GOUVERNAIL
GOUVERNAIL
Si l’on met à part les subtilités des interprétations techniques, d’autant plus hasardeuses que les documents eux-mêmes ne sont pas toujours précis, le problème du gouvernail se ramène à une formulation très simple. Dès les origines de la navigation, la gouverne est assurée par une rame plus importante que les autres, système en usage jusqu’au XIIe siècle et remplacé, ensuite, par le gouvernail d’étambot. L’iconographie égyptienne (à partir de la construction des navires mâtés: \GOUVERNAIL 2700), les peintures de vases grecs, les bas-reliefs romains nous livrent, par centaines, les exemples de rames-gouvernails diversement retenues à la poupe et manœuvrées de côté. Ces très lourds leviers, dont la partie plongeante est la plus importante, se manipulent difficilement. La technique de prise, en Égypte, consiste à emmancher au sommet de la hampe une barre verticale, la rame subissant alors un mouvement de rotation dans son axe longitudinal. Une traverse peut aussi relier deux rames-gouvernails disposées de chaque côté de la coque. Les modes de fixation sur le plat-bord ou de maniement de la rame-gouvernail ont varié sans doute, encore qu’il soit impossible, à partir de figurations souvent énigmatiques, de préciser les étapes, et moins encore les détails, de cette évolution. Pour l’essentiel, cette technique de gouverne obérait le développement de la construction navale, faute de pouvoir assurer la direction de navires d’un très fort tonnage.
Le gouvernail axial, pivotant sur charnières à l’étambot et manœuvré par une barre horizontale, apparaît au début du XIIIe siècle. On a voulu lui donner une origine exclusivement nordique, les bas-reliefs des églises de Winchester (Angleterre) et de Zedelghem (Belgique), un sceau d’Elbing (Allemagne) daté de 1242 représentant des bateaux pourvus de ce système de gouverne. Toutefois, sur une miniature du manuscrit persan, Al-Maqâmât de Harîrî, achevé en 1237, un navire de la mer des Indes possède, lui aussi, le gouvernail d’étambot, d’ailleurs figuré avec une précision que peuvent lui envier les témoignages du Nord. Il faut donc admettre les provenances diverses et simultanées de cette invention, phénomène, du reste, assez ordinaire.
D’une grande efficacité, le gouvernail d’étambot permettra non seulement d’accroître le tonnage des navires, mais de vaincre, en haute mer, des difficultés qu’aurait subies la rame-gouvernail: à cet égard, il favorisera les premières tentatives de navigation hauturière.
gouvernail [ guvɛrnaj ] n. m.
• v. 1130 governail; lat. gubernaculum « aviron », de gubernare
1 ♦ Plan mince orientable servant à régler la direction, les évolutions d'un navire. Des gouvernails. Le gouvernail est généralement situé à l'arrière, en poupe. Parties du gouvernail : aiguillot, jaumière, mèche, safran. Manœuvre du gouvernail (⇒ barre, timon ) . Être au gouvernail. Gouvernail automatique (cf. Pilote automatique).
♢ Gouvernail de profondeur d'un sous-marin, servant à régler la profondeur d'immersion (barre de plongée).
♢ (1911) Aviat. Gouvernail de direction, de profondeur. ⇒ empennage, gouverne, palonnier.
2 ♦ (XVIe) Par métaph. ou fig. Ce qui sert à diriger, à conduire; conduite des affaires. ⇒ barre. Saisir, tenir, abandonner le gouvernail.
● gouvernail nom masculin (latin gubernaculum, de gubernare, gouverner) Appareil mobile destiné à la manœuvre et à la conduite des bateaux. Symbole du poste de direction d'une entreprise, d'un groupe, d'un État : Quitter le gouvernail. ● gouvernail (difficultés) nom masculin (latin gubernaculum, de gubernare, gouverner) Orthographe Plur. : des gouvernails. ● gouvernail (expressions) nom masculin (latin gubernaculum, de gubernare, gouverner) Gouvernail automatique, servomécanisme qui, sous l'effet du vent, permet de maintenir un voilier au cap désiré, sans intervention humaine. Gouvernail de profondeur, plan mince horizontal et orientable disposé à l'avant et à l'arrière des sous-marins pour les mouvements dans un plan vertical.
gouvernail
n. m.
d1./d Dispositif à l'arrière d'un navire, d'un avion, etc., permettant de les diriger.
d2./d Fig. Direction, conduite. Tenir le gouvernail de l'état.
⇒GOUVERNAIL, subst. masc.
A. — Appareil placé à l'arrière et dans le plan longitudinal d'un navire qu'il sert à gouverner, à amener à la direction voulue et à maintenir dans cette direction. Barre, roue du gouvernail. Gouvernail à roue (DU CAMP, Nil, 1854, p. 284). Se chargeant lui-même d'une étrave et d'un gouvernail avec la mèche et la barre (A. FRANCE, Île Ping., 1908, p. 30). V. aussi arcasse, ex. :
• 1. ... il était possible que la lame nous fît franchir le banc et nous portât dans une eau profonde : mais qui oserait saisir le gouvernail et se charger du salut commun? Un faux coup de barre, nous étions perdus (...). Il me semble encore le voir (...) tenant le timon dans ses fortes serres...
CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 358.
♦ Tenir le gouvernail. Tenir la barre, le timon ou la roue, qui servent à transmettre au gouvernail la manœuvre à effectuer. Thomas, debout à l'arrière, tenait le gouvernail et virait à bâbord ou à tribord selon les méandres du Goyen (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 51).
B. — P. ext. Appareil servant à diriger un aéronef. Le ballon! Le ballon! Je tiens le gouvernail du ballon. Il monte (...) Je conduis mon ballon où ce sera si beau! (A. FRANCE, Étui nacre, Manuscrit, 1892, p. 173).
♦ Gouvernail de direction, de profondeur. Appareils servant à assurer la stabilité d'un avion (cf. gouverne A p. ext.). Le gouvernail de direction [de l'avion] est actionné au pied (...) par un levier (...) appelé « palonnier » (GUILLEMIN, Constr., calcul et essais avions, 1929, p. 146) :
• 2. ... ils jugèrent préférable de remplacer la queue stabilisatrice par un gouvernail de profondeur placé à l'avant, de façon qu'ils l'eussent sous les yeux. Puis ils fixèrent un gouvernail de direction à l'arrière...
P. ROUSSEAU, Hist. techn. et invent., 1967, p. 359.
C. — P. anal. Queue d'un moulin à vent, ou partie d'une éolienne, servant à orienter le moulin (ou la turbine) de façon à présenter les ailes au vent. (Ds LITTRÉ, Lar. 19e-Lar. Lang. fr.).
D. — Au fig. Ce qui sert à diriger; organe de direction essentiel (d'une entreprise, d'un pays). Être au gouvernail. Je dois pour toi-même prendre le gouvernail de notre vie à tous deux (CONSTANT, Journaux, 1804, p. 77) :
• 3. Je connais le travail de la Fabrique, le travail de tous les jours, sans un répit, penché sur les infimes détails d'une grande affaire, la main au gouvernail, guettant les écueils, l'imagination toujours fraîche, l'attention inflexible.
CHARDONNE, Dest. sent., II, 1934, p. 224.
♦ Tenir le gouvernail. Synon. de diriger. M. Pitt rendit, à cette époque, de grands services à l'Angleterre, en tenant d'une main ferme le gouvernail des affaires (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 419). Petits enfants, chantez les louanges du bon pilote qui tient le gouvernail de l'histoire universelle (BUTOR, Passage Milan, 1954, p. 162).
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. 1694-1932. Au plur. des gouvernails. Étymol. et Hist. Fin XIe s. governail (RASCHI, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, 556); 1. ca 1160 mar. (Enéas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 203); 2. XIVe s. « gouvernement » ([Secrets d'Aristote], ms. Richel. 571, f° 123 r° ds GDF.). Du lat. gubernaculum « timon; gouvernail d'un navire », utilisé métaphoriquement en parlant de la direction d'un État. Fréq. abs. littér. : 275. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 503, b) 603; XXe s. : a) 282, b) 246. Bbg. LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 172, 415. - VIDOS (B.E.). Profilo storico-linguistico dell'influsso del lessico nautico italiano su quelle francese. Archivum Romanicum. 1932, t. 16, p. 257.
gouvernail [guvɛʀnaj] n. m.
ÉTYM. V. 1130; governail, fin XIe; en moy. franç. « gouvernement »; du lat. gubernaculum « aviron à large palette servant à diriger un navire », de gubernare. → Gouverner.
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1 Plan mince orientable servant à régler la direction, les évolutions d'un navire. ⇒ Barre. || Le gouvernail est généralement situé à l'arrière, en poupe; gouvernail d'étambot. || Gouvernail de fortune. || Gouvernail actif, dont le safran est mu par une tuyère à hélice. || Gouvernail compensé, facilitant l'effort de la manœuvre. || Gouvernail suspendu, semi-suspendu. || Gouvernail caréné. || Gouvernail automatique, à servomécanisme, sur un voilier (→ ci-dessous, cit. 3.1). — Gouvernail de marche avant, de marche arrière (pousseurs, automoteurs). || Corps du gouvernail (⇒ 2. Safran); axe du gouvernail (⇒ 1. Mèche; aiguillot, fémelot, ferrure). || Passage de la mèche du gouvernail. ⇒ Jaumière, louve, manchon. || Sauvegardes de gouvernail. || Manœuvre du gouvernail (⇒ Barre, timon; drosse). || Pilote qui manœuvre le gouvernail, tient la barre (cit. 4) du gouvernail. ⇒ Barreur, timonier (→ 2. Courant, cit. 6; exhorter, cit. 7). || Avarie (cit. 4) de gouvernail. || Navire sensible au gouvernail. — Par anal. || Le gouvernail d'un aérostat, d'un ballon.
1 Au moyen du gouvernail, la machine (un ballon) pouvait aisément s'orienter dans toutes les directions.
Baudelaire, Trad. E. Poe, Histoires extraordinaires, « Le canard au ballon ».
2 Le radeau était épais mais il restait maniable sur les hautes eaux. Il avait un grossier gouvernail de frêne à l'arrière et Antonio avait besoin de toute sa force pour le bouger et il fallait garder la position un bon moment car la masse des cinquante troncs de sapins obéissait un peu en retard.
J. Giono, le Chant du monde, III, I.
3 Le gouvernail d'étambot (…) commence, au XIIe siècle, à se substituer à l'aviron de flanc ou de queue, c'est-à-dire à la pagaie-gouvernail, qui servait jusqu'alors à faire évoluer le navire. Bien que le gouvernail axial (…) semble directement lié à l'essor de la navigation moderne, son efficacité supérieure, et même son utilité pour la marine à voiles de l'époque où il s'est imposé, restent encore sans explication technique satisfaisante; ce qui constitue un mystère assez irritant pour l'historien.
Ducassé, Histoire des techniques, p. 63.
3.1 Le gouvernail automatique continue à faire son boulot comme toujours, et les embardées restent faibles, ne dépassant pas une dizaine de degrés sur chaque bord, grâce aux lanières de caoutchouc découpées dans une chambre à air de camion, qui servent à limiter le débattement de la barre.
Bernard Moitessier, Cap Horn à la voile, p. 205.
♦ Gouvernail de profondeur d'un sous-marin : gouvernail horizontal servant à régler la profondeur d'immersion, à assurer la stabilité. (On dit aussi barre de plongée).
2 a (1909, l'Aéroplane pour tous, p. 11). Dispositif permettant d'orienter un plan vertical ou horizontal à l'arrière d'un avion; partie mobile de la queue (d'un avion). || Commande du gouvernail de direction. ⇒ Palonnier. || Gouvernail de direction, de profondeur. ⇒ Empennage, gouverne.
b Partie d'un moulin à vent, d'une éolienne, qui l'oriente au vent.
3 (1534). Par compar., métaphore ou fig. Ce qui sert à diriger, à conduire. || État, pays semblable à un navire sans gouvernail. || Saisir le gouvernail dans la tempête. || Âme errante, sans gouvernail dans les orages de la vie (→ Conducteur, cit. 2). — Fig. et spécialt. Conduite des affaires publiques, du gouvernement d'un État, d'une grande entreprise. || Saisir, tenir, maintenir, abandonner le gouvernail. ⇒ Barre. || Être au gouvernail, au poste de commande.
4 (…) Dieu éternel l'a laissé au gouvernail de son franc arbitre (…)
Rabelais, Gargantua, XXIX.
5 Lors ma pauvre raison, des rayons éblouie
D'une telle beauté, se perd évanouie,
Laissant le gouvernail aux sens et au désir,
Qui depuis ont conduit la barque à leur plaisir.
Ronsard, Amours de Marie, II, Élégie.
6 Durant cette tempête n'a-t-il pas (le cardinal de Richelieu) tenu le gouvernail d'une main et la boussole de l'autre.
7 La France est sans direction, et j'irais m'occuper de ce qu'il faut ajouter ou retrancher aux mâts d'un navire dont le gouvernail est arraché.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 266.
Encyclopédie Universelle. 2012.