire et de 35 p. 100 dans le secondaire, soit beaucoup plus que la moyenne africaine.
Cependant, tous les éléments du milieu humain ne sont pas aussi favorables. La population urbaine s’accroît près de deux fois plus vite que la population totale. Plus du tiers des Ghanéens vivent en milieu urbain, en particulier dans les deux grands centres d’Accra et de Kumasi où le rythme de création d’emplois est loin de suivre l’évolution de la population. La stagnation économique a fait que le secteur agricole qui réalisait 41 p. 100 du produit intérieur brut en 1960 y contribuait pour 51 p. 100 en 1987, mais dans le même temps la population active agricole est tombée de 64 p. 100 à 54 p. 100 de la population active totale. C’est dire les distorsions qui se créent entre milieu urbain et milieu rural et l’aggravation des tensions en milieu urbain.
Une autre difficulté tient au morcellement de cette population. Morcellement ethnique d’abord, avec une cinquantaine de groupes ethniques dont les plus importants sont les Akan (Ashanti, Fanti, Brong), dans le Sud-Ouest et l’Ouest; les Éwé à la frontière du Togo; les Gonja, les Dagomba, les Mamprusi, les Konkomba, les Dagati, les Lobi dans le Nord. Cette diversité ethnique a de graves conséquences lorsque le pouvoir central n’est pas à même d’assurer l’unité du pays ou lorsque des opposants politiques utilisent des oppositions raciales pour susciter des troubles.
Ces clivages ethniques se doublent de clivages religieux. Le Sud rassemble la majorité des populations christianisées; les musulmans sont plus nombreux dans le Nord et dans les villes, alors que l’animisme reste dominant dans les zones rurales du Nord et du pays Ashanti.
Les données historiques: l’évolution de l’activité économique
L’histoire économique de la Gold Coast et du Gh na peut être résumée en deux propositions: un demi-siècle de progrès accéléré faisant de la Gold Coast la plus riche colonie britannique de l’Afrique noire; un quart de siècle de ralentissement, de blocage puis de décadence de l’activité économique.
La rapide évolution de la Gold Coast, puis du Gh na, et l’avance prise sur la plupart des pays voisins peut s’apprécier à trois niveaux différents: celui de la production, celui des infrastructures humaines et sociales, celui des infrastructures économiques.
La richesse du Gh na tient d’abord à la croissance rapide de sa production cacaoyère. Celle-ci s’est réalisée en deux phases successives. La première, après la Première Guerre mondiale, fait passer la production de quelque 2 000 tonnes au début du siècle à 230 000 tonnes en 1930. La seconde, au moment de l’indépendance, conduira cette production à quelque 570 000 tonnes en 1964-1965. Cette croissance a eu pour conséquence la constitution d’une véritable bourgeoisie de planteurs, puisque 80 p. 100 de la production sont le fait de quelque 30 000 planteurs employant environ 100 000 salariés saisonniers. La masse rurale dans le Nord et dans l’Est, mais aussi les petits producteurs de la zone cacaoyère n’ont donc qu’un potentiel économique faible et vivent avant tout de l’autoconsommation vivrière (manioc, igname, mil). Le caractère très inégalitaire du point de vue social de ce développement peut expliquer en partie les difficultés ultérieures. La place de l’économie cacaoyère (46 p. 100 des exportations) est un autre facteur de fragilité économique.
À cette production principale s’ajoutent les productions d’or, activité ancienne et stagnante, celles de diamants exploités depuis la Première Guerre mondiale et, plus récemment, de bauxite. Outre le cacao, les ressources principales proviennent de l’exploitation de la forêt et de l’exportation des bois (plus de 15 p. 100 des exportations au moment de l’indépendance).
L’évolution des infrastructures humaines peut être appréciée à plusieurs points de vue. D’abord, la croissance de la population de la Gold Coast s’est amorcée bien avant celle de la plupart des pays voisins. Elle avait été de l’ordre de 1,5 p. 100 dans l’entre-deux-guerres et de 3,5 p. 100 depuis la Seconde Guerre mondiale. Cela s’explique pour cette période par l’importance des flux migratoires en provenance des pays voisins qui devaient se tarir par la suite.
L’avance de la Gold Coast se retrouve au niveau de la scolarisation et de l’urbanisation. C’est surtout après la Seconde Guerre mondiale que cette évolution est sensible, le taux de scolarisation étant multiplié par six entre 1945 et 1960, et la part de la population urbaine atteignant près de 25 p. 100 en 1960. Les structures humaines du Gh na ont ainsi sensiblement et rapidement évolué. Il en va de même pour les structures économiques.
De ce point de vue, deux éléments sont importants: d’une part, les efforts faits pour rationaliser la politique de développement en l’orientant vers la création des infrastructures routières, ferroviaires et portuaires. La planification est ainsi une caractéristique ancienne du Gh na, puisque dès la décennie 1920-1930 le plan Guggisberg avait tenté de préparer un développement rationnel du pays. Les autorités britanniques établirent un second plan pour la décennie 1950-1960, qui fut repris et appliqué par le gouvernement Nkrumah.
Par ailleurs, la commercialisation du cacao fut organisée grâce à la création d’un Marketing Board chargé de commercialiser la production et de régulariser les prix payés aux producteurs. Comme cela devait être le cas quelques années plus tard dans les pays de l’Afrique francophone, cet organisme fut également un agent d’accumulation du capital. Les fonds très importants dont il put disposer furent un élément appréciable de la politique initiale de financement des investissements. Une utilisation discutée de ces ressources après l’indépendance fut sans doute l’une des causes de la dégradation de la situation économique.
2. De la colonisation à l’indépendance (1948-1957)
L’histoire politique du Gh na – du moins, si on limite l’examen à l’époque contemporaine – remonte à l’explosion des grèves et manifestations de février 1948. Jusqu’alors, la politique coloniale britannique avait connu un grand succès; elle avait réussi à mettre en place une classe nouvelle de planteurs capitalistes issue de l’ancienne chefferie ashanti et à réduire la vie politique aux intrigues des différents lobbies qui réunissaient certains planteurs et intellectuels anglicisés de la côte, regroupés dans l’United Gold Coast Convention. La grève ouvrière de 1948 ébranle ces structures sclérosées. Kwame Nkrumah, qui était de retour de Grande-Bretagne depuis 1947 et avait été désigné comme secrétaire général par l’U.G.C.C., rompt avec les anciens leaders; il fonde, en 1949, le Gold Coast Convention People’s Party (C.P.P.); il fait appel aux comités de jeunes, constitués d’éléments issus de la petite bourgeoisie urbaine composée surtout de fonctionnaires – tels K. A. Gbedemah et Kojo Botsio – qui vivaient un double conflit, avec la chefferie traditionnelle et avec l’administration anglaise. Le programme demeure modeste; il se limite à l’«africanisation de l’administration» et à la conquête de l’autonomie interne; aucun rapprochement sérieux avec les syndicats ouvriers n’est encore tenté. La seconde explosion spontanée, c’est-à-dire la grève générale de janvier 1950, ne modifie d’ailleurs pas les rapports entre le C.P.P. et les mouvements de masse. Mais la Grande-Bretagne, qui en tire des leçons, accorde l’autonomie; les élections de 1951 assurent, avec la constitution du premier gouvernement Nkrumah, une évolution progressive vers l’indépendance. Le 6 mars 1957, le Gh na est le premier État indépendant de l’Afrique noire colonisée.
La période 1951-1957 est caractérisée par une étroite collaboration entre le C.P.P. et la Grande-Bretagne. En économie, on n’envisage rien d’autre que d’accélérer l’équipement infrastructurel classique, financé par les excédents du Gh na Cocoa Marketing Board (Office de commercialisation du cacao). Cette politique économique entraîne rapidement la détérioration des finances publiques, qui étaient traditionnellement excédentaires (l’excédent annuel moyen de 1952 à 1956 se montait à 20 millions de livres), et de la balance des paiements, qui était également excédentaire (17 millions en moyenne de 1950 à 1954). En 1957, pour la première fois, le budget de l’État n’est plus excédentaire et la balance des paiements présente un déficit extérieur de l’ordre de 14 millions. Néanmoins, grâce aux réserves de devises, la période qui commence est caractérisée par une remarquable stabilité des prix; leur indice augmente seulement de 19 p. 100 entre 1954 et 1961. L’accumulation des réserves extérieures – qui avait constitué jusque-là un véritable soutien apporté par le Gh na à la livre sterling, soumise aux pressions du dollar – est désormais jugée non conforme à l’intérêt national.
En politique, aucune réforme de structure n’est envisagée ni en ce qui concerne le système économique (les capitaux étrangers restent libres de leurs mouvements, la monnaie appartient étroitement à la zone sterling) ni en ce qui concerne le système social (la situation des ouvriers agricoles et des métayers demeure la même dans les zones de plantation). Aucune politique d’industrialisation et de développement du secteur public n’est clairement formulée. L’idéologie de l’époque, dont l’Antillais George Padmore, ami personnel de Nkrumah, est le porte-parole, se résume dans les trois termes: «Africanisation de l’administration, panafricanisme et anticommunisme.»
3. Le Gh size=5na indépendant: la première époque du nkrumahisme (1957-1961)
L’indépendance n’a pas apporté de modification rapide à la politique immédiatement antérieure. De 1957 à 1961, sur les conseils de l’économiste jamaïquain Arthur Lewis, le Gh na choisit de faire appel aux capitaux étrangers. L’État continue de limiter son intervention à l’équipement de l’infrastructure; en effet, si le volume des investissements passe de 15 p. 100 du produit intérieur en 1955 à 21 p. 100 en 1962, c’est l’infrastructure qui absorbe la totalité de cette augmentation. Il en résulte que la croissance économique reste modérée (elle est de l’ordre de 1,5 p. 100 du revenu par tête en termes réels), que le déficit public s’accroît (il atteint 37 millions en 1961), de même que celui de la balance des paiements (53 millions en 1961). La détérioration du prix du cacao à partir de 1954 aggrave cette évolution défavorable. Quant aux capitaux privés en provenance de l’étranger, malgré les conditions avantageuses qui leur sont faites, ils ne viennent pas... La raison en est qu’ils cherchent des investissements à forte rentabilité et que les possibilités de ce genre offertes par le pays sont depuis longtemps épuisées à la suite de l’exploitation coloniale. L’échec de la politique économique d’inspiration libérale est donc total; la période de 19571961 restera dans l’histoire du Gh na celle du gaspillage des réserves extérieures sans que leur utilisation ait permis d’améliorer la capacité de production.
Sur le plan purement politique, l’échec n’est pas moins flagrant, car le régime, par son action économique, «réussit» à susciter à son égard une forte opposition à droite comme à gauche. La première vient de la classe agromercantile des planteurs, mécontents de la politique du Marketing Board imposant des prix d’achat du cacao qu’ils jugent trop bas. La création par l’État d’une filiale du Marketing Board, la Cocoa Purchasing Company, à laquelle est donné le monopole de l’achat du cacao, achève de liquider les petits intermédiaires africains entre les planteurs et le Marketing Board. Une telle politique, qui continue celle de l’époque coloniale, vise à liquider l’embryon de bourgeoisie locale sans s’attaquer aux intérêts britanniques; elle place l’opposition de droite, dirigée par le docteur Joseph Danquah, dans cette situation curieuse: il lui faut «défendre les intérêts nationaux» contre l’alliance du C.P.P. et de la Grande-Bretagne! À gauche, la force principale que constitue le Trade Union Congress reste dans l’expectative. Autorisés depuis 1941, les T.U.C., après une période «apolitique» (1941-1947), se sont radicalisés à partir de 1948; leurs dirigeants, ouvriers et marxistes, Anthony Woode, Pobee Binay, Turkson Ocran, Nyemitei, sont, depuis 1953, en butte aux tentatives du gouvernement d’intégrer les syndicats dans le régime.
Cette même année, la nomination de John Tettegah (venant d’un syndicat modéré d’employés, à la place d’Ocran, ouvrier marxiste) à la direction des T.U.C. et l’adhésion de ceux-ci à la Confédération internationale des syndicats libres (C.I.S.L.) sont significatives de l’époque.
En 1958, la loi réorganise les T.U.C., rend l’adhésion syndicale obligatoire. Néanmoins, le mécontentement des ouvriers, consécutif à la chute du salaire réel, qui est tombé en 1963 à l’indice 89 par rapport à la base 100 en 1939, éclate en septembre 1961 et prend la forme de grèves dans le port de Takoradi et à Kumasi, qui sont impitoyablement brisées par J. Tettegah. À la même période, la répression s’abat sur la droite; après l’exil de son leader K. A. Busia (en 1958) et l’arrestation des parlementaires de l’opposition, le régime évolue vers le parti unique.
4. Le socialisme nkrumahiste (1962-1966)
La crise économique et politique de l’année 1961 conduit le régime nkrumahiste à s’orienter, à partir de 1962, vers des solutions nouvelles. Le projet de second plan quinquennal (1959-1964), analogue dans sa stratégie au précédent, est abandonné à la suite du voyage du président en U.R.S.S., et un autre plan, septennal cette fois, portant sur les années 1963-1970, est élaboré; il prévoit de réduire de 80 à 63 p. 100 la part des investissements destinés à l’infrastructure et de relever de 20 à 37 p. 100 celle des interventions publiques dans l’industrie et l’agriculture. Cependant, les hésitations restent grandes, tout autant que la résistance de l’appareil bureaucratique. À la chute du régime en 1966, le bilan des réalisations du plan est finalement modeste; 150 projets industriels, souvent mal conçus, sur 600 prévus ont été réalisés, les state corporations bureaucratiques multipliées, les contrôles extérieurs (contrôle des changes, licences d’importation, etc.) formellement renforcés, mais affaiblis dans leur efficacité réelle par la corruption. La plus grande réalisation de cette période a été le barrage de la Volta, auquel est adjointe une raffinerie d’aluminium. Le projet datait en fait de 1925; il avait été rouvert une fois la guerre finie, puis abandonné de nouveau lorsque les difficultés de ravitaillement en aluminium de la Grande-Bretagne furent surmontées. Il a donné lieu à des accords avec la firme américaine Kaiser et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (B.I.R.D.) en 1957 et 1960. Terminé en 1965, l’ensemble barrage, centrale et port de Tema a coûté 75 millions de livres, qui ont été avancés à concurrence de moitié par le gouvernement ghanéen et par un prêt de la B.I.R.D. Quant à l’usine de raffinage de l’aluminium elle a été financée par la Volta Aluminium Company (Valco ). Les critiques ont été sévères à l’égard de cette réalisation, à cause de la grande faiblesse de ses effets sur l’économie du pays (tant en ce qui concerne les finances publiques que la balance des paiements) et aussi à cause des conditions très favorables accordées à la Valco par l’État ghanéen, qui s’était engagé à lui fournir l’électricité à son prix de revient.
Une politique économique aussi peu cohérente devait conduire à l’aggravation du déficit public, équivalent à 40 millions de new-cedis par an de 1960 à fin 1965 (cette unité monétaire a pris, en février 1967, la place du cedi, qui avait été créé en juillet 1965 et valait à cette date 1,40 dollar). À cette source d’inflation s’est ajoutée, à partir de 1961, la politique de crédits inflationnistes que la Gh na Commercial Bank a accordés aux entreprises publiques. Les réserves extérieures une fois épuisées, le déficit extérieur (30 millions de N.-C. par an de 1960 à 1965) n’a pu être couvert que par un endettement extérieur à court terme qui est allé croissant. Simultanément, l’inflation monétaire, jusque-là contenue, éclatait (le coût de la vie a augmenté de 48 p. 100 de 1963 à 1966), accompagnée de la désorganisation des marchés (marché noir, ruptures de stocks).
Du point de vue politique, l’opposition de droite s’affirma permanente. Celle-ci rassemblait (après s’être retrouvée un moment en 1957 en une formation unique bien qu’hétérogène, l’United Party) le Gh na Congress Party (groupement insignifiant de commerçants riches et d’intellectuels anglicisés d’Accra), le Northern People’s Party (lobby de chefs du Nord), l’opposition togolaise animée par Modesto Apaloo et Kodzo Ayeke (fondée sur l’unité Éwé, elle a été alimentée par le mécontentement des planteurs de cacao, qui étaient contraints de vendre leur produit au Marketing Board 72 shillings alors que leurs frères du Togo ex-français en obtenaient 200), et surtout le National Liberation Movement, créé à Kumasi, animé par J. Danquah, Kofi Busia et Bafour Osie Akoto, qui alliait des planteurs, des chefs ashanti et des intellectuels anglicisés, tous mécontents de la politique du Marketing Board et des monopoles du commerce d’État. Nkrumah n’a jamais essayé de s’attaquer à cette opposition en faisant appel aux ouvriers agricoles, toujours inorganisés, et aux salariés urbains, victimes eux-mêmes de l’inflation.
La politique extérieure du Gh na, fondée sur un panafricanisme marqué en 1959-1960 par l’union théorique Guinée-Gh na-Mali et l’adhésion au groupe de Casablanca, glissait progressivement à gauche (comme le montrent l’intervention au Congo en 1960-1961, les tensions avec les voisins ivoiriens et togolais, les attitudes à l’O.N.U.); cette tendance «populaire» n’a pas compensé les causes de mécontentement internes, tandis que le parti unique devait ne jamais acquérir de consistance réelle et que l’idéologie – formulée parfois en termes socialisants – prenait chaque jour davantage une coloration mystique (le «consciencisme», le culte de l’Osagyefo ou Rédempteur: Nkrumah).
5. Le Gh size=5na en crise (1966-1982)
L’instabilité politique permanente
Le renversement du régime de Nkrumah s’est opéré en février 1966 mais, depuis un an déjà, les tensions étaient fortes. Citons quelques exemples: en février 1965, l’annonce de la mort en prison du docteur J. B. Danquah, qui était le leader de l’opposition et qui avait participé avec Kwame Nkrumah à la réalisation de l’indépendance du Gh na; la condamnation au même moment de deux anciens ministres accusés de complot contre le chef de l’État; des manifestations en mars 1965 contre les États-Unis et le Nigeria; la tension persistante entre le Gh na et le Togo; les échecs du chef de l’État qui désirait organiser un sommet de l’O.U.A. à Accra et qui se heurtait à l’opposition de nombreuses puissances; l’accusation d’avoir provoqué des complots en vue d’assassiner le président Hamani Diori et le président Maurice Yameogo; l’organisation d’élections en juin 1965, qui s’était traduite par une réélection massive des seuls candidats officiels, l’opposition n’ayant pas pu faire acte de candidature et le gouvernement ayant décidé qu’il n’y avait pas lieu de faire voter le peuple, mais qu’il fallait reconnaître purement et simplement élus les candidats du parti unique. Dans ces conditions, la réélection du président Nkrumah à l’unanimité, au mois de juin 1965, ne pouvait avoir grande signification. C’est dans ce contexte que le président Nkrumah partait en visite, le 22 février 1966, à Pékin et à Hanoi, alors qu’il n’avait guère quitté son palais présidentiel depuis deux ans. Trois jours après le départ, l’armée prenait le pouvoir et un Conseil de libération comprenant sept officiers était constitué au Gh na.
Le nouveau régime, très favorablement accueilli par les puissances occidentales, soulevait quelques appréhensions du côté des pays socialisants tels le Mali, la Guinée et l’Union soviétique. Très vite, cependant, le nouveau gouvernement était reconnu quasi universellement et sa délégation était agréée à la conférence de l’O.U.A. Ce régime renoua en particulier des relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne alors que celles-ci avaient été rompues par Nkrumah. Au mois de mars, l’Union soviétique reconnaissait à son tour le nouveau régime ghanéen bien que techniciens et diplomates soviétiques eussent été amenés à quitter le Gh na.
Le nouveau gouvernement a dénationalisé sept entreprises d’État et placé onze autres entreprises sous un régime de gestion mixte, tandis que les tensions avec la Guinée soulignent ses orientations antisocialistes. En février 1965, la création d’une nouvelle monnaie est décidée.
Bien qu’en novembre 1966 le gouvernement militaire ait décidé de faire préparer un projet de constitution pour rendre le pouvoir aux civils, les signes d’instabilité politique se multiplient avec des tentatives de coups d’État en janvier et en avril 1967 à Accra.
Ces tensions politiques tiennent en partie au fait que le Gh na connaissait de grandes difficultés économiques qui se sont traduites par une dévaluation de la monnaie, la valeur du cedi passant de 10 à 7 shillings.
L’année 1968 est marquée par le renforcement des relations entre le Gh na et les États-Unis, en particulier du point de vue économique et politique, et par de nouvelles tensions internes, notamment avec l’arrestation du commandant des forces armées en novembre 1968.
Le général J. A. Ankrah, chef du gouvernement mêlé à une affaire de corruption, est remplacé par le général Akwasi Afrifa. Le nouveau conseil est mis cependant en place. La nouvelle constitution qui a été promulguée le 23 août 1969 prévoit le retour au pouvoir civil pour le 30 septembre avec un régime transitoire au cours duquel le pouvoir sera exercé par un triumvirat comportant des militaires. La nouvelle constitution prévoit une direction bicéphale composée du président de la République et du Premier ministre. La politique générale sera du ressort du Premier ministre et de son gouvernement. Le président nomme les membres des grands corps de l’État, procède à l’installation des chefs coutumiers. Dans ses fonctions, la présidence est assistée d’un conseil composé du premier président de la Cour suprême, du Premier ministre, du chef de la minorité, du procureur général, du commandant en chef des forces armées et d’un certain nombre d’anciens hauts fonctionnaires. Les élections législatives qui ont eu lieu le 29 août opposaient cinq partis: l’Alliance nationale des libéraux, le Parti progressiste, le Parti nationaliste unifié, le Parti de l’action populaire et le Parti républicain populaire; les deux principaux partis étaient l’Alliance des libéraux et le Parti progressiste dirigé par Kofi Busia. C’est ce dernier qui devait remporter les élections. Busia, né en 1913, professeur de sociologie, élu en 1951 député de la province de l’Ashanti au Conseil législatif, devint leader du Parti du progrès opposé au parti de la Convention du peuple dirigé par Nkrumah. En 1957, il quitte le pays, il n’y retournera qu’en 1966 après le coup d’État. Le docteur Busia a alors formé le gouvernement ghanéen en septembre 1969.
Le 31 août 1970, Akufo-Addo est élu président de la République du Gh na. Dans la nuit du 12 au 13 janvier 1972, nouveau coup d’État par lequel les militaires éliminent le docteur Busia qui se trouvait à Londres; le lieutenant-colonel Ignatius Acheampong, organisateur de ce coup d’État, prend le pouvoir et met en place un comité de rénovation nationale. Le président de la République Akufo-Addo est démis de ses fonctions et l’Assemblée nationale dissoute.
Le nouveau pouvoir interdit les partis politiques, mais obtient le soutien des syndicats; la dette publique est extrêmement importante: d’un crédit de 250 millions de livres, le Gh na était passé à un endettement de 500 millions de livres en 1966. La situation depuis lors ne s’était guère redressée et le gouvernement avait dû procéder à la fin de 1971 à une importante dévaluation qui avait abaissé la valeur du cedi de 98 cents à 55 cents. Le nouveau gouvernement réévalue la monnaie nationale et la porte à 78 cents.
Le 27 avril 1972, la mort de Nkrumah paraît devoir signifier la disparition d’une opposition organisée. De fait, durant les années 1974-1975, il se produit peu d’événements importants; le gouvernement Acheampong consolide son pouvoir malgré des tensions sociales dans le domaine universitaire et l’existence de certains complots reposant notamment sur des bases ethniques.
En 1977, une importante famine, notamment dans le nord du pays, fait, semble-t-il, plusieurs centaines de victimes et en même temps révèle le développement de la subversion et la résurgence du tribalisme. Le gouvernement renouvelle ses promesses de retour au régime civil. En avril 1978, il fait procéder à un référendum qui donne une majorité en faveur d’un gouvernement associant civils et militaires, mais en réalité le général Acheampong sort affaibli de cette consultation dans la mesure où il est fortement critiqué et où les fraudes sont si nombreuses que l’opposition peut affirmer que le résultat a été inversé. Des vagues d’arrestations font suite au référendum, et, le 7 juillet 1978, le général Acheampong, amené à démissionner, est remplacé par le général W. F. Akuffo. Ce dernier prévoit le retour au pouvoir civil, libère les opposants arrêtés et met en place une procédure de réorganisation du pouvoir. Une assemblée constituante est créée en décembre 1978. La possibilité de fonder des partis politiques est à nouveau affirmée et des élections sont organisées pour le 18 juin 1979. Le 16 mai 1979 a lieu une première tentative de coup d’État organisée par un officier d’aviation, le lieutenant Jerry Rawlings ; celui-ci est arrêté, mais le 4 juin un nouveau coup d’État renverse le gouvernement en place, libère Rawlings et crée un comité insurrectionnel, composé essentiellement d’officiers subalternes et de sous-officiers. Ce coup d’État retarde de plusieurs mois le retour au régime civil.
Les nouveaux dirigeants procèdent à une épuration très dure. Les généraux Acheampong, Akuffo et Akwasi Afrifa, tous anciens chefs de l’État, sont fusillés, ainsi que de nombreux chefs militaires et anciens ministres.
Cependant, les élections prévues pour le 18 juin se déroulent normalement. Elles donnent la majorité absolue au People’s National Party (ancien parti de Kwame Nkrumah). Le leader du P.N.P., Hilla Limann, est élu président le 8 juillet 1979. Le Conseil des forces révolutionnaires affirme son désir de rendre le pouvoir aux civils le 24 octobre 1979 en créant la IIIe République du Gh na.
Cette passation des pouvoirs n’assure pas la stabilité sociale et politique. De nombreuses condamnations sont portées contre des commerçants ghanéens et libanais et renforcent le climat de tension. À la fin de l’année, le lieutenant Rawlings est mis à la retraite ainsi que divers officiers supérieurs. Des troubles se multiplient au début de 1980, impliquant civils et militaires. Un conflit constitutionnel éclate au mois d’août entre le président Limann et le Parlement lorsque celui-ci refuse d’accepter la désignation du président de la Cour de justice. La fin de l’année connaît un renforcement des tensions avec l’arrestation du lieutenant Rawlings accusé de mettre sur pied une organisation révolutionnaire afin de saboter la Constitution. La décomposition de l’État se poursuit en 1981 avec des manifestations tribales qui coûtent la vie à plus de mille personnes dans l’est du pays. Le Parlement rejette le budget présenté par le gouvernement. Le parti majoritaire ne résiste pas à la tension et son président, proche du chef de l’État, est démis de ses fonctions.
Le 30 décembre 1981, le gouvernement Hilla Limann est renversé par un coup d’État organisé par le lieutenant Rawlings. Un Conseil provisoire de la défense nationale est constitué, qui affirme sa volonté de lutter contre la corruption et la gestion catastrophique des civils. La nouvelle équipe au pouvoir suspend la Constitution, supprime les partis politiques et fait procéder à l’arrestation de l’ancien président et de nombreuses personnalités. Pour lutter contre la corruption et la hausse des prix, le nouveau régime a voulu provoquer une baisse autoritaire et a fait fermer certains marchés urbains. Les réactions des revendeuses ghanéennes, qui jouent un rôle essentiel dans l’approvisionnement des villes, n’ont fait que rendre la situation plus difficile. Les divisions de l’armée, les multiples exécutions de civils et de militaires, les réactions des États voisins rendus inquiets par les relations du lieutenant Rawlings avec la Libye contribuent très vite à dégrader la situation. À ces tensions multiples, à la décomposition économique s’ajoutent les tensions ethniques. En six mois de pouvoir, attentats et complots se succèdent. La restauration de l’ordre et la réalisation de l’unité paraissent toujours très aléatoires.
La crise économique et sociale
Au moment de l’indépendance, le Gh na était un des territoires les plus prospères de l’Afrique noire. Le produit intérieur brut était plus de deux fois supérieur à celui de la Côte-d’Ivoire et se situait au troisième rang dans l’ensemble du continent noir, le P.I.B. par tête occupant le premier rang. La politique économique pratiquée a été le reflet de l’évolution politique générale. Durant l’ère de Nkrumah, les objectifs panafricains, la volonté d’assurer l’indépendance nationale, une forme particulière de socialisme et le non-alignement ont conduit à combiner des investissements de prestige et la création d’importantes infrastructures. Des résultats intéressants ont été obtenus: construction du barrage d’Akosombo et aménagement du port de Tema, développement des infrastructures routières et une certaine industrialisation. La croissance a pu ainsi se maintenir, mais déjà à un rythme sensiblement ralenti. De 1960 à 1970, le P.I.B. augmente à un taux de 2,1 p. 100 par an, qui est l’un des plus faibles de la zone pour cette période. La cause principale en est l’affaiblissement de la «bourgeoisie» cacaoyère et partant de l’économie cacaoyère, principale source de richesse du pays.
Au cours de la période 1970-1979, la situation devient catastrophique. Le P.I.B. décroît à un taux de 0,1 p. 100 par an, mais ce taux est obtenu en combinant la croissance des activités de service (+ 1 p. 100) avec le recul de l’agriculture (face=F0019 漣 0,2 p. 100) et surtout de l’industrie (face=F0019 漣 1,5 p. 100).
Sur l’ensemble de la période 1960-1978, le P.N.B. par habitant a, compte tenu de la croissance démographique, décru à un taux de 0,8 p. 100 par an. L’évolution de la production a ainsi des conséquences graves sur les conditions de vie de la population. Au cours de la décennie 1969-1979, l’indice de la production alimentaire par habitant est tombé de 100 à 82. Cela explique que le Gh na, avec une moyenne de 1983 calories par habitant, ne fournisse à ceux-ci que 86 p. 100 de la ration alimentaire considérée comme normale.
D’une manière plus générale, de 1969-1971 à 1977-1979, la production agricole globale a diminué: face=F0019 漣 0,1 p. 100 par an pour les cultures vivrières et 漣 4,5 p. 100 par an pour les cultures d’exportation. Dans le même temps, la production agricole par tête a décru respectivement de 3,1 p. 100 et 7,5 p. 100. L’alimentation correcte de la population et l’équilibre du commerce extérieur sont profondément affectés par cette situation.
Cette dégradation de la production a entraîné – ce qui est plus grave – une détérioration de l’appareil de production. L’investissement intérieur brut a connu un taux annuel de décroissance de 3,2 p. 100 par an de 1960 à 1970 et de 7,9 p. 100 dans la décennie suivante, ce qui est exceptionnel en Afrique pour l’ensemble de la période. L’investissement intérieur brut qui représente 24 p. 100 du produit intérieur brut en 1960 n’en représente plus que 5 p. 100 en 1979. Le Gh na illustre ainsi le cas de pays sous-développés victimes d’un processus de régression économique.
Ce blocage s’est produit dans une économie qui connaissait par ailleurs de sérieux déséquilibres.
L’inflation a sévi tout au long de la période mais avec une tendance à l’accélération. De 1960 à 1970, le taux de la hausse des prix est de 7,6 p. 100 par an. Si l’on excepte le Zaïre, c’est la hausse la plus importante alors enregistrée en Afrique noire. Mais, de 1970 à 1979, le taux annuel de hausse des prix est de 32,4 p. 100, soit plus de trois fois le taux moyen d’inflation de l’ensemble de l’Afrique. L’inflation s’aggrave de plus en plus, atteignant 120 p. 100 par an au cours du premier semestre de 1982. La monnaie ghanéenne, le cedi, perd donc toute crédibilité et est négociée sur le marché parallèle au dixième de sa valeur officielle.
En ce qui concerne les relations avec l’extérieur, la situation peut paraître moins grave. En effet, l’excédent des exportations sur les importations s’est élevé à environ 100 millions de dollars en 1979. Au cours de la période, les années d’excédent alternent avec les années de déficit, le solde global étant plutôt positif. Cependant, la tendance est à la dégradation de la situation. D’après les données de la Banque mondiale, la croissance des exportations s’est réalisée au taux faible de 0,2 p. 100 par an de 1960 à 1970 et, depuis lors, les exportations ghanéennes tendent à diminuer (face=F0019 漣 7,2 p. 100 par an de 1970 à 1979). Quant aux importations, après avoir décru de 1960 à 1970 (face=F0019 漣 1,5 p. 100 par an), elles sont demeurées pratiquement stables de 1970 à 1979 (+ 0,1 p. 100). Or cette évolution n’est pas imputable à des facteurs extérieurs.
L’indice des termes de l’échange de revenu est passé de 90 en 1960 à 100 en 1975 et à 144 en 1979. Même en tenant compte des fluctuations du prix des produits exportés par le Gh na certaines années, la dégradation du commerce extérieur est imputable à des causes internes liées au volume et à la qualité de la production.
L’une des conséquences de la situation du commerce extérieur est la grande difficulté que rencontre le Gh na pour obtenir des capitaux à l’étranger. Alors que la dette publique et la dette privée garantie par l’État ont été multipliées par 5 de 1970 à 1979 pour l’ensemble de l’Afrique noire, la dette ghanéenne a été multipliée par 2,8. Loin d’être un signe de bonne gestion financière, ce fait est essentiellement une manifestation de la défiance des prêteurs éventuels vis-à-vis d’un pays dont la monnaie est dépréciée, l’économie déclinante et le système politique instable. L’accélération de l’endettement en 1980 et 1981 (hausse de 80 p. 100 par rapport à 1979) résulte de l’incapacité du pays à payer ses importations et à tenir ses engagements antérieurs. On pourrait remarquer d’ailleurs une réticence identique au niveau de l’aide extérieure, celle-ci ayant augmenté deux fois moins vite en direction du Gh na que vers les autres pays africains, non en raison d’une absence de besoins, mais du fait de l’absence de projets cohérents.
Dernier signe de la crise ghanéenne, l’incapacité pour l’État de financer correctement les dépenses publiques. En 1973, la fiscalité couvrait 63,6 p. 100 des dépenses publiques. En 1978, le taux de couverture n’est plus que de 39,5 p. 100. L’État prélevait 14,6 p. 100 du P.I.B. en 1973, il ne parvient à obtenir que 6,5 p. 100 en 1978. La nécessité de recourir à des expédients pour assurer le fonctionnement de l’État est un nouveau facteur de détérioration de la situation économique.
6. Le Gh size=5na, État africain modèle?
Le Gh na est sans aucun doute le pays le plus paradoxal d’Afrique noire. Lorsqu’il détient le maximum d’atouts, il sombre dans l’anarchie la plus totale, au moment où ses voisins prospèrent. Lorsqu’il touche le fond de l’abîme, il devient le «bon élève du F.M.I.» donné en modèle à l’Afrique.
Un modèle pour le F.M.I.
Le grand virage a surtout été pris dans le domaine de l’économie. La prise du pouvoir par Rawlings a été suivie d’une crise économique sans précédent en 1982-1983: les exportations de cacao, qui étaient en 1970 de plus de 400 000 tonnes, tombent à 165 000 tonnes. De même, de 1970 à 1982, le revenu par habitant est réduit d’un tiers; le taux d’inflation atteint 121,9 p. 100 en 1983, les magasins sont vides, la dépréciation du cedi sur les marchés parallèles se poursuit régulièrement.
Face à cette situation, le gouvernement ghanéen va renverser sa politique à partir d’octobre 1983 et mettre en place, avec l’aide du F.M.I., un programme rigoureux de redressement économique (Economic Recovery Program, E.R.P.). Ce programme, qui s’est divisé en deux phases – l’une portant sur 1983-1984, l’autre amorcée en août 1984, comportait un ensemble cohérent de mesures. D’abord la dévaluation du cedi et la mise en place d’un système de vente de devises aux enchères: par paliers successifs, le dollar est passé de 2,75 cedis en 1983 à 157 cedis en 1987; en second lieu, une libéralisation du commerce et un relèvement sensible du prix du cacao pour réduire les exportations clandestines vers la Côte-d’Ivoire ou le Togo; ensuite, une action sur les prix, pour rétablir une certaine vérité des prix, en particulier avec le relèvement du prix du carburant; enfin, des mesures de compression des charges: réduction du nombre de fonctionnaires, des agents des entreprises publiques, mais aussi du revenu réel des salariés; l’incitation à l’activité économique était au contraire stimulée par l’aménagement de l’impôt sur les hauts revenus et la baisse des droits de douane.
Rigoureusement appliqué par le ministre des Finances Kwesi Botchwey, ce programme s’est heurté à ses débuts à de grandes difficultés en raison de l’expulsion d’un million de Ghanéens du Nigeria, ce qui a provoqué une charge économique importante, et aussi du fait de mauvaises récoltes liées à la sécheresse.
Le second programme, qui a mis en place un système de réajustement trimestriel du cedi, compte tenu de l’inflation, et qui a bloqué les salaires, a par contre connu un succès certain jusqu’en 1986. Le taux d’inflation a été ramené à 10,4 p. 100 en 1985 et le Gh na a entamé la réduction de ses arriérés de dette. Si l’année 1986 a été plus difficile avec une reprise de l’inflation (+ 23 p. 100), il semble que le maintien de la politique d’austérité porte aujourd’hui ses fruits.
Parmi les éléments positifs, on peut citer: la reprise des productions vivrières dont le volume aurait doublé; l’augmentation des exportations de cacao (+ 225 000 t en 1987); l’existence de taux de croissance du P.N.B. positifs (alors que le P.N.B. avait décru de 5 p. 100 par an de 1973 à 1983, il a connu une croissance de 5,1 p. 100 en 1985 et de 8,6 p. 100 en 1986); le meilleur contrôle de la croissance de la masse monétaire (+ 63 p. 100 en 1983, + 27 p. 100 en 1987); une progression de 20 p. 100 de la collecte des impôts; le remboursement de 28 millions de dollars au F.M.I. en 1986 et de 206 millions en 1987.
Mais des progrès tout aussi substantiels ont été obtenus en ce qui concerne le fonctionnement de l’économie: chemins de fer, activités portuaires, énergie.
Ces efforts du gouvernement ghanéen ont été encouragés par les milieux internationaux, qui ont accordé une aide importante tant pour réduire les déséquilibres conjoncturels que pour aider au renforcement des structures. Parmi les divers programmes d’ajustement structurel du F.M.I., si souvent critiqués, le Gh na fait figure de modèle.
Le réalisme du gouvernement du capitaine Rawlings se manifeste au début de 1988 par le lancement d’un programme d’action pour compenser les coûts sociaux de l’ajustement (Pamscad). Ce plan vise en particulier à assurer le «redéploiement» des travailleurs licenciés des entreprises publiques (8 000) ou de la fonction publique (45 000); à compenser les baisses de revenus par des actions au niveau des communautés villageoises ou en offrant des emplois temporaires; à agir en vue d’une meilleure couverture des besoins essentiels et à développer l’éducation et l’alphabétisation...
Un tel programme, certainement justifié, est aussi le signe d’une volonté de récupération. Tout en poursuivant sa rigoureuse politique d’austérité, le gouvernement ghanéen entend renforcer son emprise sur la masse des citoyens en montrant son désir de faire participer le maximum de personnes au partage de la prospérité renaissante et en marginalisant ceux qui pratiquent la spéculation et la corruption (le kalabule ), présentés comme des traîtres face aux efforts de la nation.
Le gouvernement ghanéen, par son discours sur la stabilité monétaire et la libre fluctuation des taux de change, à partir d’affirmations sur la libération des échanges et la politique de libre entreprise, s’est donné une image très favorable auprès des experts du F.M.I.; cela s’est traduit par d’importantes aides financières. Cependant, une grande prudence est nécessaire. Le Gh na est loin de la stabilité économique. Il connaît des taux d’inflation élevés bien que décroissants: 18 p. 100 en 1991, ce qui reste supérieur au taux de nombreux pays de la zone franc. Mais, surtout, le problème de la croissance demeure entier. L’économie d’entreprise ne se décrète pas et le Gh na manque de chefs d’entreprise capables de lancer de nouvelles affaires rentables. La crise mondiale de l’économie cacaoyère constitue un autre handicap et les perspectives économiques demeurent assez bouchées à moyen terme.
Un modèle pour la démocratie africaine
Depuis 1982, plus d’une vingtaine de complots ou de tentatives de coups d’État auraient été déjoués et la répression aurait été souvent sévère. Il n’en demeure pas moins que le pouvoir mis en place a plutôt renforcé son autorité. Si les nostalgiques de Nkrumah émettent des réserves sur la politique actuelle, si les intellectuels, marxistes en particulier, dénoncent l’asservissement au capitalisme, si les multiples spéculateurs redoutent la violence des actions purificatrices du président, la masse des Ghanéens lui sait gré d’avoir rempli à nouveau les magasins, de présenter un pouvoir évitant les dépenses fastueuses et à la corruption limitée. De plus, l’équipe qui entoure le président au sein du Provisional National Defence Council (P.N.D.C.) est composée de cadres très compétents, formés dans les universités européennes ou américaines, qui savent appliquer une politique plus cohérente.
Dans ce domaine également, le capitaine Rawlings a su faire évoluer les choses. Une nouvelle Constitution a été élaborée et ratifiée par référendum le 28 avril 1992. Elle repose sur de grands principes démocratiques: la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, une Assemblée élue dans un système de pluripartisme, un président chef de l’exécutif élu par le peuple. De fait, la loi a levé l’interdiction qui frappait les partis politiques depuis plus de dix ans et l’élection présidentielle s’est faite avec pluralité de candidats, parmi lesquels d’anciens leaders politiques. Cependant, le capitaine Rawlings a été réélu le 3 novembre 1992 à la tête de l’État ghanéen. L’alternance n’est peut-être pas encore écrite dans le texte constitutionnel...
Ghana ou Ghâna
(royaume puis empire du) le plus ancien état d'Afrique noire connu par les historiens (VIIIe-XIe s.) situé entre les fleuves Sénégal et Niger. Il dut sa richesse à ses mines d'or (dans le haut Sénégal et le haut Niger) et au commerce transsaharien. Mis à part ce fait fondamental, on sait peu de chose sur le Ghana, état qui fut constitué par des Sarakholé (dits aussi Soninké), probablement au VIIIe s., peut-être avant. à la fin du Xe s., cet état puissant grâce à sa cavalerie soumit Aoudaghost, qui devint son princ. centre caravanier, mais qui fut pris par les Almoravides en 1054. En 1077, le royaume susu se libéra de l'emprise du Ghana, qui se disloqua. Au début du XIIIe s., les Susu, conduits par Soumangourou Kanté, s'emparèrent de cet empire affaibli mais furent vaincus en 1235 par le Manding Soundiata Keita, qui acheva en 1240 la conquête du Ghana et fonda l'empire du Mali.
— Le nom de Ghana a été repris en 1957 par la Côte-de-l'Or, première colonie d'Afrique subsaharienne qui accéda à l'indépendance, pour commémorer le "premier" état africain bien que son territoire ne fût pas celui de l'anc. empire.
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Ghana
(république du) (Republic of Ghana), anc. Côte-de-l'Or (en angl. Gold Coast), état d'Afrique occidentale sur le golfe de Guinée; 238 538 km²; 16 472 000 hab., croissance démographique: 3 % par an; cap Accra. Nature de l'état: république membre du Commonwealth. Langue off.: angl. Monnaie: cedi. Princ. ethnies: Akan (52 %), Mossi-Dagomba (16 %), éwé (12 %). Relig.: christianisme (63 %), religions traditionnelles (21 %), islam (16 %). Géogr. phys. et hum. - Le relief, peu accusé, est formé de plateaux qui dominent les plaines littorales du S. et la cuvette de l'E., aujourd'hui occupée par le lac Volta (le plus grand lac artificiel du monde), qui collecte les eaux des Volta noire, rouge, blanche, retenues par le barrage d'Akosombo. Au S.-O., le plateau Ashanti, humide et forestier, concentre la majorité des habitants, alors que le S.-E. et le N., au climat tropical plus sec (forêt claire et savane), ont un peuplement clairsemé. Les deux tiers des Ghanéens sont encore des ruraux: la croissance démographique (surtout importante dans les villes) contraint une partie de la main-d'oeuvre à s'expatrier. écon. - Pays en développement, le Ghana jouit d'importantes richesses minières et hydroélectriques, et présente une économie relativement diversifiée; l'agriculture et l'industrie sont en progrès et le tourisme en essor. Aux exportations traditionnelles de cacao, d'or et de bois, s'ajoutent désormais des diamants, des fruits, du maïs et de l'aluminium. Depuis l'adoption, en 1983, du programme d'ajustement structurel du F.M.I., la croissance du P.N.B. a été forte et la situation s'est assainie. La dette reste élevée et le déficit extérieur notable mais le F.M.I. considère le Ghana comme un modèle pour tous les pays d'Afrique subsaharienne. Hist. - L'exploitation de l'or, ainsi que celle de la cola, remonte aux temps les plus reculés. Le pays s'ouvrit à l'organisation étatique dès le XIe s., et surtout après le XVIe s., quand apparurent divers royaumes, akan, mossi, fanti, dagomba, etc. En 1471, les Portugais, qui exploraient les côtes africaines, furent les premiers à atteindre la région, à laquelle ils donnèrent le nom significatif de "Côte de l'Or". à partir du XVIIe s, ils entrèrent en compétition avec les Hollandais, les Britanniques et les Français. Au XVIIe et au XVIIIe s., un chef akan, Osei Tutu, puis ses successeurs unifièrent les chefferies ashanti en un royaume, qui élargit son territoire et devint un véritable empire. La capitale Kumasi, les provinces intérieures puis les provinces extérieures étaient reliées par un dense réseau de routes. Le royaume vendait des esclaves aux Européens. Les Britanniques mirent fin à la traite négrière sur le littoral en 1807 et tentèrent de contrôler le pays. Ils s'allièrent avec les petits états côtiers, inquiets de la puissance de l'Ashanti. Aux accords signés par l'Ashanti et les Anglais (1817, 1831, 1867) succédèrent des conflits directs (1824, 1826, 1863, 1874). à la fin du XIXe s., l'Ashanti entra dans une phase de déclin, marquée par des querelles internes (guerre civile, 1887), et la Confédération ashanti ne put résister aux Britanniques, qui prirent Kumasi en 1896 et imposèrent leur protectorat. La colonie s'agrandit, au lendemain de la Première Guerre mondiale, d'une partie du Togo allemand. L'effort porta essentiellement sur les plantations de cacao: en 1911, la Gold Coast devint le premier producteur mondial. Le nationalisme s'éveilla précocement. En 1920, un intellectuel, James Casely Hayford, créa le National Congress of British West Africa, mouvement panafricain anticolonialiste. En 1925, la Gold Coast reçut une Constitution qui faisait participer les chefs, mais non les intellectuels, à la gestion du pays. La Constitution de 1946 ouvrit plus largement aux Africains le Conseil législatif que celle de 1950 transforma en Assemblée nationale. En 1951, la Convention People's Party (C.P.P.) remporta les élections et son leader, Kwame Nkrumah, dirigea le gouv. Il obtint l'indépendance du pays, avant toutes les autres colonies, le 6 mars 1957, et le rebaptisa Ghana. En 1960, il fut élu président de la Rép. Champion du panafricanisme et du non-alignement des pays du tiers monde, il prôna un "socialisme africain" en faisant du C.P.P. le parti unique et en développant le culte de la personnalité. La baisse du prix du cacao contribua à délabrer l'économie. En 1966, alors que le président visitait la Chine, l'armée prit le pouvoir. Alternèrent alors des régimes militaires (1966-1969 et 1972-1979) et civils (Dr Busia de 1969 à 1972 et Dr Hilla Limann de 1979 à 1981), alors que sévissait la crise économique. Après une première intervention en 1979, le capitaine Jerry Rawlings s'empara du pouvoir en 1981 et renforça progressivement son autorité. En 1983, il lança un programme de redressement économique. En 1992, il fit adopter par référendum une Constitution qui établit le tripartisme, et remporta l'élection présidentielle contre le leader de l'opposition, l'historien Adu A. Boahen. Mais le régime doit faire face à l'agitation sociale et à des affrontements ethniques dans le nord-est du pays. En déc. 1996, Rawlings a été réélu à une faible majorité; pour la première fois depuis 1981, l'opposition est représentée au Parlement. En déc. 1996 également, le Ghanéen Kofi Annan a été élu secrétaire général de l'ONU.
Encyclopédie Universelle. 2012.