GROENLAND
Le Groenland (Grønland ) est une île qui occupe le troisième rang mondial pour sa superficie (2 175 600 km2), après l’Antarctique et l’Australie. Situé au nord-est du continent américain, il s’étend de 830 39 à 590 46 de latitude nord et est recouvert presque entièrement par une énorme calotte glaciaire dont l’épaisseur peut atteindre 3 000 mètres.
Découverte à la fin du Xe siècle par les Vikings qui lui donnèrent le nom de «Terre verte», l’île entra dans la mouvance scandinave et y resta jusqu’à la fin du Moyen Âge. La présence européenne s’étant alors évanouie pour des raisons mal connues, il fallut attendre le XVIIIe siècle pour voir les Danois reprendre pied sur les côtes et y découvrir une population esquimaude très clairsemée. Soumis à un régime de type colonial jusqu’en 1953, année où il fut assimilé, avec un statut spécifique, au royaume de Danemark, le Groenland comptait en 1991 55 385 habitants. Après avoir obtenu son autonomie interne en 1979, il décida par le référendum de février 1982 de quitter le Marché commun, où il était entré à la suite de l’adhésion danoise. Cette décision est devenue effective depuis 1985.
Une immense île de glace
Fragment du bouclier canadien, le Groenland se présente sous la forme d’une immense cuvette inégalement relevée sur les bords et comblée par une calotte glaciaire (inlandsis) d’une épaisseur moyenne de 1 500 mètres. Cette calotte glaciaire est, par sa dimension (1 726 000 km2), la deuxième du monde, après le continent antarctique; une partie en est située au sud du cercle polaire; son extrémité sud, le cap Farvel, est à la même latitude qu’Oslo et Saint-Pétersbourg. Cette étendue sur 250 est considérable: c’est la distance de Terre-Neuve à Cuba. Les températures moyennes au bord de la mer sont de 漣 15 0C au nord et de 5 0C au sud. Toute la zone sud-ouest a des étés relativement longs et chauds, avec des températures maximales absolues dépassant 28 0C. Les précipitations sont de 60 millimètres dans l’extrême Nord aride, de 700 millimètres à Nuuk (anciennement Godthaab), la capitale (par 640 de latitude), et de 1 700 millimètres dans l’extrême Sud. L’Est a un maximum hivernal sous forme de neige, l’Ouest un maximum d’été sous forme de pluie.
L’inlandsis n’épargne qu’une frange littorale montagneuse, au relief tourmenté, qui culmine à l’est avec le Gunnbjörns Fjeld (3 733 m), et un chapelet d’îles côtières concentrées sur la côte occidentale et dont la principale est Disko (8 578 km2). D’épaisseur variable, et parfois inexistante, comme au nord d’Upernavik, cette frange, qui recouvre au total une superficie de 341 700 kilomètres carrés, est fréquemment interrompue par d’énormes fleuves de glace qui viennent se jeter dans la mer, ou profondément découpée par des fjords, dont le plus important, le Scorebysund, a 300 kilomètres de long.
Seule la partie sud-ouest des 39 000 kilomètres de côtes, située entre Sukkertopen et Prins Christian Sund, est accessible toute l’année aux bateaux, tandis que la façade littorale orientale se révèle fort dangereuse pour la navigation.
Les plus hauts sommets rocheux sont situés sur la côte est: plusieurs pics dépassent 3 000 mètres entre les 68e et 69e degrés de latitude. Sur la côte ouest, le point culminant, près de Disko, est de 2 300 mètres. La dissymétrie est donc nette. À l’extrême sud, les pics dépassent 2 700 mètres; au nord, le point culminant, en terre de Peary, atteint seulement 1 920 mètres.
Sur la glace, l’altitude maximale est de 3 230 mètres par 660 de latitude. L’épaisseur moyenne est de 1 500 mètres, l’épaisseur maximale de 3 000 mètres. L’inlandsis comprend deux dômes de glace: l’immense dôme nord, qui s’étend largement sur le centre du Groenland, et le dôme sud, plus réduit. Tous les deux culminent aux environs de 3 200 mètres. Ils sont séparés par une dépression, le «col de Quervain». Axes et sommets de ces dômes sont situés nettement à l’est. Des fleuves de glace qui coulent de la calotte vers la mer, les principaux se jettent sur la côte ouest, tels, dans la baie de Disko, le Jakobshavn et le Rink, qui coulent à une vitesse voisine de 30 mètres par jour, soit 11 kilomètres par an. Nombreux sont ici les glaciers dont la vitesse dépasse 7 kilomètres par an; ce sont les plus grands fournisseurs d’icebergs de tout le Groenland. La baie de Melville a soixante-dix exutoires d’inlandsis en 300 kilomètres, sous forme de glaciers très crevassés. Sur la côte est, signalons les grands fleuves de glace de Sermilik et Kangerdlugssuaq (cercle polaire et 60e degré de latitude nord); en dehors des fleuves, les vitesses peuvent atteindre 100 mètres par an. Au nord, la grande masse de l’inlandsis est stagnante; la vitesse est inférieure à 10 mètres par an, et beaucoup moins encore pour le gigantesque glacier de Humboldt, véritable moribond. Dans ce continent aussi étiré en latitude, les différences de conditions climatiques expliquent ces comportements divers: le Sud, humide, a des glaciers vivants, souvent rapides; le Nord, aride, a des glaciers quasi immobiles. Il semble aussi que les dômes soient indépendants l’un de l’autre et que leurs glaces ne se mélangent pas plus que ne se mêlent les glaciers affluents dans un glacier de vallée.
Une terre d’immigration
Le Groenland n’a jamais connu de population indigène. Tous ceux qui se sont installés sur son sol venaient d’ailleurs. Les uns arrivèrent par le nord-ouest, issus de ce magma de terres et de mers gelées qui coiffe l’actuel territoire canadien, qu’il s’agisse des populations dites Independence I (2 000 ans av. J.-C.), Independence II et Sarqaq (1 000 ans av. J.-C.), Dorset (début de notre ère) ou des Esquimaux qui arrivèrent à partir du Xe siècle; les autres, en l’occurrence quelques colons islandais guidés par Éric le Rouge, vinrent de l’est vers 982. Deux établissements furent créés: le plus ancien et le plus important, dit oriental (Eystribygdh ), était, en fait, situé non loin de la future Julianehaab; au bout d’un siècle, un second, dit occidental (Vestribygdh ), fut installé plus au nord dans la région du Godthaabsfjord. Organisés en république sur le modèle islandais mais étroitement dépendants de la Norvège et assez rapidement christianisés (fondation du diocèse de Gardhar au début du XIIe siècle), les colons, qui ne furent jamais plus de trois mille, pratiquaient l’élevage extensif et vendaient les fourrures d’ours blancs, l’ivoire des morses et les faucons qu’ils rapportaient de leurs expéditions nordiques. À l’occasion de l’Union de Kalmar (1389), ces établissements passèrent sous la souveraineté danoise, mais à la fin du XVe siècle la présence européenne s’évanouit pour des raisons mal éclaircies: refroidissement du climat porteur de famine, épidémie foudroyante, dégénérescence de la population minée par la consanguinité, massacre par les groupes esquimaux descendant vers le sud? Il y a probablement une parcelle de vérité dans toutes ces explications. Quoi qu’il en soit, pour plus de deux siècles, le Groenland allait devenir la Kalatdlit Nunat (terre des Esquimaux), et ses rivages n’être plus troublés que par le passage des navigateurs cherchant la route des Indes par le nord-ouest ou par celui des chasseurs de baleines européens s’enfonçant dans la baie de Baffin.
Il fallut toute l’obstination d’un jeune pasteur norvégien, Hans Egede (1686-1758), qui partit en 1721 s’installer avec sa famille dans le fjord de Godthaab (Bonne-Espérance), pour que le fil de la présence européenne fût renoué, au prix de souffrances effroyables et grâce à l’intérêt de négociants danois et norvégiens, désireux de briser le quasi-monopole hollandais sur la chasse à la baleine. Aussi, tout au long du XVIIIe siècle, des comptoirs furent-ils créés sur la côte ouest; la souveraineté danoise sur le pays fut finalement reconnue par les Provinces-Unies en 1762 et par la Russie en 1782; elle fut même confirmée paradoxalement par la paix de Kiel en 1814, alors que la Norvège était enlevée au Danemark. Les prétentions norvégiennes sur le Groenland furent définitivement repoussées par la Cour internationale de justice de La Haye en 1933.
Avec le XIXe siècle vint le temps des explorations scientifiques: reconnaissance des façades littorales, d’une part, où s’illustrèrent particulièrement G. Holm (1849-1940), qui fonda Angmagssalik en 1894, et G. Amdrup (1866-1947), qui poussa jusqu’au Scoresbysund; découverte de l’intérieur ensuite, avec les voyages de F. Nansen (1861-1930), de L. Mylius-Erichsen (1872-1907) et surtout de K. Rasmussen (1879-1933) qui sillonna le nord de la grande île, fonda Thulé en 1910 et recueillit une abondante documentation sur la culture esquimaude; de leur côté, I. P. Koch (1870-1928) et A. Wegener (1880-1930) accomplirent en 1913 la première traversée de l’inlandsis. Les expéditions laissèrent progressivement la place à l’installation de stations de recherche qui permirent d’accomplir d’importants progrès dans les domaines de la géodésie, de la glaciologie et de la météorologie, notamment à l’occasion de l’Année géophysique internationale 1957-1958.
La Seconde Guerre mondiale interrompit les relations du Groenland avec la métropole, occupée par les Allemands. En échange de l’autorisation d’y construire des bases aériennes, à Narsarssuaq et Søndre Strømfjord notamment, le territoire fut pris en charge par les États-Unis. Il ne pouvait manquer d’être affecté par le grand courant d’émancipation qui s’imposa dans le monde après la fin des hostilités. Il parut évident que le système colonial qui avait caractérisé les relations du Groenland avec le Danemark était devenu anachronique mais, compte tenu de la situation particulière qui était la sienne, la voie de l’intégration et de l’assimilation fut choisie de préférence à celle de l’indépendance. On profita ainsi de la promulgation de la Constitution de 1953 pour procéder aux réajustements indispensables, et progressivement se mit en place le régime qui devait subsister jusqu’à 1979. Le Groenland devint donc une province danoise (presque) comme les autres et obtint le droit d’élire deux représentants au Folketing. Toutefois, un ministère fut créé à Copenhague pour s’occuper des problèmes propres au territoire, et un organisme consultatif, le Landsraad, participa à l’administration des affaires locales sous la tutelle d’un haut-commissaire danois, le Landshövding, résidant à Godthaab, la capitale.
Les transformations récentes
Au cours de ce dernier quart de siècle, le visage du Groenland s’est considérablement transformé: ces modifications tiennent à des facteurs proprement internes, mais l’ouverture progressive sur le monde d’une société qui, jusqu’alors, avait vécu dans un certain isolement, n’a pas été sans provoquer, en dépit (ou à cause) de l’œuvre remarquable accomplie par la puissance tutélaire, l’apparition d’un «malaise groenlandais» dont les manifestations les plus tangibles sont les ravages de l’alcoolisme, la flambée des maladies vénériennes, le développement d’une littérature en langue vernaculaire ou la tentative de certains jeunes de résoudre leur problème d’identité par un retour aux valeurs esquimaudes non exempt de xénophobie ou de rejet de la civilisation européenne.
Cela dit, les deux phénomènes qui ont contribué fondamentalement à cette rapide métamorphose du Groenland sont l’explosion démographique et l’évolution des activités économiques.
La population a augmenté à un rythme soutenu jusqu’à ces dernières années, en raison d’un taux de natalité élevé (22,6 p. 1 000 en 1990), d’un taux de mortalité faible (8,4 p. 1 000) et d’une diminution spectaculaire de la mortalité infantile. La population du Groenland est ainsi passée d’environ 6 000 habitants en 1800 à 9 000 en 1850, 12 000 en 1900, 20 000 en 1950 et 55 385 aujourd’hui, dont 27 p. 100 ont moins de quinze ans. Les Danois représentent à peu près 15 p. 100 de la population. La densité hors inlandsis est de 0,16 habitant au kilomètre carré et la population se concentre à 75 p. 100 dans les petites agglomérations du littoral occidental, dont la plus importante, Nuuk (ancienne Godthaab), ne comptait en 1991 que 12 233 habitants.
Il a fallu faire face aux conséquences de cette situation, c’est ce à quoi s’est employée la Grönlands Tekniske Organisation, organisme dépendant du ministère du Groenland et chargé de l’aménagement et de l’équipement du territoire, l’un des problèmes, et non des moindres, étant de fournir du travail aux nouvelles générations.
Pendant longtemps, en effet, les Groenlandais avaient subsisté de la chasse au phoque qui leur permettait de subvenir à la quasi-totalité de leurs besoins. Sous l’impulsion de la Kongelige Grönlandske Handel (K.G.H.), institution qui, depuis 1776, avait le monopole de l’approvisionnement et de l’exploitation des ressources de la colonie avant de passer en 1950 sous le contrôle du ministère du Groenland, ils développèrent, à partir de 1920, la pêche à la morue et puis, à partir de 1945, la pêche à la crevette, qui, relayée par celle des crustacés et la congélation de filets de poisson, occupe désormais une place prépondérante et représente à peu de chose près l’unique ressource du pays. Le poids des prises, en très nette augmentation, a atteint 163 000 tonnes en 1989. La flotte groenlandaise, en forte progression, comprend environ 200 bateaux jaugeant plus de 60 000 B.R.T. (bruto register tons ). Ce développement, notamment pour ce qui est du tonnage, concerne surtout la pêche (131 unités pour 55 873 B.R.T. en 1991).
Au crédit de la K.G.H., dont les activités s’exercent aussi dans les domaines des transports, de la poste et du commerce de détail, il faut ajouter le développement de l’élevage du mouton dans le sud de l’île et une tentative pour acclimater le renne dans la région de Nuuk.
Le Groenland n’est pas dépourvu de ressources minières. Leur exploitation, malheureusement, se heurte à des conditions topographiques et climatiques extrêmement défavorables et l’on peut dire que le territoire a plus promis qu’il n’a tenu, malgré l’activité déployée par le Grönlands Geologiske Undersögelse (Bureau de recherches géologiques), fondé en 1946. On a pourtant cessé d’exporter la cryolithe d’Ivigtut. Il en va de même du zinc et du plomb de Mestervig et de Marmorilik.
Dans une perspective plus ou moins proche, on fonde des espoirs sur le fer d’Isukasia (des réserves d’excellent minerai avoisinant 2 milliards de tonnes), sur l’uranium de Narssaq et sur les prospections pétrolières du détroit de Davis. Depuis 1960, enfin, le tourisme a pris de l’importance mais, une fois le premier moment d’engouement passé, les insuffisances de l’infrastructure hôtelière et les difficultés de communication ont constitué de réelles entraves à l’implantation d’activités permanentes.
Ces résultats honorables mais vulnérables se traduisent pourtant par un solde en voie d’équilibre de la balance commerciale (tabl. 1 et 2), où les exportations (2,178 milliards de couronnes en 1991) représentent 84 p. 100 des importations (2,576 milliards de couronnes). Si l’augmentation du niveau de vie est incontestable, il n’est pas moins évident que le Groenland a connu une inflation élevée (l’indice des prix est passé de 100 à 208 de 1987 à 1992) et qu’il n’a pas été épargné par la récente crise économique.
L’accession à l’autonomie interne
Dans le courant des années soixante-dix, des aspirations à une autonomie interne adaptée à la personnalité groenlandaise se firent jour avec de plus en plus d’insistance et, en 1975, une commission bipartite fut instituée pour proposer les modalités selon lesquelles cette autonomie pourrait être réalisée. Le 17 janvier 1979, 63,2 p. 100 des électeurs groenlandais se rendirent aux urnes pour approuver, par 70,1 p. 100 des votants contre 25,8 p. 100 et 4,1 p. 100 de bulletins blancs, les propositions de la commission. Une campagne électorale fut alors organisée pour désigner les vingt et un membres du nouveau Parlement (Landsting).
Les élections du 4 avril donnèrent 13 sièges au parti Siumut, partisan de la plus large autonomie possible et opposé à ce que le Groenland demeure dans le Marché commun, contre 8 au parti modéré et pro-européen Atassut. Les partisans de l’indépendance n’obtinrent que 5 p. 100 des suffrages.
L’accession du Groenland à l’autonomie interne ne manqua pas de poser un certain nombre de problèmes délicats. Le premier concernait les futures relations du pays avec l’Union soviétique, qui profita de l’occasion pour lui proposer une assistance technique, notamment dans le domaine de la pêche. Cette suggestion ne fut guère du goût du Danemark et des États-Unis, membres de l’O.T.A.N., pour qui une présence russe était intolérable dans une région d’un intérêt stratégique capital.
Le deuxième problème, qui avait déjà donné lieu à des discussions acharnées lors des séances de la commission bipartite, concernait l’exploitation des ressources minières. Les représentants du Groenland en revendiquaient l’entière propriété, alors que le compromis réalisé dans le cadre du nouveau régime prévoyait qu’elles appartiendraient conjointement aux deux parties, Danemark et Groenland disposant chacun d’un droit de veto lors de l’examen des projets de prospection qui leur seront présentés. Il y a tout lieu de croire que ce dossier est loin d’être clos, ces ressources étant vitales pour l’un comme pour l’autre de ces deux pays.
Le dernier problème concernait les liens unissant le Groenland au Marché commun. En 1972, lors du référendum organisé au Danemark, les voix des Groenlandais, qui s’y étaient opposés à une majorité de 72 p. 100, avaient été comptabilisées avec celles des Danois, et ils avaient donc été astreints, contre leur gré, à rejoindre la C.E.E.
Dès l’octroi de l’autonomie interne, le nouveau chef du gouvernement local, le pasteur Jonathan Motzfeldt, du Siumut, s’engagea à reconsidérer le problème du maintien de l’île dans la Communauté au moyen d’un référendum prévu pour 1982.
Le bilan des relations entre le Groenland et la Communauté au cours des neuf années, pourtant, était loin d’être entièrement négatif. La C.E.E. avait notamment financé des opérations de formation professionnelle, des projets de construction de bateaux de pêche ainsi que des investissements pour la prospection de minerais ou d’hydrocarbures. La situation, en revanche, était ressentie comme beaucoup moins positive en ce qui concerne la pêche qui jusqu’alors avait été de loin la principale ressource de l’île. En effet, comme le Groenland ne s’était pas vu octroyer une zone de pêche de 200 milles, ses pêcheurs ne prennent qu’environ 10 p. 100 de ce qui est capturé dans leurs eaux, sans pouvoir réagir à cause des obligations communautaires imposées par Bruxelles.
Le 23 février 1982, à la suite d’une participation record (74,9 p. 100), le référendum, qui n’avait qu’une valeur consultative, s’est soldé par une courte victoire (52 p. 100 contre 46 p. 100) des partisans du retrait de l’île du Marché commun.
Si, dans l’esprit de ces derniers, cette prise de position ne signifiait pas une rupture définitive avec la C.E.E., elle ne manqua pas de soulever un certain nombre de problèmes. Sur le plan du droit international, d’abord, à propos des modalités du processus de retrait du Groenland tout en permettant à celui-ci de demeurer associé à la Communauté. Le danger était de créer un précédent. La solution qui prévalut fut d’imposer la ratification, par les parlements des pays membres, du traité du 13 mai 1984 entérinant la volonté des Groenlandais de quitter le Marché commun. Pour en arriver là, il avait fallu trouver une solution à un second type de problèmes, ceux qui étaient relatifs aux relations économiques, ce qui n’alla pas sans mal. Finalement, le Groenland obtint le statut de «territoire d’outre-mer» dont bénéficiaient déjà une vingtaine d’anciennes colonies des Dix. Il pouvait ainsi exporter en franchise ses produits vers les pays de la Communauté et prétendre à une aide financière, nettement plus modeste que celle qu’il recevait précédemment. En échange, les pays membres désiraient garder leurs droits de pêche traditionnels dans les eaux groenlandaises, ce qui, naturellement, ne faisait pas l’affaire du gouvernement de Nuuk. Finalement, on parvint laborieusement à un compromis provisoire permettant aux pays membres de conserver un quota de pêche pendant dix ans, moyennant finance. À en croire les résultats des élections de mai 1987, la séparation ne semblait pas avoir été la panacée attendue, puisque le parti Atassut, «européen», l’avait emporté de peu sur le Siumut avec 40 p. 100 des suffrages. Les choses ont évolué avec les élections de 1991 et, même si le Siumut a repris l’avantage (36 p. 100 des voix), les deux anciens partis ont perdu du terrain, surtout l’Atassut (29 p. 100), face à de nouvelles formations, dont Innit Ataqatigiit (19 p. 100), ne cachant pas leur visées séparatistes.
Bien que la sortie du Groenland de la C.E.E. n’ait remis en cause ni l’appartenance du territoire à l’O.T.A.N. ni la présence des bases américaines sur son sol, il est évident que, s’il cessait d’en être ainsi, une telle décision ne pourrait qu’entraîner l’intervention immédiate d’une grande puissance qui, pour être protectrice, témoignerait certainement de moins de désintéressement que le «colonisateur» danois grâce auquel le Groenland possède un meilleur rang que celui de sa métropole: le sixième revenu par habitant de la planète.
Groenland
(en danois GrØnland, "pays vert"; en esquimau Kalaallit Munaat) état autonome dépendant du Danemark, situé au N.-E. de l'Amérique; 2 175 600 km² (2 650 km de long, 1 200 km de large); 49 630 hab. (Esquimaux, en grande partie métissés, et Danois); cap. Nuuk (anc. Godthåb). C'est un vaste plateau, couvert, sauf au S. et au S.-O., de glace (inlandsis) d'une épaisseur moyenne de 1 500 m. Princ. ressource: la pêche; le sous-sol est riche (zinc, plomb, etc.).
— L'île fut découverte en 982 par l'Islandais Erik le Rouge et colonisée dans le S.-O. par les Norvégiens, tandis que les Esquimaux l'abordaient par le N.-O. "Oubliée" et redécouverte en 1578, explorée après 1721, elle devint une colonie danoise en 1814. Depuis 1951, les È.-U. y ont une base milit. (deux jusqu'en 1992). En 1953, le Groenland devint une prov. danoise. En 1979, il a obtenu l'autonomie interne. Le premier Parlement a été élu en 1984. Après référendum (1982), le pays s'est retiré de la C.é.E. en 1985.
Encyclopédie Universelle. 2012.