GOUVERNEMENT
«Le gouvernement de plusieurs n’est pas bon. N’ayons qu’un seul maître, un seul roi, celui auquel le fils de Chronos a donné le sceptre et les lois tutélaires.» Ainsi, dans L’Iliade, vers le IXe siècle avant J.-C., Homère définit-il le système politique le plus apte à régir la société de son temps. Plus tard, délaissant la poésie, les auteurs grecs établiront des typologies. Monarchie, oligarchie, démocratie: cette trilogie, parfois précisée et affinée, dominera la pensée politique, au moins jusqu’à Montesquieu. Mais, entre-temps, un fait de première grandeur était intervenu: l’avènement de l’État moderne. Comme l’a démontré Engels, «il est un produit de la société à un certain degré de son développement». En Europe, ce rendez-vous historique eut lieu au XVIe siècle.
Dès lors, la dissociation entre État et gouvernement devenait inévitable. Celle-ci consommée, Jean-Jacques Rousseau observera: «La constitution de l’État et celle du gouvernement sont deux choses très distinctes.» Nous voici à la source d’un premier malentendu. Le même mot – gouvernement – servira, selon le cas, à caractériser l’État et ses institutions, ou seulement certaines d’entre elles. Un terme identique désignera l’ensemble ou la partie. D’autre part, la Révolution, par souci d’efficacité dans sa lutte contre l’absolutisme royal, avait consenti une place privilégiée à l’organe chargé de faire la loi. La pratique va, progressivement, s’inscrire en faux contre la théorie. Au stade actuel de l’évolution, le gouvernement participe, peu ou prou, à l’entreprise législative.
La doctrine procède enfin à des révisions déchirantes. Mais, comble de paradoxe, au moment où la fonction gouvernementale est enfin reconnue, les adeptes du marxisme-léninisme profèrent, à l’encontre de l’institution qui en est le support, des menaces de mort. Une cinglante fin de non-recevoir est ainsi opposée au postulat de Montesquieu selon lequel «une société ne saurait subsister sans gouvernement».
Ce mot, à notre époque, revêt donc des significations nettement différenciées. Les plus récentes se superposent aux anciennes sans pour autant les détruire. Les unes et les autres peuvent être regroupées en deux catégories. Dans son acception la plus large, le substantif «gouvernement» vise à caractériser le régime d’un pays donné, qu’il s’agisse des détenteurs du pouvoir ou du fonctionnement des institutions.
La théorie juridique a fait un pas de plus. Prenant appui sur la classification des fonctions étatiques énoncée dans L’Esprit des lois (1748): «Il y a, dans l’État, trois sortes de pouvoirs: la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil», elle en fait parfois un synonyme de «pouvoir exécutif». Pareille assimilation est abusive. La pratique le révèle. Le gouvernement concourt à la fonction d’impulsion, de direction et d’animation de la vie nationale. En effet, gouverner c’est, étymologiquement, diriger avec le gouvernail. Plus que jamais, l’État moderne ressent le besoin de cette direction. Elle devient impérieuse dès lors que s’étend le champ de son action. Cette exigence a un corollaire: la fonction gouvernementale, reconnue et réhabilitée, doit, en démocratie, trouver sa source dans le suffrage universel. Sinon, les pires méfaits seraient à redouter.
1. Un pays et son régime
On entend par régime l’ensemble des institutions au sein desquelles intervient la décision politique. Cette précision en appelle deux autres: Quels sont ces organes? Comment fonctionnent-ils? Pour répondre à ces questions, l’usage du mot gouvernement s’avère utile, qu’on évoque le pouvoir régissant l’État ou les modalités de son exercice. Le fondement de ce pouvoir et son aménagement ont varié au gré des temps. Il fut une époque où les chefs étaient considérés comme les détenteurs, à titre personnel, de prérogatives particulières. Plus tard, les formules gouvernementales furent inscrites dans des constitutions. C’est sur ces textes, et sur leur usage, qu’on va se fonder pour répondre aux interrogations précédemment formulées.
Le pouvoir étatique
L’examen de ce problème conduit à une classification des «gouvernements», variable selon les époques et les auteurs. Jusqu’à une date récente, la doctrine traditionnelle retenait les catégories suivantes: monarchie ou gouvernement d’un seul, oligarchie ou gouvernement du petit nombre, démocratie ou gouvernement de la multitude. Hérodote, déjà, présente une telle typologie. Longtemps, elle tiendra lieu de référence.
Platon anime ce tableau. Avant lui, les formes de gouvernements étaient figées. Il leur imprime le mouvement. Il raffine aussi. La monarchie, observe-t-il, n’est pas une. Elle peut, en devenant sophocratique, réaliser le gouvernement des sages. Tyrannique, elle établit le règne de la servitude. Le gouvernement du petit nombre revêt, chez Platon, des formes diverses. Timocratique dans sa forme pure, il paraît reposer sur le désir des honneurs, ou peut-être sur le cens. Sa forme dégénérée est l’oligarchie, ou gouvernement des riches. Quant à la république des Lois, elle apparaît comme «un système transactionnel d’aristodémocratie», selon la formule de M. Prélot. Le gouvernement démocratique figure, lui aussi, dans la typologie de Platon. Mais, rendu responsable de deux maux – dilution de l’autorité et inorganisation de la vie sociale –, il ne trouve pas grâce auprès du maître.
Les trois formes traditionnelles de gouvernement se retrouvent, avec des variantes, chez Aristote. La monarchie est le gouvernement d’un seul au bénéfice de tous. L’aristocratie celui des meilleurs, donc d’une minorité. La «politie» est le gouvernement du plus grand nombre dans l’intérêt de tous. Pour Aristote, la démocratie est une forme pervertie de gouvernement. Celui-ci serait exercé dans l’intérêt du plus grand nombre, donc au détriment des riches. Deux autres déviations sont d’ailleurs à craindre: la tyrannie, ou gouvernement d’un seul dans son intérêt particulier, l’oligarchie, ou gouvernement du petit nombre à son profit exclusif. Aucun de ces régimes n’obtient l’adhésion du Stagirite. Seul a sa faveur le gouvernement de la classe moyenne. Il dirige la cité au mieux des intérêts de tous, riches ou pauvres: là réside sa vertu.
Si, enjambant les siècles, on compare les typologies antiques à celle de L’Esprit des lois , on observe, à première vue, un important écart. Montesquieu écrit en effet: «Le gouvernement républicain est celui où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance; le monarchique, celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies; au lieu que dans le despotique, un seul, sans lois et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices.» Mais, peu de temps après, ce même auteur distingue, dans la république, la démocratie et l’aristocratie. Dès lors, réapparaît la vieille distinction entre les formes de gouvernement pures et corrompues.
Aujourd’hui pourtant, ces schémas résistent mal aux assauts du marxisme-léninisme. Jugés par lui formalistes, ils paraissent, aux yeux de beaucoup, dépassés. Auteurs modernes et gouvernants observent que tous les systèmes politiques se réclament de la volonté populaire. S’agissant de régimes autoritaires, l’abus de mots est flagrant. Ceux-ci sont représentés, d’une part, par les dictatures idéologiques (Italie de Mussolini, Allemagne de Hitler, Portugal de Salazar, Grèce des colonels) et, d’autre part, par les pays en voie de développement.
Ici, les constituants ont, le plus souvent, adopté la solution du monocéphalisme. Le chef de l’exécutif est à la fois chef de l’État et chef de gouvernement. Ce trait caractérise, en particulier, les monocraties africaines. Cependant, selon certains auteurs, ces systèmes politiques ne mériteraient pas d’être qualifiés de dictatures. En effet, ils sont, en général, «orientés vers les conditions objectives d’une démocratie réelle, c’est-à-dire l’abolition de la peur de la faim, de la misère et de l’ignorance» (P. F. Gonidec).
Aux gouvernements autoritaires, on oppose les démocraties classiques. Elles offrent aux citoyens le bénéfice des libertés publiques fondamentales. Elles permettent aux masses de participer aux décisions du pouvoir.
Il convient de faire, ici, une place particulière aux régimes marxistes. Dictatures prolétariennes ou démocraties populaires? Les avis divergent. Sans doute veut-on, avant tout, au moyen du parti unique et, au besoin, par des méthodes autoritaires, construire une société nouvelle au service du prolétariat. Comme on peut le constater, on parle alors de «régimes» ou de «systèmes», tandis que le mot «gouvernement» est réservé pour décrire le fonctionnement des institutions des pays considérés.
Le mode de fonctionnement des institutions
En général, le pouvoir est organisé et exercé conformément aux principes énoncés dans une constitution. Toutefois, ce n’est pas toujours le cas: les responsabilités suprêmes peuvent être assumées par un gouvernement de fait. Cette dernière expression a été créée par Chateaubriand dans son pamphlet De Buonaparte et des Bourbons (1814). Elle s’applique, le plus souvent, à un pouvoir non constitutionnel établi par la force. De caractère révolutionnaire et provisoire, il marque une rupture avec l’ordre juridique antérieur. Gouvernement, il l’est du fait de la réalité de son action et de son autorité. Suffisamment stable et effectif, il doit être normalement obéi par la majorité des citoyens.
Gouvernements de fait et de droit peuvent coexister pendant un certain temps. Une telle dualité de pouvoirs a existé dans la Russie de 1917. Lénine, alors, l’a ainsi décrite: «À côté du gouvernement provisoire, du gouvernement de la bourgeoisie, s’est formé un autre gouvernement, faible encore, embryonnaire, mais qui n’en a pas moins une existence réelle, incontestable, et qui grandit: ce sont les soviets des députés ouvriers et soldats.»
Mais tout gouvernement de fait tente de se survivre. Ainsi s’efforce-t-il de réglementer sa succession. Comme l’a énoncé Robespierre: «Le gouvernement constitutionnel est nécessaire pour conserver la République. Le gouvernement révolutionnaire est nécessaire pour la fonder.»
Ayant établi un régime, on peut l’organiser de façons différentes. Dans le cadre de la démocratie classique, on a le choix entre un gouvernement direct ou représentatif. Selon la première hypothèse, on estime que le peuple peut et doit exercer le pouvoir dans sa plénitude. C’est, au sens propre, le gouvernement du peuple par le peuple. L’identification des gouvernants et des gouvernés se veut le plus complète possible. Jean-Jacques Rousseau fut un défenseur fervent de cette théorie. Pour lui, les «assemblées du peuple sont l’égide du corps politique et le frein du gouvernement». Mais le philosophe genevois ne se borne pas à exprimer ses préférences: il accable aussi le gouvernement représentatif, celui de la seconde hypothèse. Dans Le Contrat social (1762), il observe que l’idée des représentants «nous vient du gouvernement féodal, de cet inique et absurde gouvernement dans lequel l’espèce humaine est dégradée et où le nom d’homme est en déshonneur».
Telle est la théorie. Mais, en pratique, Rousseau, résigné, rejoint Montesquieu, laudateur du régime représentatif. Pour ce dernier, en effet, le peuple n’a ni la capacité ni le loisir de traiter des affaires de son pays. Son intérêt est de désigner des représentants aptes à décider au nom de ses concitoyens. Les modèles susceptibles de donner corps à ce principe sont divers. Pour des raisons tenant à l’histoire, on fait, à la suite de Locke et de Montesquieu, reposer leur formulation sur la manière dont est appliquée la séparation des pouvoirs. Chacun de ceux-ci, législatif, exécutif et juridictionnel, sans interférer avec les autres, exercerait la fonction à lui dévolue. À eux trois, ils assumeraient l’ensemble de l’activité juridique de l’État. À chaque pouvoir correspondrait un organe particulier.
Les deux activités essentielles – faire la loi et l’appliquer à des situations données – seraient strictement séparées. Sur le fondement de ce postulat, la Révolution française abandonne au roi la fonction exécutive et remet aux représentants du peuple le pouvoir législatif. Ces traits caractérisent la monarchie constitutionnelle. En fait, même du temps de Montesquieu, et jusque dans son œuvre, la théorie de la séparation des pouvoirs trichait avec la réalité. Charles Eisenmann et Louis Althusser ont dénoncé le caractère illusoire de ce principe. La Constitution de 1791 admet d’importants chevauchements entre les pouvoirs. Ainsi, l’exécutif empiète sur le législatif en raison, notamment, du veto royal. En vérité, il s’agissait surtout de dresser une machine de guerre contre l’absolutisme du monarque. La bataille gagnée, la «séparation des pouvoirs» avait rempli sa mission. Il convenait alors d’accorder théorie et pratique. Ce fut le rôle du gouvernement parlementaire. Collaboration et équilibre des pouvoirs furent non seulement reconnus mais élevés à la dignité de grands principes. Pourtant, les circonstances ont révélé le caractère précaire de cette formule. Que l’assemblée élue, par exemple, prenne le dessus, et nous voici en présence d’un gouvernement conventionnel. Dès lors, la séparation des pouvoirs disparaît au profit de leur confusion.
Telles sont les utilisations les plus courantes du mot gouvernement, dans son acception la plus large. Désormais donc, il est permis de faire nôtres ces mots de Léon Duguit: «J’ai désigné par le mot gouvernement l’ensemble des organes directeurs de l’État. En parlant ici de gouvernement, j’ai en vue cet organe que, dans la langue politique moderne, on oppose au parlement, qui est placé à côté de lui, au sommet de l’État.» On s’efforcera de montrer que, ainsi entendu, le gouvernement est à l’origine d’une fonction étatique particulière, autonome.
2. Une fonction étatique autonome
Ici, le gouvernement désigne un organe. Parfois, il englobe le chef de l’État, le responsable de l’exécutif et les ministres. En d’autres circonstances, le premier en est exclu. L’incertitude de cette terminologie explique peut-être que le mot gouvernement ait seulement figuré de façon incidente dans les lois constitutionnelles de 1875 et dans la Constitution de 1946. Le fait que celle de 1958 y consacre un titre entier ne suffit pas à lever l’ambiguïté.
Quelle est la fonction remplie par cet organe? Se borne-t-il à appliquer les lois? S’agit-il d’une puissance dérivée, conditionnée par le respect d’une règle antérieure destinée à être précisée ou développée? Ou, pour parler comme H. Kelsen, cette fonction a-t-elle pour objet l’édiction de «normes juridiques individuelles ou concrètes»? Certes, les autorités gouvernementales assurent cette fonction proprement exécutive , d’essence administrative. Elles disposent, pour cela, de moyens divers, tels que la police et les autres services publics. L’expression, couramment utilisée, de «pouvoir exécutif», ne doit pas faire illusion. Elle n’appréhende pas la réalité gouvernementale dans son ensemble. Elle ne rend pas compte, de façon correcte, de la vie politique concrète d’un pays. Comme le souligne G. Burdeau, parler de fonction exécutive relève donc d’«un verbalisme totalement étranger aux faits».
La réalité de la fonction gouvernementale
Pour cet auteur, «il est impossible de prétendre que l’autorité qui tient entre ses mains l’avenir du groupe et qui exige pour son parfait exercice le génie de l’homme d’État n’accomplit, au point de vue juridique, qu’une tâche d’exécution». En d’autres temps, Saint-Just lui-même en fut parfaitement conscient. Dans un rapport à la Convention du 8 juillet 1793, il constatait: «Un peuple n’a qu’un ennemi dangereux: c’est son gouvernement.» À vrai dire, les auteurs traditionnels poursuivent un dessein précis: sauvegarder la place éminente de la loi et du législateur dans une théorie d’ensemble des fonctions étatiques. Dès lors, peu importe que les gouvernants disposent ou non d’un pouvoir suffisamment solide pour diriger le pays.
Certains ont tenté d’identifier les responsables de tels errements. Montesquieu, pour lequel «il n’y a point en France d’autorité supérieure à celle de la loi», fut évidemment désigné à la vindicte des censeurs. En l’occurrence, on le traita même d’«anarchiste qui s’ignore» (M. Waline). En réalité, il s’agissait, pour l’auteur de L’Esprit des lois et ses disciples, de définir un régime de légalité permettant d’échapper à l’arbitraire. Lorsque Léon Blum disait: «Gouverner, c’est en dernière analyse administrer dans le sens d’une politique», il obéissait, semble-t-il, à la même préoccupation. Le résultat fut d’accorder une importance sans doute exagérée aux représentants de la nation chargés de faire la loi. Le but visé était louable, mais il existait une faille. Rebelle, la réalité refusait de se laisser emprisonner dans ce schéma. Il fallut donc, au plus vite, réconcilier théorie juridique et pratique politique. Cela devait conduire à reconnaître que le gouvernement concourt à l’exercice d’une fonction étatique autonome.
L’entreprise de réhabilitation fut lancée par quelques pionniers. Voici qu’elle s’amplifie aujourd’hui, à la suite d’une attention plus grande accordée aux faits. Ils nous enseignent, eux aussi, que «gouverner, c’est choisir». C’est arrêter des décisions de principe, c’est collaborer à l’activité législative. À tort ou à raison, il est vrai, le gouvernement s’accommode mal d’attendre d’une autre autorité l’émission des règles indispensables à l’accomplissement de sa politique. Il n’admet guère que le recours à une catégorie d’actes lui soit interdit. Ainsi, le pouvoir exécutif ne se borne pas à exercer une activité secondaire et subalterne. Il remplit un rôle créateur dans le processus législatif. Il intervient de deux façons: à titre accessoire ou principal. Toujours, en effet, le pouvoir exécutif est, d’une certaine manière, associé à l’élaboration de la loi. Les formes prises par cette participation gouvernementale sont diverses: dépôts de projets de lois, interventions en commissions ou en séances publiques, rédactions d’amendements, promulgations, clôtures de sessions parlementaires, convocations de collèges électoraux, textes soumis à référendum. La liste n’est pas exhaustive. Elle mérite néanmoins d’être illustrée.
L’exercice de la fonction gouvernementale
La pratique des pays anglo-saxons et de la France est, à cet égard, significative. Ainsi, aux États-Unis, le rôle législatif du président est-il important, qu’il s’agisse de l’initiative des lois – du fait des bureaux – ou de leur adoption, facilitée par la machine du parti. On l’a vu avec F. D. Roosevelt et sa politique du New Deal. Le milieu, il est vrai, est favorable. Traditionnellement, par exemple, les Américains utilisent l’expression branches of government (branches du gouvernement) pour désigner les «trois pouvoirs». La fonction gouvernementale serait donc indifférente à la nature de l’organe qui l’exerce.
Mais l’essentiel, pour René Capitant, est d’observer que la fonction gouvernementale se rattache étroitement à la fonction législative; «si elle ne se confond pas avec celle-ci, c’est parce qu’elle consiste moins à faire la loi qu’à diriger le mouvement législatif. Exercer le leadership de la majorité parlementaire et, par le moyen de ce leadership , orienter son activité législative dans une direction politique déterminée, voilà essentiellement ce qu’est le gouvernement.»
À vrai dire, il est davantage. Il lui arrive d’édicter seul certaines mesures de caractère législatif, en lieu et place des organes normalement investis de cette mission par la Constitution. L’histoire française l’enseigne. Ainsi, sous la IIIe République, le Parlement habilitait le gouvernement à prendre des décrets-lois susceptibles de modifier les lois formelles antérieures. La Constitution de 1946 devait interdire à l’Assemblée nationale de déléguer ses pouvoirs. Mais les Chambres abdiquèrent bientôt leurs prérogatives. Et l’on vit renaître les délégations législatives par le biais des « lois-cadres » et «l’extension du pouvoir réglementaire». Les constituants de 1958 n’oublièrent pas cette rechute. Certes, le gouvernement continue, comme par le passé, d’«assurer l’exécution des lois». Mais, désormais, il dispose d’un pouvoir normatif général et inconditionné, sauf dans les matières réservées, de façon expresse, à la compétence du Parlement. Ainsi a-t-on renoncé «à la fiction d’un exécutif trouvant la nécessité de traduire dans les faits la règle, le fondement et la limite de sa compétence» (J. Rivero). Au côté du Parlement, cet organe est donc promu législateur. Le second l’est de droit commun, le premier d’attribution. Cela en période normale, puisque, en période de crise, les assemblées peuvent être dépossédées de leur compétence législative. L’article 38, en effet, permet sa délégation temporaire au gouvernement. Celui-ci émet donc des textes susceptibles de poser des règles de manière initiale et inconditionnée.
Pourtant, à une époque où le gouvernement paraît réhabilité, on peut douter de sa victoire. Les agissements de la Ve République enseignent qu’il est, avant tout, l’instrument de la politique définie par le chef de l’État. Lors de circonstances exceptionnelles, l’article 16 du texte de 1958 autorise le président de la République à disposer du pouvoir législatif dans toute sa plénitude. Mais la France ne constitue pas un cas isolé. Ainsi, le vote, par le Parlement britannique, de lois de pleins pouvoirs transférant la compétence législative au cabinet. Quant aux «chefs de l’exécutif» des États d’Afrique, ils détiennent des pouvoirs souvent plus vastes que ceux de leurs homologues des démocraties occidentales. En effet, dans la plupart des pays francophones, le pouvoir législatif du Parlement concerne un nombre particulièrement limité de matières, énumérées par la Constitution. Dans tous les autres domaines, le chef de l’État légifère librement. Il est simplement tenu au respect des règles internationales et constitutionnelles applicables à son pays.
Tels sont les actes juridiques illustrant la tâche de direction et d’animation assumée par le gouvernement. À cette fonction, il conviendrait de donner un visage. En France, la catégorie des «actes de gouvernement» peut y aider.
Qu’il s’agisse des actes accomplis par le gouvernement dans ses rapports avec le Parlement, de ceux exécutés par le gouvernement dans ses relations avec des organisations internationales ou des États étrangers, ou encore des faits de guerre, les uns et les autres se rattachent à la fonction gouvernementale telle qu’on l’a définie. Celle-ci paraît donc florissante. Dès lors, se pose la question de son avenir. Elle conduit à s’interroger sur le destin de l’institution qui lui donne son nom.
Le gouvernement en sursis?
Une réponse cohérente est fournie par la doctrine marxiste-léniniste. Pour ses adeptes, le gouvernement constitue une superstructure, un instrument de domination de la classe dominante. Le Manifeste du parti communiste (1848) relève ce caractère. «Le gouvernement moderne, dit-il, n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière.»
Si telle est aujourd’hui la situation, qu’en sera-t-il dans la société sans classes? Pour accéder à cet âge d’or, Lénine admet la nécessité d’une période de transition. Durant cette phase, nul ne doit disputer au parti le rôle d’impulsion et de direction de la vie politique. Tout au plus, dans la phase inférieure, le prolétariat, après avoir brisé «la force de répression de la bourgeoisie», fera-t-il passer entre ses mains la fonction exécutive exercée auparavant par l’appareil gouvernemental. En effet, «la machine bureaucratique et militaire» ne saurait être supprimée d’emblée. L’important, pour Lénine, est que le prolétariat révolutionnaire se donne pour tâche immédiate «de construire une nouvelle machine administrative qui permette de supprimer graduellement la bureaucratie». Et cela, en faisant, dans un premier temps, participer la population aux «fonctions de plus en plus simplifiées de surveillance et de contrôle du travail et de la répartition des produits dont la société ne saurait se passer».
Dans la phase du communisme intégral, où sera mis en œuvre le principe «De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins», «l’intervention du pouvoir d’État dans les relations sociales deviendra superflue». D’après Engels, «au gouvernement des personnes se substituera l’administration des choses». L’État ayant sombré, les fonctions remplies par lui aujourd’hui ne sauraient lui survivre. Ce naufrage est-il promis pour un avenir prévisible? «Cela, écrit Lénine, nous ne le savons pas et nous ne pouvons pas le savoir.» Seule, à ses yeux, existe cette certitude: «C’est seulement quand l’État cesse d’exister qu’on peut parler de liberté.»
Perspective lointaine, si l’on se réfère au «modèle» soviétique. Comme l’observe Camus dans L’Homme révolté , «le système concentrationnaire russe» a bien réalisé «le passage dialectique du gouvernement des personnes à l’administration des choses, mais en confondant la personne et la chose». Ce pénible constat peut rendre plus vive encore l’espérance.
gouvernement [ guvɛrnəmɑ̃ ] n. m.
• governement 1190 ; de gouverner
I ♦ Action de gouverner.
1 ♦ Vx Action ou manière de diriger, de régir (qqch. ou qqn). ⇒ administration, direction, gestion. Le gouvernement d'une maison. ⇒ économie, ménage. — Vieilli Le gouvernement des esprits, des âmes. ⇒ éducation. « Le gouvernement de soi » (Montaigne). ⇒ maîtrise.
2 ♦ Littér. Action d'exercer le pouvoir politique sur (un groupe social). ⇒ administration. Prendre en main le gouvernement d'un pays. — Absolt Méthode de gouvernement. Organe de gouvernement. — Le gouvernement d'une classe sociale, de la bourgeoisie, le fait qu'elle gouverne. Par ext. Le fait d'exercer une influence déterminante ou excessive sur la vie politique (cf. -crate).
3 ♦ Anc. dr. Direction politique et administrative (d'une ville, d'une province); charge de gouverneur. — Par ext. Vieilli Ville, circonscription régie par un gouverneur.
II ♦ Mod. et cour. Le pouvoir qui gouverne un État (⇒ autorité, 2. pouvoir, puissance; cf. aussi Force publique); ceux qui le détiennent.
1 ♦ Le pouvoir politique; les organes de ce pouvoir (exécutif, législatif). ⇒ état. « Une société ne saurait subsister sans un gouvernement » (Montesquieu). Gouvernement central, gouvernements locaux d'un État fédéral. — Le gouvernement établi. Gouvernement instable, faible, fort. Gouvernement révolutionnaire, insurrectionnel. — En parlant d'un régime polit. précis Le gouvernement des Bourbons, de l'Empire, de la Restauration. ⇒ règne.
2 ♦ Le pouvoir exécutif, suprême (opposé à administration); les organes qui l'exercent (opposé à pouvoir législatif). Gouvernement provisoire. Faiblesse, renforcement du gouvernement par rapport au pouvoir législatif. Gouvernement français (chef de l'État; conseil des ministres), anglais (couronne; cabinet), américain (Président), soviétique (présidium du Soviet suprême; conseil des ministres).
3 ♦ Dans les régimes parlementaires, La partie du pouvoir exécutif qui est responsable devant le Parlement; le corps des ministres. ⇒ cabinet, conseil, ministère. Le chef du gouvernement : le Premier ministre. Le gouvernement Poincaré. Les membres du gouvernement : les ministres et les secrétaires d'État. Les pouvoirs du gouvernement; acte de gouvernement (qui n'est susceptible d'aucun recours). ⇒ 1. arrêté, décision, décret, instruction; 1. police (cf. aussi Pouvoir réglementaire). Former le gouvernement. Soutenir le gouvernement. Mettre en minorité, faire tomber le gouvernement. Gouvernement de cohabitation.
III ♦ Organisation, structure politique de l'État. ⇒ constitution, institutions, 1. régime, système. Gouvernement monarchique, impérial, consulaire. Gouvernement absolu (⇒ absolutisme, despotisme, dictature) , démocratique, républicain (⇒ démocratie, république) . Gouvernement parlementaire (⇒ parlementarisme) , représentatif. « Toute nation a le gouvernement qu'elle mérite » (J. de Maistre).
⊗ CONTR. Anarchie, désordre. Opposition.
● gouvernement nom masculin Action de gouverner, de diriger politiquement un pays : Le gouvernement de cette nation devient difficile. Forme politique qui régit un État : Gouvernement démocratique. Organes de l'État qui assurent la direction générale d'un pays : Un gouvernement provisoire. Dans un État, organe qui détient le pouvoir exécutif. Organismes administratifs chargés de veiller à l'exécution des lois et représentant le pouvoir exécutif : Voyager aux frais du gouvernement. Histoire Dans la France d'Ancien Régime, circonscription territoriale embrassant plusieurs bailliages ou sénéchaussées et placée sous l'autorité d'un gouverneur. Charge de gouverneur. Organisme chargé de la direction administrative d'une colonie française. Division administrative de la Russie (du début du XVIIIe s. aux années 1924-1929). ● gouvernement (citations) nom masculin Jacques Amyot Melun 1513-Auxerre 1593 Car n'être point ambitieux est une grande partie de la privauté et facilité requise à celui qui veut vivre entre les hommes au gouvernement d'une chose publique. Les Vies des hommes illustres, traduit de Plutarque. Émile Augier Valence, Drôme, 1820-Paris 1889 Académie française, 1857 On dirait, ma parole, que dans ce pays-ci le gouvernement est le passe-temps naturel des gens qui n'ont plus rien à faire. Le Gendre de M. Poirier, I, 4, Verdelet Michel Lévy Louis François Nicolaïe, dit Clairville Lyon 1811-Paris 1879 et Paul Siraudin Paris 1813-Enghien-les-Bains 1883 et Victor Koning 1842-1894 Ce n'était pas la peine Non pas la peine assurément De changer le gouvernement. La Fille de Madame Angot (musique de Charles Lecocq) Benjamin Constant de Rebecque Lausanne 1767-Paris 1830 Toutes les fois que les gouvernements prétendent faire nos affaires, ils les font plus mal et plus dispendieusement que nous. Cours de politique constitutionnelle Benjamin Constant de Rebecque Lausanne 1767-Paris 1830 Le gouvernement est stationnaire, l'espèce humaine est progressive. Il faut que la puissance du gouvernement contrarie le moins qu'il est possible la marche de l'espèce humaine. Réflexions sur les constitutions Charles Pinot Duclos Dinan 1704-Paris 1772 Le meilleur des gouvernements, n'est pas celui qui fait les hommes les plus heureux, mais celui qui fait le plus grand nombre d'heureux. Considérations sur les mœurs de ce siècle Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 L'État est gouverné par le rebut de toutes les carrières honorables. Les Maîtres Mercure de France Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Le meilleur [des gouvernements] pour moi, c'est celui qui agonise, parce qu'il va faire place à un autre. Correspondance, à Mlle Leroyer de Chantepie, 1857 Anatole François Thibault, dit Anatole France Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924 Académie française, 1896 L'opposition est une très mauvaise école de gouvernement, et les politiques avisés, qui se poussent par ce moyen aux affaires, ont grand soin de gouverner par des maximes tout à fait opposées à celles qu'ils professaient auparavant. Les Opinions de Jérôme Coignard Calmann-Lévy Charles de Gaulle Lille 1890-Colombey-les-Deux-Églises 1970 Le gouvernement […] n'a pas de propositions à faire, mais des ordres à donner. Mémoires de guerre, l'Appel Plon Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Apprivoiser, c'est là tout le gouvernement ; Régner, c'est l'art de faire, énigmes délicates, Marcher les chiens debout et l'homme à quatre pattes. Théâtre en liberté, Mangeront-ils ? Éditions Milieu du monde Henri Lacordaire Recey-sur-Ource, Côte-d'Or, 1802-Sorèze 1861 Académie française, 1860 Le gouvernement d'un pays n'est pas la nation, encore moins la patrie. Lettres, à un jeune homme comte Joseph de Maistre Chambéry 1753-Turin 1821 Toute nation a le gouvernement qu'elle mérite. Lettres et Opuscules inédits Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 Quand on veut gouverner les hommes, il ne faut pas les chasser devant soi. Il faut les faire suivre. Mes pensées Pierre Joseph Proudhon Besançon 1809-Paris 1865 Ce ne sont pas les hommes qui gouvernent les sociétés, ce sont les principes ; à défaut de principes, ce sont les situations. De la justice dans la révolution et dans l'Église Pierre Joseph Proudhon Besançon 1809-Paris 1865 Le gouvernement de l'homme par l'homme, sous quelque nom qu'il se déguise, est oppression. Qu'est-ce que la propriété ? Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu Paris 1585-Paris 1642 Il faut écouter beaucoup et parler peu pour bien agir au gouvernement d'un État. Maximes d'État Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu Paris 1585-Paris 1642 Savoir dissimuler est le savoir des rois. Mirame Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu Paris 1585-Paris 1642 En matière d'État, il faut tirer profit de toutes choses, et ce qui peut être utile ne doit jamais être méprisé. Testament politique Charles Augustin Sainte-Beuve Boulogne-sur-Mer 1804-Paris 1869 Un bon gouvernement n'est que la garantie des intérêts. Étude sur Talleyrand Augustin Thierry Blois 1795-Paris 1856 […] L'alliance des mots la plus menteuse, un gouvernement qui donne la liberté. Dix Années d'études historiques, Histoire d'Angleterre Alexis Clérel de Tocqueville Paris 1805-Cannes 1859 Quelle triste chose que sur toute la terre les gouvernements soient toujours précisément aussi coquins que les mœurs de leurs sujets peuvent leur permettre de l'être ! Correspondance, à G. de Beaumont, 5 janvier 1851 Alfred, comte de Vigny Loches 1797-Paris 1863 Le moins mauvais gouvernement est celui qui se montre le moins, que l'on sent le moins et que l'on paie le moins cher. Journal d'un poète Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 Un gouvernement d'avocats. Commentaire C'est le Directoire qui est ainsi stigmatisé par Bonaparte, un peu avant Brumaire. Voici la citation complète : « Que peuvent d'ailleurs espérer les généraux avec un gouvernement d'avocats ? » Edmund Burke Dublin vers 1729-Beaconsfield 1797 Le gouvernement est une invention de la sagesse humaine pour pourvoir aux besoins humains. Les hommes ont droit à ce que cette sagesse pourvoie à leurs besoins. Government is a contrivance of human wisdom to provide for human wants. Men have a right that these wants should be provided for by this wisdom. Reflections on the Revolution in France Confucius, en chinois Kongzi ou Kongfuzi [maître Kong] 551-479 avant J.-C. Celui qui gouverne un peuple en lui donnant de bons exemples est comme l'étoile polaire, qui demeure immobile pendant que toutes les autres se meuvent autour d'elle. Entretiens, I, 2 (traduction S. Couvreur) Benjamin Disraeli, comte de Beaconsfield Londres 1804-Londres 1881 Nul gouvernement ne peut être longtemps solide sans une redoutable opposition. No government can be long secure without a formidable opposition. Coningsby, I, 1 Benjamin Disraeli, comte de Beaconsfield Londres 1804-Londres 1881 Un gouvernement conservateur est une hypocrisie organisée. A Conservative government is an organized hypocrisy. Speech in House of Commons, 17 mars 1845 Ralph Waldo Emerson Boston 1803-Concord, Massachusetts, 1882 Tout gouvernement est une théocratie impure. Every government is an impure theocracy. Essays, Politics ● gouvernement (expressions) nom masculin Littéraire. Le gouvernement de soi-même, la maîtrise de soi. (calque de l'anglais corporate governance) Gouvernement d'entreprise, système de répartition du pouvoir dans l'entreprise entre les actionnaires, le conseil d'administration et les dirigeants, défini par un ensemble de principes et de règles qui permettent de contrôler et de limiter le rôle de chacun. Gouvernement militaire, circonscription territoriale placée sous les ordres d'un gouverneur militaire. Gouvernement des juges, rôle politique du pouvoir judiciaire dans un État (exemple la Cour suprême aux États-Unis). Gouvernement de législature, dans un régime parlementaire, gouvernement que l'on cherche à faire durer pendant toute la législature, grâce à des mécanismes constitutionnels ou à un accord politique. Gouvernement des âmes, direction morale ou religieuse des consciences. ● gouvernement (synonymes) nom masculin Action de gouverner , de diriger politiquement un pays
Synonymes :
Forme politique qui régit un État
Synonymes :
- régime
- système
Dans un État, organe qui détient le pouvoir exécutif.
Synonymes :
- exécutif
Organismes administratifs chargés de veiller à l'exécution des lois et...
Synonymes :
- régime
- système
Littéraire. Le gouvernement de soi-même
Synonymes :
- contrôle
- maîtrise
gouvernement
n. m.
d1./d Action de gouverner, d'administrer. être chargé du gouvernement d'une région.
d2./d Régime politique d'un état. Gouvernement monarchique, démocratique.
d3./d Pouvoir qui dirige un état.
|| Ensemble des ministres. La formation du nouveau gouvernement. Renverser le gouvernement.
⇒GOUVERNEMENT, subst. masc.
A. — Vieilli. Action de gouverner (quelque chose).
1. Action d'administrer (quelque chose). L'aînée, déjà compagne de ma mère et associée au gouvernement de la maison (MICHELET, Oiseau, 1856, p. XXVI). Votre vieux pasteur peut encore vous donner quelques leçons de prudence, avant de livrer, par sa mort, à votre jeune énergie, le gouvernement du diocèse (A. FRANCE, Orme, 1897, p. 7) :
• 1. Cependant elle jouit avec un si tranquille orgueil de son autorité domestique, que je ne me sens pas le courage de tenter un coup d'État contre le gouvernement de mes armoires. — Ma cravate, Thérèse! M'entendez-vous? Ma cravate! (...) — (...) Votre cravate n'est pas perdue. Rien ne se perd ici, car j'ai soin de tout.
A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 424.
♦ Avoir quelque chose en son gouvernement. ,,Être chargé d'en avoir soin`` (Ac. 1798-1932); ,,en être responsable`` (Ac. 1932).
2. Action de prendre soin (d'animaux). Elle n'oublia ni ses chèvres ni ses poules, que Thérence se réjouissait d'avoir à soigner, elle qui ne connaissait pas le gouvernement des bêtes (SAND, Maîtres sonneurs, 1853, p. 333).
3. Action de diriger, de mener, de conduire (quelque chose). Le sire de Montaigu fut (...) rappelé au gouvernement des finances du roi, de la reine et du duc d'Orléans (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 240). Petrus Martel (...) avait pris le gouvernement du Casino d'Enval (MAUPASS., Mt-Oriol, 1887, p. 22) :
• 2. Le régime municipal changea de caractère; et au lieu d'être un gouvernement politique, un régime de souveraineté, il devint un mode d'administration. C'est la grande révolution qui s'est consommée sous l'empire romain. Le régime municipal, devenu un mode d'administration, fut réduit au gouvernement des affaires locales, des intérêts civils de la cité.
GUIZOT, Hist. civilisation, Leçon 7, 1828, p. 36.
B. — Action de gouverner (un ou des hommes, une collectivité). On a osé dire que la liberté de l'homme était un obstacle à tout gouvernement, à celui de Dieu et à celui des hommes (COUSIN, Philos. écoss., 1857, p. 451).
1. Action de diriger la conduite (de quelqu'un).
a) [L'agent est une pers.] Il paraît que les difficultés sont telles pour ôter à un père le gouvernement de ses enfants, que j'ai dû me résigner à demeurer seule à vingt-deux ans (BALZAC, Interd., 1836, p. 156). J'étais (...) tout à fait bien avec les petites filles de mon âge (...) elles m'apparaissaient comme des créatures faibles et jolies, soumises, pour le gouvernement de leur petite personne, à des règles qu'elles acceptaient (RENAN, Souv. enf., 1883, p. 114). V. aussi gouverner ex. 10 :
• 3. Je me demande ce que vous avez dans les veines aujourd'hui, vous autres jeunes prêtres! De mon temps, on formait des hommes d'Église (...) oui, des hommes d'Église, prenez le mot comme vous voudrez, des chefs de paroisse, des maîtres, quoi, des hommes de gouvernement.
BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1037.
— P. méton. et fam. La personne qui exerce ce gouvernement. Mon directeur fut M. Fautras. Je le vois encore d'ici. C'était un grand gouvernement (PÉGUY, Argent, 1913, p. 1100).
b) Action de Dieu sur le monde. Les Mexicains, les Virginiens supposaient aussi que le dieu suprême avait abandonné le gouvernement du monde à une classe de dieux subalternes (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 68) :
• 4. Le gouvernement divin ne consiste pas plus pour lui [saint Augustin] que pour saint Thomas à se substituer aux choses, à agir pour elles et à produire pour elles. Tout au contraire, puisque l'être des choses n'est pas l'être de Dieu, Dieu gouverne toujours les choses de telle manière que ce soient bien elles qui accomplissent leurs propres opérations.
GILSON, Espr. philos. médiév., 1931, p. 135.
c) [Agent abstr.] La nature montre dans son gouvernement une absolue indifférence au bien et au mal (RENAN, Dialog. philos., 1876, p. 19). La littérature, c'est le gouvernement du genre humain par l'esprit humain (HUGO, Actes et par., 4, 1885, p. 92) :
• 5. ... la philosophie positive, jusqu'ici trop étroite, trop spéciale et trop timide, pour s'emparer enfin du gouvernement spirituel de l'humanité.
COMTE, Philos. posit., t. 4, 1839-42, p. 7.
2. [En parlant d'une pers.] Action d'exercer une influence sur quelqu'un.
a) Action de gouverner quelqu'un, d'avoir du crédit auprès de lui, de l'influence sur son comportement. M. de Férias sentit que le gouvernement d'une intelligence si active [celle de Sibylle] ne pouvait être abandonné plus longtemps aux faibles mains (...) de l'abbé Renaud (FEUILLET, Sibylle, 1863, p. 40) :
• 6. ... stimulée par moi qui vis dans cette lutte un moyen de lui apprendre à exercer sa domination sur son mari, la comtesse s'enhardit à la résistance; elle sut opposer un front calme à la démence et aux cris; elle s'habitua, le prenant pour ce qu'il était, pour un enfant, à entendre ses épithètes injurieuses. J'eus le bonheur de lui voir saisir enfin le gouvernement de cet esprit maladif. Le comte criait, mais il obéissait...
BALZAC, Lys, 1836, p. 218.
— En partic. Direction (spirituelle et morale) exercée sur les âmes, sur les consciences. Lorsque la déclaration [du clergé de France] parut, on sentit universellement, excepté en France, qu'elle renversoit toutes les bases du gouvernement spirituel et de la puissance divine de l'Église (LAMENNAIS, Religion, 1826, p. 131). En septembre 1644, il reçut des mains de M. Singlin, pour aide et coopérateur dans son gouvernement spirituel, un saint et savant chanoine (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 237) :
• 7. En même temps, il [Bérulle] se lie étroitement avec les insignes visiteurs de la maison : (...) avec les sorbonistes Duval et Gallemant, ses futurs associés dans le gouvernement des carmélites...
BREMOND, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 14.
b) [Vis-à-vis de soi-même]
— Action de se diriger (dans la vie). Et la science du gouvernement de votre vie, qu'en dirons-nous? Saurez-vous profiter de l'amabilité de Madier de Penot, sans donner de jalousie à votre mari? (STENDHAL, Corresp., 1808, p. 326) :
• 8. Après la mort de ma mère, mon père, sans beaucoup de gouvernement, se trouva bien embarrassé de mener, comme on dit, sa barque.
MONTESQUIOU, Mém., t. 1, 1921, p. 220.
— Maîtrise (de soi, de ses passions). Le vin prive l'homme du gouvernement de soi-même, et l'opium rend ce gouvernement plus souple et plus calme (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 411). L'absence de gouvernement intérieur favorise en nous l'automate (L. DAUDET, Hérédo, 1916, p. 120) :
• 9. La vie y est plus difficile [en Hollande] (...) et, partant, l'homme, habitué (...) au gouvernement méthodique de lui-même, a plus de peine à comprendre le beau rêve de la vie sensuelle...
TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 60.
3. Direction des affaires publiques; exercice du pouvoir politique. [Le] jeune duc de Bretagne, qui depuis un an était venu prendre le gouvernement de son État (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 352). Le système concentrationnaire russe a réalisé, en effet, le passage dialectique du gouvernement des personnes à l'administration des choses, mais en confondant la personne et la chose (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 294) :
• 10. Dans le moyen âge et tant que la féodalité conserva son empire, tous ceux qui tenaient des terres du seigneur (...) étaient constamment associés à celui-ci pour le gouvernement de la seigneurie; c'était même la principale condition de leurs tenures.
TOCQUEVILLE, Anc. Rég. et Révol., 1856, p. 162.
a) [Sans compl.] Le duc d'Orléans étant trop jeune d'âge et surtout de conduite, le gouvernement serait confié aux oncles du roi et particulièrement au duc de Bourgogne (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24p. 73). La science du gouvernement appartient de droit à l'une des sections de l'Académie des sciences (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 340) :
• 11. L'ÉTRANGER. — Pour moi j'ai toujours vécu seul et ne sais ce que c'est qu'une assemblée. Nous opinons à Crotone que le gouvernement appartient aux meilleurs et que l'affaire du peuple est d'obéir.
CLAUDEL, Rempart Ath., 1927, p. 1131.
b) Le fait de gouverner. Dans les trois années qu'il passa en Afrique il fit preuve des qualités les plus sérieuses, et signala son gouvernement par des actes d'énergie, de sagesse et de bonté (A. FRANCE, Vie littér., t. 2, 1892, p. 158) :
• 12. Les barons d'Antioche, sentant que le gouvernement de cette femme serait la ruine de la principauté, firent appel à son beau-frère, le roi Foulque.
GROUSSET, Croisades, 1939, p. 140.
c) Manière, mode de gouverner. Gouvernement démocratique, monarchique, impérial. La faiblesse spécifique du gouvernement républicain (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 248) :
• 13. ... contrairement au principe du gouvernement représentatif, qui veut qu'un seul député exprime la volonté de plusieurs hommes, il était représenté, lui seul, par une trentaine de députés.
ABOUT, Roi mont., 1857, p. 28.
C. — Ensemble des personnes qui gouvernent :
• 14. ... si l'on considère le niveau auquel s'exercent les tâches, on distinguera le Gouvernement, ensemble d'organes supérieurs participant à l'autorité politique et l'Administration, ensemble d'organes subordonnés. Si l'on considère au contraire la nature du pouvoir, on confondra le Gouvernement et l'Administration, celui-là étant la tête et celle-là le bras du pouvoir exécutif, et les deux ne formant en réalité qu'un seul corps, dont l'action est subordonnée à la loi.
VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 505.
1. Fonction suprême de direction des affaires publiques et d'orientation générale de la politique d'un pays; ceux qui l'exercent. Les événements de France avaient été accueillis avec flegme par les gouvernements européens (BAINVILLE, Hist. Fr., 1924, p. 56) :
• 15. Les limites du droit international du travail sont celles de tout droit international. À défaut d'État universel, celui-ci ne peut reposer que sur l'adhésion des États souverains. Les décisions du gouvernement sont donc soumises, non à une sanction juridique, mais à une pression morale...
REYNAUD, Syndic. Fr., 1963, p. 269.
2. P. ext. Ensemble des organes d'exécution, d'administration d'un pays; administration de l'État. La translation et le traitement ont lieu aux frais du gouvernement (HUGO, Corresp., 1823, p. 370). Bien qu'il fût employé du gouvernement et de ce fait exempt du service militaire pendant la période obsidionale, il s'était laissé inscrire au bataillon de son quartier (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, L. Leclercq, 1886, p. 129) :
• 16. La gratification de dix piastres par tête (52 liv. 10 s.) que le gouvernement accorde, excite l'émulation des pâtres et des chasseurs, qui ont presqu'entièrement purgé de ces animaux carnassiers, les montagnes de Tugeloo.
CRÈVECŒUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 263.
3. En partic. [En régime de séparation des pouvoirs] Le pouvoir exécutif :
• 17. Elle adopta, le 21 juin 1795, la Constitution connue sous le titre de Constitution de l'an III. Le gouvernement était confié à cinq personnes, sous le nom de Directoire, la législature à deux conseils, dits des Cinq Cents et des Anciens.
LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 3, 1823, p. 332.
— [En régime parlementaire] Ensemble des ministres responsables devant le Parlement. Faire partie du gouvernement; membre, chef du gouvernement. Je résumerai mes relations avec le gouvernement et le Parlement pendant cette année 1915 (JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 87).
4. Régime politique gouvernant ou ayant gouverné un pays, un État. L'atroce gouvernement du comité de salut public (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 449) :
• 18. Il était membre du gouvernement sudiste et sa tête fut mise à prix en 1865 par le gouvernement du Nord, ce qui n'empêche pas qu'il mourut membre du Congrès.
GREEN, Journal, 1934, p. 183.
D. — Charge de gouverneur.
1. HIST. Charge de gouverneur d'une province, d'une ville, d'une place forte, d'une maison royale. Son père, ruiné par la Révolution, avait retrouvé sa charge au retour des Bourbons, le gouvernement d'un château royal (BALZAC, Secrets Cadignan, 1839, p. 341). Il [Philippe II] la dédommagea [la princesse d'Eboli] par quelques titres et gouvernements de provinces (LORRAIN, Phocas, 1901, p. 140). V. fleurdelysé ex. 1 :
• 19. VASCONCELLOS. — (...) On lui avait d'abord offert le gouvernement du Milanais; et depuis, le commandement général des forces de mer : comment a-t-il répondu à ces nouvelles marques d'honneur?
LEMERCIER, Pinto, 1800, II, 7, p. 59.
— Palais du gouvernement :
• 20. La Carrière [de Nancy] ne fut sensiblement modifiée ni dans son plan ni dans son élévation, mais les hôtels furent habillés au goût du jour (...). À l'extrémité septentrionale, les deux courbes d'une gracieuse colonnade forment « l'hémicycle » et se raccordent au palais dit de l'intendance ou du gouvernement, construit de 1751 à 1753 pour le représentant du roi de France.
R. TAVENEAUX, Nancy, Colmar-Ingersheim, éd. S.A.E.P., 1971, p. 64.
— P. méton. Ville, pays administré par un gouverneur; spéc., en France, circonscription administrative sous l'Ancien Régime, à la tête de laquelle se trouvait un gouverneur. Je sais que le roi de Navarre et le duc d'Anjou ont fui la cour et se sont retirés, l'un dans son royaume, l'autre dans son gouvernement (DUMAS père, Henri III, 1829, I, 1, p. 121) :
• 21. Il y avait dans les gouvernements ecclésiastiques et dans les villes impériales une sorte de stupeur qui s'opposait à tout progrès de l'esprit humain. La bigoterie y était extrême. Les princes protestants qui ont acquis ces nouveaux États ne sont guère plus éclairés que les prélats catholiques.
CONSTANT, Journaux, 1804, p. 71.
2. [De nos jours] Le gouvernement militaire de Paris (Ac. 1932). P. méton. Circonscription territoriale correspondante. L'empereur a décidé que la France allait être divisée en gouvernements militaires, et nous allons avoir Canrobert à Nancy (GYP, Souv. pte fille, 1927, p. 80). V. arabe ex. 12.
♦ Gouvernement général. Charge de gouverneur général. Ce roman se déroule en Oubangui-Chari, l'une des quatre colonies relevant du Gouvernement Général de l'Afrique Équatoriale Française (MARAN, Batouala, 1921, p. 15).
3. P. méton. Palais, hôtel du gouverneur. Les directeurs célibataires (...) sont logés au Gouvernement, et mangent à la table de Tartarin (A. DAUDET, Port-Tarascon, 1890, p. 146) :
• 22. — Eh bien? Sibylle, tu vas venir en te promenant cueillir des fleurs dans le parc du Gouvernement...
GYP, Souv. pte fille, 1927p. 110.
REM. 1. Gouvernementabilité, subst. fém. Système de gouvernement. [Le comte de Fontaine :] Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi [Louis XVIII], pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes (BALZAC, Bal Sceaux, 1830, p. 100; v. aussi ID., Œuvres div., t. 2, 1830, p. 67). 2. Gouvernementomane, subst., hapax. Celui qui a la manie de gouverner, du gouvernement. V. caste ex. 2.
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. Fin XIIe s. governement « action ou manière de diriger quelque chose (ou quelqu'un) » (Sermons St Bernard, éd. W. Foerster, p. 58, 33); 2. ca 1265 « action d'exercer le pouvoir politique sur un groupe social » (BRUNET LATIN, Trésor, éd. F. J. Carmody, II, 3, 1); 3. 1462 gouvernement « circonscription administrative régie par un gouverneur » (Ordonnance des rois de France, t. 15, p. 609); 1461-66 « charge de gouverneur » (JEAN DE BUEIL, Jouvencel, I, 47 ds BARTZSCH, p. 44). B. [1463 « règlements, institutions » (Acte ds Dom P. HYACINTHE MORICE, Mém. pour servir de preuves à l'histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, III, 38 ds BARTZSCH, p. 76)]; 1588 « structure politique selon laquelle est régi un État » (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, III, IX, p. 1071). C. 1. 1748 « pouvoir qui assume la direction de l'État » (MONTESQUIEU, Esprit des lois, livre 1, chap. 3); 2. 1762 « pouvoir exécutif suprême » (ROUSSEAU, Contrat social, livre 3, chap. 1); 3. 1887 « partie du pouvoir exécutif, responsable devant le parlement » (ZOLA, Terre, p. 63). Dér. de gouverner; suff. -(e)ment1; cf. lat. médiév. gubernamen sans indication de sens (XIe s. ds LATHAM). Fréq. abs. littér. : 12 045. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 24 991, b) 13 527; XXe s. : a) 10 962, b) 16 060.
DÉR. Gouvernementiste, subst. masc., vieilli. Partisan du gouvernement en place. Et notre homme à présent, toujours soumis au Ciel, Est gouvernementiste et ministériel (POMMIER, Colères, 1844, p. 104). — []; ds LITTRÉ : gou-vèr-ne-man-ti-st'. — 1re attest. 1796 (Franc libre du directoire secret, 17 floréal an IV-6 mai, in BUONAROTTI, La Conspiration pour l'égalité, dite de Babeuf, II, 186 ds QUEM. DDL t. 11); de gouvernement, suff. -iste.
BBG. — BELLET (R.). Formation et développement du vocab. chez Vallès journaliste (1848-1871). Cah. Lexicol. 1969, n° 15, pp. 5-20. - DUB. Pol. 1962, pp. 312-313. - LAUNAY (M.). Le Vocab. pol. de Jean-Jacques Rousseau. Genève-Paris, 1977, pp. 111-112. - QUEM. DDL t. 11. - RABOTIN (M.). Le Vocab. pol. et socio-ethnique à Montréal de 1829 à 1842. Montréal-Paris-Bruxelles, 1975, pp. 51-52. - VARDAR (B.). Struct. fondamentale du vocab. soc. et pol. en France, de 1815 à 1830. Istanbul, 1973, pp. 243-244.
gouvernement [guvɛʀnəmɑ̃] n. m.
ÉTYM. V. 1190, governement; de gouverner.
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I Action de gouverner.
1 Vx. Action ou manière de diriger, de régir (des personnes, des biens…). ⇒ Administration, conduite, direction, gestion, maniement. || Le gouvernement d'une maison, d'une famille. ⇒ Économie (cit. 5), ménage (→ Gouvernant, cit. 7). || Constituer (cit. 1), préposer qqn au gouvernement des bouteilles, des vivres. — ☑ Loc. Avoir qqch. en son gouvernement (Académie), en avoir la charge, la responsabilité.
1 Je me détourne volontiers du gouvernement de ma maison.
Montaigne, Essais, III, IX.
♦ Vieilli. ou littér. || Le gouvernement des esprits, des âmes. ⇒ Direction. || Le gouvernement de l'enfance (cit. 1). ⇒ Éducation, institution (vx). || Le gouvernement de soi-même. ⇒ Maîtrise.
2 Le pire état de l'homme, c'est quand il perd la connaissance et le gouvernement de soi.
Montaigne, Essais, II, II.
3 Eh quoi ! l'art des arts, le gouvernement des âmes, demande-t-il moins de talent (…)
Massillon, Pensées, Choix d'un état.
4 J'eus le bonheur de lui voir saisir enfin le gouvernement de cet esprit maladif.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 937.
5 (…) elles m'apparaissaient comme des créatures faibles et jolies, soumises, pour le gouvernement de leur petite personne, à des règles qu'elles acceptaient.
Renan, Souvenirs d'enfance…, II, VI.
6 Platon a dit des choses merveilleuses sur le gouvernement de soi-même, montrant que ce gouvernement intérieur doit être aristocratique, c'est-à-dire par ce qu'il y a de meilleur sur ce qu'il y a de pire.
Alain, Propos, p. 186.
♦ Spécialt. || Le gouvernement du monde, de l'univers, par Dieu.
2 (V. 1265). Littér. (qualifié : le gouvernement de, et adj.). Action d'exercer le pouvoir politique sur (un groupe social). ⇒ Administration. || Le gouvernement d'une société humaine par qqn, par l'exercice de l'autorité, du pouvoir. || Le gouvernement des États (→ Absolu, cit. 3), des peuples (→ Établissement, cit. 2), de la chose publique (→ Beauté, cit. 49). || Prendre en main le gouvernement d'un pays. → Prendre les brides, les rênes; tenir la barre, le gouvernail, le timon. || Participer au gouvernement économique (→ Consommateur, cit. 2).
7 Le roi, ayant sur lui tout le gouvernement de son peuple, lui donna (à M. de Montausier) toute la conduite de son fils.
Fléchier, Oraison funèbre de M. de Montausier.
♦ Allusion littéraire :
8 (L') extension des fonctions de l'État n'irait pas (…) sans une transformation de ses méthodes, qui substituerait « au gouvernement des personnes l'administration des choses ». Il y a longtemps qu'Henry de Saint-Simon, s'il n'emploie pas cette formule elle-même, a lancé l'idée.
Bouglé et Raffault, Éléments de sociologie, p. 238.
9 Le système concentrationnaire russe a réalisé (…) le passage dialectique du gouvernement des personnes à l'administration des choses, mais en confondant la personne et la chose.
Camus, l'Homme révolté, p. 294.
♦ Absolt. Plus cour. || L'art, la science du gouvernement (→ Cybernétique, cit. 1). || Le parfait gouvernement (→ Absolu, cit. 21; corps, cit. 38). || La pratique, l'exercice du gouvernement (→ 2. Pouvoir, cit. 10). || Méthode de gouvernement. || Organe de gouvernement (→ Arrondissement, cit. 5). || Être associé, participer au gouvernement (→ Empereur, cit. 3).
10 Le gouvernement est un ouvrage de raison et d'intelligence.
Bossuet, Politique…, V, I, 1.
11 (Ils) étudient le gouvernement, deviennent fins et politiques (…)
La Bruyère, les Caractères, IX, 24.
12 (…) il a su tout le fond et tout le mystère du gouvernement (…)
La Bruyère, Disc. à l'Académie franç.
13 On dirait, ma parole, que dans ce pays-ci le gouvernement est le passe-temps naturel des gens qui n'ont plus rien à faire.
Émile Augier, le Gendre de M. Poirier, I, 4.
14 Le terrorisme peut être une méthode de gouvernement, parce qu'en agissant sur l'imagination des masses gouvernées il augmente le pouvoir de la loi.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, X, p. 104.
15 Si tout l'art du gouvernement doit avoir pour fin suprême de permettre l'accomplissement maximum de la personne humaine, dans son ordre, c'est-à-dire matériellement et spirituellement, il est bien certain que, dans un grand nombre de pays, le seul énoncé d'un tel dessein paraît tout à fait risible.
Daniel-Rops, Ce qui meurt et ce qui naît, III, p. 97.
♦ Vx. || Le gouvernement civil, séculier et le gouvernement ecclésiastique, religieux (→ Anarchiste, cit. 1). || Sur le gouvernement civil, traité de Locke.
16 Prudence. De toutes les vertus requises pour le gouvernement, voilà sans contredit la plus importante, voilà l'âme de tout gouvernement, soit séculier, soit religieux.
Bourdaloue, Pensées, t. II, Gouvern. relig., V.
♦ Le gouvernement d'un seul, d'un tyran, d'une caste, d'une classe : le fait de gouverner, pour…; le gouvernement par… — Par ext. Le fait d'exercer une influence déterminante ou excessive sur la vie politique. ⇒ suff. -crate, -cratie. || Le gouvernement des bureaux (⇒ Bureaucratie), des riches (⇒ Ploutocratie, timocratie), des vieillards (⇒ Gérontocratie), des femmes (⇒ Gynécocratie), des militaires, de l'armée (⇒ Militarisme), des prêtres, de la religion (⇒ Théocratie; cléricalisme), des technocrates (⇒ Technocratie). || Le gouvernement des médiocres (⇒ Médiocratie), de la canaille (⇒ Canaillocratie), des prostituées (⇒ Pornocratie), des voyous (⇒ Voyoucratie).
3 (1462). Dr. anc. Direction politique et administrative d'une ville, d'une province, etc., exercée au nom du souverain; charge de gouverneur. || Le gouvernement de (qqch., des personnes) par…, le gouvernement de (qqn) sur… || Avoir le gouvernement d'une province, d'une ville, d'une place forte. || Avoir sur les bras (cit. 29) le gouvernement d'une province. — Le gouvernement d'un seigneur, d'un comte, d'un duc (comte, duché…) d'un pacha (pachalik), d'un voïvode (voïvodie), etc. — Par ext. || Pendant son gouvernement; un long gouvernement.
17 Quelle pensez-vous que fût son occupation dans ses gouvernements ? la justice.
Fléchier, Oraison funèbre de M. de Montausier.
♦ Par ext. Ville, circonscription régie par un gouverneur (⇒ Domaine). || Le territoire d'un gouvernement. || S'établir en son gouvernement.
18 Le territoire presque entier du gouvernement de Moscou leur appartient (aux seigneurs russes), et ils y règnent sur un million de serfs.
Ph.-P. Ségur, Hist. de Napoléon, VIII, 1.
♦ Circonscription, division militaire de la France, avant 1789. La résidence du gouverneur.
19 (Le maréchal de Lorge) s'établit au gouvernement, chez Mélac (…)
Saint-Simon, Mémoires, I, XVI.
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II (1648; « structure politique », 1588, Montaigne; répandu XVIIIe). Mod. et cour. Pouvoir qui gouverne un État. ⇒ Autorité, force (publique), 2. pouvoir, puissance; ceux qui détiennent ce pouvoir.
1 Pouvoir qui assume la direction suprême des affaires publiques d'un État; organes de ce pouvoir (exécutif et législatif). ⇒ État (III., 3.). || La machine du gouvernement (→ État, cit. 133). || Vivre sous un gouvernement, sous les lois d'un gouvernement (→ Ancien, cit. 11). || Vivre sans gouvernement, dans l'anarchie (cit. 2). || Pays, ville qui possède son gouvernement. ⇒ Autonomie (cit. 1). || Soumettre un pays, un territoire à un gouvernement (→ Fédéraliste, cit.). || Gouvernement central, gouvernements locaux d'un État fédéral. ⇒ Fédéralisme. — Le gouvernement établi (→ Enchaîner, cit. 10). || Gouvernement régulier (→ Extorsion, cit. 2). || Gouvernement instable, faible, mal assuré. || Gouvernement fort, stable (→ Asseoir, cit. 47), ordonné, sage (→ Côté, cit. 17). || Gouvernement impopulaire, populaire (→ Autant, cit. 21). || Durée d'un gouvernement. || Gouvernement qui s'adoucit (cit. 13) avec le temps. || Gouvernement qui s'écroule, s'effondre (cit. 8). || Détruire, changer (cit. 5) le gouvernement (→ Attentat, cit. 9). || Gouvernement qui résiste aux attaques, à l'émeute (cit. 4). — Gouvernement révolutionnaire, insurrectionnel. ⇒ Révolution (→ Baïonnette, cit. 4). || Gouvernement contre-révolutionnaire, putschiste.
20 Outre le droit des gens qui regarde toutes les sociétés, il y a un droit politique pour chacune. Une société ne saurait subsister sans un gouvernement.
Montesquieu, l'Esprit des lois, I, 3 (1748).
21 (…) les gouvernements qui se conduisent le mieux sont ceux dont on parle le moins.
Rousseau, Émile, IV.
22 Un gouvernement serait parfait s'il pouvait mettre autant de raison dans la force que de force dans la raison.
Rivarol, Fragments et pensées politiques, Généralités.
23 Les gouvernements sont une chose qui s'établit de soi-même; ils se font, et on ne les fait pas. On les affermit, on leur donne la consistance, mais non pas l'être. Tenons pour assuré qu'aucun gouvernement ne peut être une affaire de choix; c'est presque toujours une nécessité.
Joseph Joubert, Pensées, XIV, 19.
24 On a beau se torturer, faire des phrases et du bel esprit, le plus grand malheur des hommes, c'est d'avoir des lois et un gouvernement (…) Tout gouvernement est un mal, tout gouvernement est un joug.
Chateaubriand, Essai sur les révolutions.
25 Jamais homme n'offrit une plus belle image de ces vieux républicains, amis incorruptibles de l'Empire, qui restaient comme les vivants débris des deux gouvernements les plus énergiques que le monde ait connus.
Balzac, la Vendetta, Pl., t. I, p. 890.
26 Chez les Anglais, tout est prompt dans ce qui concerne l'action du gouvernement, dans le choix des hommes et des choses, tandis que chez nous tout est lent (…)
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 718.
27 Rien de plus difficile à fonder que le gouvernement, j'entends le gouvernement stable : il consiste dans le commandement de quelques-uns et dans l'obéissance de tous, chose contre nature.
Taine, les Origines de la France contemporaine, I, t. I, p. 40.
28 Si mauvais que soit un gouvernement, il y a quelque chose de pire, c'est la suppression du gouvernement.
Taine, les Origines de la France contemporaine, III, t. I, p. 81.
29 L'importance des révolutions se mesure à l'intérêt que peut avoir le gouvernement à retarder leur réussite.
Pierre Louÿs, les Aventures du roi Pausole, IV, III.
30 Tous les peuples sont pour la paix, aucun gouvernement ne l'est.
Paul Léautaud, Propos d'un jour, p. 45.
♦ Relations des individus, des gouvernés, et du gouvernement. ⇒ État, 2. pouvoir (→ Charte, cit. 2). || Endoctrinement (cit.) par le gouvernement. || Propagande, pressions du gouvernement sur les médias. || Un gouvernement qui corrompt les gouvernés (→ Encourager, cit. 13).
♦ (En parlant d'un régime politique précis). || Le gouvernement des Bourbons, de l'Empire, de la Restauration (→ Acariâtre, cit. 2), de Louis-Philippe (→ Assaillir, cit. 8). ⇒ Règne. || Le gouvernement de la IIIe République, de la Ve République. || Le gouvernement provisoire d'Alger. — Gouvernement pontifical. ⇒ Saint-Siège. → Camerlingue, cit. 2. || Gouvernement du Maroc (Maghzen), de l'ancienne Turquie (Divan, Sublime-Porte). ⇒ aussi Protectorat, régence.
♦ Dr. internat. || Représentant, mandataire d'un gouvernement étranger. || Gouvernements de fait généraux, locaux. || Reconnaissance d'un gouvernement par les autres.
31 Dans la pratique (…) l'usage s'est introduit qu'un gouvernement de fait doit être reconnu par les États tiers : c'est la « reconnaissance de gouvernement » (Ses conditions) se ramènent à une seule considération : il faut que le gouvernement de fait exerce une autorité suffisamment stable et effective.
Delbez, Manuel de droit international public, p. 168.
2 Le pouvoir exécutif; les organes qui l'exercent (par oppos. au pouvoir législatif). REM. Cette acception est courante en droit constitutionnel, mais prête souvent à confusion avec le sens 3., plus usuel dans les pays à régime parlementaire. Appliqué au pouvoir exécutif, le terme de gouvernement se distingue de administration et désigne « la fonction la plus élevée du pouvoir exécutif visant la direction suprême des affaires publiques et déterminant l'orientation générale de la politique du pays » (Capitant). — Faiblesse, renforcement du gouvernement par rapport au pouvoir législatif. || Communication, message du gouvernement au parlement. || Limitation des pouvoirs du gouvernement par décentralisation, self-government. || La centralisation (cit.) renforce le gouvernement. || Gouvernement français (chef de l'État; conseil des ministres), anglais (couronne; cabinet), américain (Président), russe (présidium du Soviet suprême; conseil des ministres).
32 Qu'est-ce donc que le gouvernement ? Un corps intermédiaire établi entre les sujets et le souverain pour leur mutuelle correspondance, chargé de l'exécution des lois et du maintien de la liberté tant civile que politique (…) J'appelle (…) gouvernement ou suprême administration, l'exercice légitime de la puissance exécutive (…)
Rousseau, Du contrat social, III, I, Du gouvernement en général (cf. tout le livre III du Contrat social).
33 J'emploie ici le mot gouvernement pour désigner ce que très souvent on appelle le pouvoir exécutif (…) Le mot gouvernement est (…) employé dans deux sens différents. J'ai déjà désigné par le mot gouvernement l'ensemble des organes directeurs de l'État. En parlant ici du gouvernement, j'ai en vue cet organe que, dans la langue politique moderne, on oppose au parlement, qui est placé à côté de lui, au sommet de l'État (…)
Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. II, p. 768.
34 La structure, les caractères du gouvernement (…) sont assez variables. Cependant, sa forme habituelle est celle-ci : un individu est titulaire de toutes les attributions qui appartiennent au gouvernement; il a des collaborateurs, des subordonnés appelés ministres (…) qui ont surtout un rôle important lorsque le gouvernement est parlementaire.
Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. II. p. 769.
♦ (1810). Abusif en droit. Administration centrale de l'État. || Employé (cit. 2) du gouvernement (→ Emploi, cit. 15). || Fonctionnaire, agent préposé du gouvernement (→ Arbitraire, cit. 9; commun, cit. 25). — ☑ Loc. Aux frais du gouvernement. → Aux frais de la princesse.
3 (Dans les régimes parlementaires). Partie du pouvoir exécutif qui est responsable devant le Parlement; le corps des ministres (par oppos. au chef de l'État, irresponsable). ⇒ Cabinet (infra cit. 9), conseil (des ministres), ministère; président (du conseil); ministre; secrétaire (d'État), sous-secrétaire (d'État). || Le chef, le président du gouvernement : le Premier ministre. || Membres du gouvernement. || Commissaire du gouvernement. || Constituer, former le gouvernement. || Entrer au gouvernement. || Gouvernement de droite, de gauche; socialiste, modéré. — (En France). || Le gouvernement Poincaré, Briand, Chirac, Mauroy. || Un gouvernement de pacifistes, de bellicistes (cit.). || Les délibérations du gouvernement (→ Financier, cit. 3). || Le gouvernement est unanime, divisé. || Divergences au sein du gouvernement. || La politique étrangère, financière du gouvernement (→ Emprunt, cit. 6). || Les pouvoirs, les actes du gouvernement. ⇒ Arrêté, décision, décret, instruction; police, réglementaire (pouvoir). || Actes du gouvernement français publiés au Journal officiel. || Le chef du gouvernement a l'initiative des projets de loi. || Autorisation préalable des publications par le gouvernement. ⇒ Censure. — Le gouvernement représente la majorité. || Partisans, fidèles du gouvernement (→ Autorité, cit. 28). || Soutenir le gouvernement. || Censurer le gouvernement. || Opposition au gouvernement (→ Bataille, cit. 15; escarmouche, cit. 3). || Le gouvernement a posé la question de confiance. || Mettre en minorité, faire tomber le gouvernement. || Le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes. || Le nouveau gouvernement.
35 Quant au gouvernement, il montrait cette faiblesse, cette indécision, cette mollesse, cette incurie ordinaires à tous les gouvernements, et dont aucun n'est jamais sorti que pour se jeter dans l'arbitraire et la violence.
France, l'Île des pingouins, V, VI.
4 Par ext. (Anciennt). « Organisme chargé de la direction administrative d'une colonie » (Capitant). ⇒ Gouverneur. || Le gouvernement du Sénégal, de la Guinée sous la domination française. || Gouvernement général de l'A. E. F., de l'A. O. F., de l'Algérie.
36 Le gouvernement général est la plus importante des institutions propres à l'Algérie, et le gouverneur général constitue le pivot de l'administration algérienne (…) Le gouverneur général représente le gouvernement de la République dans toute l'étendue du territoire algérien; le gouvernement et la haute administration de l'Algérie sont centralisés à Alger sous son autorité.
Augustin Bernard, l'Algérie, 1929, p. 407.
5 Vx. Lieu où réside un gouverneur. ⇒ Gouvernorat.
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III Organisation, structure politique de l'État. ⇒ Constitution (cit. 5), institution(s), régime, système. || Formes, espèces de gouvernement ⇒ les éléments -archie, -arche, -arque (→ Avantage, cit. 32; chanson, cit. 9; éducation, cit. 4; exigence, cit. 1). || Gouvernement monocratique; monarchique, impérial, consulaire. ⇒ Consulat, cour (III., 1.), empire, monarchie, régence, royauté. || Gouvernement absolu (cit. 4), tyrannique. ⇒ Absolutisme, arbitraire, autocratie, autoritarisme, autorité, césarisme, despotisme (cit. 5), dictature, tyrannie (→ Amender, cit. 6; arbre, cit. 37). || Gouvernement aristocratique (cit. 1), collégial, directorial. ⇒ Aristocratie (cit. 2 et 3), oligarchie; duumvirat, triumvirat, pentarchie, tétrarchie; directoire. || Gouvernement direct, populaire. ⇒ Ochlocratie. || Gouvernement démocratique, républicain. ⇒ Démocratie (cit. 3), république (→ Égal, cit. 9; fédératif, cit. 1). || Gouvernement parlementaire (⇒ Parlementarisme), représentatif. — Gouvernement informe, balancé (cit. 24) entre plusieurs systèmes.
37 (…) en vérité, l'excellente et meilleure police est à chaque nation celle sous laquelle elle s'est maintenue. Sa forme et commodité essentielle dépend de l'usage. Nous nous déplaisons volontiers de la condition présente. Mais je tiens pourtant que d'aller désirant le commandement de peu en un État populaire, ou en la monarchie une autre espèce de gouvernement, c'est vice et folie.
Montaigne, Essais, III, IX.
38 Les diverses formes de gouvernements tirent leur origine des différences plus ou moins grandes qui se trouvèrent entre les particuliers au moment de l'institution.
Rousseau, De l'inégalité parmi les hommes, II.
39 On a de tout temps beaucoup disputé la meilleure forme de gouvernement, sans considérer que chacune est la meilleure en certains cas, et la pire en d'autres. Pour nous, si, dans les différents États, le nombre des magistrats doit être inverse de celui des citoyens, nous conclurons qu'en général le gouvernement démocratique convient aux petits États, l'aristocratique aux médiocres, et le monarchique aux grands.
Rousseau, Émile, V.
40 Toute nation a le gouvernement qu'elle mérite.
J. de Maistre, Lettres et opuscules, 15-27 août 1811.
41 Le gouvernement russe est une monarchie absolue tempérée par l'assassinat.
Custine, la Russie en 1839, t. I, p. 317, in Guerlac. Cf. le mot célèbre de Chamfort (→ Chanson, cit. 9).
42 (La République) a un titre à mes yeux : elle est, de tous les gouvernements, celui qui nous divise le moins.
Thiers, Discours au Parlement, 13 févr. 1850.
♦ Allus. littér. || Les trois gouvernements, selon Montesquieu (cf. l'Esprit des lois, livres II et III). ⇒ Républicain; monarchique; despotique (cit. 1).
♦ || « C'n'était pas la peine, assurément, de changer de gouvernement », refrain célèbre d'un couplet de la Fille de madame Angot (cité à propos de désillusions après un changement politique).
❖
CONTR. Anarchie, désordre. — Gouverné, sujet. — Opposition.
DÉR. Gouvernemental.
COMP. V. Self-government.
Encyclopédie Universelle. 2012.