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aimé

aimé, aimée nom Littéraire. Personne qui est l'objet d'une vive affection : Mon aimée !

⇒, ÉE, part. passé et adj. verbal.
I.— Part. passé passif de aimer.
A.— [Constr. avec l'auxil. être pour former la voix passive]
1. [Sans compl. d'agent] :
1. ... oui, certes, elle voulait se marier, et aimer, et être aimée, et être heureuse!
É. ZOLA, Le Rêve, 1888, p. 54.
2. ... au fond de la Polynésie, les sauvagesses se couvrent de choses voyantes et de peaux de bêtes, pour être « aimées ».
H. DE MONTHERLANT, Les Olympiques, 1924, p. 310.
3. L'amour de la patrie, la passion de la justice sociale suffiront à faire de ces voix innombrables, de celles qui prient, comme de celles qui refusent de prier, une seule voix entendue et reconnue partout où des hommes respirent, partout où la France est aimée.
F. MAURIAC, Le Baîllon dénoué, 1945, p. 448.
2. [Avec un compl. d'agent]
a) [L'accent est mis sur le procès en cours à un moment du temps, prép. par] :
4. — À mon âge, dit-elle, il me faudrait un homme sérieux, de 40 à 50 ans. Or, je ne suis aimée que par des jeunes gens de 25 ans.
J. RENARD, Journal, 1905, p. 1018.
5. Olga n'est nullement aimée par le peuple qui la considère comme une Slave, comme une barbare.
M. BARRÈS, Le Voyage de Sparte, 1906, p. 115.
6. ... elle est aimée par un jeune homme sentimental mais bourgeois, que sa beauté sauvage a fasciné.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Cahier gris, 1922, p. 625.
7. La Mère de la Miséricorde avait été follement aimée par un lieutenant de lanciers qui, lors de la prise de voile, était tombé raide devant la grille en s'écriant : « tout est fini! »
H. POURRAT, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 93.
8. Français, Françaises, que vos pensées se rassemblent sur la France! Plus que jamais, elle a besoin d'être aimée et d'être servie par nous tous qui sommes ses enfants.
Ch. DE GAULLE, Mémoires de guerre, Le Salut, 1959, p. 422.
b) [L'accent est mis sur l'état résultant du procès, prép. de] :
9. ... mourir sans être aimé de toi, mourir sans cette certitude, c'est le tourment de l'enfer, c'est l'image vive et frappante de l'anéantissement absolu.
NAPOLÉON 1er, Lettres à Joséphine, 1796, p. 23.
10. La gloire intérieure de Dieu est dans sa souveraine perfection; sa gloire extérieure consiste à être connu et aimé des intelligences libres; et il est hors de discussion qu'il a en effet donné l'être à ces intelligences pour en être connu et aimé.
H.-D. LACORDAIRE, Conférences de Notre-Dame, 1848, p. 83.
11. Comme elles redisaient le nom sacré de Jupiter, le sculpteur eut de l'impatience. Il haussa les épaules. Ce signe de mépris ne fut point remarqué sinon du jeune Pantarcès et de la belle Polydamie, qui, aimant Phidias, étaient tous deux aimés de lui.
Ch. MAURRAS, Le Chemin de Paradis, 1894, pp. 35-36.
12. La musique n'était vraiment aimée que d'une poignée de gens; et ce n'étaient pas toujours ceux qui s'en occupaient le plus : compositeurs et critiques. Il y a si peu de musiciens en France, qui aiment vraiment la musique!
R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, p. 700.
B.— [Sans l'auxil. être, en constr. d'appos.]
1. [Sans compl. d'agent] :
13. Ô semblable! ... Et pourtant plus parfait que moi-même,
Éphémère immortel, si clair devant mes yeux,
Pâles membres de perle, et ces cheveux soyeux,
Faut-il qu'à peine aimés, l'ombre les obscurcisse,
Et que la nuit déjà nous divise, ô Narcisse,
Et glisse entre nous deux le fer qui coupe un fruit!
P. VALÉRY, Charmes, Fragments du Narcisse, 1922, p. 125.
2. [Avec un compl. d'agent, prép. par ou de] :
14. Ingrat d'avance, cette rude instruction de Bonaparte est adressée à Desaix qui offrait à la tête des braves, dans la Haute-Égypte, autant d'exemples d'humanité que de courage, marchant au pas de son cheval, causant de ruines, regrettant sa patrie, sauvant des femmes et des enfants, aimé des populations qui l'appelaient le sultan juste, enfin à ce Desaix tué depuis à Marengo dans la charge par laquelle le premier consul devint le maître de l'Europe.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 363.
15. La fille de la Berma, aimée en secret par le médecin qui soignait son mari, s'était laissé persuader que ces représentations de Phèdre n'étaient pas bien dangereuses pour sa mère.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Temps retrouvé, 1922, p. 995.
II.— Emploi adj. [En constr. d'épithète]
A.— [Sans déterm. intensif spécifique d'adj.]
1. [Sans compl.] :
16. Du moment qu'il aime, l'homme le plus sage ne voit plus aucun objet tel qu'il est. Il s'exagère en moins ses propres avantages, et en plus les moindres faveurs de l'objet aimé.
STENDHAL, De l'Amour, 1822, p. 32.
17. Une maîtresse aimée est si près d'une sœur!
A. DE MUSSET, Namouna, 1832, p. 407.
18. Il y a un amour qui aime l'oubli, le silence, les bois, ou indifféremment un lieu solitaire quelconque, dans la présence, ou dans la pensée de l'être aimé.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 2, 1834, p. 78.
19. Sa [de Baudelaire] saison aimée est la fin de l'automne, quand un charme de mélancolie ensorcelle le ciel qui se brouille et le cœur qui se crispe.
P. BOURGET, Essais de psychologie contemporaine, 1883, p. 18.
20. Bien avec tout le monde, elle est vieille et a l'air jeune. On la voit très bien maîtresse aimée et amoureuse.
J. RENARD, Journal, 1895, p. 289.
21. Oh! qu'il me soit donné, encore une fois, de revoir quelques endroits aimés comme la place du Pacifique, à Séville ...
V. LARBAUD, A. O. Barnabooth, 1913, p. 97.
22. Seule de ses amantes aimées, la reine Bérénice existe parce que, toute chérie qu'elle soit, sa passion trouve une résistance et que Titus la sacrifie à Rome. La seule vivante des amantes aimées, elle l'est beaucoup moins, pourtant, que les désespérées, Hermione, Roxane et Phèdre.
F. MAURIAC, La Vie de Jean Racine, 1928, p. 115.
2. [Avec un compl., prép. par ou plus fréquemment de] :
23. C'était un air étrusque aux paroles hardies,
Un refrain de taverne aimé des carrefours;
Sa voix brève heurtait les vieilles mélodies,
Ses pieds tombaient d'aplomb et cadencés toujours,
Tandis que ses deux mains sur sa tête arrondies,
De ses bras onduleux dessinaient les contours.
L. BOUILHET, Melaenis, 1857, p. 148.
24. Sur la tablette supérieure des bibliothèques sont posés de petits bronzes japonais, (...) les poissons aimés par les gourmets de là-bas ...
E. et J. DE GONCOURT, Journal, déc. 1894, p. 689.
25. Ils enseignent que, située d'abord dans l'océan glacial, leur île, flottante comme Délos, était venue mouiller dans les mers aimées du ciel dont elle est aujourd'hui la reine.
A. FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, p. 179.
26. « ... C'est l'histoire d'un homme qui aimait un être. (...) Il était fiancé, encore très jeune homme, à une pauvre fille, si bonne et belle, si vraiment aimée de Dieu, que lui aussi l'aimait ... » Son regard devint pesant. « ... Avec toute son âme », accentua-t-il.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, p. 784.
27. ... nous abandonnons successivement les différents êtres aimés tour à tour par nous ...
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, La Prisonnière, 1922, p. 76.
28. À côté des impertinents, des égoïstes ou des tyrans, il y a les gourdes, qui ne savent pas se servir des robinets, qui n'osent ni redemander un peu de poulet, ni écrire sur le papier à lettres de la maison, ni se lever plus tard que midi de peur de déplaire à la femme de chambre. Clientèle généralement aimée du personnel, à tout le moins préférée à l'autre, celle des filous, qui ne pensent qu'à emporter des verres à dents et à quitter l'hôtel sans donner de pourboires ...
L.-P. FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, pp. 231-232.
B.— [Avec un déterm. intensif spécifique d'adj. : si, très ...]
1. [Sans compl.] :
29. Plein des idées tristes qu'amenait ce retour tardif en des lieux si aimés, je sentis le besoin de revoir Sylvie, seule figure vivante et jeune encore qui me rattachât à ce pays.
G. DE NERVAL, Les Filles du feu, Sylvie, 1854, p. 613.
30. Aphrodisia était l'esclave favorite, la plus jolie, la plus aimée.
P. , Aphrodite, 1896, p. 126.
Rem. Cet emploi se rencontre aussi en constr. d'attribut :
31. Bonaparte était si aimé que pendant quelques instants Paris fut dans la joie ...
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 468.
32. « Voici l'histoire atroce de cette malheureuse », dit-il. Elle s'appelle Mme Hermet. Elle fut très belle, très coquette, très aimée et très heureuse de vivre.
G. DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Madame Hermet, 1887, p. 1127.
2. [Avec un compl. prép. de] :
33. De moins lancés dans leurs propos blâmaient les tracasseries dont la police accablait les réfugiés polonais, très-aimés des habitants de Chantilly, où ils ont tenu garnison sous l'Empire.
L. GOZLAN, Le Notaire de Chantilly, 1836, p. 237.
34. Intelligent, gracieux, sympathique et divertissant au possible, ce gamin, qui devait être un jour un des acteurs les plus aimés du public et que je devais retrouver pour lui confier des rôles, s'appelait Prosper Bressant.
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 4, 1855, p. 202.
35. Le numéro 662, gens sur une terrasse. On y voit une naïade de dos, une femme en robe jaune, la tête touchée dans la gamme la plus claire du blanc et du rose. Toujours l'harmonie des tons bleus, jaunes, violets, les violets si aimés des Vénitiens.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, sept. 1860, p. 805.
36. « Vous avez les tresses de Laura Dianti, d'Éléonore de Guyenne, et de sa descendante si aimée de Chateaubriand. Vous devriez porter toujours les cheveux un peu tombants », lui [à Albertine] dis-je à l'oreille pour me rapprocher d'elle.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 920.
Rem. 1. Comme le montre le détail des constr., la frontière entre les emplois I et II (à l'exception de II B 2, plus net quant à sa valeur adj.) restent difficiles à tracer, en raison du caractère ambigu du part. passé, et de l'absence de rigueur morphol. du passif français. 2. La correspondance de V. Hugo offre des ex. d'un emploi subst. de aimé (toujours au masc. plur. et dans l'emploi vocatif-allocutif notamment des fins de lettre) : ,,Je vous serre tous dans mes bras, chers aimés.`` (V. HUGO, Correspondance, 1867, p. 17). ,,Je vous embrasse, mes aimés.`` (V. HUGO, Correspondance, 1867, p. 26). En dehors de l'emploi allocutif, aimé(s) substantivé est rare :
37. Est-elle brune, blonde ou rousse? — Je l'ignore.
Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
P. VERLAINE, Poèmes saturniens, Melancholia mon rêve familier, 1866, pp. 64-65.
38. ... Pline l'Ancien a raconté, dans son Histoire naturelle comment la fille du potier Boutadès de Corinthe, « capta amore juvenis », prise par l'amour d'un jeune homme, qui allait partir, voulut retenir tant de bonheur fugitif. Alors lui vint l'idée de garder l'image de l'aimé. Ce mythe traduit une des raisons d'être du réalisme, peut-être la plus valable : la hantise de remplacer la fragilité du souvenir par la fixité de l'apparence captée au piège de l'art.
R. HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 127.
Pour parler des morts (infra III) :
39. — Seigneur, ce n'est rien de s'oublier soi-même, de rejeter son âme morte. Mais puis-je rejeter mes morts, puis-je oublier mes aimés?
R. ROLLAND, Jean-Christophe, Le Buisson ardent, 1911, p. 1421.
III.— Bien-aimé(e)
A.— Emploi adj.
1. Usuel [Post-posé au subst.]
a) [Le subst. désigne une pers. ou une collectivité. ou une partie de l'être individuel ou coll.] :
40. Adieu, ange! soigne-toi, porte-toi bien, aime-moi, pardonne-moi. Quand je reviendrai, je te ferai ôter tes bas pour baiser tes petits pieds bien-aimés.
V. HUGO, Correspondance, 1831, p. 498.
41. Mon cousin m'a fait plus d'une injure;
Qu'un bon cercueil de plomb m'en réponde, et je jure
Que les ducs bourguignons, mes sujets bien-aimés,
Seront dans son linceul pour jamais renfermés;
...
C. DELAVIGNE, Louis XI, 1832, III, 4, pp. 115-116.
42. ... le bruit de l'arrivée des restes du souverain bien-aimé s'était répandu en Thuringe et avait profondément remué toute la contrée.
Ch. DE MONTALEMBERT, Histoire de sainte Élisabeth de Hongrie, 1836, p. 186.
43. Chère amie, ma femme bien-aimée, pauvre mère éprouvée, que te dire? Je viens de lire un journal par hasard. Ô mon Dieu! Que vous ai-je fait! J'ai le cœur brisé ... Je n'irai pas jusqu'à La Rochelle ...
V. HUGO, Correspondance, 1843, p. 611.
44. Ô visages des saints, douces et fortes lèvres accoutumées à nommer Dieu et à baiser la croix de son fils; regards bien-aimés qui discernez un frère dans la plus pauvre des créatures ...
H.-D. LACORDAIRE, Conférences de Notre-Dame, 1848, p. 107.
45. Est-ce un sacrifice si pénible que de suivre les désirs d'une mère aimante et bien-aimée?
L.-É.-E. DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, p. 279.
46. ... au lever du soleil, j'allais partir pour toujours ... Tout ce pays [l'Océanie] et ma petite amie bien-aimée allaient disparaître, comme s'évanouit le décor de l'acte qui vient de finir ...
P. LOTI, Le Mariage de Loti, 1882, p. 266.
47. Viens sur mon cœur. Laisse-moi caresser la moisson solaire de l'or, sur ta tête bien-aimée.
J. RIVIÈRE, ALAIN-FOURNIER, Correspondance, lettre de J.-R. à A.-F., juin 1908, p. 379.
48. Les pires corrupteurs, les destructeurs ironiques qui ruinent nos croyances du passé, qui tuent nos morts bien-aimés, travaillent, sans le savoir, à l'œuvre sainte, à la nouvelle vie.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, p. 1473.
49. ... nous, nous sommes dans la douce amitié catholique, et nous sommes dans le monde comme dans un monde fermé, parce que tous les hommes sont nos frères bien-aimés et qu'ils sont avec nous une même famille.
E. PSICHARI, Le Voyage du centurion, 1914, pp. 226-227.
50. ... s'il [le Seigneur] pouvait dire un seul jour : « Il n'y a plus un seul Juif dans ma Sion bien-aimée; ils m'ont abandonné pour toujours! » Quels fléaux, quelles calamités s'abattraient sur Israël!
J. et J. THARAUD, L'An prochain à Jérusalem!, 1924, p. 59.
51. ... quand la petite main bien-aimée toucha la poignée, quand il vit la noire silhouette déjà dressée sur le seuil, tout son pauvre corps n'eut qu'un cri : — Germaine!
G. BERNANOS, Sous le soleil de Satan, 1926, p. 104.
b) [Le subst. désigne un inanimé concr. ou abstr.] :
52. ... pendant ce temps-là, ces fleurs bien-aimées s'épanouissaient autour de nous.
A. DE MUSSET, La Mouche, 1854, p. 267.
53. La route était déserte, la campagne vide d'êtres, ils ne voyaient point à dix pas devant eux; ils allaient sereins et sûrs, dans la nuit bien-aimée.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, L'Adolescent, 1905, p. 325.
54. Ils sont sûrs de voir tantôt
S'avancer entre les rythmes
La démarche bien-aimée.
J. ROMAINS, La Vie unanime, 1908, p. 251.
55. Cette mauvaise foi, cette dureté que vous pressentez qui seront les vôtres et qui me valent déjà la sincérité affreuse et bien-aimée de votre dernière lettre ne seront jamais que la manifestation d'une « royauté ».
M. JOUHANDEAU, M. Godeau intime, 1926, p. 84.
56. J'attendrai la nuit, si je puis vivre encore, pour m'en aller un peu à pied sur la grand'route qui traverse notre village, enveloppé dans ma solitude bien-aimée, afin d'y reconnaître pourquoi je dois mourir.
A. DE SAINT-EXUPÉRY, Pilote de guerre, 1942, p. 272.
57. C'est assez curieux comme genre de préoccupations en ce moment de la vie, de ma vie, quand je ne pense qu'à lui, à mon malheur bien-aimé, et à tout ce que je ne peux coucher par écrit.
E. TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, p. 247.
Rem. Bien-aimé suivi d'un compl. prép. est rare :
58. ... tout est beau, harmonique, sérieux, grave et comme divin dans ce pays bien-aimé du soleil.
M. DU CAMP, Le Nil, Égypte et Nubie, 1854, p. 192.
2. Emphatique. [Antéposé au subst.]
a) [Le subst. désigne le plus souvent une pers., rarement une partie de l'être] :
59. Adieu, ma bien-aimée Joséphine. Tout à toi.
NAPOLÉON 1er, Lettres à Joséphine, 1806, p. 122.
60. Hier 23, jour anniversaire de la mort de Louise Fournier, ma bien-aimée femme, morte à Grateloup, le 23 octobre 1803.
MAINE DE BIRAN, Journal, 1814, p. 25.
61. « Ta lettre est bien triste, mon cher et bien-aimé père, elle m'a fait une vraie peine... »
J.-J. AMPÈRE, Correspondance, 1824, p. 271.
62. ... si tu as ouï, Raphaël, Gabriel, ou comme on t'appelle, — cela est écrit, — si ta naturelle ineptie t'a permis de pénétrer les suprêmes intentions de notre bien-aimée maîtresse, je t'enjoins en son nom de nous faire connaître ta résolution élective ou optative, qui ne me paraît pas difficile à prévoir.
Ch. NODIER, La Fée aux miettes, 1831, p. 134.
63. À mon bien-aimé frère Maurice (le 15 novembre 1834)
— Puisque tu le veux, mon cher Maurice, je vais donc continuer ce petit journal que tu aimes tant.
E. DE GUÉRIN, Journal, 1834, p. 3.
64. Ô mes bien-aimés paroissiens! Entrons sans délai dans les voies du salut ...
R. TŒPFFER, Nouvelles genevoises, 1839, p. 56.
65. Tout étant alors en ordre, les ducs employèrent « leurs chers et bien-aimés habitants de Phalsbourg à relever et rhabiller les remparts, à bâtir les deux portes d'Allemagne et de France en pierres de taille et roches ... »
ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, t. 1, 1870, p. 8.
66. Ô ma bien-aimée petite amie, nous retrouverons-nous jamais là-bas, — dans notre chère île, — assis le soir sur les plages de corail? ...
P. LOTI, Le Mariage de Loti, 1882, p. 288.
67. Voici le testament de ma bien-aimée mère : Je, soussignée, Anne-Catherine-Geneviève-Mathilde de Croixluce, épouse légitime de Jean-Léopold-Joseph-Gontran de Courcils, saine de corps et d'esprit, exprime ici mes dernières volontés.
G. DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Le Testament, 1882, p. 664.
68. ... Tant mieux pour les maîtres, et autant de gagné pour moi,
Puisque le triple-six me tombe de cette torche!
Ceci seulement! Soulever la bien-aimée main,
Avec cette main, du maître qui est là.
P. CLAUDEL, Agamemnon, trad. d'Eschyle, 1896, p. 864.
b) Rare. [Le subst. désigne un inanimé] :
69. Dors, mon bon poignard, dors, vieux compagnon fidèle,
Dors, bercé dans ma main, patriote trésor!
Tu dois être bien las? Sur toi le sang ruisselle,
Et du choc de cent coups ta lame vibre encor!
Suspendue à mon flanc, bien-aimée estocade,
Toujours tu sonneras... Je baise ton acier!
Et d'opimes joyaux, même dans la décade,
Couverte tu seras comme un riche coursier.
P. BOREL, Rhapsodies, 1831, p. 43.
70. Ses papillotes noires — ses pauvres bien-aimées papillotes qui n'ont pas changé de forme, mais qui sont, hélas! éclaircies et toutes blanches aujourd'hui — n'étaient alors mêlées d'aucun fil d'argent.
P. LOTI, Le Roman d'un enfant, 1890, p. 21.
B.— Emploi subst. [Ordin. avec un adj. poss.]
1. Au sing. masc. et surtout fém. [Fréquemment en emploi allocutif ou en apostrophe] :
71. Adieu, ma bien-aimée, un baiser sur ta bouche; un autre, sur ton cœur, et un autre sur ton petit absent.
NAPOLÉON Ier, Lettres à Joséphine, 1796, p. 43.
72. Chœur de femmes.
L'ombre des bois d'Aser est toute parfumée.
Quel est celui qui vient par le frais chemin vert?
Est-ce le bien-aimé qu'attend la bien-aimée?
Il est jeune, il est doux. Il monte du désert
Comme de l'encensoir s'élève une fumée.
Est-ce le bien-aimé qu'attend la bien-aimée?
V. HUGO, La Fin de Satan, Le Gibet de Jésus-Christ, 1885, p. 840.
73. Tel le poète que secoue l'inspiration, tel le compositeur qui improvise, tel, dans le lit, l'homme tenant la bien-aimée nue lui fait prendre la forme qu'il veut avec ses longues caresses tâtonnantes, tel Alban façonne le taureau, son élan et son âme, façonne la vie qui se dévore elle-même à mesure, dans l'ivresse et la douleur de la création.
H. DE MONTHERLANT, Les Bestiaires, 1926, p. 560.
[Dans la langue des mystiques, pour désigner Dieu] :
74. Rien ne saurait surpasser la douce clémence qui présida à l'origine de ces célestes communications. Un jour que la veuve affligée cherchait intérieurement son bien-aimé avec ferveur et anxiété, sans pouvoir le trouver, sa pensée vint s'arrêter sur les causes de la fuite de Jésus en Égypte, et elle conçut un vif désir d'en être instruite par quelque saint moine.
Ch. DE MONTALEMBERT, Histoire de sainte Élisabeth de Hongrie, 1836, p. 166.
2. Au plur.
[Pour désigner des membres de la famille, notamment les enfants] :
75. Il m'est survenu, comme Président de l'Institut, un petit travail qui me cloue ici. Dès que je serai libre j'irai tous vous voir et vous embrasser; j'en ai le désir autant que vous, mes bien-aimés.
V. HUGO, Correspondance, 1842, p. 592.
76. Les voilà! Ce sont mes deux bien-aimés, pour qui il faut bien que je me donne un peu de la peine. Tes enfants, Georges, et dis! Les miens aussi ...
P. CLAUDEL, L'Otage, 1911, I, 1, p. 221.
P. compar. [En parlant de choses] :
77. Plus tard, quand on n'y est plus, on s'aperçoit que ces rues vous sont chères, que ces toits, ces fenêtres et ces portes vous manquent, que ces murailles vous sont nécessaires, que ces arbres sont vos bien-aimés, que ces maisons où l'on n'entrait pas on y entrait tous les jours, et qu'on a laissé de ses entrailles, de son sang et de son cœur dans ces pavés.
V. HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 536.
Spéc. [En parlant des absents défunts ou en danger de mort] :
78. J'entendais tout à coup Édouard éclater en un long sanglot. Ces chants, ces modulations, ces plaintes musicales avaient fait tout à coup remonter à la surface de nos cœurs, saignantes et vives, des douleurs enterrées, et tous deux, nous repleurions nos bien-aimés.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, août 1874, pp. 991-992.
79. Mais nos amis disparus emportèrent avec eux, dans la mort, les poètes que nous avions chéris ensemble : à mesure que nous nous éloignions de notre jeunesse et des tombes où nos bien-aimés sont redevenus poussière, le souvenir de Maurice de Guérin pâlissait, s'effaçait.
F. MAURIAC, Journal 1, 1934, p. 90.
80. Lorsque, dans cet août glorieux de la délivrance, nous nous disions : « À Noël, peut-être ... » ce n'était pas ce sursaut redoutable de l'ennemi que nous envisagions, ni cette blessure rouverte au flanc de la Belgique, ni cette angoisse de la France sans armes. Nous songions au retour de nos bien-aimés, à une messe de minuit qui eût été une messe d'action de grâce, à tous ces rires, à toute cette joie, autour d'une table illuminée ...
F. MAURIAC, Le Baîllon dénoué, 1945, pp. 464-465.
Rem. 1. La présence d'un trait d'union souligne le caractère de syntagme figé de bien-aimé. Cependant, à l'intérieur de la période ici considérée, il est possible de relever sporadiquement des syntagmes moins figés, depuis l'emploi part.-passif :
81. Les morts doivent avoir été bien-aimés dans leur vie pour qu'à Paris, où tout le monde voudrait trouver une vingt-cinquième heure à chaque journée, on suive un parent ou un ami jusqu'au cimetière.
H. DE BALZAC, Le Cousin Pons, 1848, p. 294.
jusqu'au remplacement de bien par un autre adv. :
82. ... si je vaux quelque chose, c'est en raison de cette faculté panthéistique et aussi de cette âpreté qui t'a blessée. Allons, n'en parlons plus. J'ai eu tort, j'ai été sot. J'ai fait avec toi ce que j'ai fait en d'autres temps avec mes mieux aimés : je leur ai montré le fond du sac, et la poussière âcre qui en sortait les a pris à la gorge.
G. FLAUBERT, Correspondance, 1846, p. 239.
83. ... Et vois, moi, comme je souffre! Ô Violaine! Pourquoi as-tu fait cela? Ô ma très aimée, souillée de ce grossier péché!
P. CLAUDEL, La Jeune fille Violaine, 1re version, 1892, p. 517.
Rem. 2. L'anton. mal aimé, qui s'écrit sans trait d'union, semble de date plus récente (cf. F. MAURIAC, Les Mal Aimés, 1945), et peut être jalonné d'ex. qui illustrent sa lexicalisation progressive :
84. Elle était dans son droit, en rompant les liens qui la meurtrissaient.
— Ce n'est pas sa faute, pensait-il. C'est la mienne. Je l'ai mal aimée. Pourtant, je l'aimais bien. Mais je n'ai pas su l'aimer, puisque je n'ai pas su me faire aimer.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, Les Amies, 1910, p. 1233.
85. Mais la vaniteuse avait bien pu lui conter ses succès d'autrefois, et ce mal aimé est trop fier de nous donner à entendre qu'il l'a été au moins une fois d'une grande dame que de beaux esprits avaient tenu à honneur de courtiser.
J. GUÉHENNO, Jean-Jacques, En marge des « Confessions », 1948, pp. 44-45.
86. ... quand Zaza, au lieu de se comporter en membre du clan, se retrouvait tout juste elle-même, elle se découvrait un tas de défauts : elle était laide, disgraciée, peu aimable, mal aimée. Elle compensait par la raillerie ce sentiment d'infériorité.
S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 118.
Rem. 3. L'influence de la lang. biblique (Cantique des Cantiques et Évangile et Épître de saint Jean) est sous-jacente à plusieurs emplois et notamment aussi à la constr. bien-aimé de ... :
87. Quand on sort du théâtre d'art, on a envie d'appeler sa femme la bien-aimée de son âme et la bonne, fille de Jérusalem. Je trouve ça très dansant, le Cantique de Salomon.
J. RENARD, Journal, 1891, p. 104.
88. Venez, les bien-aimés de mon père et que celui qui a faim et soif boive et mange!
P. CLAUDEL, Processionnal pour saluer le siècle nouveau, 1910, p. 298.
Étymol. ET HIST. — Bien-aimé. 1. « aimé d'une affection particulière » a) 1417 adj. (G. DE BEAUCOURT, Hist. de Ch. VII, I, 437 ds DG : Chers et bien amez); 1554 cont. biblique (Bible, impr. à Lyon chez Ian de Tournes, Mat., III [17] : Cestuy est mon Filz bien aymé [Filius meus dilectus] auquel j'ay prins mon bon plaisir); rare dans la lang. littér. jusqu'au XVIIIe s.; cf. av. 1778 (VOLTAIRE, Mémoires pour servir à la vie de M. de Voltaire ds Dict. hist. Ac. fr. t. 2 1884, s.v. aimer : Ce fut pour cette action que le peuple de Paris donna à Louis XV le surnom de bien aimé); b) av. 1704 subst. (Bossuet ds Lar. 19e : Joseph et Benjamin étaient les bien aimés et toute la joie de Jacob); 2. « qui inspire une passion amoureuse » a) 1548 adj. (NOËL DU FAIL, Contes d'Eutrapel, II, p. 241 : La belle Œnone, ayant perdu son bien aimé Paris ...); b) 1554 subst. cont. biblique (même Bible, Cant., I [15] : Mon bien aymé [dilecte mi] est vers moy comme un saiscelet de myrrhe).
Composé de l'adv. bien et de aimé, part. passé de aimer.
STAT. — Fréq. abs. litt. :8 998. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 14 352, b) 12 614; XXe s. : a) 13 478, b) 11 154.

Encyclopédie Universelle. 2012.